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de le reprendre? Qui est-ce qui vous empêche de traiter avec un autre marchaud de ce genre, pour qu'il me fasse faire des teintures dont il vous remettra le prix ? Après tout, il y a entre nous un contrat; vous vous êtes engagé à me donner des étoffes à teindre; vous vous êtes donc obligé à avoir toujours de ces étoffes, tant que nos comptes ne seraient pas soldés. Il n'a pas pu dépendre de Vous de résilier cet engagement : il a fait partie de notre traité; sans cette clause, j'aurais acheté votre indigo beaucoup moins cher.

Sentence du 2 mars 1792, qui ordonne que la clause du marché du 11 juillet 1769, relative au Paiement en teintures, sera exécu

tée selon sa forme et teneur.

Appel par Delecourt au parlement de Douai. Voici, en substance, ce que je disais pour établir le bien jugé :

« 10 Tout contrat fait par une personne capable, qui ne blesse point les bonnes mœurs, qui ne contrarie point le droit public, doit être exécuté.

» 2o Un débiteur ne peut être forcé de payer autre chose que ce à quoi il s'est obligé, et il y en a deux raisons: la première, c'est que le contrat parle pour lui; la seconde, que sa condition est favorable, et que la loi penche toujours à son avantage.

» A ces raisons se joint un arrêt du 25 juillet 1766, rendu entre Étienne Desruelles et Daniaux lui-même, confirmatif d'une sentence consulaire de Lille, du 11 juin précédent, dans la même espèce que celle-ci.

» En 1765, vente d'indigos pour le prix de 12,000 florins; convention d'en payer la moitié en lettres de change sur Paris, l'autre moitié en teintures. Paiement des lettres de change: teintures faites pour mille florins: prétention de Desruelles de recevoir le surplus en argent sentence et arrêt qui le déboutent ».

Ces moyens ont triomphe. Par arrêt du 23 mars 1782, la sentence a été confirmée avec amende et dépens.

S. II. 10 Les Paiemens faits par un héritier aux légataires et aux légitimaires, sont-ils, dans tous les cas, définitifs à l'égard des créanciers de la succession? Ou bien ceux-ci peuvent-ils en exiger le rapport, lorsque la succession ne suffit pas pour les payer eux-mêmes ?

2o Y a-t-il, à cet égard, quelque différence entre les Paiemens faits par

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En 1773, Joseph Rouy meurt, laissant un testament par lequel il lègue à ses enfans Jeanne-Marie, Jean-Pierre, Marie et Michel-Joseph, chacun la somme de 10,000 livres, pour leur tenir lieu de légitime et de tous autres droits paternels, en quoi, dit-il, je les institue pour mes héritiers particuliers. Par le même acte, il institue Jean-Baptiste Rouy, son fils aîné, héritier universel du surplus de ses biens.

Jean-Baptiste Rouy accepte son institution universelle, et paie à sa sœur JeanneMarie Rouy, femme Lacoste, les 10,000 livres qui lui étaient léguées. Ensuite, il fait mal ses affaires, et ses biens sont vendus par décret, à la requête de ses créanciers. MichelJoseph Rouy et Marie Rouy, femme Rouquette, sont colloqués dans l'ordre pour le montant de leurs legs.

Les choses en cet état, Anne Buisson, héritière d'Étiennette Sable, poursuit l'adjudicataire des biens de Jean-Baptiste Rouy, en Paiement des 2,400 livres portées dans l'obligation du 28 novembre 1772; mais elle est d'opposition au décret qui, par ce moyen, déboutée, parcequ'elle n'avait pas formé avait purge les biens de toute hypothèque.

Elle se pourvoit contre Michel-Joseph Rouy, la dame Rouquette et la dame Lacoste, et demande qu'ils soient condamnés solidairement à lui payer cette somme, en qualité de co-héritiers de Jean-Baptiste Rouy, leur frère aîné, ou que du moins ils soient tenus de rapporter, jusqu'à la concurrence de ce qui lui est dû par la succession de leur père, le montant de ce qu'ils ont reçu à titre de legitime ou de legs.

Le 19 messidor an 10, jugement du tribunal de première instance de Bayonne, qui lui adjuge ses conclusions subsidiaires.

Appel à la cour de Pau.

Le 17 thermidor an 11, arrêt par lequel, « Considérant qu'il résulte du testament de Joseph Rouy, qu'il institua Jean-Baptiste Rouy, son fils aîné, pour son héritier général et universel; qu'en conséquence, celui-ci

recueillit l'entière succession à ce titre; que les actions actives et passives de l'hérédité passant sur sa tête, Anne Buisson ne pouvait agir que contre lui; qu'elle rendit elle-même hommage à ce principe, en exerçant contre l'adjudicataire par décret des biens de JeanBaptiste Rouy, une action hypothécaire dont ces biens étaient affranchis par la consomma. tion de ce décret, dans lequel elle ne se présenta pas pour l'allocation de sa créance; que l'action engagée aujourd'hui contre les appelans, est d'autant plus mal fondée, qu'il n'est pas établi que deux d'entre eux, c'està-dire, Joseph-Michel Rouy et la dame Rouquette, aient été payés de leur légitime ; qu'à l'égard de la dame Lacoste, elle le fut en deniers qui pouvaient ne pas dépendre de la succession paternelle, circonstance dans tous les cas indifférente par les raisons préalléguées;

» Le tribunal dit qu'il a été mal jugé, bien appelé...., et relaxe les appelans des demandes d'Anne Buisson.... ».

Celle-ci se pourvoit en cassation.

«< Elle soutient (ai-je dit à l'audience de la section des requêtes, le 2 prairial an 12) que les enfans puînés de Joseph Rouy auraient dû, soit comme héritiers institués à titre particulier, soit comme légitimaires, soit comme légataires, être condamnés au Paiement de sa créance; et que la cour d'appel de Pau n'a pu les en décharger, nonobstant la triple qualité qui les y assujétissait, sans violer les lois romaines dont se composait, à l'époque du décès de leur père, le droit écrit de la ville de Bayonne.

» A cet égard, nous observerons d'abord que la qualité d'héritiers institués à titre par ticulier et celle de légataires ne formaient réellement, pour les enfans puînés de Joseph Rouy, qu'une seule et même qualité.

» Sans doute, si, après avoir institué ses enfans puînés, chacun dans une somme de 10,000 livres, Joseph Rouy n'eût pas institué son fils aîné Jean-Baptiste dans l'universalité, ou même seulement dans une quote de ses biens, ses enfans puînés auraient, par cela seul, été considérés comme ses héritiers proprement dits, et leur institution particulière se serait convertie en institution universelle; ainsi l'avaient réglé la loi 1, §. 4, D. de heredibus instituendis, et la loi 41, §. dernier, D. de vulgari et pupillari substitutione, qui n'étaient en cela que les corollaires de la maxime du droit romain, suivant laquelle un homme ne pouvait pas décéder partim testatus, partim intestatus.

Mais Joseph Rouy ayant institué son fils aîné Jean-Baptiste héritier universel, en même temps qu'il'instituait ses enfans puînés chacun dans une somme de 10,000 livres, ceux-ci n'ont pu devenir par là que simples légataires; et ils n'ont pu, comme tels, être soumis aux obligations inhérentes au titre d'héritier. C'est ce que décide la loi 13, de heredibus instituendis, au Code : Quoties certi quidem ex certá re scripti sunt heredes, vel certis rebus pro suá institutione contenti esse jussi sunt, quos LEGATARIORUM LOCO HABERI CERTUM EST, alii verò ex certá parte, vel sine parte, qui pro veterum legum tenore ad certam unciarum institutionem referuntur : eos tantummodò omnibus hereditariis actionibus uti, vel conveniri decernimus, qui ex certá parte vel sine parte scripti fuerint, nec aliquam diminutionem earumdem actionum, occasione heredum ex certá re scriptorum, fieri,

>> Nous devons donc faire ici, relativement aux enfans puînés de Joseph Rouy, une abstraction complète de la qualité d'héritiers institués, et ne considérer en eux que les titres de légitimaires et de légataires.

» Ces deux titres ont cela de commun, qu'ils ne peuvent avoir d'effet utile qu'après la distraction des dettes de l'hérédité sur laquelle ils doivent s'exercer. Jamais les légitimaires ni les légataires ne peuvent concourir avec les créanciers de la succession; ceux-ci, au contraire, sont toujours préférés à ceux-là. Il n'est point de principe plus certain dans toute la jurisprudence.

» Mais de ce principe résulte-t-il qu'un créancier puisse répéter contre les légitimaires et les légataires, ce qui leur a été délivré ou payé par l'héritier universel, soit à titre de légitime, soit à titre de legs? Il faut distin

guer.

» Si, en Paiement de leurs légitimes ou de leurs legs, les légitimaires et les légataires ont reçu de l'héritier des immeubles sur lesquels le créancier avait hypothèque avant l'ouverture de la succession, il est incontestable que le créancier peut intenter contre eux l'action bypothécaire.

» Mais qu'arrivera-t-il, si les légitimaires et les légataires ont reçu de l'héritier, soit des meubles, des effets mobiliers, de l'argent comptant, soit des immeubles non hypothequés à la dette du créancier? Il faut encore distinguer.

» Ou l'hérédité était insolvable, lorsqu'elle s'est ouverte ; ou elle suffisait alors pour faire face à toutes les dettes, à toutes les légitimes, à tous les legs.

» Au premier cas, le créancier peut forcer

✓ les legitimaires et les légataires au rapport de ce qu'ils ont reçu; et il a contre eux, pour les y obliger, le choix entre deux actions: l'une, que les lois romaines appellent Pauliane ou révocatoire; l'autre, qu'elles qualifient de Con. dictio indebiti.

>> Ils ont contre eux l'action Pauliane, par. ceque cette action a lieu contre tout donataire, même à cause de mort, que le défunt a gratifié au-delà de son actif; et que respectivement au donataire, on n'examine pas, comme on le fait par rapport à un acquéreur à titre onéreux, si c'est de bonne ou de mauvaise foi qu'il a reçu ce qui lui a été donné au préjudice des créanciers: Simili modo dicimus (ce sont les termes de la loi 6, §. 11, quæ in fraudem creditorum, au digeste), et si cui donatum est, non esse quærendum an sciente eo cui donatum est, gestum sit ; sed hoc tantùm an fraudentur creditores? Nec videtur injuriá affici is qui ignoravit, cùm lucrum extorqueatur, non damnum infligatur.

>> Voilà pourquoi, ajoute le §. 13 de la même loi, si un héritier nécessaire (c'est-à-dire, un esclave, que son maître avait institué, et qui ne pouvait ni renoncer ni s'abstenir, ce qui était toujours le signe certain et légal d'une succession en déconfiture), si un héritier nécessaire a commence par payer les legs, et qu'ensuite les biens de l'hérédité viennent à être vendus par décret, les légataires peuvent être contraints par les créanciers non payés, au rapport de ce qu'ils ont reçu, même de très-bonne foi: Item si necessarius heres legata præstiterit, deindè ejus bona venierint, Proculus ait, etiam si ignoraverint legatarii, tamen utilem actionem dandam ; quod nequaquàm dubium est.

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se présenteront; il peut même acquitter les legs, soit en effets héréditaires, soit avec le prix qu'il tirera de la vente de ces effets. Et si præfatam observationem inventarii faciendi solidaverint, hereditatem sine periculo adeant....; ut in tantum creditoribus hereditariis teneantur, in quantum res substantiæ ad eos devolute valeant ; et eis satisfaciant qui primi veniant creditores : et si nihil reliquum est, posteriores venientes repellantur ; et nihil ex suá substantiá penitùs heredes amittant.... sed et si legatarii intereà venerint, eis satisfaciant ex hereditate defuncti, vel ex ipsis rebus, vel ex earum forsitan venditione.

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» Mais, continue le §. 5, les légataires ainsi payés au préjudice des créanciers qui ne s'étaient pas présentés avant l'épuisement total de l'actif de la succession, ne sont pas, pour cela, à l'abri des recherches et des poursuites de ceux-ci: ceux-ci peuvent, au contraire, revenir contre eux ou par l'action hypothécaire, s'il leur a été délivré des biens hypothéqués aux dettes non encore acquittées, ou par l'action nommée Condictio indebiti; et les obliger, soit par l'une, soit par l'autre voie, au rapport de ce qui leur a été délivré ou payé : Licentiá creditoribus non denegandá adversùs legatarios venire, vel hypothecis, vel indebiti condicione uti, et hæc quæ acceperint recuperare; cùm satis absurdum sit creditoribus quidem jus suum persequentibus legitimum auxilium denegari, legatariis verò qui pro lucro certant, suas partes leges accommodare.

» Il y a plus, dit encore le §. 6 de la même loi: si, parmi les créanciers qui ont été payés par l'héritier bénéficiaire, il s'en trouve de postérieurs en ordre d'hypothèque aux créanciers qui ne l'ont pas été, ils peuvent être contraints par ceux-ci à rapporter ce qu'ils ont reçu; et cela, soit au moyen de l'action hypothécaire qui a lieu lorsque l'héritier leur a donné en Paiement des biens de la succession, soit au moyen de l'action appelée en droit Condictio ex lege, lorsqu'ils ont touché de l'argent comptant: Sin verò heredes res hereditarias creditoribus hereditariis pro debito dederint in solutum, vel per dationem pecuniarum satis eis fecerint, liceat aliis creditoribus qui ex anterioribus veniunt hypothecis, adversùs eos venire, et à posterioribus creditoribus secundùm leges eas abstrahere, vel per hypothecariam actionem vel per condictionem ex lege.

» Vous voyez, Messieurs, que, dans le cas dont s'occupe cette loi, c'est-à-dire, dans le cas où une, succession a été recueillie par b béné fice d'inventaire, il n'y a aucune différence

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PAYEMENT, §. II.

entre le créancier qui a été payé avant un autre par lequel il eût dû être précédé, et le légataire qui a été payé avant un créancier quelconque. Tous deux doivent rapporter même l'argent comptant qu'ils ont reçu. Pourquoi cela? Parceque l'héritier bénéficiaire n'est, à proprement parler, qu'un administrateur; parcequ'étant comme le receveur de tous les créanciers et légataires de la succession, qui sont tous réputés en diligence au moyen de la caution qu'il a donnée à tous, il ne touche rien de la succession qu'il ne soit censé le toucher pour chacun d'eux, et en Paiement ou diminution de la part qui appar tiendra à chacun d'eux dans la distribution des biens; qu'ainsi, ce qu'il paie à chacun d'eux, il est censé ne le payer que sous là condition du rapport de ce qui serait revenu à chacun d'eux dans cette distribution.

>> Mais, nous l'avons déja dit, la loi que nous venons de rappeler, ne dispose ainsi que relativement aux créanciers et aux légataires payés avant leur rang légitime, par un heritier bénéficiaire; et telle n'est point l'espèce de la cause actuelle. Ce n'est point comme héritier bénéficiaire, que Jean-Baptiste Rouy a accepté la succession qui était débitrice d'Anne Buisson : il l'a acceptée comme héritier pur et simple; c'est comme héritier pur et simple, qu'il a payé les 10,000 livres léguées à Jeanne Rouy, femme Lacoste ; et c'est, comme créanciers (en vertu de leurs legs) d'un héritier pur et simple, que Joseph-Michel Rouy et Marie Rouy, femme Rouquette, se sont fait colloquer dans l'ordre de ses biens vendus par décret. Or, peut-on étendre à un cas semblable, la disposition de la loi citée ? Peut-on faire un crime à la cour d'appel de Pau de n'avoir pas donné une pareille extension à

cette loi?

>> Cette loi, nous devons le répéter, assimile, quant au rapport réclamé ici par Anne Buisson, le créancier au légataire; elle établit entre eux une parfaite identité; et par conséquent, pour qu'elle fût applicable à un légataire payé par un héritier pur et simple, il faudrait qu'elle le fût également à un créancier qu'un héritier pur et simple aurait payé. » Notre question revient donc à celle ci: en supposant que les enfans puines de Joseph Rouy eussent été créanciers non hypothécaires ni privilégiés de la succession de leur père, et que leur frère Jean-Baptiste eût soldé leurs créances, Anne Buisson serait-elle en droit de leur faire rapporter ce qu'ils auraient reçu? Or, qui oserait soutenir l'affirmative? Un pareil système trouverait sa réfutation dans sa seule absurdité.

» Et qu'on ne dise pas que, si la loi citée fait marcher de front le légataire et le créancier de la succession bénéficiaire, ce n'est pas une raison pour assimiler l'un à l'autre, le légataire et le créancier de la succession acceptée purement et simplement. Qu'on ne dise pas que la maxime, bona non intelliguntur nisi deducto ære alieno, a lieu dans la succession acceptée purement et simplement, comme dans la succession bénéficiaire. Qu'on ne dise pas que, par l'effet de cette maxime, le legataire ne peut, dans l'une comme dans l'autre succession, être payé qu'après le créancier ; et que par conséquent, dans l'une comme dans l'autre, le créancier peut obliger au rapport, le légataire qui a été payé avant lui.

» Ces objections vont disparaître devant trois principes bien connus.

» D'une part, toute succession qui a été acceptée purement et simplement, est, par cette seule raison, juridiquement présumée suffisante pour en remplir toutes les charges, et conséquemment pour en acquitter tous les legs, comme toutes les dettes; et c'est d'après cette présomption de droit, que l'héritier pur et simple est tenu indéfiniment envers les légataires, aussi bien qu'envers les créanciers, sans pouvoir opposer à ceux-là plus qu'il ne le peut à ceux-ci, la maxime, bona non intelliguntur nisi deducto ære alieno.

» D'un autre côté, par l'acceptation pure et simple d'une succession, l'héritier fait sien tout ce qui la compose; les biens qui en proviennent, ne sont plus les biens du défunt; ce sont les biens de l'héritier personnelle

ment.

» Enfin, par son acceptation pure et simple, l'héritier contracte avec les légataires, comme avec les créanciers, l'obligation de les payer intégralement. Les légataires deviennent donc, dès-lors, les créanciers personnels de l'héritier; et dès-lors aussi, il n'existe plus de différence entre eux et les créanciers de la succession, sauf que si, parmi ces deniers, il en est qui avaient une hypothèque avant la mort de leur débiteur primitif, ils la conser

vent.

>> De ces trois principes, il résulte bien clairement que l'héritier pur et simple qui paie un legs, paie sa propre dette, ni plus ni moins que s'il acquittait une obligation contractée par le défunt; il en résulte qu'en payant le legs, c'est de ses biens propres qu'il est censé le payer; il en résulte qu'en payant le legs, il est censé avoir pardevers lui des fonds suffisans pour payer en même temps les dettes qu'il a trouvées dans la succession;

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pour tout dire, en un mot, il en résulte que le Paiement d'un legs fait, en cet état, par l'héritier pur et simple, doit être entièrement assimile aux Paiemens que fait de ses det tes personnelles, un débiteur qui jouit de tous ses droits, un débiteur qui n'est point en faillite.

» Donc le légataire qui a reçu son legs des mains de l'héritier pur et simple, ne peut pas plus être recherche par les créanciers de la succession, qu'un créancier chirographaire de la succession ne pourrait l'être par un de ses co-créanciers; pas plus qu'un créancier chirographaire d'un négociant ne pourrait l'être par un autre créancier du même individu qui ne se présenterait qu'après la faillite de leur débiteur commun.

» Donc Anne Buisson n'a pas plus d'action contre les enfans puinés de Joseph Rouy, pour leur faire rapporter les legs qu'ils ont reçus de leur frère Jean-Baptiste, qu'elle n'en a contre les créanciers chirographaires de la succession que Jean-Baptiste a pu payer avant sa déconfiture; pas plus qu'elle n'en a contre les créanciers personnels de Jean-Baptiste, que celui-ci a pu, avant la même époque, payer des deniers de la succession même.

» Donc il a été bien jugé par la cour d'appel de Pau.

» Ce n'est pas qu'Anne Buisson n'eût pu se faire payer, même sur les deniers et les meubles de la succession, avant les enfans puînés de Joseph Rouy; elle avait, pour y parvenir, une voie toute simple: il lui suffisait de demander la separation du patrimoine du défunt d'avec le patrimoine de l'héritier : les lois romaines lui en donnaient le droit; mais elle ne l'a pas fait : elle a négligé cette voie, comme elle a omis de faire, pour la conservation de son hypothèque, les actes que lui prescrivait la loi; elle ne peut donc imputer qu'à elle-même le non Paiement de sa créance.

» Eh! Le moyen, après cela, d'accueillir sa demande en rapport contre les enfans puines de Joseph Rouy? Quelle loi invoquera-t-elle à l'appui de cette demande ?

pré

» Invoquera-t-elle la loi qui soumet à l'action Pauliane ou révocatoire, les legs faits par un débiteur insolvable? Mais Joseph Rouy n'est pas mort en état d'insolvabilité; sa succession a été acceptée purement et simplement; et non seulement elle est, dès là, sumée avoir suffi au Paiement de toutes les dettes dont elle était grevée, mais Anne Buisson elle-même a fortifié cette présomption de droit, elle l'a rendue elle-même inexpugnable, en omettant de recourir au bénéfice de séparation.

» Invoquera-t-elle la loi qui assujétit au rapport, envers le créancier non payé, le légataire paye prématurément par l'héritier bénéficiaire? Mais ce n'est pas un héritier bénéficiaire qui a payé les enfans puînés de Joseph Rouy : ils ont été payés par un héritier pur et simple; et encore une fois, l'héritier pur et simple qui paie un legs, est absolument à l'instar du débiteur qui paie ses dettes personnelles : le premier payé, en ce cas l'est irrévocablement : jura vigilantibus sub

veniunt.

» Ainsi, point de loi qui puisse être récla mée à l'appui de la demande d'Anne Buisson, et par conséquent nulle possibilité d'accueillir cette demande.

» Anne Buisson n'est cependant pas la première qui ait élevé une prétention de ce genre. Mais ceux qui lui en ont donné l'exemple, n'ont pas été plus heureux qu'elle.

» Ecoutons Basset, dans son recueil d'arrêts du parlement de Grenoble, tome 2, page 311: Martin Couland, apothicaire, légua par son testament 3,000 livres à Ennemond, son fils, ensemble toutes les drogues et instrumens de sa boutique, et il institua son fils Aimé son héritier. Après la mort de ce testateur, son héritier traita avec tous les créanciers et légataires, retrancha 600 livres sur le légat d'Ennemond, et lui paya les 2,400 livres restantes. Cependant Sarrazin, créancier de 3,000 livres du défunt et de son héritier, se contenta de retirer ses intérêts, sans demander son capital. Aimé Couland, fils et héritier de Martin, vint à mourir, laissant une fille son héritière, qui accepta sa succession avec inventaire : ce qui ayant donné quelque appréhension à Sarrazin de n'y pas trouver son compte, et que sa dette pouvait devenir périlleuse par le mauvais état des affaires de cette hoirie, il s'avisa de convenir ledit Ennemond, légataire, à ce qu'il eût à lui rendre la somme de son légat, et soutenait qu'il était antérieur, que son débiteur n'avait pu léguer à son préjudice, ni rendre sa condition détérieure par cette donation. Au contraire, Ennemond disait que le légat à lui fait et payé, était un meuble qui n'avait pas de suite d'hypothèque, qu'il n'avait usé de dol ni de fraude en cette occasion. Par sentence du juge de Grenoble, Sarrazin fut débouté ; et par arrêt de la chambre de l'édit, en l'audience du 13 juillet 1638, la sentence fut confirmée.

» Salviat, page 291, rapporte un acte de notoriété de l'ordre des avocats, au parlement de Bordeaux, du mois de janvier 1704, par lequel il est attesté qu'on distingue l'héritier

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