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Cette législation ne protège pas suffisamment le pigeon voyageur. Mais, en raison des services spéciaux auquels on l'emploie, cet oiseau ne rentre plus dans les conditions prévues par la loi du 4 août 1789 et semble comporter une réglementation spéciale. Le pigeon de course perd son caractère de gibier et devient essentiellement un oiseau utile. L'oiseau qui peut, à l'occasion, servir de messager à une population assiégée ne semble pas avoir moins de titres que celui dont l'utilité consiste à dévorer les insectes, pour entrer dans la catégorie des oiseaux utiles et bénéficier ainsi de la disposition de la loi du 22 janvier 1874, qui permet aux préfets de prendre des arrêtés pour protéger ces espèces contre la destruction.

Tel est aussi le sentiment de mes collègues des départements du commerce, de la guerre et de la justice, dont j'ai eu soin de prendre l'avis. La classification des pigeons voyageurs dans la catégorie des oiseaux utiles aura d'ailleurs pour effet de provoquer sur cette matière des décisions judiciaires et de créer une jurisprudence à laquelle l'autorité administrative ne manquera pas de conformer ses décisions.

Pour ces motifs, je vous prie de vouloir bien prendre un arrêté à l'effet d'interdire, dans votre département, la capture et la destruction, en tout temps et par tous procédés, des pigeons voyageurs. Si votre département se trouve du nombre de ceux où la chasse de certaines espèces utiles est déjà prohibée par la réglementation en vigueur, l'arrêté que vous prendrez à l'occasion des pigeons de course pourrait, sans inconvénient, en reproduire la liste et donner ainsi une nomenclature complète des oiseaux dont la chasse est interdite sous toutes les formes et en toute saison.

Cet arrêté visera la loi du 4 août 1789 1, la loi du 22 janvier 1874 2, l'arrêté, s'il y a lieu, qui régit la police de la chasse dans votre département et les présentes instructions.

La constatation des contraventions qui incombera, par l'effet de votre arrêté, aux divers agents chargés de la police de la chasse, ne présente aucune difficulté. Pour s'assurer si les pigeons capturés ou abattus appartiennent aux espèces dont la chasse est interdite, il suffira aux agents de regarder s'ils portent, sous les grandes pennes des ailes, le cachet d'une société ou d'un établissement colombophile. Tout pigeon revêtu de cette marque fait partic des colombiers postaux. Quant au chasseur, il reconnaîtra assez facilement le pigeon voyageur, oiseau de haut vol et de petite taille, pour ne pas le confondre avec les espèces domestiques ou sauvages.

Je désire que l'arrêté que vous prendrez conformément aux instructions contenues dans la présente circulaire me soit communiqué, afin que je puisse vous présenter telles observations qu'il appartiendra.

Recevez, etc.

Le Président du Conseil, Ministre de l'intérieur et des cultes,
René GOBLET.

1. Loi du 4 août 1789. Art 2.... Les pigeons seront enfermés aux époques fixées par les communautés, et, durant ce temps, ils seront regardés comme gibier, et chacun aura le droit de les tuer sur son terrain.

2. Loi du 3 mai 1844, modifiée le 22 janvier 1874. Art. 9...... (Les préfets des départements) pourront prendre également des arrêtés: 1° pour prévenir la destruction des oiseaux ou pour favoriser leur repeuplement.

No 7.

CASS. BELGIQUE. 21 Novembre 1887.

Délit de chasse. - Administration forestière.

Action en justice.

L'administration forestière a qualité pour poursuivre les délits de chasse dans les bois soumis au régime forestier 1. (Arr., 28 vendém. an V; C. instr. crim., 1.)

COORENLAND.

ARRÊT :

-

LA COUR; Sur l'unique moyen, pris de la violation de l'art. 1er C. instr. crim., qui ne donne l'action pour l'application des peines qu'aux fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi, en ce qu'aucune loi ne donne à l'Administration forestière l'action publique en matière de délits de chasse commis dans les bois et forêts, action que lui reconnaît cependant l'arrêt attaqué : Attendu que l'arrêté du 28 vendém. an V avait assimilé les délits de chasse aux délits forestiers, en ordonnant aux agents de l'Administration d'en dresser procès-verbal dans la forme prescrite pour les autres délits forestiers; que cette assimilation a sa raison d'être dans l'atteinte que ces délits peuvent porter à la propriété et à la conservation des bois soumis à la surveillance de l'État; - Attendu que, par suite, la compétence de l'Administration pour poursuivre en son nom les délits de chasse commis dans les bois soumis au régime forestier a toujours été admise; Attendu que rien, dans les discussions de la loi du 19 déc. 1854, ne révèle l'intention du législateur d'innover sur ce point; qu'un texte formel eût été nécessaire pour modifier cette compétence jusqu'alors non contestée; que, loin de là, l'art. 121 de la loi de 1854 consacre à nouveau l'assimilation des délits de chasse dans les bois aux contraventions forestières, en en ordonnant la recherche et la constatation par les mêmes agents et gardes forestiers; Attendu que l'art. 120, en reconnaissant à l'Administration le droit de poursuite pour tous délits et contraventions commis dans les bois et forêts soumis au régime forestier, a, par cette formule générale, entendu conserver à l'Administration l'action publique quant aux délits de chasse constatés dans les bois confiés à sa garde; qu'en le décidant ainsi, l'arrêt dénoncé a fait une juste application des lois sur la matière; Attendu, au surplus, que toutes les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées, et que la peine appliquée est celle de la loi; - Rejette, etc.

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Du 21 nov. 1887. Cass. Belgique (2° ch.). MM. le chevalier Hynderick, prés.; Corbisier de Méaultsart, rapp.; Bosch, av. gén. (concl. conf.).

(Sirey, 1888, 3 cah.)

1. La jurisprudence française est depuis longtemps fixée dans ce sens. Voir Répertoire 1865 67. Colmar, 13 juillet 1865. p. 56. — Colmar, 15 janvier 1867, p. 322. Cass., 2 août 1867, p. 338. — Rép. 1868-59, Cass., 24 décembre 1808.

No 8.

PROJET DE LOI SUR LE CODE FORESTIER ‘.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Messieurs, le Code forestier de 1827, calqué sur l'ordonnance de 1669, renferme un grand nombre de dispositions qui, par leur sévérité excessive, leur inflexibilité et la protection exagérée dont elles entourent les forêts de l'État et des communes, ne sont plus en harmonie avec l'esprit de nos institutions.

En 1859, le Gouvernement a voulu remédier, dans une certaine mesure, aux défauts d'une législation qui nous reporte à deux cents ans en arrière. Il a demandé au Corps législatif une loi qui donne à l'Administration des forêts le droit de temperer par des transactions la rigueur du Code.

En rendant définitive la faculté, concédée jusque-là transitoirement au Gouvernement, de s'opposer au défrichement des bois des particuliers, la loi du 18 juin 1859 a limité à des cas déterminés le droit de former cette opposition, de sorte qu'aujourd'hui les propriétaires ne sont plus à la discrétion absolue de l'Administration.

Mais l'ensemble du Code n'en subsiste pas moins avec ses dispositions surannées, qui sont trop souvent draconiennes, et pour les délinquants, et pour les propriétaires d'immeubles riverains ou voisins des forêts domaniales et communales, ainsi que pour les marchands qui se rendent adjudicataires des produits de ces bois.

Les communes se plaignent sans cesse des restrictions apportées par la loi à leurs droits sur des propriétés qui leur appartiennent. Elles demandent des garanties contre les excès d'autorité.

L'Administration des forêts reconnaît elle-même qu'il y a des lacunes dans la loi qu'elle est chargée d'appliquer.

Enfin, de nombreuses modifications ont été introduites dans la législation de 1827, soit par des événements tels que la réunion des bois de la Couronne au domaine forestier de l'État, soit par l'effet du temps,. puisque plusieurs de ses dispositions n'étaient que transitoires.

Des titres entiers ont été abrogés ; d'autres sont tombés en désuétude. Une refonte complète du Code forestier s'impose.

Le projet de loi qui vous est soumis répond à cette nécessité.

1. Ce projet a été présenté au Sénat par M. Viette, ministre de l'Agriculture, dans la séance du 16 juillet 1888.

Le titre Ier (du Régime forestier) n'a subi que des corrections matérielles destinées à le mettre en harmonie avec la situation politique actuelle (suppression du domaine de la Couronne et des bois possédés à titre d'apanage).

Dans le titre II (de l'Administration forestière), le projet réduit à vingt et un an le minimum d'àge exigé pour exercer un emploi forestier. L'âge de vingt-cinq ans, que fixait l'ordonnance de 1669, était alors celui de la majorité. L'insertion dans le Code actuel d'une disposition qui permet d'accorder des dispenses d'àge aux élèves de l'École forestière suffit pour démontrer les inconvénients d'une règle que l'Administration ne peut appliquer rigoureusement.

La division du titre III (des Bois et forêts qui font partie du domaine de l'État) en huit sections a été maintenue.

Aucun changement important n'a été apporté à la 1re section (de la Délimitation et du bornage).

Dans la 2o section (de l'Aménagement), on s'est borné à modifier la définition de la coupe extraordinaire donnée par l'article 16, devenu article 14.

Dans la 3 section (des Adjudications des coupes), quelques rectifications matérielles ont mis le texte du Code en concordance avec les lois et règlements actuels (suppression de la contrainte par corps; suppression des agents forestiers de la marine; attribution au Ministre de l'agriculture du choix des modes d'adjudication).

Dans la 4o section (des Exploitations), le projet donne d'abord satisfaction aux demandes réitérées du commerce.

Il dispense les adjudicataires des formalités relatives aux marteaux que le Code actuel leur impose sans les astreindre à s'en servir, et de l'obligation, très onéreuse pour les coupes de peu d'importance, et qui a pour conséquence forcée un abaissement du prix d'achat, de constituer toujours un garde-vente. Il permet d'attribuer à un seul gardevente la surveillance de plusieurs coupes situées dans différents cantons. Il atténue la responsabilité des adjudicataires en matière de délits, tout en donnant à l'Administration de nouveaux moyens pour assurer l'exécution de leurs obligations. Dans la plupart des cas de déficit de réserves et de retard de coupe ou de vidange, il laisse au juge plus de latitude pour proportionner au dommage les peines et les réparations pécuniaires, qui sont généralement exorbitantes.

La 5 section (des Réarpentages et récolements) a été modifiée de manière à limiter plus strictement la durée de la responsabilité des adjudicataires après l'exploitation.

La 6 section (des Adjudications de glandée, panage et paisson) n'a subi aucune modification.

On a fait disparaître de la 7° section (des Affectations à titre particulier dans les bois de l'État) toutes les dispositions qui n'avaient qu'un caractère provisoire. On a modifié celle qui n'admettait la libération des forêts domaniales que par voie de cantonnement.

En ce qui concerne la 8e section (des Droits d'usage dans les bois de l'État), d'assez nombreuses modifications sont proposées.

La première a pour but de donner expressément à l'Administration ainsi qu'on l'a indiqué dans la section précédente, relative aux affectations) la faculté d'opter, pour l'extinction des droits d'usage de toute nature, entre le cantonnement et le rachat, pourvu que le mode de libération offert aux usagers soit accepté par eux.

Il paraît également utile de lui permettre, dans certains cas, de poursuivre le rachat partiel de droits de pâturage qui ne pourraient être supprimés entièrement sans une grande gêne pour les populations.

Les autres modifications sont de deux sortes.

Les unes se bornent à rectifier la rédaction et à préciser les limites des droits de pâturage et de pacage. Les autres atténuent les restrictions que la législation actuelle impose à la jouisance des usagers. Elles rendent plus pratique, plus expéditif et plus efficace le recours au conseil de préfecture dans les cas prévus par le Code, et elles suppriment:

1° L'interdiction de partager sur pied et d'abattre individuellement les bois de chauffage délivrés par coupes; cettte interdiction est continuellement enfreinte: on ne peut y tenir la main dans certaines localités sans rendre impossibles les exploitations;

2o La défense d'avoir plus d'un troupeau par commune ou section de commune possédant des droits séparés et distincts, lors même que cette commune ou cette section serait divisée en plusieurs groupes trop éloignés les uns des autres pour pouvoir former un troupeau

commun.

Le titre VI (des Bois des communes et des établissements publics), devenu titre IV par l'abrogation des anciens titres IV et V, relatifs aux bois et forêts de la Couronne et des apanages, a été profondément modifié.

Tout d'abord, les communes doivent profiter de la levée des interdictions de partage sur pied des coupes d'affouage et de formation de plusieurs troupeaux proposée dans la section 8 du titre III en faveur des usagers dans les bois de l'État, puisque les dispositions de cette

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