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DE

LA COUR D'APPEL

DE BRUXELLES,

AVEC

Les Arrêts les plus remarquables des Cours
de Liége et de Trèves,

ET

Quelques remarques sur des points essentiels de
jurisprudence et de procédure civile;

PAR MM. FOURNIER et J. TARTE,
Jurisconsultes.

PREMIER VOLUME DE L'AN XIV

VII. DU RECUEIL.

1806,

A BRUXELLES,

DE L'IMPRIMERIE DE J. TARTE, RUE DES SABLES
OU DES CAPUCINES, N.o 1043.

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DE

LA COUR D'APPEL
DE BRUXELLES,

Avec les Arrêts les plus remarquables des
Cours de Liége et de Trèves.

DESAVEU d'enfant par un des époux.
Légitimité. Code civil.

UN époux peut-il, dans les derniers momens de sa vie, désavouer un enfant, dont son épouse est enceinte, et qui n'est venu au monde qu'après la mort du mari, mais est né avant le cent quatrevingtième jour à dater du mariage?

Pareil désaveu est-il suffisant, sans le concours d'autres preuves, pour faire déclarer l'enfant illégi

time?

Les héritiers de l'époux ont-ils, de leur chef, le droit de désavouer le même enfant ?

Cour

CES questions, qui touchent l'état des personnes, et par cette raison, si intéressantes, ont été décidées, pel de avec quelques autres d'un intérêt moins majeur, par

Tome 1, n.o 1.

1

la Cour d'Appel de Liége, le 12 fructidor an XIII, dans la cause célèbre de monsieur ét madame Degrady, contre madame Jeanne-Victoire-Susanne Degrady et le tuteur de son enfant.

La jurisprudence, introduite par le code civil, ne perimet pas de confondre deux espèces très-distinctes: celle d'un enfant conçu pendant le mariage, et celle d'un enfant conçu avant le mariage.

On tomberait dans une grande erreur, si l'on vou. lait poser en principe, que dans l'un et l'autre cas, la réclamation du mari ne peut être admise, qu'autant qu'elle serait motivée sur une impossibilité physique de cohabitation.

La volonté du législateur, et la disposition précise de la loi ont établi entr'eux une très-grande différence : l'article 312 du code concerne l'enfant conçu pendant le mariage; et l'article 314 concerne l'enfant conçu avant le mariage. Dans le premier cas, le mari, qui veut désavouer l'enfant dont sa femme est enceinte, doit prouver, que pendant le temps qui a couru depuis le trois centième jusqu'au cent quatre-vingtième jour avant la naissance de cet enfant, il était, soit à cause de l'éloignement, soit par l'effet de quelqu'accident, dans l'impossibilité physique de cohabiter avec sa femme dans le second cas, l'art. 314 n'exige du mari aucune preuve; la loi se contente de la seule expression de sa volonté; du désaveu.

La raison de cette différence est bien simple: dans la première hypothèse, la présomption est en faveur de la femme; dans la seconde, elle est en faveur du mari.

La sagesse des législateurs leur fait toujours pré

sumer l'innocence; et, entre les présomptions, cellelà tient sans contredit le premier rang; de là, cette maxime consacrée, gravée même dans l'enceinte de nos tribunaux : Tout homme est présumé innocent, jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable.

C'est aussi sur cette présomption qu'est fondée la fameuse règle Pater is est quem nuptiæ demonstrant; règle consignée dans l'article 312 du code : L'enfant conçu dans le mariage a pour père le mari.

En effet, dès que l'enfant est conçu pendant le mariage, si le mari de sa mère n'en est point le père, la mère a violé la foi conjugale ainsi, désavouer

cet enfant, c'est, de la part du mari, intenter virtuellement contre son épouse, l'accusation d'adultère; accusation terrible, qui ne peut être accueillie, si elle n'est appuyée sur des preuves évidentes, parce que, jusqu'à ce que ces preuves soient fournies, la loi présumera toujours l'innocence de la mère, et, par une conséquence nécessaire, la légitimité de l'enfant ; et voilà pourquoi l'article 312 impose au mari, qui voudrait désavouer l'enfant conçu pendant le mariage, l'obligation de prouver que, pendant le temps qui correspond à celui de la conception, il était dans l'impossibilité physique de cohabiter avec sa femme.

Mais, dans le cas contraire; dans le cas où l'enfant a été conçu avant le mariage, la chose se présente sous un tout autre aspect: cette présomption d'innocence s'évanouit pour la mère, et elle vient au secours du mari.

Cet enfant est évidemment le fruit d'un commerce illégitime, le résultat d'une faute grave commise par la mère; mais cette faute, aucun homme, pas même

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