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sant que d'ailleurs il y soit recevable et fondé; enfin, que, si en rapportant ledit jugement, les droits et actions personnelles des cit. Derff et Beaussacq restent entiers, il n'en serait pas de même à l'égard des dames Paysant et Dubosquier, dont les intérêts seraient évidemment lésés, en laissant subsister le jugement en question, lorsque la partie au profit de laquelle il est rendu, consent à l'abandonner, et a même un intérêt direct à le faire;

» Le tribunal, sans s'arrêter à la fin de non-recevoir proposée par les cit. Derff et Beaussacq, en accordant acte aux dames Paysant et Dubosquier des déclarations et renonciations faites et passées au nom de la république, et ayant égard à l'appel interjeté par elles du jugement du 28 messidor an 8, faisant droit sur ledit appel, et vu ce qui résulte des conclusions prises, au nom de la république, sur icelui, reformant ledit juge ment au chef qui déboute les appelantes de leur tierce Opposition contre celui du 14 frimaire an 8, déclare ladite tierce-Opposition bien fondée; ce faisant, rapporte ledit jugement, et le déclare non-avenu, sauf aux cit. Derff et Beaussacq à former de leur chef toutes et telles demandes qu'ils aviseront bien, soit par rapport à la nullité du contrat du 3 novembre 1791, soit relativement à la résiliation d'icelui, tous moyens et exceptions tendantes au contraire, réservées; dépens compensés entre parties ».

Antoine Darfeuil se pourvoit en cassation contre cet arrêt. Il fonde sa demande sur cinq

moyens:

1o Contravention à l'art. 1er du tit. 35 de l'ordonnance de 1667, qui défend de rétracter, autrement que par lettres en forme de requête civile, les jugemens en dernier ressort, à l'égard de ceux qui y ont été parties, et de leurs héritiers ou ayant-cause;

2o Contravention aux ordonnances de 1510, 1535 et 1560, relatives à l'exécution des contrats et transactions, et à l'art. 5 du tit. 27 de l'ordonnance de 1667, sur l'exécution des jugemens passés en force de chòse jugée;

3o Contravention à l'art. 40 de la loi du 28 mars 1793, et à l'art. 244 de la coutume de Normandie;

4o Contravention à la loi sur l'organisation judiciaire, qui veut qu'en toute affaire, il n'y ait que deux degrés de juridiction; et déni de justice, résultant du refus de statuer en cause d'appel, sur la demande jugée en première instance;

5o Enfin, excès de pouvoir et contravention à toutes les lois, qui défendent aux tribunaux

d'entreprendre sur les attributions des corps administratifs.

« Les cinq moyens que vous propose le demandeur (ai-je dit, en portant la parole sur cette affaire) ne méritent pas tous une égale attention: il en est plusieurs qui tombent, pour ainsi dire, d'eux-mêmes.

» Tel est celui qui tend à accuser le tribunal d'appel de Caen de déni de justice, en ce qu'au lieu de statuer sur les demandes respectivement formées à ce que le contrat de vente de la terre de Quesnay fût exécuté, et à ce qu'il fût déclaré nul, ce tribunal s'est borné à réserver au cit. Darfeuil-Derff la faculté de se pourvoir en nullité ou en résiliation.

» Le tribunal d'appel de Caen n'avait à juger que deux questions: la première, si le jugement du ci-devant tribunal civil du département du Calvados, du 14 frimaire an 8, devait être rétracté au moyen de la tierceOpposition des dames Paysant et Dubosquier, ou s'il devait être maintenu; la seconde, si la république pouvait renoncer à son action eu nullité du contrat de vente du 3 novembre 1791 et au jugement qui s'en était ensuivi.

» Eh bien! Ces deux questions, il les a jugées; il les a jugées définitivement, il les a jugées sans réserve. Il a donc, à cet égard, rempli sa tâche entière.

statue sur la demande en nullité du contrat » S'il n'a pas été plus loin, s'il n'a pas

de vente, dans l'intérêt et en faveur du cit. Darfeuil-Derff, c'est que le cit. DarfeuilDerff n'avait pas formé cette demande; c'est que cette demande n'existait point de la part du cit. Darfeuil-Derff; c'est que, relativement à l'action en nullité du contrat de vente, le cit. Darfeuil-Derff n'avait jamais joué d'autre rôle que celui de défendeur, et que cette action étant abandonnée par la république; il ne restait plus rien à juger à cet égard.

» A la vérité, le cit. Darfeuil-Derff soutient que la république n'a pas pu, dans l'état où se trouvaient alors les choses, abandonner son action en nullité de la vente; mais c'est là une autre question qui n'a rien de commun avec le prétendu déni de justice, et qui appartient tout entière au moyen tiré de la violation du contrat judiciairement formé entre la république et le cit. DarfeuilDerff, lors du jugement du 14 frimaire an 8, moyen que nous nous réservons de discuter dans un instant et qu'il ne faut pas déplacer.

» C'est encore dans le même moyen que rentre celui que le cit. Darfeuil-Derff prétend faire résulter de l'art. 40 de la loi du 28 mars

r

1793 et de l'art. 244 de la coutume de Normandie.

» Il est évident, en effet, et vous l'avez décidé de la manière la plus positive par un jugement du 24 germinal an 4, rapporté en entier dans le Bulletin civil du tribunal, que la république seule est recevable à faire valoir la nullité prononcée par l'art. 40 de la loi du 28 mars 1793 (1).

D'ailleurs, le gouvernement a-t-il désavoué la lettre du cit. Regnier? A-t-il désavoué les conclusions prises en conséquence par le préfet du département du Calvados ? Et n'estce pas un principe élémentaire, que l'officier charge de représenter une partie devant un tribunal, est censé, jusqu'à désaveu formé et juge, suivre en tous points les instructions de cette partie? Et ce principe que les tribunaux appliquent tous les jours aux avoués des citoyens, pourrait-on ne pas l'appliquer également aux avoues de la république, c'est-àdire, aux préfets?

» Il n'est pas moins constant, et le texte même de l'art. 224 de la coutume de Normandie prouve, que l'enfant à qui a été faite la promesse de garder, a seul qualité pour invoquer la nullité résultant de l'infraction » Abandonnons donc les moyens que tire de cette promesse; et puisque, dans notre le demandeur, soit du prétendu déni de jusespèce, la république se trouve aux droits tice dont il se plaint, soit d'une pretendue de cet enfant, il est clair comme le jour contravention à la loi du 28 mars 1793 et à la que, si l'infraction de cette promesse a pro-entreprise sur les attributions de l'autorite coutume de Normandie, soit d'une prétendue duit une action en nullité, cette action n'appartient et ne peut appartenir qu'à la république. Il est donc incontestable république aurait dans le principe, repu, noncer à son action en nullité; et par conséquent, la question n'est pas de savoir si cette action a été, dans le principe, bien ou mal fondée, mais uniquement de savoir si la renonciation de la république à cette action était encore admissible à l'époque où elle a eu lieu.

que

la

» Quant au moyen tiré d'une prétendue entreprise de la part du tribunal d'appel de Caen sur les droits de l'autorité administrative, un mot suffit pour le réfuter complè

tement.

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» Les conclusions prises par le préfet du département du Calvados, devant le tribunal d'appel de Caen, étaient autorisées par une lettre du cit. Regnier conseiller d'État chargé du département des domaines nationaux. En écrivant cette lettre, le cit. Regnier était l'organe direct et immédiat du gouvernement; car dans le département des domaines nationaux, le cit. Regnier exerce un véritable ministère. Or, appartenait-il au tribunal d'appel de Caen, de dire que l'organe direct et immédiat des consuls sur cette partie, avait mal entendu leur arrêté du 27 nivose an 9; lui appartenait-il de dire que les consuls n'avaient pas autorisé le cit. Regnier à ajouter par sa lettre à leur arrêté? Et s'il l'eût fait, ne vous croiriez-vous pas obligés de casser son jugement pour excès de pouvoir ?

(1) V. les conclusions du 17 août 1809, rapportées à l'article Mort civile, S. 3.

administrative; et fixons-nous sur les deux seuls moyens qui étaient dignes d'être présentés à vos méditations, sur les deux moyens qui résultent, l'un, de ce que les dames Paysant et Dubosquier ont été reçues tiercesopposantes au jugement du 14 frimaire an 8; l'autre, de ce que, d'après leur tierce-Opposition, le jugement du 14 frimaire an 8 a été pleinement rétracté.

» Le premier de ces moyens repose sur un sacré par votre jugement du 12 fructidor principe que vous avez solennellement conan 9, entre les cit. Leforestier et Godet, et qui est aujourd'hui au-dessus de toute espèce de contradiction: c'est qu'un créancier, même hypothécaire, n'est pas recevable à attaquer par tierce-Opposition le jugement rendu avec son débiteur, sur la propriété du bien qui sert de gage à sa créance.

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>> Mais ce principe reçoit-il ici une application bien directe; et n'y a-t-il pas, dans l'espèce, des circonstances qui doivent la faire excepter de la règle générale ? Voilà ce que vous avez à examiner sur le premier moyen du demandeur.

» Les dames Paysant et Dubosquier prétendent d'abord que la question de savoir si leur tierce-Opposition était recevable, avait été décidée à leur avantage par le jugement de première instance, et que le demandeur n'en ayant pas appelé à cet égard, le tribunal d'appel s'est trouvé forcé, en les considérant comme, valablement opposantes, de faire droit sur. le fond de leur Opposition. C'est aussi par ce motif, que le tribunal d'appel s'est déterminé à rejeter la fin de non-recevoir que leur objectait le demandeur.

» Mais il est très-permis de douter que le jugement de première instance ait, en effet,

déclare recevable la tierce-Opposition des dames Paysant et Dubosquier. Il porte, à la vérité: reçoit lesdites dames opposantes pour la forme, et sans égard à ladite Opposition dont elles sont déboutées, ordonne que le jugement du 14 frimaire an 8 sera exécuté. Mais recevoir une Opposition pour la forme, est-ce repousser, est-ce proscrire la fin de non-recevoir qui s'élève contre cette Opposition? Non; et la preuve en est que, tous les jours, nous voyons des jugemens recevoir une Opposition pour la forme, et cependant la déclarer non-recevable; comme tous les jours, nous voyons des jugemens recevoir l'intervention d'une partie, et sans s'arrêter à cette intervention dans laquelle ils la déclarent non-recevable, ne prononcer au fond qu'entre les parties primitives; comme tous les jours, nous voyons des jugemens faire droit sur un appel, et déclarer l'appelant non-recevable à appeler. Ces sortes de formules, qui sont de pur style, ne jugent rien; elles annoncent seulement que l'on va juger, soit en statuant sur une fin de non-recevoir, soit en statuant au fond.

» Les dames Paysant et Dubosquier soutiennent, en second lieu, qu'elles n'auraient pu être non-recevables à attaquer par tierceOpposition le jugement du 14 frimaire an 8, qu'autant qu'elles n'eussent pas dû être parties dans ce jugement, qu'autant que ce jugement eût pu être rendu régulièrement, sans qu'elles fussent appelées dans la procédure; et c'est un principe qu'il est impossible de leur contester car le fondement de la tierce-Opposi tion est, non seulement que celui qui la forme, n'a pas été partie au jugement qu'il attaque, mais encore qu'il a dû l'être; et autant de fois qu'un jugement est rendu sans que tous ceux qui doivent y être parties, ne le sont pas, et n'ont pas été dûment cités, autant de fois il y a ouverture à la tierceOpposition.

» Mais il s'agit de savoir si, dans le fait, les dames Paysant et Dubosquier ont dû être parties dans le jugement du 14 frimaire an 8; et l'affirmative ne paraît pas susceptible de difficulté.

» Quel était l'objet du jugement du 14 frimaire an 8? C'était de décider si le contrat de vente du domaine de Quesnay devait être executé, ou s'il y avait lieu de l'an

nuler.

» Or, cette question, avec qui devait-elle être jugée? Elle devait l'être incontestablement avec tous ceux envers lesquels le contrat de vente était obligatoire, ou au profit desquels il en était résulté, par stipulation ex

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presse,

des droits, des actions quelconques. » Elle devait l'être, par conséquent, avec la dame Paysant, puisqu'elle était devenue partie au contrat de vente, par le moyen de la ratification qu'elle en avait faite devant notaires, le 25 février 1792.

» Elle devait l'être aussi avec la dame Dubosquier, puisque la dame Dubosquier avait stipulé, dans la transaction du 30 juin de la même année, confirmative du contrat de vente, par le ministère de son mari, qui certainement avait qualité pour cela; puisque, par cette transaction, elle avait acquis sur le cit. Darfeuil-Derff, une action pour le recouvrement de ses deniers dotaux, et que le cit. Darfeuil-Derff s'était formellement obligé de les lui garantir jusqu'à concurrence de la portion du prix dont il resterait redevable après le prélèvement des créances antérieures aux priviléges et hypothèques; puisque, par là, le cit. Darfeuil Derff était devenu son débiteur direct et personnel; puisqu'enfin, le contrat de vente ne pouvait pas être annulé, sans que la transaction le fût aussi ; et qu'il ne pouvait pas être au pouvoir du cit. Darfeuil-Derff de se délier, envers la dame Dubosquier, et à son insu, des obligations qu'il avait contractées envers elle par la transaction.

» Les dames Paysant et Dubosquier ne devaient donc pas être considérées dans cette affaire comme de simples ayant-cause, soit du cit. Dupont père, mari de la première, soit du cit. Dupont fils, mari de la seconde, et par conséquent de la république qui les représentait tous deux dans l'instance. Elles devaient être considérées comme ayant acquis, par les actes confirmatifs du contrat de vente, des actions personnelles contre le cit. Darfeuil-Derff, par conséquent comme les créancières directes de celui-ci, comme fondées à le poursuivre jure suo; et, sans contredit', c'en était assez pour qu'on dût les appeler au jugement du contrat de vente et des actes qui l'avaient suivi; c'en était assez pour qu'à défaut d'avoir été appelées, elles eussent la voie de la tierce-Opposition, pour revenir contre le jugement.

» Mais, et c'est ici que se présente le deuxième moyen de cassation du cit. Darfeuil-Derff, quel devait être, relativement au jugement du 14 frimaire an 8, l'effet de la tierce-Opposition des dames Paysant et Dubosquier.

» A cet égard, il est un principe dicté par la saine raison, fondé sur le texte même des lois qui établissent l'autorité de la chose jugée,

et consacré spécialement par le jugement que vous avez rendu, sections réunies, le 15 pluvióse an 9, au rapport du cit. Pajon....

» Le jugement du 14 frimaire an 8 n'aurait donc pu être rétracté, sur la tierce Opposition des dames Paysant et Dubosquier, qu'à l'égard, au profit et pour l'intérêt des dames Paysant et Dubosquier elles-mêmes.

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Cependant il l'a été, même à l'égard, au profit et pour l'intérêt de la république; car, non seulement le tribunal d'appel de Caen l'a purement et simplement rapporté, non seulement il l'a purement et simplement déclaré comme non avenu (termes qui bien sûrement n'en laissent rien subsister en faveur d'aucune des parties); mais, ce qui prouve invinciblement qu'il a entendu le rétracter à l'égard de la république elle-même, c'est que, relative ment à la république, il a motivé ce prononcé, sur ce qu'il est loisible à une partie de renoncer à l'avantage d'un jugement rendu à son profit, et sur ce que, dans le fait, la déclaration que faisait la république, de s'en rapporter à justice, équivalait à une renonciation au jugement du 14 frimaire an 8.

» Comment, dès - lors, ne pas dire ici avec votre jugement du 15 pluviose an 9, sections réunics, que l'on n'a pas pu étendre ainsi les effets de la tierce-Opposition et de la rétractation qui s'en est ensuivie, sans violer ouvertement le principe de l'autorité de la chose jugée, établi les lois romaines, et par consacré la disposition particulière de l'art. 5 du tit. 27 de l'ordonnance de 1667?

par

» Les dames Paysant et Dubosquier, et avec elles le prefet du Calvados, répondent qu'il était libre à la république de renoncer au jugement du 14 frimairę an 8;` et en effet, ajoutent-ils, cela ne résulte-t-il pas de la maxime, que chacun peut renoncer à ce qui

est introduit en sa faveur?

» Non, nous devons le dire sans hésiter: non, telle n'est point la conséquence de cette maxime; non,, la république ne pouvait pas renoncer, malgré le cit. Darfeuil-Derff, à un jugement qui était devenu la proprieté de celui-ci, comme de la république elle-même.

» C'est un principe universellement reconnu, que l'on peut s'obliger en justice comme pardevant notaires: Nam sicut in stipulatione contrahitur, ità in judicio contrahi: proindè non originem judicii spectandam, sed ipsam judicati velut obligationem. Ce sont les termes de la loi 3, §. 11, D. de peculio.

» De là, l'autorité irrefragable qu'attribue l'acquiescement des parties aux jugemens su

jets par eux-mêmes à l'appel. L'art. 5 du tit. 27 de l'ordonnance du 1667 est là-dessus très-formel; et vous savez qu'il n'est que l'écho des lois romaines.

» Or, dans l'espèce, la république et le cit. Darfeuil-Derff ont-ils contracté en justice des engagemens véritables et réciproques? Pour répondre à cette question, il n'est besoin que de se reporter à la manière dont se forme

un contrat.

» Il y a contrat entre deux parties, toutes les fois qu'il existe, de leur part, 'un mutuel consentement à faire, à donner, à recevoir quelque chose. Est pactio, dit la loi première, §. 1, de pactis, au digeste, est pactio duorum, pluriumve in idem placitum consensus; et il n'importe, ajoute la loi 2 du même titre, que ce consentement mutuel soit manifesté de vive voix, par lettres, par un fait, ou même tacitement: Labeo ait convenire

posse, vel re, vel per epistolam, vel per nuncium; inter absentes quoque posse: sed etiam tacito consensu convenire intelligitur. » Eh bien! Dans notre espèce, il y a eu d'abord, de la part de la république, demande en nullité du contrat de vente du domaine de Quesnay. Sur cette demande, le cit. Darfeuil-Derff s'en est rapporté à justice; mais il ne s'est pas borné là : il a conclu à ce que, dans le cas où la nullité de la vente serait prononcée, la république fût condamnée personnellement et hypothécairement au paiement des dettes hypothécaires antérieures à 1783, qu'il avait remboursées avec subrogation.

» Les choses en cet état, l'administration centrale du département du Calvados délibére

si elle contredira les conclusions subsidiaires du cit. Darfeuil-Derff, ou si elle y adhérera; arrêté, qu'il n'y a pas lieu de les contreet le 9 frimaire an 8, elle déclare, pár un

dire.

» Voilà déjà un commencement de contrat réciproque, puisque les deux parties sont d'accord sur les suites que devra avoir l'annullation de la vente. Cependant le contrat n'a pas encore acquis sa perfection; car le cit. Darfeuil-Derff n'a pas consenti purement et simplement à ce que la vente soit annulée; il s'en est rapporté à justice, et il est possible que les juges ne trouvent pas matière à annuler la vente. L'annullation de la vente est donc la condition de laquelle dépendent, et l'effet du consentement que le cit. Darfeuil-Derff exprime par ses conclusions subsidiaires, et l'effet de l'adhésion qu'y donne l'administration départementale. Si cette condition arrive, le contrat se trouvera

tout formé par le concours du consentement du cit. Darfeuil-Derff et de l'adhésion de l'administration departementale; si elle n'arrive pas, ce consentement, cette adhésion seront

comme non-avenus.

» Il ne s'agit donc plus que de savoir si cette condition est arrivée, ou, en d'autres termes, si la vente a été déclarée nulle; et la question est résolue par le jugement du 14 frimaire an 8.

» Ce jugement déclare nulle la vente de la terre de Quesnay, et prononce, contre la république, la condamnation à laquelle avait conclu le cit. Darfeuil. Il remplit par conséquent la condition de laquelle dépendait le contrat judiciaire; et par une conséquence ultérieure, d'un contrat conditionnel, il en fait un contrat pur et simple.

» Cependant tout n'est pas encore irrévocablement terminé : car, d'un côté, le cit. Darfeuil-Derff peut appeler du jugement, en ce qu'il a déclaré la vente nulle, puisqu'à cet égard, il n'a pas absolument adhéré aux conclusions de la république; et que s'en rapporter à justice, ce n'est pas renoncer au droit de réclamer un nouvel examen de la part du tribunal supérieur. D'un autre côté, la république peut également appeler de ce juge .ment, quoiqu'il soit en tous points conforme à ses conclusions, parceque, dans le fait, les conclusions qu'elle a prises, lui sont préjudiciables; parceque, dès-là, elle aurait le droit, si ce jugement était en dernier ressort, de l'attaquer par requête civile, sur le fondement qu'elle a été mal défendue; parcequ'il est de principe que les moyens qui donnent lieu à la requête civile contre les jugemens en dernier ressort, deviennent moyens d'ap pel contre les jugemens de première ins

tance.

>> Tout dépend donc ici du parti que vont prendre, d'une part, le cit. Darfeuil, et de l'autre, la république.

» S'ils acquiescent tous deux au jugement, ou, ce qui est la même chose, s'ils le laissent passer en chose jugée par laps de temps, la condition à l'événement de laquelle est lié leur contrat judiciaire, se trouvera définitivement remplie. Si, au contraire, ce jugement est frappé d'un appel, soit par l'un, soit par l'autre, il faudra attendre l'issue de cet appel, pour savoir ce que deviendra la condition suspensive du contrat judiciaire, et conséquemment pour connaître définitivement le sort de ce contrat.

» Que se passe-t-il donc après le jugement du 14 frimaire an 8?

» Dès le 28 du même mois, le cit. Darfeuil TOME XI.

le fait signifier au commissaire du gouvernement près l'administration centrale du département du Calvados, avec sommation d'y satisfaire présentement; et par là, il se ferme toute voie à l'appel; par là, il imprime à ce jugement, en ce qui le concerne, l'autorité de la chose jugée.

» L'administration centrale, de son côté, attaque-t-elle ce jugement par la voie d'appel? L'attaque-t-elle dans les trois mois que la loi lui accorde à cet effet? Non, et bien loin de là, elle emploie ces trois mois à exécuter le jugement. Elle fait apposer le séquestre national sur la terre de Quesnay; elle en annonce la vente par affiches; elle liquide, par un arrêté du 25 pluviôse an 8, les créances qui doivent être prélevées sur le prix de cette

vente.

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» Voilà donc le jugement acquiescé par la république, comme par le cit. Darfeuil; le voilà donc revêtu, envers la république, comme envers le cit. Darfeuil, de toute l'autorité de la chose jugée. Voilà, par consé. quent, la condition à laquelle était subordonné le contrat judiciaire, complètement et définitivement remplie; et par conséquent encore, voilà le contrat judiciaire formé irrévocablement.

» Maintenant la république peut-elle revenir sur ses pas, peut-elle renoncer au jugement qu'elle a provoqué, qu'elle a obtenu, qu'elle a exécuté, dont elle n'a point appelé dans le terme légal? Proposer cette question, c'est demander si les lois générales de l'ordre judiciaire sont faites pour la république comme pour les particuliers; c'est demander si la république peut faire réformer un jugement, sans en appeler, après avoir perdu, par son acquiescement et par le laps de trois mois, la faculté d'en interjeter appel? C'est demander si la république peut se jouer de la foi des contrats judiciaires, et si, pour un modique intérêt pécuniaire, elle peut anéantir tout ce qu'il y a de plus respectable, de plus sacré, dans l'ordre social?

» Non, le peuple français ne s'avilira jamais au point de s'arroger de pareils priviléges. En faisant la loi, il s'est enchaîné lui-même; et il se fait gloire de dire avec les législateurs romains, dans la loi 4, de legibus, au Code: Digna vox est majestate regnantis, legibus alligatum se profiteri : adeò de auctoritate juris nostra pendet auctoritas; et reverá, majus imperio est submittere legibus principatum.

» Nous devons donc peser la prétention que l'on élève ici au nom de la république, dans la même balance que nous peserions une

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