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A la suite d'un décret du 25 mars 1810, qui accordait aussi l'amnistie forestière en termes généraux, la Cour de cassation décida néanmoins que les délits d'adjudicataires devaient être exclus de l'amnistie. (Dalloz, Rép., vo Amnistie, nos 65, 67.) Nous ne croyons pas qu'aujourd'hui l'on doive décider de même: on remarquera que, depuis 1810, les documents législatifs ont été beaucoup plus explicites sur cette matière ; ainsi, le décret de 1852 a formellement excepté les adjudicataires. Si, après un tel exemple, le législateur de 1889 a gardé le silence, ne doiton pas penser qu'il a voulu donner à son amnistie toute l'amplitude possible, et ne serait-ce pas le cas d'appliquer la maxime favores ampliandi?

Ce premier point réglé, nous allons envisager successivement les effets de la loi de 1889 à un triple point de vue : 1o quant aux condamnations déjà prononcées; 2° quant aux infractions qui n'ont pas encore été l'objet de condamnations; 3o enfin quant aux transactions accordées par l'Administration forestière. Pour chacune de ces catégories, l'effet de l'amnistie s'arrête à la date fixée par la loi c'est, dit le texte, aux condamnations prononcées ou encourues jusqu'au 14 juillet, c'est-àdire, avant le 14 juillet; différence notable avec les amnisties antérieures, qui s'étendent jusqu'à la date du décret, ou jusqu'à l'époque de sa promulgation.

II.

Condamnations prononcées avant le 14 juillet 1889.

Nous rangeons sous ce titre les jugements de condamnation passés en force de chose jugée; ceux qui seraient encore susceptibles de recours rentrent dans le titre suivant :

L'amnistie pleine et entière devrait avoir pour conséquence d'anéantir complètement ces jugements; mais, par suite des exceptions contenues dans la loi, ils n'en conservent pas moins leur effet partiel à plusieurs égards. L'article 5 réserve en effet les frais de poursuite et la part d'amende revenant aux agents de constatation; l'art. 7 déclare l'amnistie non applicable aux restitutions et dommages et intérêts; enfin le même article rappelle que l'amnistie ne peut être opposée aux droits des tiers. Ce sont à peu près les termes du décret de 1869, termes plus larges que ceux qui avaient été employés par le décret de 1852.

Il en résulte d'abord une réserve complète quant aux condamnations civiles, pour lesquelles la loi n'a aucun effet. Il est remarquable qu'on ne s'est pas borné, comme en 1852, à mentionner les tiers, les communes et établissements publics : l'État lui-même conserve les réparations civiles et les frais qui lui sont alloués; sur ce point encore, notre loi s'est inspirée du décret de 1869.

Quant à l'amende, condamnation pénale, elle est en principe remise entièrement aux condamnés, sauf deux cas d'abord en matière de chasse, les primes dues aux agents de constatation d'après l'art. 10 de la loi de 1844 sont prélevées sur les amendes et doivent par conséquent être recouvrées. Ensuite, d'après l'art. 7, § 2, si le condamné a déjà versé son amende, il ne pourra plus la récupérer, toute somme reçue ne devant pas être restituée.

De l'amnistie pleine et entière, que reste-t-il donc? Il reste d'abord les condamnations personnelles : l'emprisonnement ne peut plus être exécuté, et si quelque condamné se trouve détenu, il doit être immédiatement remis en liberté. Il reste ensuite les confiscations: tout objet confisqué et non vendu par le domaine doit être rendu à son propriétaire. Le décret de 1852 exceptait cependant les engins prohibés, en matière de chasse; nous pensons que cette exception doit aussi être faite, malgré le silence de la loi de 1889, puisque la détention de ces objets constitue un délit permanent. Enfin l'amnistie aura son effet quant aux condamnations accessoires (si l'on attribue, suivant l'opinion commune, à ces condamnations, un caractère pénal): démolition (art. 151, etc. C. for.), privation du droit d'usage (art. 149), privation du droit de permis de chasse (art. 18, loi de 1844). L'exception stipulée en 1852 et concernant la démolition n'a pas été reproduite. Il en résulte que toutes les condamnations à la démolition, prononcées contre les propriétaires d'établissements défendus par les art. 161 et suivants du Code forestier seraient aujourd'hui lettre morte et non susceptibles d'exécution.

Les condamnations maintenues par la loi de 1889 seront recouvrables comme à l'ordinaire, en vertu des jugements qui, de ce chef, conservent toute leur force exécutoire. La seule restriction apportée sur ce point par la loi spéciale concerne la contrainte par corps, qui ne pourra plus être employée (art. 6).

III.

Infractions pour lesquelles il n'est pas intervenu de condamnations avant le 14 juillet 1889.

Le principe de l'amnistie, auquel notre loi n'apporte aucune dérogation, est que, relativement à ces infractions, l'action publique est éteinte, de telle manière qu'il ne reste plus que l'action civile née du délit. Donc cessation définitive de toute poursuite ayant pour but de faire prononcer des condamnations à titre de peines.

Quant aux condamnations civiles, elles peuvent encore être obte

nues; la seule question est de savoir si les agents forestiers pourront encore les réclamer devant les tribunaux correctionnels. A cet égard, la jurisprudence a subi, en 1879, une variation importante. Auparavant, on pensait que l'art. 171 C. for. créait aux agents forestiers une situation exceptionnelle, en ce qu'il les autorisait à saisir dans tous les cas le tribunal répressif, du moment où le délit forestier était constant, lors même que, pour quelque motif que ce soit, l'action publique aurait été éteinte. C'est la doctrine qu'a soutenue jusqu'à la fin notre savant maître M. Meaume. A cette théorie, la Cour de cassation répondit le 9 mai 1879 (Arrêt Mariani; Rép. for. X, p. 212) que l'art. 171 n'apporte aucune exception aux principes généraux de la compétence; que l'Administration ne saurait y puiser le droit d'exercer l'action civile divisément de l'action publique, et que par conséquent celle-ci étant éteinte et les agents forestiers ne pouvant agir que devant les tribunaux correctionnels, ils restaient entièrement désarmés pour l'action civile. Telle est la jurisprudence actuelle; sera-t-elle maintenue pour l'application de la loi de 1889 ? nous l'ignorons; toutefois, la tendance générale qui règne actuellement consiste à restreindre autant que possible les exceptions au droit commun, de sorte qu'un retour à l'interprétation ancienne de l'art. 171 C. for. nous semble assez improbable.

:

En admettant qu'il en soit ainsi, pour tous les délits qui n'ont pas été l'objet d'une poursuite avant le 14 juillet 1889, les agents forestiers deviennent incompétents quant à l'action civile. Nous parlons ici de poursuite, et non de condamnation, parce qu'il faut tenir compte d'un tempérament admis, maintenant encore, par la jurisprudence de la Cour de cassation, à savoir que l'extinction de l'action publique n'empêche pas le juge répressif de statuer sur les réparations civiles, s'il se trouvait déjà saisi au moment où s'est produit le fait qui a donné naissance à cette extinction ainsi, en matière d'amnistie, lorsque le tribunal correctionnel était saisi au moment de l'application de la loi d'amnistie. (Cass., 30 janvier 1830, Carrière; - Cass., 9 janvier 1882, Chazot.) Si donc le tribunal correctionnel a été saisi, c'est-à-dire si la citation a été signifiée avant le 14 juillet 1889, la poursuite peut être continuée par l'agent forestier, bien qu'il ne s'agisse plus que des intérêts civils. Sinon, le tribunal civil reste seul compétent, et alors les agents forestiers doivent abandonner l'affaire, soit à l'Administration des domaines, pour les bois de l'État, soit aux représentants des communes ou établissements publics, pour les forêts de ces personnes morales.

Enfin, nous ne croyons pas qu'il soit possible d'argumenter d'une disposition particulière de la loi de 1889, relativement aux frais, pour

étendre en cette matière la compétence des agents forestiers. D'après l'art. 5, le bénéfice de l'amnistie est refusé à tous ceux qui n'auront pas justifié du paiement des frais de poursuite et de la part attribuée aux agents de constatation. Mais il faut remarquer, d'abord en ce qui concerne le prélèvement prévu par l'art. 10 de la loi de 1844, le seul dont nous avons à nous occuper, qu'il n'est acquis qu'en cas de condamnation prononcée (Ord. 5 mai 1845, art. 2); ensuite, que les termes frais de poursuite ne peuvent comprendre ceux de constatation, les seuls qui aient pu nécessiter des avances avant la citation. Il n'y a donc rien à ajouter à la limite que nous avons posée ci-dessus.

IV. Transactions accordées par l'Administration forestière.

D'après notre art. 7, l'amnistie n'est pas applicable aux sommes dues en vertu des transactions souscrites par les contrevenants.

Ce terme général comprend aussi bien les transactions avant jugement que les transactions après jugement. Les unes et les autres sont maintenues, pourvu qu'elles soient antérieures au 14 juillet 1889; elles seront recouvrables par les moyens ordinaires du droit civil, et les bénéficiaires, État, communes, établissements publics, auront à décider s'il leur convient de poursuivre ces recouvrements, pour lesquels, dans tous les cas, l'Administration forestière n'aura point droit de poursuite. On remarquera de plus que la loi mentionne uniquement les transactions souscrites par les contrevenants: il faudra donc, pour qu'une transaction rentre dans l'application de l'art. 7, que la décision du fonctionnaire compétent ait été précédée d'une demande formelle adressée par le délinquant, ou suivie d'une adhésion catégorique par lui formulée. Cette observation n'est pas inutile, puisque dans la pratique, il arrive très souvent que l'on admet à transaction sans attendre aucune demande. Dans le cas où la transaction n'aurait pas été souscrite, suivant les termes de la loi, elle devrait être considérée comme non avenue pour le recouvrement des sommes pour elle fixées, et le bénéficiaire pourrait avoir intérêt à ne pas, s'en prévaloir.

Ainsi, les transactions non demandées, mais accordées d'office, n'auraient plus aucun effet : à la condition toutefois que le délinquant consente à solder les frais de poursuite (s'il y a lieu) et la part d'amende revenant aux agents de constatation, car c'est à ce prix que l'amnistie peut être invoquée, suivant les termes de la loi. Si les délinquants contre lesquels il n'y a pas eu de jugement refusaient de payer les frais et parts d'amende, ils pourraient sans doute y être condamnés, mais seu

lement par la voie civile, sauf pour la part d'amende en matière de chasse, pour laquelle le tribunal répressif demeurerait compétent.

On ne saurait dissimuler que cette complication dans les conditions de l'amnistie et surtout le défaut de compétence des tribunaux correctionnels constituent de graves inconvénients, et sont de nature à affaiblir considérablement la répression des atteintes délictueuses à la propriété forestière.

N° 37. TRIB. DE SIMPLE POLICE DE SEDAN. 7 Juin 1889.

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Contravention.

Est légal et obligatoire l'arrêté municipal qui ordonne la fermeture d'un chenil, par ce motif qu'il est une cause constante de plaintes motivées de la part des voisins à raison du bruit et des hurlements insupportables, surtout la nuit, des chiens qui y sont enfermés.

MIN. PUB. C. ROBERT.

LE TRIBUNAL: Attendu que M. le maire de Sedan a pris, à la date du 12 mars 1889, un arrêté ainsi conçu : « Art. 1er. Les chenils ou dépôts de meutes de chiens sont absolument interdits dans la commune de Sedan et ses faubourgs. Art. 2. Il est enjoint à M. Auguste Robert, manufacturier à Sedan, de faire disparaître le chenil qu'il a établi dans sa propriété sise à Sedan, avenue Philippoteaux. Cette prescription devra être exécutée dans un délai de 15 jours à partir de la date à laquelle notification lui aura été faite du présent arrêté », ledit arrêté, visé pour récépissé par M. le sous-préfet de Sedan le 14 dudit mois de mars, et notifié à M. Auguste Robert, le 12 avril suivant;

Attendu qu'à la suite d'un procès-verbal de la police de Sedan, du 8 mai dernier, qui a constaté à cette date, dans le chenilde M. Robert, la présence de 20 à 22 chiens de chasse ou autres, M. Robert a été traduit, le 24 dudit mois de mai, devant ce Tribunal comme prévenu d'infraction audit arrêté ;

Attendu que l'autorité municipale est investie, par les lois des 16-24 août 1790, 19-22 juillet 1791 et 5 avril 1884, du droit de prescrire les mesures de police que peuvent exiger les intérêts confiés à sa vigilance, notamment en ce qui concerne la tranquillité publique;

Attendu que l'arrêté pris par le maire de Sedan, le 12 mars 1889, dans un but de bonne police et dans un intérêt public, rentre dans les limites de ses attributions; que, notamment, le chenil appartenant à M. Robert et placé par lui dans une propriété qu'il possède à Sedan, entre l'avenue Philippoteaux,

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