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vigueur de la Peine de l'amende de 500 francs portée dans l'art. 4 du réglement de 1723, contre ces dernières contraventions;

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» Et attendu, en fait, qu'il a été reconnu tant par le jugement du tribunal correction. nel de la Seine, que par l'arrêt de la cour royale qui en a adopté les motifs et les dispositions, que Nadau a exercé la profession de libraire sans être muni d'un brevet, et ce en contravention des art. 11 et 12 de la loi du 21 octobre 1814; qu'il devait donc, d'après l'art. 2 de cette loi, être poursuivi comme passible de l'amende portée en l'art. 4 du réglement de 1723;

» Que cependant le tribunal correctionnel de la Seine a renvoyé Nadau de la prévention d'avoir, en contravention à l'art. I de la loi du 21 octobre 1814, exercé la profession de libraire sans brevet, sur le motif que ladite loi ne contenait aucune disposition pénale à cet égard, et que les peines portées en l'art. 4 du réglement du 18 février 1723 ne peuvent être appliquées aujourd'hui, en raison de ce que ce réglement, abrogé par la loi du 17 mars 1791, n'aurait été depuis remis en vigueur par aucune disposition législative; que la cour royale, en adoptant les motifs et le dispositif de ce jugement, s'en est approprié les vices, en quoi elle a fait une fausse appli. cation de ladite loi du 17 mars 1791, et violé les art. 11, 12 et 21 de la loi du 21 octobre 1814, et par suite, l'art. 4 du réglement du 28 février 1723;

» D'après ces motifs, la cour, après en avoir délibéré en la chambre du conseil, reçoit Nadau partie intervenante, et statuant tant sur son intervention que sur le pourvoi du procureur général en la cour royale de Paris, casse et annulle l'arrêt rendu par ladite cour royale, le 19 août dernier, dans la disposition qui met au néant l'appel du ministère public, du jugement rendu par le tribunal correctionnel de Paris, le 4 juin précédent.... (1) ».

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Cet arrêt a été suivi de deux autres du 22 janvier et d'un troisième du 19 mars 1824, qui, dans les mêmes circonstances et par les mêmes motifs, ont cassé, le premier, un arrêt de la cour royale de Lyon; le second, un jugement en dernier ressort du tribunal correctionnel de Toulon, et le troisième, un jugement en dernier ressort du tribunal correctionnel de Saint-Mihiel, par lesquels des

(1) Bulletin criminel de la cour de cassation, tome 27,page 401.

TOME XI.

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libraires de Lyon, de Draguignan et de Barle-Duc avaient été déchargés des poursuites intentées contre eux par le ministère public pour avoir exercé leur profession sans brevet du roi. Mais il est à remarquer qu'il y avait, entre ces espèces et celle de l'arrêt de cassation du 4 octobre 1822, une différence qui pouvait être fort importante, et qui cependant n'avait été relevée ni par les prévenus, ni par la cour et le tribunal qui les avaient acquittés: c'est que l'édit du mois d'août 1686, duquel seul l'art. 4 dụ tit. 2 de l'arrêt du conseil du 28 février 1723 tirait toute son autorité législative, n'avait été rendu, ni pour la ville de Lyon, ni pour celle de Draguignan, ni pour celle de Bar-le-Duc, mais seulement pour celle de Paris.

Que sont devenues, dans les cours royales auxquelles ces quatre arrêts de cassation en avaient fait le renvoi, les affaires qu'ils avaient pour objet? Je l'ignore, quant à celles du sieur Nadau, du libraire de Lyon et du libraire de Bar-le-Duc; mais celle du libraire de Draguignan ayant été portée devant la cour royale de Nîmes, le sieur Teste (c'était le nom de ce libraire ) s'y est prévalu, indépendamment des moyens qu'il avait employés pour sa défense devant le tribunal correctionnel de Toulon, de ce que, ni l'arrêt du conseil du 28 février 1723, ni aucune loi antérieure dont il ne fût que l'écho, n'avaient été enregistrés au parlement d'Aix dans le ressort duquel était placé la ville de Draguignan.

En conséquence, il est intervenu à la cour royale de Nîmes, le 25 mars 1824, un arrêt qui a prononcé dans le même sens que le jugement du tribunal correctionnel de Toulon,

«Attendu qu'il ne suffit pas qu'un fait soit illicite et prohibé, pour qu'il puisse être puni; qu'il faut encore qu'une Peine soit déterminée par une disposition législative, pour qu'elle soit infligée par les juges qui ne peuvent, en aucun cas, suppléer à la loi, même l'interpréter;

ni

» Que toute loi cesse d'être obligatoire, qu'elle est détruite et anéantie, lorsqu'elle a été expressément révoquée par une loi postérieure, et que les Peines portées par la loi ainsi abrogée ne peuvent être remises en vigueur et reprendre leur empire que lorsqu'elles sont rétablies par les dispositions expresses d'une loi nouvelle;

» Attendu que l'art. 11 de la loi du 21 octobre 1814, disposant que nul ne sera imprimeur ni libraire, s'il n'a été breveté par le

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roi et assermenté, ne prononce aucune Peine en cas de contravention;

le

» Que la Peine d'une amende de 500 francs ne peut être appliquée en vertu de l'art. 4 du reglement du 28 février 1723, cité par ministère public, et qui punissait de cette amende, de la confiscation et de punition exemplaire, tout individu faisant commerce de livres sans être muni d'un brevet ou permission; qu'en effet, en considérant comme loi le réglement du 28 février 1723, qui n'avait été ni publié ni enregistré par les anciennes cours, qui fut seulement inséré dans un arrêt du conseil d'état, et dont l'exécution fut exclusivement confiée aux lieutenans généraux de police et aux anciens intendans de province, on ne peut s'empêcher de reconnaître que les dispositions pénales de l'art. 4 de ce réglement ne doivent recevoir aucune application, parcequ'elles avaient été abrogées, non seulement par l'art. 7 de la loi du 17 mars 1791, qui proclamait le libre exercice de toute profession, mais encore de la manière la plus expresse par l'art. 2 de la même loi, qui avait nommément supprimé tous brevets et priviléges de profession;

» Attendu que les Peines portées par l'art. 4 du réglement du 28 février 1723, n'ayant été rétablies ni même rappelées dans les lois et ordonnances qui ont de nouveau soumis l'exercice de la librairie à l'obligation d'un brevet; et ces lois et ordonnances n'ayant ellesmêmes établi aucune Peine contre l'infraction de l'art. 11 de la loi du 21 octobre 1814, les premiers juges n'ont pu prononcer contre Teste une condamnation à l'amende de 500 francs; d'où il résulte évidemment la nécessité de confirmer leur décision ».

Cet arrêt a été frappé d'un nouveau recours en cassation qui a été porté devant les chambres réunies sous la présidence de M. le garde-des-sceaux; et voici ce qui a été dit de plus remarquable, au nom du sieur Teste, pour le défendre:

« 1o Le réglement de 1723 n'était oblipas gatoire dans le ressort du parlement d'Aix : en effet, ce réglement est un arrêt du conseil ; or, un arrêt du conseil n'était pas par lui même un acte de législation; pour le devenir, il aurait fallu qu'il fût revêtu de lettres-patentes; et, dans ce cas, il n'eût été obligatoire que dans le ressort des parlemens où il aurait été enregistré. Ce point de droit public est incontestable. Les arrêts du conseil dépourvus de lettres patentes, n'étaient que des actes particuliers de la juridiction du conseil, non obligatoires pour les citoyens, au moins en tant qu'il s'agissait de pénalités.

Prétendra-t-on que la librairie est une matière sur laquelle le conseil avait juridiction? Le préambule du réglement lui-même prouve le contraire, puisqu'il porte que S. M. avait fait présenter au parlement une déclaration sur la librairie et l'imprimerie; et que S. M., informée que ce réglement avait fourni matière à plusieurs observations, l'avait fait retirer, ce qui avait donné lieu de le rédiger en forme d'arrêt du conseil.... D'après cela, on n'est pas étonné de ce qu'il n'a pas été imprimé dans une forme officielle, et de ce qu'il n'a pas été enregistré, ni à l'époque où il fut rendu, ni depuis, dans aucun parlement (1). Si l'on objecte que cet arrêt s'appuie sur les lois antérieures, il faudrait rapporter ces lois.. (2).

(1) Le sieur Teste aurait pu ajouter que cela est attesté pour le parlement de Paris, par Denisart, au mot Imprimeur, no 18.

(2) M. le procureur général Mourre a combattu ce moyen de deux manières.

Il a commencé par soutenir que l'arrêt du conseil du 28 février 1723, n'était qu'un renouvellement « d'une infinité d'édits, de déclarations, de lettres>> patentes et d'arrêts de réglement des cours souve

raines »; et pour le prouver, il a cité Guenois, tome 2, page 1092, Brillon, tome 3, pages 715 et suivantes, et l'édit du mois d'août 1686. « Cet édit

(a-t-il ajouté) a été enregistré au parlement de Pa>> ris, le 21 du même mois. Nous avons vérifié nous>> mêmes l'enregistrement sur les minutes du parle»ment. Il n'y a pas la moindre raison de soupçonner l'édit n'ait pas été enregistré dans toutes les » cours. Du reste, comme l'opposition d'un parle>> ment serait un fait extraordinaire, ce serait à la >> partie qui voudrait s'en prévaloir, à rappor»ter un certificat de non-enregistrement ».

» que

Mais, d'abord, comment cet édit aurait-il pu être adressé à d'autres cours souveraines que le parlement de Paris et enregistré par elles? Il ne concernait que les imprimeurs et libraires de Paris même ; et c'est précisément comme portant réglement pour la communauté des imprimeurs et libraires de Paris, que Brillon l'indique, tome 3, page 717.

En second lieu, parmi les nombreux édits et réglemens législatifs qui, avant l'arrêt du conseil du 28 février 1723, avaient été rendus sur les imprimeurs et libraires des autres villes, y en avait-il un seul qui, à l'instar de l'art. 6 de celui qui avait été rendu pour Paris en 1686, subordonnât l'exercice de ces professions à l'obtention préalable d'un brevet du roi? M. le procureur général Mourre n'en signale aucuu; il se borne à renvoyer à Guenois et à Brillon. Je ne suis pas à portée de consulter le premier de ces auteurs; mais le second, que j'ai sous les yeux, ne contient pas un mot d'où l'on puisse induire que la règle prescrite par l'art. 6 de l'édit du mois d'août 1686, pour l'exercice des professions de libraire et d'imprimeur dans la ville de Paris, fût commune aux imprimeurs et aux

libraires des autres villes. Je suis done autorisé à

» 20 Le réglement de 1723 ou 1744, lors même qu'il aurait été obligatoire dans le royaume, a été formellement abrogé. Cette abrogation résulte de la loi du 17 mars 1791.

On a prétendu que cette loi ne contenait pas une abrogation expresse, et qu'on pouvait simplement l'induire de l'art. 7, qui donne le droit à toute personne d'exercer tel négoce, telle

croire que Guenois n'est pas cité plus exactement que Brillon.

Il est vrai que l'arrêt du conseil du 24 mars 1744, en reconnaissant qne celui du 28 février 1723 n'avait été fait que pour la librairie et l'imprimerie de la ville de Paris, l'a étendu à toutes les villes du royaume où il se fait un commerce de livres et où il y a des imprimeries établies, par la raison que ses dispositions étaient fondées en grande partie sur plusieurs réglemens antérieurs qui avaient été faits pour tout le royaume. Mais il ne résulte certainement point de là que l'art. 4 du tit. 2 du réglement de 1723 fût au nombre de ces dispositions; et quand il s'agit d'appliquer une peine, ce n'est point sur des peut-être que l'on peut se fonder: il faut citer et transcrire littéralement la loi qui en ordonne l'application.

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M. le procureur général Mourre a ensuite soutenu que le réglement de 1723 avait par lui-même toute l'autorité d'une loi : « Si le roi s'est contenté (a » il-dit) d'un arrêt du conseil, c'est qu'il considérait » la matière comme étant du ressort de la police; c'est >> ce qui est prouvé par l'article final de l'arrêt dans » lequel S. M. déclare que, si aucunes oppositions ou empéchemens étaient formés au présent régle»ment, elle s'en réserve la connaissance, et icelle » interdit à toutes ses cours et autres juges. Aussi, >> quatre mois après, le roi rendit un second arrêt par » lequel il attribua au lieutenant de police à Paris la >> connaissance de tout ce qui concernait l'exécution » du réglement, sauf l'appel au conseil ; enfin, par » un 3e arrêt du 24 mars 1744, il rendit exécutoire » pour toute la France, le réglement de 1723, et » chargea les lieutenans généraux de police de s'y >> conformer. Si donc le réglement concernait une » matière qui était du ressort de la police, il n'avait » pas besoin d'être enregistré. Pourquoi, dès-lors, les » tribunaux actuels ne pourraient-ils l'appliquer? » Les institutions nouvelles ont changé la compé»tence; la juridiction ordinaire succède aux lieute>> nans-généraux de police et au conseil d'état; mais >> cette juridiction doit prendre la législation telle » qu'elle était et devait être ; elle doit donc appliquer >> un réglement qui n'avait pas besoin d'être en>> registré, comme elle ne devait pas exécuter celui » qui devait l'être et qui ne l'aurait pas été. Mais s'il >> fallait écarter le réglement de 1723, on retombe>> rait dans les anciennes ordonnances, et notamment » dans celle du août 1686 ». 9 Mais, qu'il me soit permis de le dire, il y a, 'tout cela, presque autant d'erreurs que de mots.

dans

1o Ce qui prouve incontestablement que cet arrêt avait besoin, en tant qu'il ajoutait aux lois précédem. ment enregistrées, du concours de toutes les formalités législatives pour acquérir lui-même l'autorité d'une loi, c'est que le roi l'avait d'abord adressé au parlement de Paris, et qu'il ne l'avait retiré que pour se débarrasser des observations que cette cour

se préparait à lui faire sur plusieurs de ses articles.

2o De ce que la matière de ce réglement était du ressort de la police, s'ensuivait-il qu'elle pût être réglée par un simple arrêt du conseil? Non assurément, puisque les tribunaux étaient appelés à connaître des matières de police comme de toute autre, et qu'ils ne pouvaient y statuer que conformément aux lois revêtues du sceau de l'enregistrement.

3o Qu'importe que, par le dernier article de l'arrêt du conseil du 28 février 1723, il soit dit que, si aucunes oppositions ou empêchemens étaient formés au présent réglement, S. M. s'en réserve la connaissance, et icelle interdit à toutes ses cours et autres juges? Cette formule se trouvait dans presque tous les arrêts du conseil rendus en forme de réglement; et il n'en était pas moins de règle constante, sous l'aneien régime, que ces arrêts ne faisaient loi qu'autant qu'ils étaient enregistrés dans les cours souverai

nes.

4° Qu'importe encore que, quatre mois après, il soit intervenu un second arrêt qui attribuait au lieutenantgénéral de police de Paris la connaissance de tout ce qui concernait l'exécution du réglement, sauf l'appel au conseil ?

N'identifions pas, dans cet arrêt, les deux dispositions dont il se composait.

Celle qui attribuait au lieutenant-général de police de Paris la connaissance de tout ce qui concernait l'exécution du réglement, n'avait d'autre défaut que d'être surérogatcire; car elle n'était que la conséquence naturelle de l'édit du mois de mars 1667, enregistré au parlement de Paris le 15 du même mois, qui, en disjoignant l'office de lieutenant - général de police de Paris, de celui de lieutenant civil du châtelet, rangeait expressément dans les attributions du premier, le droit exclusif de connaître des contraventions qui seraient commises à l'exécution des ordon nances, statuts et réglemens faits pour le fait de l'imprimerie, par les imprimeurs en impression des livres et libelles défendus, et par les colporteurs à la distribution et vente d'iceux.

Mais qu'était la disposition qui réservait au conseil la connaissance des appels qui seraient interjetés des sentences du lieutenant-général de police? Rien autre chose qu'une dérogation arbitraire et illégale à la maxime reconnue de tout temps et, encore un mois après, par les art. 12 et 16 du tit. 17 de l'ordonnance du mois d'avril 1667, que les tribunaux supérieurs ordinaires étaient seuls compétens pour recevoir les appels des sentences rendues en fait de police; et assurément si les tribunaux étaient, de fait, forcés de souffrir cette dérogation, elle ne pouvait pas moins les obliger de reconnaître pour loi le réglement dont elle avait l'exécution pour objet.

du

50 Qu'importe également qu'en étendant ce réglement à tout le royaume, l'arrêt du conseil du 24

profession que bon lui semblera en prenant patente. C'est une erreur : l'abrogation explicite du réglement résulte de l'art. 2, portant que les brevets, les lettres de maîtrise, etc., sont supprimés. Il n'y a eu qu'une abrogation momentanée, poursuit-on, parceque la loi de 1791 ayant supprimé les brevets, les réglemens qui s'y rapportaient ont dû cesser d'être exécutés; mais dès qu'une loi postérieure a rétabli les brevets, les réglemens anciens qui avaient pour objet d'appliquer la pénalité

mars 1744 ait chargé les lieutenans-généraux de lice des villes de province, de s'y conformer?

po

D'une part, cette injonction n'était pareillement, pour ces officiers, que la conséquence de l'édit du mois d'octobre 1699 (enregistré au parlement de Paris le 16 du même mois), qui, en les créant à l'instar du lieutenant général de police de Paris, avait aussi compris dans leurs attributions la connaissance des contraventions qui seraient commises à l'exécution des ordonnances, statuts et réglemens faits pour le fait de la librairie et imprimerie.

D'un autre côté, l'arrêt du conseil du 24 mars 1744, en étendant ce réglement à tout le royaume, n'avait pas rendu commune aux lieutenans-généraux de police des villes de province, la disposition de celui qui avait réservé au conseil le jugement des appels qui seraient interjetés des sentences rendues par le lieutenant-général de police de Paris en matière d'imprimerie et de librairie. Il avait donc, de fait comme de droit, laissé ces appels sous l'empire du droit commun. Or, le droit commun quel était-il à cet égard? On l'a déjà vu par les art. 12 et 16 du tit. 17 de l'ordonnance de 1667: ces appels ne pouvaient être portés que devant les tribunaux supérieurs ordinaires ; et ce qui prouve d'une manière sans réplique que les sentences rendues sur le fait de l'imprimerie et de la librairie par les lieutenans - généraux de police des villes de province, étaient comprises dans cette règle générale, c'est que, par la déclaration du roi du 28 décembre 1700, enregistrée au parlement de Paris le février 1701, et par celle du 6 août 1701, enregistrée en la même cour le 19 du même mois, il avait été fait, sur la question de savoir si les appels des sentences rendues par ces officiers sur toutes les matières classées dans leurs atttributions par l'édit du mois d'octobre 1699, devaient être portés immédiatement devant les cours souveraines, sans passer préalablement par l'intermédiaire des bailliages et sénéchausssées, des distinctions qui supposaient nécessairement qu'il n'appartenait qu'aux unes ou aux autres de recevoir et de juger ces appels.

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Mais de là ne résulte-t-il pas évidemment que les lieutenans-généraux de police des villes de province, ne pouvaient, même sur le fait de l'imprimerie et de la librairie, reconnaître pour lois des arrêts du conseil non revêtus de lettres patentes enregistrées? Et n'est-il pas clair comme le jour que, s'ils s'étaient avisés de prendre l'arrêt du conseil du 28 février 1723 pour base des condamnations qu'ils auraient prononcées contre des imprimeurs ou des libraires, leurs sentences

aux infracteurs, ont dû revivre. Ce raisonnement implique contradiction; si le réglement pénal était inconciliable avec la loi de 1791, il a cessé d'avoir une existence. S'il a conservé une existence, il pouvait être appliqué, et il n'y avait pas abrogation. Or, on avoue qu'il y a eu abrogation. On a dit que le réglement sommeillait. Mais une loi ne peut sommeiller. Elle existe ou elle n'existe pas; et une loi n'existe pas, lorsqu'elle est inconciliable avec une autre loi sur cette matière (1),

auraient été réformées par les tribunaux supérieurs ordinaires auxquels ceux-ci en auraient appelé?

6o Que devient d'après cela le système de M. le procureur général Mourre sur la prétendue nécessité où sont aujourd'hui les tribunaux ordinaires d'appliquer aux imprimeurs et libraires des villes autres que celle de Paris, qui exerceraient leur profession sans brevet du roi, la disposition pénale de l'art. 4 du tit. 2 de l'arrêt du conseil du 28 février 1723? Les institutions nouvelles, dit-il, ont changé la compétence : la juridiction ordinaire succède aux lieutenans de police et au conseil d'état ; mais cette juridiction doit prendre la législation telle qu'elle était et devait étre; elle doit donc appliquer un réglement qui n'avait pas besoin d'être enregistré, comme elle ne devrait pas faire exécuter celui qui devait l'étre et qui ne l'aurait pas été. Or, on vient de voir qu'il était impossible aux lieutenans - généraux de police des villes de province de soustraire à l'appel devant les tribunaux supérieurs ordinaires, les jugemens qu'ils rendaient sur le fait de l'imprimerie et de la librairie, et par conséquent de prendre pour base légale de ces jugemens la disposition pénale de l'art. 4 du tit. 2 du réglement de 1723. Donc, même d'après le principe de M. le procureur général Mourre, les tribunaux actuels, en succédant à la juridiction des lieutenans-généraux de police des villes de province, ont succedé à leur impuissance d'appliquer légalement cette disposition. Donc ils ne doivent ni ne peuvent y avoir aucun égard. Donc tout ce qu'on pourrait à toute force conclure du système de M. Mourre, c'est que cette disposition serait du moins applicable aux imprimeurs et libraires de Paris, si elle n'avait pas été abrogée par la loi du 17 mars 1791.

(1) Le sieur Teste aurait pu fortifier ce raisonnement par les quatre arrêts rendus sur mes conclusions, le 8 septembre 1809. En effet, les dispositions de l'or donnance de 1669 et du réglement du 1er mars 1757 qui défendaient aux propriétaires de bois d'abattre aucun arbre futaie sans en avoir prévenu l'adminis ́tration des forêts six mois à l'avance, n'avaient cessé d'être exécutées et de pouvoir l'être, que parceque l'art. 6 du tit. 1er de la loi du 15-29 septembre 1791 avait déclaré chaque propriétaire de bois libre de les administrer et d'en disposer comme bon lui semblerait. S'est-on avisé pour cela de dire que ces dispositions n'avaient fait que sommeiller pendant tout le temps que l'article cité de la loi du 15-29 septembre 1791 avait été en vigueur? S'est-on avisé pour

» 3o La loi du 21 octobre 1814 a-t-elle fait revivre le réglement de 1723? Oui, dit-on, parceque cette loi a rétabli les brevets de libraire, et a ordonné de poursuivre ceux qui seront en contravention avec ses dispositions. Mais c'est le décret du 5 février 1810, qui a rétabli les brevets, sans statuer de Peine, quoiqu'il ordonne de poursuivre les contrevenans; et cependant on n'a jamais pensé à considérer le réglement de 1723 comme remis en vigueur par ce décret (1); on le repoussait, au contraire, à cette époque. En 1814, on

cela de prétendre que cet article ne les avait pas abrogées, en prenant ce mot dans toute son énergie? Et la cour de cassation en a-t-elle moins jugé, non seulement qu'il les avait nécessairement abrogées, mais encore que, si l'art. 9 de la loi du 9 floréal an II avait renouvelé les prohibitions qu'elles prononçaient, elle n'avait pas du moins renouvelé la sanction pénale qu'elles y ajoutaient; et que, dès-lors, les tribunaux ne pouvaient en réprimer l'infraction par aucune peine?

(1) J'ajoute à ce que dit ici le sieur Teste, une observation tranchante. Le décret du 5 février 1810 avait été rendu pour tous les pays qui formaient alors le territoire français; et l'insertion qui en avait été faite au Bulletin des lois, l'avait rendu exécutoire dans tous ces pays. Il devait donc être entendu et exécuté dans tous ces pays d'une manière uniforme; et il était, dès-lors, bien impossible que l'on y sous-entendît, pour quelques uns de ces pays, ce qu'il était impossible d'y sous-entendre pour d'autres. Or, à cette époque, le territoire de la France se composait, non seulement de ses départemens actuels, mais encore de la partie cis-rhénane de l'Allemagne, du pays de Liége, de la Belgique, de la Savoie, du comté de Nice, du Piémont, des états de Gènes, de Parme et de Plaisancé, de la Toscane; et parmi toutes ces contrées, il n'y en avait pas une seule dans laquelle les arrêts du conseil des 28 février 1723 et 24 mars 1744 eussent été publiés même irrégulièrement, et où par conséquent ils pussent être connus d'une manière tant soit peu officielle. Qu'aurait donc fait le décret dont il s'agit, si, par son silence sur la peine à appliquer aux contraventions que pourraient éprouver ses art. 5 et 29, il eût été censé se référer aux dispositions de l'un et de l'autre réglement? Bien certainement il aurait restreint l'application de cette peine aux contraventions qui seraient commises dans l'ancien territoire français; et il en aurait dispensé celles qui le seraient dans les pays réunis à ce territoire depuis 1789, c'est-à-dire, celles qu'il importait peut-être le plus de réprimer. Mais tombe-t-il sous le sens qu'il eût voulu établir une différence aussi choquante entre les diverses parties d'un seul et même tout, tandis que, par son insertion pure et simple au bulletin des lois, il annonçait si clairement une intention contraire; tandis que, s'il eût voulu infliger une peine quelconque à l'infraction de ses art. 5 et 29, il eût été si naturel qu'il le déclarât en termes exprès, et d'une manière uniforme pour les imprimeurs et libraires de

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En effet, si, par son silence sur la peine à appliquer aux contraventions qu'il pourrait éprouver, l'art. 11 de cette loi était censé se référer à l'art. 4 du tit..2 de l'arrêt du conseil du 28 février 1723, ce ne pourrait du moins être que pour les parties actuelles du territoire français où cet arrêt a été publié d'une manière quelconque. Or, il ne l'a certainement été, à l'époque dont il porte la date, ni en Lorraine ni en Corse, puisque ces deux pays n'ont été réunis à la France que dans la seconde moitié du 18e siècle; et

à qui persuadera-t-on que cette loi ait voulu punir, dans 81 départemens de la France, des contraventions qu'elle aurait nécessairement laissées impunies dans les départemens de la Meurthe, des Vosges et de la Corse?

Ce n'est pas tout. Une publication quelconque dans les 81 autres départemens, n'aurait pas suffi pour y imprimer à l'art. 4 du tit. 2 de l'arrêt du conseil du 28 février 1723, le sceau de l'autorité législative: il n'aurait pu y acquérir le caractère de loi que par l'enregistrement qu'en auraient fait les cours souveraines. A la vérité, il était suppléé au défaut de cet enregistrement par celui que le parlement de Paris avait fait de l'art. 6 de l'édit du mois d'août 1686; mais ce n'était que pour les imprimeurs et libraires de la capitale; et il n'existe aucune preuve qu'il eût été également suppléé, pour les imprimeurs et libraires des autres villes, par l'enregistrement de lois semblables. Que signifierait donc la prétendue relation implicite de l'art. 11 de la loi du 21 octobre 1814 à l'art. 4 du tit. 2 de l'arrêt du conseil du 28 février 1723? Elle signifierait que la disposition pénale de ce dernier article ne serait applicable qu'aux imprimeurs et libraires de Paris; elle signifierait par conséquent une chose absurde.

D'ailleurs, ce qui achève de démontrer qu'il était loin de la pensée des rédacteurs de la loi du 21 octobre 1814, de se référer à la disposition pénale de l'art. 4 du tit. 2 de cet arrêt, c'est qu'il n'en a pas été dit un mot dans l'exposé fait à la chambre des députés, par le ministre de l'intérieur, des motifs de cette loi, comme on peut s'en convaincre par le Moniteur. Enfin, que peut-on sérieusement répondre à ce

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