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43. Deux-Siciles. Les dispositions du code du royaume des Deux-Siciles sur la propriété et sur la manière de l'acquérir ne diffèrent en rien de celles du code Napoléon.

44. Sardaigne. Le code sarde ne s'en éloigne que par des différences peu importantes. Et d'abord il oblige le possesseur de mauvaise foi à restituer, non-seulement les fruits qu'il a effectivement perçus, mais encore ceux qu'un bon père de famille eût pu percevoir et que le possesseur n'a pas perçus par sa faute (455). A l'égard des améliorations que le possesseur évincé pourrait avoir faites sur l'immeuble, ce code distingue ou le possesseur était de mauvaise foi ou il était de bonne foi. S'il était de mauvaise foi, il n'a droit à rien. S'il était de bonne foi, il n'a droit à une indemnité que pour les améliorations existant encore au moment de l'éviction. Quant au chiffre de l'indemnité, s'il y a une différence entre la somme représentant la valeur effective des améliorations et celle qui a été réellement dépensée pour cet objet, le possesseur ne peut prétendre qu'à la plus faible de ces deux sommes (456).

Dans le cas où le propriétaire du sol a fait des constructions, plantations et ouvrages avec les matériaux d'autrui, le code Napoléon (554) refuse au propriétaire de ces matériaux le droit de les enlever; le code sarde (461) va moins loin; il dit simplement que le propriétaire des matériaux n'a le droit de les enlever que dans le cas où on le peut sans supprimer les ouvrages faits, et sans faire périr les plantations.

Dans le cas où une partie d'un bâtiment en construction empiète sur le sol du voisin, si celui-ci a eu connaissance de la construction et ne l'a point empêchée et si le constructeur a été de bonne foi, ce dernier peut être déclaré propriétaire tant du sol que du bâtiment, en payant au voisin le double de la valeur de l'emplacement occupé, outre les dommages-intérêts pour le préjudice qu'il peut éprouver (463). Lorsque des constructions, plantations, ouvrages, ont été faits par un tiers sur le fonds d'autrui et avec des matériaux qui ne lui appartenaient pas, le maître des matériaux ne peut les revendiquer. Mais il peut agir contre le tiers qui s'en est servi pour se faire indemniser; il peut même agir contre le propriétaire du sol, mais seulement pour se faire attribuer le prix que ce dernier devrait encore pour les travaux dont il s'agit (464).

Les iles qui se forment dans les rivières non navigables sont attribuées par le code sarde, comme par le code Napoléon, soit aux riverains des deux côtés, soit à ceux d'un seul côté, suivant la position que ces les occupent dans la rivière. Mais, pour le partage qui doit en être fait entre les riverains du même côté, le code sarde (470) ajoute : « La division.......... a lieu en proportion du front de leur héritage. Cette proportion se détermine au moyen d'une ligne droite tirée entre deux points, dont l'un pris à l'extrémité supérieure de l'île, dans l'endroit où les eaux se séparent, et l'autre à l'extrémité inférieure de l'île, dans l'endroit où les eaux se réunissent: sur cette ligne droite on élève des perpendiculaires dirigées vers les confins du front de chaque héritage, et ces perpendiculaires, aboutissant d'une part à ces confins, de l'autre à la ligne fluviale, forment les lignes de division de l'île entre chaque héritage (471).»-Lorsqu'un fleuve ou une rivière se forme un nouveau cours en abandonnant son ancien lit, le code sarde, comme le code Napoléon, attribue aux propriétaires des fonds nouvellement occupés, à titre d'indemnité, l'ancien lit abandonné. Mais le code sarde ajoute (473): « Si, ces propriétaires étant indemnisés, il reste encore une partie du sol, elle appartiendra aux propriétaires riverains du lit abandonné. »>

Le code sarde admet l'occupation comme moyen d'acquérir : Les animaux qui sont l'objet de la chasse ou de la pêche (régies d'ailleurs toutes deux par des lois particulières); Le trésor; Les choses mobilières abandonnées; Les choses perdues (682 et 685). Celui qui trouve une chose perdue doit la rendre au précédent possesseur, si les signes qu'elle présente ou d'autres circonstances le lui font connaître. S'il ne le connait pas et que la chose excède la valeur de deux livres, il doit la consigner immédiatement au syndic de la commune où elle a été trouvée ou à l'autorité préposée à cet effet. L'inventeur qui n'a fait ni la restitution ni la consignation est considéré comme détenteur frauduleux de la chose d'autrui (686). Le syndic ou l'autorité préposée fait connaitre au public la consignation qui TOME XXXVIII.

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lui a été faite (687). Si, dans les deux ans de la publication, maître ne se présente pas, la chose est présumée abandonnée et appartient à celui qui l'a trouvée. Lorsque les circonstances en ont exigé la vente, ce dernier a le droit de s'en faire remettre le prix (688). Si le maître se présente, il est tenu de rembourser les frais qui ont pu être faits; il doit en outre, si celui qui a le trouvé la chose l'exige, lui payer, à titre de récompense, dixième de la somme ou de la valeur de la chose; toutefois, si cette somme ou valeur excède deux mille livres, la récompense n'est que du vingtième (689 et 690).

Le propriétaire d'essaims d'abeilles a le droit de les suivre sur le fonds d'autrui; mais il est obligé de réparer le dommage causé au possesseur du fonds; s'il laisse passer deux jours sans les poursuivre, ou s'il interrompt sa poursuite pendant deux jours, le possesseur du fonds sur lequel les abeilles se sont arrêtées a le droit de s'en emparer (684). Le propriétaire d'animaux apprivoisés (autres que les pigeons, lapins de garenne ou poissons) a aussi le droit de les suivre et de les réclamer sur la propriété d'autrui; toutefois s'il ne les réclame pas dans les vingt jours, ils appartiennent à celui qui s'en est rendu maître (684).

Sur tous les points autres que ceux dont il vient d'être question, le code sarde ne fait que reproduire les dispositions du code Napoléon.

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45. Belgique. Là le code civil en vigueur n'est autre, comme on le sait, que le code Napoléon, sauf quelques modifications qui ont pu y être opérées, depuis la séparation des deux pays, par des lois spéciales. Aucune de ces modifications ne touche à la propriété et aux manières de l'acquérir.

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46. Hollande. Quant à la Hollande, le code civil qui la régit, et qui y est en vigueur seulement depuis l'année 1838, diffère du code Napoléon sur plusieurs points en ce qui concerne le droit de propriété. Ainsi il oblige le possesseur de mauvaise foi à restituer même les fruits qu'il n'a pas perçus, mais que le propriétaire aurait pu percevoir; et il le déclare, en outre, passible de dommages-intérêts (634). Il met à sa charge les dépenses utiles et d'agrément qu'il a pu faire, lui laissant seulement la faculté d'enlever les objets séparables (636); quant aux dépenses nécessaires, il en accorde le remboursement au simple possesseur de mauvaise foi; mais il le refuse à celui qui s'est mis en possession par violence (635).

D'après ce code, la propriété des choses ne peut être acquise que par appropriation (occupation), incorporation, prescription, succession légale ou testamentaire, et tradition, ou livraison accompagnée d'un titre de transmission de propriété émané de celui qui a le droit d'en disposer (639). Les meubles qui n'appartiennent à personne deviennent la propriété du premier occupant (640).-Le droit de s'approprier le gibier et les poissons appartient exclusivement au propriétaire du fonds sur lequel ils se trouvent, sauf les droits acquis actuellement et les lois et règlements en vigueur (641).

La propriété d'une rivière ou d'un fleuve emporte la propriété du sol sur lequel l'eau coule (646). Un terrain inondé reste la propriété de celui à qui il appartenait antérieurement. Toutefois, s'il est reconnu par le roi que, pour cause d'utilité publique ou pour mesure de sûreté des propriétés voisines, le terrain doit être mis à sec, il sera fait sommation au propriétaire d'en opérer le desséchement et l'endiguement ou d'y coopérer; en cas de refus ou de contestation de sa part, il y a lieu à expropriation. Le prix est fixé sur la valeur du terrain submergé (649). - Le propriétaire d'une dune est propriétaire du fonds. Si un terrain est couvert par une dune, il appartient au propriétaire de la dune, à moins que les limites n'aient été fixées dans les cinq ans (650).—L'alluvion profite, non-seulement aux riverains des fleuves ou rivières, comme en France, mais aussi aux propriétaires riverains des lacs navigables, de la mer et des rivières où le flux et le reflux se font sentir (652). — Lorsqu'une partie considérable et reconnaissable d'un champ riverain a été enlevée subitement par un fleuve et une rivière et portée vers un autre terrain, le propriétaire de cette partie a pour réclamer, non pas seulement un délai d'un an, comme chez nous, mais un délai de trois ans (654).

Celui qui a employé une matière qui ne lui appartient pas à

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à aucune indemnité; et si quelqu'un laboure ou ensemence ainsi le champ d'un autre, il est censé le faire par pure générosité. Celui qui possède sans droit la chose d'autrui, qu'il soit d'ailleurs de bonne ou de mauvaise foi, peu importe, est tenu de restituer les fruits au véritable propriétaire ou de lui payer la location; mais l'action du propriétaire en répétition du revenu an

former une chose d'une nouvelle espèce peut se l'approprier en payant le prix de la chose, ainsi que des dommages-intérêts s'il y a lieu (661). Lorsque la chose nouvelle est formée sans le fait de l'homme, elle devient propriété commune aux propriétaires des matières transformées, en proportion de la valeur respective de chacune de ces matières (662). Si la matière, appartenant à plusieurs propriétaires, a été employée par l'unnuel se prescrit par sept ans. d'entre eux, il y lieu à remboursement et à indemnité de la part de celui qui s'en est servi (663). — Si les matières peuvent être séparées, chacun reprend la sienne (664).

Nous avons parlé de la livraison comme devant concourir avec le titre de transmission pour opérer translation effective de propriété. La délivrance des effets mobiliers corporels s'opère ou par la tradition, ou par la remise des clefs des bâtiments qui les contiennent (667). La livraison des titres de créances qui ne sont pas au porteur et d'autres effets incorporels s'opère par acte authentique et sous signature privée. Le cessionnaire n'est saisi vis-à-vis du débiteur que par la signification qui lui est faite ou par son acceptation. A l'égard des effets au porteur la tradition suffit (668). La livraison des immeubles s'opère par la transcription sur les registres publics (671). 47. Angleterre. En ce pays, la principale distinction des biens n'est pas, comme en France, en meubles et immeubles, mais en biens réels et personnels. On nomme biens réels les immeubles possédés à perpétuité ou pour la vie. Les biens personnels sont les choses mobilières en général et le droit de jouir des immeubles pendant un temps déterminé, quelque long qu'il soit, fût-il égal à la durée de plusieurs vies. Les biens personnels sont désignés sous le nom de chattels, et on les distingue en chattels réels ou chattels personnels, suivant qu'ils sont de nature immobilière ou de nature mobilière.

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Dans la loi anglaise, le roi est, en principe, considéré comme le seigneur direct de toutes les terres de son royaume, et les particuliers sont réputés les tenir de lui en fief. Ceux qui tiennent immédiatement du roi et n'ont pas d'autre seigneur se nemment francs-tenanciers (freeholders); quant à ceux qui sont censés tenir d'un seigneur particulier (franc-tenancier lui-même par rapport au roi) et que nous appellerions sous-tenanciers, ils se divisent en deux classes: les copyholders (tenants en vertu d'une copie), et les customary freeholders (francs-tenanciers de coutume). Dans le premier cas, le fief est dit tenu à la volonté du seigneur, et dans le second cas il est dit non tenu à la volonté du seigneur. Mais, entre les deux, la différence n'est que nominale, et, de plus, les droits de ces sous-tenanciers sont, d'après la coutume, à peu près les mêmes que ceux des francs-tenanciers eux-mêmes. Enfin, à l'égard de ces derniers, le domaine éminent du roi est purement théorique et n'a aucune conséquence pratique; le droit du franc-tenancier est un droit de propriété aussi plein et entier qu'il peut l'être en quelque pays que ce soit : c'est le droit d'user et d'abuser dans toute son étendue. Toutefois, quant au droit de disposer, on distingue entre le fief simple (fee simple) et le fief mouvant ou conditionnel (fee tail, conditional, qualified, ou in settlement). Le possesseur peut disposer du premier de la manière la plus absolue; mais il ne peut disposer du second au préjudice de ceux qui doivent le recueillir après lui, à peu près comme chez nous en cas de sub. stitution. Au surplus, quelle que soit la nature du droit, nul ne peut étre contraint de céder sa propriété, si ce n'est moyennant une juste indemnité, excepté dans certains cas, par autorité du parlement ou pour nécessité publique.

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La propriété d'une chose, que cette chose appartienne d'ailleurs à la classe des biens réels ou des biens personnels, donne Iroit à tout ce qu'elle produit; ce qui s'applique aux fruits naturels, industriels et civils, et au croit des animaux. La portée les animaux privés appartient au maître de la femelle. Il y a xception, toutefois, à l'égard de la couvée des cygnes, qui apartient par égale portion au maître du mâle et à celui de la femelle. Nous avons vu que d'après le code Napoléon (548) | les fruits n'appartiennent au propriétaire du sol qu'à la charge de rembourser les frais de labours, travaux et semences faits par des tiers. Il n'en est pas de même d'après le droit anglais. En règle générale, si quelqu'un emploie son travail sur la chose d'autrui sans son consentement exprès ou présumé, il n'a droit

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Les dispositions de la loi anglaise en ce qui concerne l'accession sont presque en tout conformes à celles du code Napoléon. Il y a toutefois quelques dissemblances que nous devons signaler. Lorsque des plantations ou constructions ont été faites par un tiers avec ses propres matériaux sur le fonds d'autrui, si le propriétaire préfère les conserver, l'art. 555 c. nap. l'oblige à rembourser la valeur des matériaux et le prix de la main-d'œuvre; de plus, lorsque ces plantations, constructions et ouvrages ont été faites par un possesseur de bonne foi, le mème article refuse au propriétaire le droit d'en demander la destruction, mais il lui laisse le choix ou de rembourser la valeur des matériaux et le prix de la main-d'œuvre ou de payer la plus-value qui en ré sulte pour le fonds. La loi anglaise permet, en règle générale, au propriétaire du fonds de retenir les ouvrages sans indemnité. Cependant, lorsque des améliorations ont été faites dans un fonds par un possesseur de bonne foi, si le véritable propriétaire l'avait su et avait laissé faire sans rien dire, il ne pourrait profiter de ces améliorations qu'en remboursant la dépense. Dans le cas même où le possesseur aurait été de mauvaise foi, l'équité commanderait de lui tenir compte de la plus-value.

D'après l'art. 563 c. nap., si une rivière, navigable ou non, abandonne son ancien lit pour s'en former un nouveau, les pro| priétaires des fonds nouvellement occupés prennent, à titre d'indemnité, l'ancien lit abandonné. En Angleterre, si une rivière navigable se forme un nouveau lit, le terrain de l'ancien qu'elle a abandonné appartient à la couronne.

En matière mobilière, aussi, les règles posées par les lois française et anglaise relativement à l'accession ne sont pas parfaitement identiques. D'après la loi anglaise, lorsque deux objets mobiliers appartenant à différents maîtres ont été réunis de leur consentement ou sans la faute de l'un ni de l'autre, les deux propriétaires y ont droit en commun dans la proportion de leurs parts respectives. Lorsque les deux choses ne peuvent plus être distinguées ni séparées, et que l'une a été mêlée à l'autre par l'un des propriétaires sans le consentement ou à l'insu de l'autre, la propriété du tout appartient à celui des deux dont la propriété a été envahie par l'autre; mais, quand les choses peuvent être clairement séparées, chacun des deux propriétaires, même celui qui a fait la mixtion frauduleusement, conserve son droit.

Le maître de la matière conserve sa propriété sur elle, même après qu'un tiers lui a donné une nouvelle forme (par exemple, en brodant sur sa toile, en faisant avec son métal des vaisseaux ou ustensiles); mais si la nature de la chose est changée, comme lorsque les raisins sont convertis en vin ou des olives en huile, le propriétaire de la matière n'a droit qu'à une indemnité.

A la différence de la loi française, la loi anglaise reconnaît, en principe, l'occupation comme un moyen d'acquérir les biens qui n'ont pas de maître. Toutefois ce droit, quant aux propriétés immobilières, est renfermé dans des limites fort étroites. Il n'a jamais lieu au préjudice du roi. A l'égard des particuliers, si une propriété a été concédée à un homme pour lui et ses héritiers per auter vie (c'est-à-dire pendant la vie d'un autre) et que cet homme vienne à mourir le premier, l'héritier est autorisé par la loi à s'emparer de ce bien vacant et à en jouir pendant la vie de l'autre homme désigné; il est, en termes de loi, un occupant spécial. Un statut de Charles II porte que, lorsqu'il n'y a nul héritier désigné, le tenant per auter vre peut léguer la possession par testament, ou qu'elle passera soit aux exécuteurs testamentaires, soit aux administrateurs des successions ab intestat, pour le payement des dettes du tenant décédé. Un autre statut, de Georges II, porte que ce qui restera des revenus de la possession per auter vie sera réparti après le payement des dettes, de la même manière que les biens de la nature des chattels. Si un tenant meurt ab intestat, et sans laisser d'héritier de ses terres, les lois en donnent la propriété au roi ou au seigneur subordonné du fief, comme écheoite (Blackstone, liv. 2, ch. 16).

Le droit de chassé est régi par des lois particulières. Le droit de chasser les animaux nuisibles, comme les renards, appartient à tous dans l'intérêt public; mais il doit être exercé de la manière accoutumée. Quant au droit de pêche, il appartient à tous dans les rivières navigables, excepté cependant lorsqu'il existe d'anciennes concessions ou chartes contraires.

Le trésor, c'est-à-dire toute somme ou valeur en or, argent, vaisselle, lingots, qu'on trouve cachée en terre ou dans quelque place secrète, et dont le propriétaire est inconnu, appartient au roi; il est à celui qui l'a caché, s'il est connu, ou s'il se fait connaître ensuite. De même, si on le trouve dans la mer, ou sur la surface de la terre, il appartient, non au roi, mais à celui qui le trouve, s'il ne se présente aucun propriétaire. -Anciennement tout trésor trouvé appartenait à l'inventeur. Plus tard, et par des raisons politiques, on attribua au roi les trésors cachés; les trésors perdus accidentellement et non réclamés, ou abandonnés à dessein, continuèrent d'appartenir à celui qui les aurait trouvés. L'amende et la punition sont encourues par ceux qui dérobent au roi la connaissance d'un trésor caché (Blackstone, liv. 1, ch. 8). Par la loi commune et par les statuts, les objets naufragés appartiennent au roi. Cette loi a subi successivement de nombreuses modifications au profit des malheureux naufragés. Dans l'origine on regardait le naufrage comme ayant détruit tout droit du propriétaire. Depuis, et sous différents règnes, il fut déclaré que s'il échappait du navire un homme vivant ou un animal, le droit de naufrage n'aurait pas lieu, et que les marchandises seraient rendues au propriétaire, à charge de réclamer dans les trois mois. Richard Ier voulut même que ce ne fût qu'à défaut de père ou sœur du naufragé péri que les marchandises restassent au roi. Plus tard il fut réglé que, s'il reste un chien ou un chat qui puisse faire reconnaitre le propriétaire, ou une marque certaine sur les marchandises, le vaisseau ne serait pas confisqué comme naufragé: le délai de la réclamation fut porté à l'an et jour. Aujourd'hui l'opinion adoptée est que les effets ou marchandises ne doivent pas être confisqués si l'on peut en prouver la propriété. Le shérif du comté est tenu de garder les marchandises et débris pendant un an et jour; si, dans cet intervalle, quelqu'un prouve sa propriété, soit directe, soit par représentation, les marchandises sont restituées sans délai; passé ce temps, faute de preuve, elles sont adjugées au roi. Si les marchandises sont de nature périssable, le shérif peut en faire faire la vente, et l'argent qui en provient les représente.-Le droit sur les effets naufragés est souvent concédé par le roi. Si des objets appartenant au roi viennent échouer sur la propriété d'une personne jouissant de ce droit, le roi peut les réclamer en tout temps, même après l'an et jour.

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Pour constituer un droit légal de bris ou naufrage, il faut que les marchandises ou effets viennent à terre. Si elles restent à la mer, elles sont distinguées en trois classes, désignées sous les noms barbares de jetsam, flotsam et ligan, c'est-à-dire objets engloutis ou flottant à la surface, ou retenus sous l'eau et attachés à un liége ou à une bouée, et qu'on peut retrouver par ce moyen. Ces objets appartiennent au roi, à moins que le propriétaire ne se présente. Ces trois classes de débris qui n'arrivent pas à terre ne sont pas comprises dans les concessions que fait le roi du droit de bris ou naufrage.

Aujourd'hui il arrive rarement, vu l'amélioration des moyens de commerce, de navigation et de correspondance, que le propriétaire ne puisse pas prouver sa propriété avant le délai de Pan et jour. La loi a pris des précautions pour conserver cette propriété. D'après un statut d'Édouard III, si un navire se perd sur le rivage, et que le chargement vienne à terre, ce qui n'est pas un débris de naufrage, les marchandises doivent être immé diatement délivrées aux négociants, qui n'ont à payer qu'un droit ou indemnité de sauvetage. Selon la loi commune, si quelqu'un, autre que le sherif, prend des objets jetés sur le rivage, et qui ne soient pas naufragés dans le sens légal, les propriétaires peuvent obtenir une commission pour le rechercher et l'obliger à restitution. Un statut de la reine Anne oblige les principaux officiers et autres des villes voisines de la mer, à rassembler, sur la demande à eux adressée, autant de gens qu'il est nécessaire, et de les envoyer au secours du vaisseau en danger de naufrage, à peine de 100 liv. d'amende; si le secours est donné,

le sauvetage doit être payé par les propriétaires et réparti par trois juges de paix du voisinage. Celui qui distrait des marchandises encourt une amende du triple de leur valeur. Celui qui, par un acte criminel, en pratiquant des trous ou autrement, cause la perte du navire, est coupable de félonie, sans privilège clérical. Sont déclarés félonies capitales: le pillage d'un bâtiment en danger de naufrage ou naufragé, l'opposition aux efforts d'un individu pour échapper à la mort, ou l'acte de le blesser avec l'intention de lui ôter la vie, ou celui d'élever de faux signaux pour mettre un navire en danger. La destruction des signaux établis sur les côtes est punie d'une amende de 100 liv.; à défaut de payement, le coupable est mis hors de la protection des lois. Est considéré comme escroquerie, petty-larceny, le vol d'un objet jeté sur le rivage. Il existe encore un autre règlement pour préserver les navires naufragés de toute nation. - V. Blackstone, liv. 1, chap. 8.

Les épaves (estravs) consistent dans les animaux d'une valeur appréciable, égarés et errants, et dont personne ne connaît le propriétaire. La loi les attribue au roi; elles appartiennent plus ordinairement aux seigneurs, par concession du roi. Pour que le roi ou ses concessionnaires aient la propriété absolue, il faut que la saisie de l'épave soit publiée à l'église et dans les deux marchés les plus voisins du lieu où elle a été trouvée; si personne ne réclame dans l'an et jour à compter de la publication, l'épave appartient au roi ou à son cessionnaire, sans retour, même quand le propriétaire serait mineur ou autrement incapable. Si le propriétaire réclame dans le délai, il doit payer les frais faits pour trouver, garder et proclamer l'épave. Si un autre que le propriétaire trouve la propriété d'autrui et la garde sans avoir droit à l'épave, le propriétaire peut exiger la restitution ou la valeur sans rembourser les frais de garde. Le roi ou le seigneur ne devient propriétaire qu'après l'an et jour; s'il garde une épave pendant les trois quarts de l'année, et que, dans l'intervalle qui reste à courir de cette année, elle s'égare de nouveau, et tombe à un autre seigneur, le premier ne peut la reprendre. Les moutons, bœufs, cochons, chevaux, le bétail, les animaux d'un naturel privé ou qui peuvent être apprivoisés, et dont la propriété a une valeur, peuvent être épaves; il n'en est pas de même des animaux sauvages, et qui n'ont pas de prix appréciable. Parmi les oiseaux, on ne considère comme épave que le cygne, ce qui le fait nommer oiseau royal. Celui qui prend une épave est tenu, tant qu'il la garde, de la nourrir et préserver de tout dommage: il ne peut l'employer au labour. Il peut faire traire une vache et faire tout ce qui peut tendre à l'avantage de l'animal et à sa conservation (V. Blackstone, liv. 1, ch. 8). 48. Autriche. D'après le code autrichien, toutes choses peuvent être l'objet du droit de propriété, les biens incorporels comme les biens corporels. La propriété est le droit de jouir et de disposer de la manière la plus absolue; toutefois elle ne peut être exercée au préjudice des droits des tiers et qu'à la charge de respecter les limites fixées par la loi dans l'intérêt de l'ordre et des progrès du bien général. Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique el moyennant une juste indemnité.

Le propriétaire peut exercer l'action pétitoire contre tout possesseur, à moins cependant qu'ayant lui-même aliéné la chose quand il n'était pas propriétaire, il n'ait postérieurement acquis la propriété (366). Le demandeur au pétitoire doit prouver que la chose que possède indûment le détenteur est sa propriété (369). Celui qui réclame en justice une chose mobilière doit la désigner de telle sorte qu'elle puisse être distinguée de toutes les choses de la même espèce (570). L'argent, les billets, et en général les choses qu'il n'est pas possible de distinguer, ne peu. vent être l'objet d'une action pétitoire, à moins de circonstances à l'aide desquelles le demandeur puisse prouver sa propriété, ét qui devaient indiquer au défendeur qu'il ne pouvait pas s'approprier la chose (371). — Si la preuve de l'acquisition n'est pas complète, il suffit qu'il établisse sa possession avec sincérité. Il est légitime propriétaire à l'égard de celui qui ne peut représenter aucun titre de sa possession ou qui en représente un plus faible (372). Le possesseur est de mauvaise foi quand il ne peut indiquer son cédant ou qu'il indique seulement un cédant suspect, ou quand il a recu la chose à titre gratuit et que le demandeur l'a

acquise à titre onéreux (373). La présomption, en cas de doute, est toujours en faveur de la possession (374). En cas d'éviction, le possesseur de borne foi fait les fruits siens, mais seulement quand ils sont détachés du sol. Les autres fruits réalisés restent sa propriété s'ils sont échus pendant sa possession paisible (380). Le propriétaire d'une chose a droit, par accession, sur tout ce qu'elle produit et sur tout ce qui s'y unit (404). — Ainsi, les fruits naturels du fonds et le croit des animaux accroissent au propriétaire (405). Il n'est dû aucun salaire au maître d'un animal qui a couvert celui d'un autre, à moins de stipulation contraire (406).

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Les règles établies par le code autrichien relativement à l'alluvion, aux iles et atterrissements qui se forment dans les rivières (407 et suiv.) ne diffèrent pas des règles que contient sur le même sujet le code Napoléon. En ce qui concerne les constructions et plantations faites soit sur le fonds d'autrui, soit avec les matériaux d'autrui, les règles ne sont pas tout à fait les mêmes. Et d'abord le propriétaire de matériaux employés à la réparation de la chose d'autrui peut en demander le prix et se faire en outre adjuger des dommages-intérêts selon la bonne ou la mauvaise foi de celui qui les a employés (416). Si le propriétaire d'un fonds construit un édifice sur ce fonds avec les matériaux d'autrui, l'édifice lui appartient; mais il doit payer au maître des matériaux un prix plus ou moins élevé, suivant sa bonne ou mauvaise foi (417).—Lorsque c'est le maître des matériaux qui a construit sur le terrain d'autrui, il faut distinguer: Si le constructeur était de bonne foi, le propriétaire du sol doit lui rembourser la valeur des matériaux; si le constructeur était de mauvaise foi, il doit être considéré comme un mandataire ayant agi sans mandat. Il pourrait arriver que le constructeur eût été de bonne foi et le propriétaire du fonds de mauvaise foi, que ce dernier eût eu connaissance de la construction et n'eût rien fait pour arrêter les travaux dans ce cas, il perd sa propriété et ne peut réclamer que le prix de son fonds au prix ordinaire (418). - Lorsqu'une construction a été élevée sur le fonds d'autrui avec les matériaux d'autrui, lorsqu'un champ a été ensemencé ou planté avec des semences ou des plantes d'autrui ayant pris racine, l'accroissement a lieu au profit du fonds; mais, dans ce cas, celui qui a construit, semé ou planté doit rembourser au maître des matériaux, semences ou plantes, soit leur valeur commune, soit leur prix le plus élevé, selon qu'il a été de bonne ou de mauvaise foi (419 et 420).

A l'égard des choses mobilières inanimées, le code autrichien pose en principe qu'on ne s'approprie pas la chose d'autrui par cela seul qu'on l'a mise et confondue avec la sienne (414). Si elle peut être rétablie dans son état primitif, elle doit être rendue à son propriétaire avec dommages-intérêts. Si la restitution est impossible, les deux choses confondues deviennent communes entre les deux propriétaires, pourvu, cependant, qu'il y ait eu bonne foi de la part de celui qui a employé la chose d'autrui; dans le cas contraire, celui dont la chose a été indûment employée a le choix ou de la garder sans indemnité, ou de la céder. S'il n'y a eu ni mauvaise foi ni faute imputable à aucun des deux, le choix appartient à celui dont la possession a le plus de valeur (415).

Le code autrichien admet l'appropriation, c'est-à-dire l'occupation, comme moyen d'acquérir les choses qui n'ont pas de maltre ou qui ont été abandonnées (380 et suiv.). Le droit de chasse et le droit de pêche sont des conséquences de ce principe; des arrêtés administratifs en règlent l'exercice (383). Les essaims d'abeilles et les animaux domestiques ne sont pas des choses sans maltre, et par conséquent ne tombent pas sous l'application de ce principe; le propriétaire a le droit de les poursuivre sur le terrain d'autrui sans indemnité. Mais si l'on reste deux jours sans réclamer l'essaim ou quarante-deux jours sans demander l'animal domestique, ils peuvent être conservés par quiconque s'en est emparé sur un terrain public et par le propriétaire qui les a pris sur son terrain (384).

Quant aux fonds de terre et aux édifices, les lois administratives fixent les cas dans lesquels ils doivent être considérés comme abandonnés ou être confisqués, les uns pour défaut de culture, les autres pour défaut de réparation (387).

Dansoute, l'abande d'une chose ne doit pas être présumé.

Ainsi celui qui trouve une chose ne doit pas la considérer comme abandonnée et se l'approprier (388). Si elle est reconnaissable par des marques distinctives ou par quelque autre circonstance, il doit la restituer. Mais il peut ne pas connaître le précédent propriétaire. Dans ce cas, si la chose vaut plus d'un florin, il doit faire connaître sa trouvaille dans la huitaine, suivant le mode usité dans la localité; si la chose excède 12 florins, il doit en donner avis à l'autorité locale (589). En restituant la chose, il a le droit d'exiger d'abord le remboursement de ses frais, et, en outre, 10 p. 100 de la valeur à titre de récompense (391). Si la chose n'est pas réclamée dans le délai d'un an, l'inventeur a le droit de s'en servir; si le propriétaire se fait connaître avant le délai de la prescription légale, il a droit à la restitution de la chose et des intérêts, sous la déduction des frais, et de la récompense; mais, le délai de la prescription accompli, la propriété est acquise à l'inventeur (392). — Quant aux choses trouvées ensevelies ou cachées, on doit les faire annoncer pour en découvrir le véritable propriétaire (397). Si c'est un trésor, c'est-à-dire de l'argent, des bijoux, des matières précieuses cachées depuis si longtemps qu'on n'en peut découvrir le véritable propriétaire, la découverte doit être notifiée au gouverneur (398). Dans ce cas, un tiers est attribué à l'Etat, un tiers au propriétaire du fonds et un tiers à l'inventeur (399). Celui qui a caché la découverte du trésor perd son tiers, qui est attribué au dénonciateur ou à l'Etat (400).

СНАР. 2. - NATURE ET ÉLÉMENTS DU DROIT DE PROPRIÉTÉ. 49. 10 Nature du droit de propriété. — La propriété, la pleine et parfaite propriété confère au maître sur la chose un droit de domaine en vertu duquel cette chose est sienne d'une manière absolue et exclusive. Or, ce droit de domaine, dominium, n'étant en soi que le faisceau de tous les droits réels possibles sur une chose, la notion générale de la nature du droit de propriété se lie par là même essentiellement à la distinction, si fondamentale en jurisprudence, des droits réels et des droits personnels.

50. La propriété est un droit réel (jus in re). En d'autres termes, le lien de la propriété existe entre le propriétaire et la chose indépendamment de toute autre personne; de sorte qu'il peut la revendiquer en quelques mains qu'il la trouve, quoique le possesseur soit de bonne foi et n'ait contracté envers lui aucune obligation personnelle. Le droit à la chose (jus ad rem) est bien différent: ce n'est qu'un droit personnel, qui résulte d'un lien purement personnel, ou d'une obligation existant entre deux ou plusieurs personnes déterminées, et en vertu duquel l'une est obligée de faire ou de donner quelque chose. En un mot, par suite du droit réel, je réclame une propriété qui m'est acquise (V. aussi vo Action, no 111 et suiv.): en vertu du droit personnel ou du droit à la chose, je demande seulement à devenir propriétaire; je demande que le débiteur me tranfère la propriété.-V. au reste vo Obligation.

51. Notre ancienne jurisprudence consacrait la division que l'on vient d'établir entre la propriété ou les droits réels, d'une part, et les créances ou les droits personnels de l'autre (V. Pothier, Propr., nos 1 et 2, et Introd. gén. aux cout., nos 99 et suiv.). Cette même division était aussi contenue en droit romain dans les textes qui distinguaient les actions in rem des actions in personam, en appliquant ainsi aux unes et aux autres des qualifications que des habitudes de langage traditionnel et un peu barbare ont depuis transportées aux droits eux-mêmes dont les actions précitées ne sont que la sanction (V. sur cette division des actions, vo Action, nos 73 et s.). Mais, du reste, si les locutions de jus in re, et de jus ad rem n'étaient pas employées dans le droit romain, on y trouve, en revanche, une définition très-précise des deux espèces de droits qui confirme pleinement ce que l'on vient d'en dire : c'est ainsi que le droit personnel, le jus ad rem, est présenté comme n'ayant pour objet que l'exécution d'une obligation: Namque agit unusquisque aut cum eo qui ei obligatus est;... quo casu proditæ sunt actiones in personam (Instit., lib. 4, tit. 6, § 1), et que le droit réel apparaît, au contraire, comme ne supposant pas l'existence d'une obligation de la part d'une personne déterminée envers celui qui possède : Aut cum eo agit, qui nullo jure ei obligatus est...; quo casu proditæ ac

tiones in rem sunt..... (Instit., eod.; V. aussi L. 25, ff. de oblig. et act.).

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| droit de propriété chez les Romains, etc. (V. aussi Pothier, loc. cit., no 5). Il a été toutefois jugé que les mots jouir, jouissance peuvent être réputés synonymes des mots disposer, disposition (Paris, 30 août 1853, aff. Montchenil, D. P. 54. 2. 111). Il n'a pas fallu grand effort d'analyse pour constater encore que le droit de propriété comprend, d'une part, le droit d'exercer librement chez soi et sur la chose tous les actes de propriété, et, d'autre part, celui de s'opposer à ce qu'aucun autre que le propriétaire en exerce aucun (V. Pothier, eod.; M. Demolombe, t. 9, no 474). On a remarqué aussi que, dans le jus abutendi, se trouvait aussi compris le droit de renoncer à la chose, de l'abandonner, pro derelicto habere, sans la transmettre à un tiers (V. Code nap., art. 621, 656, 699, 2172, et vis Usuf.usage, Servitude, Privil. et hypothèque, etc.

59. Le nombre des droits réels détachés de la propriété varie selon les lois de chaque peuple et de chaque époque; l'ancienne législation française comptait plusieurs droits réels qui n'existent plus; il en est d'autres qui subsistent encore, notamment l'emphytéose, les rentes foncières, le domaine congéable, le gage, l'hypothèque, la servitude (Toullier, t. 3, no 96 et suiv.; Delvincourt, t. 1, p. 347). Ce n'est pas, au surplus, au droit de propriété et à ses démembrements que s'applique seulement la qualification de droit réel : ainsi l'on étend encore cette dénomition à des droits de toute autre nature, comme ceux qui concernent l'état des personnes, leur autorité, leur qualité de père, d'enfant ou d'époux légitime, et même ceux de liberté, de sûreté personnelle : le droit romain en contenait une disposition expresse (V. Instit., De act., § 13), et l'on doit, en effet, admettre une semblable extension, puisque les droits que l'on vient d'indiquer nous appartiennent bien, indépendamment de toute obligation spéciale de telle ou telle personne envers nous, et par là même participent du caractère dont est revêtu le droit de propriété. On s'occupe ailleurs de cette nouvelle classe de droits réels. —V. vis Liberté indiv., Mariage, Paternité-filiation, Puis--C'est ici que l'on pourrait, pour caractériser ces sortes d'excès sance paternelle.

53. La propriété est pleine ou parfaite lorsqu'aucun des droits qui la composent n'en a été détaché. La liberté laissée au propriétaire lui permet d'abandonner plus ou moins des droits qu'il a sur sa chose; mais il est entendu que celui qui aliène ne peut transférer plus de droits qu'il n'en a lui-même. On appelle propriété imparfaite celle qui est sujette à s'évanouir par l'effet de quelque circonstance, comme une résolution, le pacte de réméré, la substitution. - Celui qui n'a qu'une propriété résoluble d'un héritage, ne peut le dégrader au préjudice de celui auquel il doit retourner, ni aliéner ce fonds, ni concéder des droits que pour le temps que doit durer la propriété résoluble.-Celui qui a acquis de bonne foi un héritage de celui qui n'avait qu'une propriété imparfaite, et l'a possédé pendant le temps requis, acquiert par prescription ce qui manquait à la propriété qui lui a été transférée.-V. Pothier, De la propriété, no 9 et suiv.; M. Duranton, t. 5, nos 266 et 267.

54. 2o Eléments du droit de propriété. Le droit de propriété a une grande étendue, et l'on a déjà remarqué qu'il n'était, dans sa complexité, que le faisceau des droits réels que l'on peut avoir sur une chose. Mais quels sont ces droits réels qui, lorsqu'ils existent isolément au profit d'un autre que le propriétaire, constituent des démembrements du droit de propriété lui-même? A cet égard, il existe d'abord une nomenclature bien ancienne des principaux droits réels compris dans le droit de propriété. Suivant le droit romain, auquel l'ancienne jurisprudence française a emprunté la même classification, le droit de propriété consiste essentiellement dans trois éléments constitutifs qui sont : 1o le droit d'user de la chose, c'est-à-dire le droit de s'en servir et de l'employer à un usage susceptible de se renouveler, mais sans toucher aux fruits (jus utendi); 2o le droit de percevoir les fruits produits par la chose (jus fruendi); 3° le droit d'en retirer une utilité définitive, et une fois pour toutes, c'est-à-dire de la changer, de la transmettre à un autre, de la détruire (jus abutendi). Ici le verbe abuti, abutendi ne signifie pas un usage blåmable et répréhensible, mais un usage qui ne peut plus se renouveler par le maître actuel de la chose (ab...uti, ab...usus). Tous ces points sont parfaitement mis en lumière par M. Pellat, Exposition des principes du (1) Espèce:-(Denys C. Villard.)- Le sieur Villard ayant voulu élever un mur qui ne se trouvait pas à la distance légale de la propriété du sieur Denys, celui-ci s'oppose à la construction. Le sieur Villard fait alors sa nouvelle construction à la distance voulue par la loi; mais, après avoir édifié son mur, il le fait peindre en noir du côté de la maison du sieur Denys. Cette couleur noire absorbant les rayons de lumière, le sieur Denys forme contre son voisin une demande tendant à être autorisé à faire remplacer la couleur noire par une couleur blanche. Jugement.

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LE TRIBUNAL; Attendu qu'il est de principe qu'on ne peut nuire à autrui sans intérêt pour soi-même; Que Villard, en appliquant une couleur noire sur le mur désigné, a porté préjudice aux coux Denys sans en retirer aucun avantage pour sa propriété; Attendu que la

55. Le propriétaire peut même mésuser de sa chose: «Par exemple, dit Pothier, de la Propr., no, le propriétaire d'une bonne terre labourable a le droit, si bon lui semble, d'en faire une terre en friche, qui ne serve qu'au pâturage des bestiaux : comme le propriétaire d'un beau tableau a le droit de faire passer dessus une couleur pour l'effacer ou le propriétaire d'un livre le droit de le jeter au feu si bon lui semble, ou de le déchirer. »

sur la chose, se servir du mot abuser qui, comme on l'a vu, n'est nullement synonyme du mot latin abuti. Mais, en droit français, l'on peut toutefois proclamer aussi cette maxime du droit romain Expedit reipublicæ ne sua re quis male utatur (Instit. § 2, De his qui sui vel alien.): «Il importe à la société que los particuliers gouvernent bien leur fortune au lieu d'en mésuser. »> Et, en effet, cela est si vrai que la loi a organisé, pour arrêter ces excès sur les choses, cette dilapidation d'un patrimoine, un système d'interdiction, ainsi que la dation, suivant les cas, d'un conseil judiciaire; mais on notera que ce ne sont là que des restrictions pour ainsi dire répressives: le droit de mésuser de sa chose demeure, sinon en droit, du moins en fait, entre les mains de tout propriétaire, et l'on peut dire à cet égard que toute mesure préventive eût eu plus d'inconvénients que d'avantages: « Si le gouvernement, a dit Th. Raynal, se constitue juge de l'abus, il ne tardera pas à se constituer juge de l'us; et toute idée véritable de propriété et de liberté sera perdue. »>-V. aussi M. Demolombe, no 545.

56. Du droit de jouir et de disposer exclusivement de sa propriété découle aussi particulièrement pour le propriétaire celui de repousser toute entreprise de la part des tiers et de rejeter tout obstacle apporté illégalement à la jouissance de la chose. Et, par application de ce principe, il a été jugé: 1° Que les citoyens ne peuvent être obligés à laisser planter des croix sur leur héritage, encore moins peuvent-ils, en cas de refus, être condamnés à l'emprisonnement (Crim. cass. 10 frim. an 13, aff. Becker, vo Culte, no 160); -2° Que la loi du 28 sept. 1791 a modifié les arrêtés du conseil de 1706 et 1755, relatifs à la voirie, en ce sens qu'aujourd'hui les entrepreneurs, avant d'extraire ou de ramasser du gravier dans les champs, sont tenus et d'avertir les propriétaires et de leur payer une indemnité (Toulouse, 10 mars 1834, aff. Lafue d'Auzas, V. Trav. pub.; Conf. Pardessus, Tr. des servitudes, no 140, Toullier, t. 3, no 206, et Duranton, t. 5, no 181);-3° Qu'un propriétaire peut, pour donner du jour à sa maison, être autorisé à faire blanchir à ses frais le mur de son voisin, que celui-ci a fait peindre en noir, alors qu'il ne résulte pour ce dernier aucun préjudice de cette substitution (Trib. de Péronne, 2 déc. 1836)(1);—4° Que la simple opposition par un tiers à la permission demandée à l'autorité de couleur blanche que les époux Denys demandent à substituer à la couleur noire pour donner du jour à leur maison, ne peut porter aucun dommage au mur de Villard; qu'ainsi ce dernier est sans intérêt, et par conséquent sans droit, pour s'opposer à la demande des époux Denys;

Sans s'arrêter ni avoir égard à l'opposition formée à la requête de Villard, par exploit du 10 octobre dernier, de laquelle il est, en tant que de besoin, fait mainlevée pure et simple, autorise le sieur Denys à faire appliquer à ses frais une couleur blanche sur le mur désigné, et attendu les circonstances de la cause, dit qu'il n'y a lieu d'ac. corder des dommages-intérêts, et compense les frais, même ceux du jugement pour lesdits frais être supportés par les parties par égale portions.

Du 2 déc. 1836.-Trib. de Péronne.

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