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N° 17. COUR DE CASSATION (Ch. des req ). 16 Janvier 1885.

Propriétés riveraines.

Animaux. Lapins. - Bois. - Dommages aux champs.
Responsabilité.

Le propriétaire d'un bois ne peut encourir, aucune responsabilité à raison du dommage causé aux propriétés voisines par les lapins séjournant dans ce bois, lorsqu'il est constant qu'il n'a commis aucune négligeance et a fait tout ce qui dépendait de lui pour détruire ces animaux. Il en est ainsi notamment lorsqu'il est constant qu'indépendamment de chasses et battues répétées, il a fait défoncer les terriers dans les limites du possible et autorisé les propriétaires riverains à se livrer à la destruction des lapins par tous les moyens permis par la loi, sans autre condition que de prévenir le garde de la propriété.

LA COUR:

LEROY C. ANGLADE.

Sur le moyen unique du pourvoi, pris de la violation des art. 1382 et 1383 C. civ. :

Attendu qu'il est constaté par le jugement attaqué qu'Anglade, propriétaire de bois où se trouvent des lapins, n'a commis aucune négligence et a fait tout ce qui dépendait de lui pour détruire ces lapins; qu'en effet, indépendamment de chasses et de battues répétées, il a fait défoncer les terriers dans les limites du possible; que non seulement il avait invité Leroy, fermier des propriétés riveraines, qui se plaignait que ses récoltes fussent endommagées, à participer le dimanche aux battues, mais qu'en outre il l'avait autorisé à se livrer, en semaine, par tous les moyens permis par la loi, à la destruction des lapins, sans autre condition que celle de prévenir le garde de la propriété ; que c'est à bon droit, par suite, que le jugement a déclaré qu'Anglade ne pouvait être rendu responsable du préjudice dont se plaignait Leroy et qu'il n'a point violé les articles visés au pourvoi;

Rejette.

Prés., M. Bédarrides. MM. Delise, rapp.; Chevrier, av. gén.

NOTE. La jurisprudence de la Cour de cassation s'est affirmée un grand nombre de fois en ce sens; elle est suivie par les tribunaux et approuvée par les auteurs. V. Gaz. Pal. T. Q. 1882-1886, vo Animaux, nos 22 et suiv. Adde. Trib. civ. Civray, 3 mai 1888 (Gaz. Pal. 88,1,864) et les renvois.

(Gazette du Palais, 31 janvier 1889.)

N° 18. TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE BLOIS.

Chasse. Procès-verbal. - Affirmation. -Heure non mentionnée.

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L'énonciation précise des jour et heure auxquels les procès-verbaux des gardes particuliers ont été affirmés est une condition substantielle de la formalité de l'affirmation; si cette énonciation fait défaut, le procès-verbal est nul.

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On ne peut y suppléer par une enquête tendant à établir le jour et l'heure précis de l'affirmation, car ce serait substituer le moyen si dangereux d'une enquête aux dispositions impératives de la loi qui a voulu que la fixation du jour et de l'heure fût l'œuvre du magistrat.

DE TUDERT c. POULAIN.

LE TRIBUNAL: Attendu que Poulain prétend que le procès-verbal d'affirmation, dressé en conformité de l'art. 24 de la loi du 3 mai 1844, est nul comme ne relatant ni le jour ni l'heure de la présentation et de l'affirmation du procès-verbal du garde Cottin du 22 novembre 1888;

Attendu que Tudert demande à faire cette preuve par témoins de ce jour et de cette heure;

Attendu que la loi du 3 mai 1844 est une loi spéciale dont les dispositions, en ce qui concerne les procès-verbaux dressés par les agents ou gardes forestiers, doivent être rigoureusement appliquées ;

Attendu que l'art. 22 de cette loi dispose que les procès-verbaux des gardes particuliers feront foi jusqu'à preuve contraire, mais sous la condition prévue par l'art. 24, à savoir que, dans les vingt-quatre heures du délit, les procèsverbaux des gardes seront, à peine de nullité, affirmés par les rédacteurs, devant le juge de paix ou l'un de ses suppléants, ou devant le maire ou l'adjoint, soit de la commune de leur résidence, soit de celle ou le délit a été commis;

Attendu qu'il ressort de ce qui précède que l'énonciation précise des jo ur et heure auxquels le procès-verbal a été affirmé est une condition substantielle de la formalité de l'affirmation devant le magistrat ;

Attendu que les procès-verbaux de gardes doivent relater les circonstances de lieu et de temps dans lesquelles a été commis le délit ;

Attendu que la formalité de l'affirmation n'a pas seulement pour but de rappeler au garde l'importance de l'acte qu'il accomplit ; qu'elle a pour but, en outre, dans la pensée du législateur, de faciliter au prévenu l'administration de la preuve contraire en déterminant le jour et l'heure exacte du délit;

Attendu que le poursuivant pourrait sans doute, si l'indication du jour et de l'heure du procès-verbal d'affirmation a été oubliée ou est erronée, y suppléer et prouver que la formalité de l'affirmation a été accomplie dans le

TOME XV. 1 JUIN 1689.

III.

délai de l'art. 24, en se servant des écritures et en les rapprochant de la date du procès-verbal et de l'enregistrement, mais que ce serait substituer aux dispositions impératives de la loi qui a voulu que la fixation du jour et de l'heure fût l'œuvre d'un magistrat, si on admettait qu'elle pût avoir lieu par le moyen si dangereux d'une enquête; qu'on pourrait enlever ainsi au prévenu les garanties que la loi lui a données contre les présomptions attachées aux constatations du procès-verbal du garde;

Par ces motifs,

Rejette la demande en preuve formée par Tudert relativement à la fixation de l'heure à laquelle a été affirmé le procès-verbal du garde;

Déclare nul le procès-verbal d'affirmation du maire de la commune de Prénouvellon.

Du 1er février 1889.-- Prés., M. Villaut-Duchesnois; Mes Roger et Henri, av.

NOTE. La jurisprudence est depuis longtemps fixée en ce sens que la nullité résultant du défaut d'énonciation dans le procès-verbal de l'heure et du jour de son affirmation est d'ordre public et que rien ne peut y suppléer. V. conf. Cass. 4 septembre 1847 (D., 47, 4,276- S., 48, 1, 409); Cass., 28 août 868 (D., 68, 1, 510 S., 69, 1, 189); Cass., 28 janvier 1875 (D., 75, 1, 331;—S. 75, 1, 439); Cass., 27 février 1879 (S., 69, 1, 440); Lyon, 22 juin 1883 (Gaz. Pal., 84, 1, 37 ); Orléans, 3 mars 1885 (Gaz. Pal., 85, 1, 684).- Adde: Mangin, Procès-verbaux, ne 11; Gillon et de Villepin, Nouveau code des chasses, p. 312; Giraudeau, Lelièvre et Saudée, la Chasse, 2o édition, p. 274, no 1041.

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L'inexécution par le cofermier de la convention par laquelle il lui est interdit de chasser plus de deux fois par semaine; de tuer les biches, cerfs et faisans; d'emmener avec lui plus de deux personnes, etc., ne constitue pas un délit de chasse et ne peut donner lieu qu'à une action en résiliation ou en dommages-intérêts.

L'interdiction de tuer les cerfs et biches, bien qu'ils soient classés comme animaux nuisibles, n'a rien d'illicite.

LE TRIBUNAL:

DUCHESNE DE LAMOTTE 9. DELOIX.

JUGEMENT:

Considérant que, suivant acte administratif passé devant M. le sous-préfet de Langres, à la date du 21 juill. 1885, le sieur de Taisne, aux droits duquel se trouve aujourd'hui le demandeur, a été déclaré adjudica

taire du droit de chasse pour six années, à compter du premier août suivant, et moyennant un fermage annuel de 670 francs, dans la forêt dite Montagne de Champlain, commune de Rouvres-sur-Aube, de la contenance de six cent trente-trois hectares, et qu'il a désigné le défendeur pour l'un de ses cofermiers; que, dans un écrit signé de Deloix, non daté, mais nécessairement contemporain du procès-verbal d'adjudication sus-visé du 21 juill. 1885 (ledit écrit enregistré à Langres le 23 janv. 1889), il est dit «< qu'il est bien entendu que Deloix paiera le tiers du fermage »; que, de plus, un autre écrit également non daté, signé des deux parties, enregistré le même jour 23 janv. 1889 à Langres, porte « qu'un cofermage est ainsi concédé à Deloix aux conditions ci-après; qu'il s'engage: 1o à ne chasser que deux fois par semaine; 2o à ne tirer ni cerfs, ni biches, ni faisans (poule ou coq); 3° à ne donner de permissions à personne; 4o à n'emmener avec lui qu'un sieur Naudet, et, parmi ses amis, que les personnes étrangères à la localité, et jamais au nombre de plus de deux, et enfin qu'un sieur Garandet pourrait aussi accompagner Deloix quand il chasserait »; Considérant que le demandeur, prétendant que les conditions dont s'agit ne seraient nullement exécutées par le défendeur, qui se serait permis de les enfreindre à maintes reprises, ainsi qu'il en offre la preuve, conclut à ce que la concession du cofermage, faite au profit de Deloix, soit déclarée résiliée; subsidiairement, à ce qu'il soit défendu audit Deloix de contrevenir à l'avenir aux conditions plus haut rapportées, à peine de tous dommages-intérêts, et en tous cas à ce qu'il soit condamné à 1,000 fr. de dommages et intérêts pour le préjudice déjà éprouvé; que, de son côté, le défendeur conclut uniquement à la non-recevabilité de la demande, par le double motif : 1° qu'à supposer constants les actes reprochés à Deloix, ils constitueraient des délits de chasse, et que, remontant à plus de trois mois, ils seraient couverts par la prescription, et ne pourraient donner lieu pas plus à une action civile qu'à une action pénale; 2o que les conventions sus-relatées, en les admettant comme établies, seraient contraires aux lois et règlements et à l'ordre public; Sur la première fin de non-recevoir : Considérant que de Lamotte se plaint, non d'infractions à la loi ou aux stipulations du cahier des charges dressé par l'administration forestière, mais uniquement de l'inexécution d'une convention qu'il prétend être intervenue lors de l'adjudication entre l'adjudicataire et Deloix; que l'inexécution des conditions d'une convention privée ou contrat synallagmatique, comme celui qui est allégué, peut bien donner lieu à une action en résolution et à des dommages et intérêts, mais ne saurait en aucune façon constituer un délit; que c'est donc à tort que le défendeur soutient pouvoir se retrancher derrière la prescription de trois mois, édictée en matière de délits de chasse, pour échapper à la demande formée contre lui par Duchesne de Lamotte;

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Sur la seconde fin de non-recevoir opposée par Deloix : Considérant qu'il est difficile d'apercevoir comment les conditions invoquées par le demandeur, et dont précédemment les termes ont été littéralement reproduits, pourraient être considérées comme contraires aux lois et à l'ordre public; que le défendeur n'entend sans doute pas attribuer ce caractère à la défense de chasser avec plusieurs personnes, ou avec des personnes d'une localité déterminée; que sa prétention ne s'explique pas davantage en ce qui concerne l'interdiction de tirer tel ou tel gibier, comme les cerfs ou les biches; qu'il est

vrai que ces derniers animaux ont été, par arrêté de M. le préfet de la HauteMarne, classés au nombre des animaux nuisibles; mais qu'il ne s'ensuit nullement, ni que chacun ait le devoir de les détruire, ni que la poursuite en soit permise à tous et en dehors des conditions déterminées par les lois et règlements; qu'il ne s'ensuit nullement que celui qui, propriétaire ou amodiataire, jouit d'un droit exclusif de chasse, ne puisse légitimement, sauf sa responsabilité vis-à-vis des tiers, limiter les permissions qu'il donne et se réserver pour lui seul la chasse de certains animaux nuisibles; qu'il n'y a rien là d'illicite, rien qui soit contraire ni à l'ordre public, ni à la loi, ni encore moins au droit naturel, invoqué, au nom de Deloix, au cours des plaidoieries; Par ces motifs; Jugeant en matière ordinaire et en premier ressort; Rejette comme non justifiées les fins de non-recevoir invoquées par le défendeur, l'en déboute, et, pour être plaidé au fond, renvoie les parties, etc.

Du 30 janv. 1889.-Prés., M. Noble; Mes Gardiennet et Mongeot, av.

No 20.- COUR DE CASSATION (Chambre des requêtes).

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Le locataire de la chasse d'une forêt est à bon droit reconnu responsable des dommages causés aux récoltes des propriétés voisines par les sangliers séjournant et s'étant considérablement multipliés dans la forêt, lorsqu'il est constant que, loin d'employer tous les moyens en son pouvoir pour empêcher la multiplication de ces animaux, il les chassait le plus souvent à courre et s'opposait à la destruction des laies. (C. civ., 1382, 1383, 1385.)

DE LAREINTY C. BIDET.

ARRÊT:

LA COUR: Sur le moyen unique de cassation pris de la violation, par fausse application, des art. 1382, 1383 et 1385 C. civ., de la violation des principes en matière de responsabilité des dégâts causés par les animaux, de la violation de la règle onus probandi incumbit ei qui dicit, du défaut de motifs et de la violation de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810 (en ce que le jugement attaqué a déclaré M. de Lareinty responsable des prétendus dégâts qui auraient été causés aux propriétés du défendeur éventuel par les sangliers, alors d'ailleurs qu'il n'était pas même allégué que ces derniers eussent été attirés par lui dans la forêt dont il est adjudicataire, et qu'il était constaté, d'autre part, que M. de Lareinty s'était livré à des battues et à des chasses nombreuses, soit à courre, soit à tir, avec le concours de piqueurs et d'invités); Attendu que le jugement attaqué constate que les récoltes des défen

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