Page images
PDF
EPUB

On sait comment la mort de Henri IV mit à éant ces grands projets. Richelieu les reprit il croyait «< que la France devoit avoir les limites que lui fixa la nature; » mais il ne les reprit que dans la partie qui pouvait être mise en pratique, c'est-àdire le reculement de notre frontière sur les points les plus vulnérables, et aux dépens de la maison d'Autriche, qui continuait à serrer la France de tous les côtés. Il intervint à cet effet dans la guerre de Trente Ans, et parvint à arracher des lambeaux importants de territoire sur l'Escaut, sur la Meuse, du côté du Rhin, sur les Pyrénées. Il ne put voir la fin de son œuvre, mais Mazarin la continua avec la plus habile persévérance, et, grâce au génie de Turenne et de Condé, il consolida à jamais les conquêtes françaises par les traités les plus glorieux et les plus utiles, le traité de Munster ou de Westphalie, conclu en 1648, et le traité des Pyrénées, conclu en 16591.

et basse Allemagne; mais il attachoit à soi inséparablement tous ceux qui auroient eu des plumes de cette dépouille et se rendoit arbitre et chef sur eux sans titres par effet, comme le pratiquoien les Romains sur leurs alliés. >>

1 Les prétentions de la France à reprendre la rive gauche du Rhin ne furent mises en avant par la diplomatie qu'avec beaucoup de précautions et de ménagements, mais elles furent énoncées hardiment par les écrivains, qui presque tous étaient inspirés par Richelieu et Mazarin. Parmi les nombreux écrits, publiés sur ce sujet

Par l'article 44 du traité de Munster, il est déclaré que la souveraine puissance sur les évêchés de Metz, Toul et Verdun, les villes de même nom et leurs dépendances, nommément sur Moyenvic, appartiendra desormais à la couronne de France, et lui sera incorporée à perpétuité et irré vocablement, en la même façon que jusques à présent elle avait appartenu à l'empire romain. » Quant à la Lorraine, qui avait été trois fois conquise sous Louis XIII, la France continua de l'occuper, et nous allons voir ce qui fut réglé à ce sujet par le traité des Pyrénées.

Par l'article 47 du même traité, il est dit : « Sa Majesté Impériale, tant pour soi que pour toute la maison d'Autriche et l'Empire, renonce à tous les

à l'époque des négociations du traité de Munster, on peut citer surtout celui de Lefèvre Chantereau ayant pour titre : Si les provinces de l'ancien royaume de Lorraine doivent être appelées terres de l'Empire; 1 vol. in-8°, Paris, 1644; dédié à la régente mère du roi. L'auteur y démontre, par des raisons contestables, mais qui répondaient au sentiment populaire, que la monarchie des Bourbons devait reprendre le royaume d'Austrasie, dont le royaume de Lorraine n'était qu'un débris, et que ce royaume avait toujours fait partie de la France; « que le gouvernement de la reine mère du roi avait donc des raisons pour retenir la Lorraine et revendiquer d'autres terres entre Rhin et Meuse, comme le bas Palatinat, les duchés de Berg et de Juliers, les évêchés de Liége, de Mayence et de Trèves, prenant partout le Rhin pour borne de la France, sans que le corps germanique pût se plaindre qu'on blessât son intégrité, puisque dans l'origine ces pays ne faisoient pas partie de l'Allemagne. »

droits de propriété, seigneurie, possession et juridiction qu'elle avoit en la ville de Brisach, au Landgraviat de la haute et basse Alsace, au Sundgaw, et en la préfecture provinciale des dix villes impériales sises en Alsace, savoir: Haguenau, Colmar, Schelestadt, Weissembourg, Landau, Oberenheim, Rosheim, Munster en la vallée SaintGrégoire, Kaisersberg et Turkheim, et en tous les villages qui en dépendent, lesquels droits elle transporte au roi très-chrétien et à son royaume1. >>

Comme on le voit, la ville impériale ou république de Strasbourg n'était pas comprise dans la cession de l'Alsace; mais cette exception se trouvait en partie compensée par la possession de Brisach, située sur la rive droite, et par le droit, concédé au roi très-chrétien, d'avoir garnison dans Phi

1 L'art. 50 confirme plus explicitement cette renonciation:

« L'Empereur, l'Empire et l'archiduc Ferdinand-Charles quittent et dispensent les ordres, magistrats, officiers et sujets desdits lieux et seigneuries de la servitude et des serments par lesquels, jusqu'à ce jour, ils leur avoient été obligés et sujets à la maison d'Autriche, et les remettent et obligent à la sujétion, obéissance et fidélité du roi de France, et ainsi établissent cette couronne en une pleine et juste souveraineté, propriété et possession d'iceux, renonçant à perpétuité pour eux et les leurs à tous les droits et prétentions qu'ils y avoient, s'obligeant d'y faire aussi renoncer le roi d'Espagne et d'en délivrer telles patentes que la France désirera. »

lipsbourg, forteresse qui donnait une deuxième entrée de l'Allemagne. D'ailleurs l'article 54 disait « On ne pourra construire aucun fort sur le Rhin, au delà de la rivière, c'est-à-dire du côté de l'Allemagne, depuis Bâle jusqu'à Philipsbourg. » La possession du Rhin nous était donc assurée sur ses deux rives, et la France touchait enfin ce grand fleuve, dont elle était séparée depuis huit siècles.

La conquête de l'Alsace, province toute germanique de race, de langue et de mœurs, mais géographiquement toute gauloise, fut la conquête la plus hardie, la plus heureuse de la maison de Bourbon. Elle ne donna pas seulement un riche territoire, des positions militaires, une belle frontière, mais une population brave, disciplinée, vigoureuse, qui devait se franciser avec une merveilleuse facilité en moins d'un demi-siècle, il n'était

1 Art. 49. « Le roi très-chrétien aura droit de tenir perpétuellement garnison dans la forteresse de Philipsbourg, pour sa défense, d'un nombre de soldats non suspect au voisinage et qui sera aussi entretenu aux dépens de la France, laquelle aura aussi tous passages libres dans l'Empire, tant par eau que par terre, pour les soldats, vivres et toutes autres choses, toutefois et quantes que Sa Majesté très-chrétienne en aura besoin; la propriété de ladite forteresse, sa juridiction, ses revenus, sujets vassaux et tous les droits demeurant comme par le passé à l'évêque et chapitre de Spire, et le droit de protection, de passage et d'y tenir garnison à la couronne de France. >>

point de province plus jalouse de son existence française, mieux disposée à la lutte et aux sacrifices; elle mettait déjà sa gloire à être le principal boulevard de la France.

Le traité des Pyrénées donna à la France: 1° l'Artois, moins les villes d'Aire et de Saint-Omer; 2o les villes flamandes de Gravelines, de Bourbourg et de Saint-Venant; 3° la partie du Hainaut qui renferme Landrecies, le Quesnoy, Avesnes;

1 Avesnes fut cédée par un article particulier (art. 40), et en compensation du pardon accordé par Louis XIV au prince de Condé. On sait que l'Espagne avait menacé de faire à ce prince un État indépendant et sur la frontière française, si la France ne le rétablissait pas dans ses biens et diguités la ville d'Avesnes faisait partie de cet État projeté, ainsi que le duché de Juliers, appartenant au duc de Neubourg, allié de la France. C'est ce qui est exprimé dans l'article 84 du traité.

« Pour ce qui regarde les charges et gouvernements des provinces dont le prince de Condé étoit pourvu et qu'il possédoit avant sa sortie de France, Sa Majesté très-chrétienne auroit longtemps et constamment refusé de l'y rétablir, jusque à ce que, étant touchée de la soumission dudit prince, elle s'est enfin portée lui accorder ce qui suit, à certaines conditions dont lesdits rois ont convenu : Savoir est que le roi catholique, au lieu de ce qu'il avoit l'intention de donner audit prince pour dédommagement, tirera la garnison espagnole qui est dans la place et citadelle de Juliers, pour laisser ladite place et citadelle libres à M. le duc de Neubourg; comme aussi que Sa Majesté catholique mettra entre les mains de Sa Majesté très-chrétienne la ville et place d'Avesnes, entre Sambre et Meuse, avec ses appartenances, dépendances, annexes et domaines (laquelle place d'Avesnes Sa Majesté catholique avoit, entre autres choses, intention de donner audit prince; moyennant ce que dessus, c'est-à-dire en compensation de ladite remise et cession

« PreviousContinue »