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qui lui est contraire, ne peut plus exister, et qu'il n'est pas plus possible de la maintenir comme ancienne, qu'il ne le serait de la faire admettre par les Chambres comme nouvelle.

J'ajouterai une réflexion, c'est que si une déclaration de doctrine faite par le clergé, et convertie en loi par des édits enregistrés, pouvait être encore une loi de l'Etat, il se trouverait beaucoup d'autres croyances obligées de la même manière que les quatre articles. Par exemple, la constitution Unigeni tus, enregistrée, avec quelques modifications, ⚫ au Parlement en 1714 et en 1720, serait aussi une loi de l'Etat, et nos Cours seraient obligées de condamner les jansénistes qui n'admettraient pas les doctrines prescrites par cette bulle. Et je vois déjà les membres de nos Cours obligés, avant de siéger, de faire leur profession de foi à la bulle Unigenitus, qui est une loi de l'Etat tout autant que les quatre articles, et dont l'autorié civile a également prescrit la croyance et l'enseigne

ment.

Il est donc plus clair que le jour que la déclaration du clergé, et les quatre articles qu'elle contient, ne peuvent être regardés,

depuis la Charte, comme une loi générale de l'Etat, obligatoire pour tous; ce qui n'empê cherait pas que cette déclaration ne subsistât comme loi particulière, obligatoire pour une certaine classe de citoyens. La Charte, tout en reconnaissant la liberté des cultes, a cependant établi une religion de l'Etat. Cette religion de l'Etat est dans les mêmes rapports avec l'Etat qu'elle était autrefois, puisqu'aucune loi nouvelle n'a changé ces rapports, au moins sur certains points, et entre autres sur celui qui nous occupe. Ainsi le clergé de France a décidé quels devaient être les vrais principes sur telle matière; l'Etat en a fait une loi, c'est-à-dire qu'il a donné main-forte au clergé pour assurer l'obéissance à ces principes, et qu'il a défendu d'en enseigner d'autres; tout comme l'Etat autrefois, quand l'Eglise avait décidé qu'une doctrine était hérétique, lui donnait mainforte pour empêcher de professer cette doctrine (1). L'Etat a donc le droit, autant qu'il

(1) J'ai dit que l'Etat, en faisant une loi de la décision du clergé sur les quatre articles, avait donné main-forte au clergé pour assurer l'obéissance à ces principes. Je remarquerai à ce sujet l'extrême contradiction de l'un de

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l'avait avant la révolution, d'ordonner l'enseignement des quatre articles à tous ceux qui parlent au nom de la religion de l'Etat. Car, s'il avait ce droit autrefois, en a-t-il été

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il

mes adversaires. M. de Montlosier a fait de son livre une dénonciation contre un système religieux prétendu politique; il appelle toute la force de l'Etat à son secours ; veut mettre en mouvement les tribunaux, et leur demande main-forte en faveur des quatre articles. Eh bien! ce qu'il fait là, il en fait un grand crime au clergé, et particuliè→ rement à M. l'archevêque administrateur de Lyon, qui a dit, à l'occasion du sacre : « Le Prince va contracter la religieuse obligation de régner en roi juste et en roi chrétien, c'est-à-dire de faire observer les lois du « royaume, et de prêter son appui à l'exécution de celles << de l'Eglise..>> Que demandent M. de Montlosier et tous les journaux libéraux de plus ou moins fraîche date? de faire exécuter comme loi de l'Etat les règles ou décisions des évêques en 1682, c'est-à-dire de préter son appui à l'exécution des lois de l'Eglise. Mais telle parole est bonne quand elle est dite par tout le monde, et mauvaise quand elle est dite par un archevêque. Conçoit-on que le même M. de Montlosier, qui se gendarme si fort contre une obéissance spirituelle imposée par une autorité laïque, qui ne trouve rien de plus révoltant que de faire obéir à Dieu par l'ordre du roi, soit si ardent à ce que la doctrine religieuse des quatre articles soit reconnue et enseignée comme loi de l'Etat, comme si ce n'était pas là une obéissance spirituelle imposée par une autorité laïque?..

dépouillé par les lois postérieures? Au contraire; la loi organique du 8 avril 1802, et la loi qui crée l'Université, ordonnent l'enseignement de la déclaration du clergé de 1682, dans les séminaires et les Facultés de théologie. L'Etat a donc ce droit tel qu'il l'avait autrefois; mais sur qui peut-il exercer ce droit? Ici la limite est très-délicate à tracer. Il me semble que l'Etat ne peut exercer ce droit que sur les ministres de la religion de l'Etat, parlant ou écrivant dans l'exercice de leurs fonctions. Ainsi, l'enseignement théologique, les sermons, les mandemens, tout acte officiel de l'autorité ecclésiastique, me paraissent soumis à cette loi de la même manière qu'ils l'étaient autrefois; mais il ne me semble pas qu'un homme, fût-ce même un prêtre, qui n'écrit pas avec un caractère officiel, mais qui use du droit laissé à chaque citoyen de publier sa pensée en se conformant aux lois, soit forcé de reconnaître les quatre articles. On aura beau lui dire : Cette loi est obligatoire pour tous ceux qui professent la religion de l'Etat; il répondra : Si la religion de l'Etat exige la croyance des quatre articles, alors je ne suis pas de la religion de l'Etat, et la Charte me donne le

droit de n'en pas être. Je ne suis donc pas de ceux pour qui cette loi est obligatoire. Je suis d'une secte que vous nommerez ainsi qu'il vous plaira: ultramontain soit; et ma secte, pas plus que toutes les autres, ne peut pas être forcée de croire les quatre articles.

Je ne vois pas ce qu'un homme qui veut fidèlement exécuter notre Charte constitutionnelle, pourrait répondre à cela; et c'est par ces motifs que j'aurais cru susceptible de réformation le jugement rendu contre l'un des plus grands écrivains qui existent, mais qui, comme il est souvent arrivé aux plus fortes têtes et aux plus beaux génies, a été quelquefois entraîné par l'esprit de système et par les déductions rigoureuses de quelques théories absolues. Si M. l'abbé de La Mennais avait été condamné en vertu des lois sur la presse qui interdisent toute doctrine tendant à porter atteinte à l'autorité royale, je ne verrais pas d'objection à faire contre un jugement qui aurait été appuyé, non sur des intentions, mais du moins sur un fait, répréhensibles : mais j'avoue que je ne puis pas partager l'opinion de ceux qui ont 'donné pour motif du jugement, l'assertion

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