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voulu prévenir, pour me placer une seconde fois entre les armées alliées et les Français, dans l'espoir

que

les égards dont je pense être l'objet tourneront à leur salut : c'est la seule manière dont j'ai voulu prendre part à la guerre. Je n'ai pas permis qu'aucun prince de ma famille parût dans les rangs étrangers, et j'ai enchaîné le courage de mes serviteurs.

Revenu sur le sol de la patrie, je me plais à parler de confiance à mes peuples, Lorsque je reparus au milieu d'eux, je trouvai les esprits agités et emportés par des passions contraires : mes regards ne rencontraient de toutes parts que des difficultés et des obstacles. Mon gouvernement devait faire des fautes', peut-être en a-t-il fait. Il est des temps où les intentions les plus pures ne suffisent pas pour diriger, où quelquefois même elles égarent; l'expérience seule pouvait avertir: elle ne sera pas perdue. Je veux tout ce qui sauvera la France.

Mes sujets ont appris, par de cruelles épreuves, que le principe de la légitimité des souverains est une des bases fondamentales de l'ordre social, la seule sur laquelle puisse s'établir, au milieu d'un grand peuple, la liberté sage et bien ordonnée.

Cette doctrine vient d'être proclamée comme celle de l'Europe entière. Je l'avais consacrée d'avance par ma Charte, et je prétends ajouter à cette Charte toutes les garanties qui peuvent en assurer le bienfait.

L'unité du ministère est la plus forte que je puisse

offrir. J'entends qu'elle existe, et que la marche franche et assurée de mon conseil garantisse tous les intérêts et calme toutes les inquiétudes.

On a parlé, dans les derniers temps, du rétablissement de la dîme et des droits féodaux. Cette fable, inventée par l'ennemi commun, n'a pas besoin d'être réfutée; on ne s'attendra pas que le roi de France s'abaisse jusquà repousser des calomnies et des mensonges. Le succès de la trahison en a trop indiqué la source. Si les acquéreurs de domaines nationaux ont reçu des inquiétudes, la Charte aurait dû suffire pour les rassurer; n'ai-je pas moi-même proposé aux Chambres, et fait exécuter des ventes de ces biens? Cette preuve de ma sincérité est sans réplique.

Dans ces derniers temps, mes sujets de toutes les classes m'ont donné des preuves égales d'amour et de fidélité. Je veux qu'ils sachent combien j'y ai été sensible, et c'est parmi tous les Français que j'aimerai à choisir ceux qui doivent approcher de ma personne et de ma famille.

Je ne veux exclure de ma présence que ces hommes dont la renommée est un sujet de douleur pour la France, et d'effroi pour l'Europe. Dans la trame qu'ils ont ourdie, j'aperçois beaucoup de mes sujets égarés et quelques coupables; je promets, moi qui n'ai jamais promis en vain (l'Europe entière le sait), de pardonner aux Français égarés tout ce qui s'est passé depuis le jour où j'ai quitté Lille, au. milieu

'de tant de larmes, jusqu'au jour où je suis rentré dans Cambrai, au milieu de tant d'acclamations.

Mais le sang de mes enfans a coulé par une trahison dont les annales du monde n'offrent pas d'exemple: cette trahison a appelé l'étranger dans le cœur de la France; chaque jour me révèle un désastre nouveau. Je dois done, pour la dignité de mon trône, pour l'intérêt de mes peuples, pour le repos de l'Europe, excepter du pardon les instigateurs et les auteurs de cette trame horrible. Ils seront désignés à la vengeance des lois par les deux Chambres, que je me propose d'assembler incessamment.

Français, tels sont les sentimens que rapporte au milieu de vous celui que le temps n'a pu changer, que le malheur n'a pu fatiguer, et que l'injustice n'a pu abattre.

Le Roi, dont les pères règnent depuis huit siècles sur les vôtres, revient pour consacrer le reste de ses jours à vous défendre et à vous consoler.

Donné à Cambrai, le 28° jour du mois de juin de l'an de grâce 1815, et de notre règne le vingt-unième. ·

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Le ministre sécrétaire d'Etat des affaires étrangères,

Signé le prince DE TALLEYRAND.

No XLVI.

Déclaration de la Chambre des représentans.

Les troupes des puissances alliées vont occuper la capitale.

La Chambre des représentans n'en continuera pas moins de siéger au milieu des habitans de Paris, où la volonté expresse du peuple a appelé ses manda

taires.

Mais, dans ces graves circonstances, la Chambre des représentans se doit à elle-même, elle doit à la France, à l'Europe, une déclaration de ses sentimens et de ses principes.

Elle déclare donc qu'elle fait un appel solennel à la fidélité et au patriotisme de la garde nationale parisienne, chargée du dépôt de la représentation nationale.

Elle déclare qu'elle se repose avec la plus haute confiance sur les principes de morale, d'honneur, sur la magnanimité des puissances alliées, et sur leur respect pour l'indépendance de la nation, si positivement exprimé dans leurs manifestes.

Elle déclare que le gouvernement de la France, quel qu'en puisse être le chef, doit réunir les vœux de la nation, légalement émis, et se coordonner avec les autres gouvernemens pour devenir un lieu com

mun et la garantie de la paix entre la France et l'Europe.

Elle déclare qu'un monarque ne peut offrir des garanties réelles, s'il ne jure d'observer une Constitution délibérée par la représentation nationale, et acceptée par le peuple. Ainsi, tout gouvernement qui n'aurait d'autres titres que des acclamations et la volonté d'un parti, ou qui serait imposé par la force; tout gouvernement qui n'adopterait pas les couleurs nationales, et ne garantirait point

La liberté des citoyens,

L'égalité des droits civils et politiques,

La liberté de la presse,

La liberté des cultes,

Le système représentatif,

Le libre consentement des levées d'hommes et d'impôts,

La responsabilité des ministres,

L'irrévocabilité des ventes de biens nationaux de

toute origine,

L'inviolabilité des propriétés,

L'abolition de la dîme, de la noblesse ancienne et nouvelle héréditaire, et de la féodalité,

L'abolition de toute confiscation de biens, L'entier oubli des opinions et des votes politiques émis jusqu'à ce jour,

L'institution de la Légion d'honneur,

Les récompenses dues aux officiers et aux soldats, Les secours dus à leurs veuves et à leurs enfans,

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