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faire des travaux sur une propriété constitue un trouble donnant lieu à une action judiciaire (Cass. 5 avr. 1837, aff. Durand, V. Responsabilité); — 5° Que l'opposition faite par un tiers, se prétendant propriétaire de tout ou partie d'un immeuble, à ce que celui qui en a la possession légale en jouisse de telle ou telle manière, constitue une atteinte aux droits de propriété de ce dernier, qu'il est fondé à faire reconnaître par les tribunaux.

El que c'est au tribunal civil et non à l'autorité administrative, qu'il appartient de connaitre de la demande en mainlevée d'une telle opposition. Il importerait peu que l'opposant n'ait eu d'autre but que de former une sorte d'opposition administrative, et d'amener le possesseur qui, dans le cas particulier, était une commune, à réfléchir sur les conséquences pour les habitants d'un bail à ferme de ces biens que le conseil municipal avait annoncé vouloir consentir (Riom, 6 janv. 1849, aff. Teilhard, D. P. 49. 2. 43); -6° Que le propriétaire qui veut se clore par un fossé, peut établir ce fossé à l'extrême limite de sa propriété, s'il n'existe dans la location aucune ancienne coutume ou aucun usage qui l'astreigne à laisser une certaine distance entre son fossé et la propriété du voisin; qu'en conséquence, le voisin ne peut pas demander la suppression du fossé ainsi établi, sous prétexte qu'il en résulterait, au profit de celui qui l'a fait creuser, une présomption de propriété des francs-bords, alors d'ailleurs qu'il ne se plaint d'aucun éboulement, une telle présomption étant inapplicable, en l'absence d'usages on de coutumes anciennes prescrivant l'observation de ces francs-bords (Req. 3 janv. 1854, aff. Bacquelin-Gay, D. P. 54. 1. 61).

57. Au reste, il a été jugé que c'était une maxime incontestable de l'ancien droit public français que les rois de France furent toujours dans l'impuissance de porter atteinte aux propriétés de leurs sujets (Req. 19 juill. 1827, aff. de Forbin-Janson, no 167-5o, et vo Expropr. publ., no 4).

58. Les résultats de la courte analyse que l'on vient de faire sont une conséquence en quelque sorte virtuelle des art. 543 et 544 c. nap., qui disposent : art. 543, « on peut avoir sur les biens, ou un droit de propriété, ou un simple droit de jouissance, ou seulement des services fonciers à prétendre; art. 544, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou les règlements. » On notera seulement que le législateur, dans ces articles, ne mentionne que le droit de propriété parfaite, le droit de disposer (abusus), le droit de jouissance (fructus) et les servitudes ou services fonciers sans rappeler le droit d'user et de se servir de la chose (usus). La raison en est que l'on ne connaît plus aujourd'hui de droit d'usage complétement séparé et indépendant du droit de percevoir les fruits, tel qu'il existait chez les Romains à l'origine, mais que l'usager a droit, d'après la nature même du démembrement de propriété qui s'est opéré en sa faveur, d'empiéter sur la jouissance; de telle sorte que le droit d'usage étant devenu un droit de jouissance, il n'y avait plus à le citer à part.—Conf. M. Demolombe, 1. 9, n° 545.

59. On s'est demandé si l'art. 543 c. nap. est limitatif en ce sens que l'on ne doive reconnaître, comme éléments constitutifs du droit intégral de propriété, que les trois espèces de droits réels qui y sont dénommés? A cet égard, on a d'abord remarqué qu'il fallait ajouter aux droits réels dont il s'agit le droit d'hérédité. Sans doute, un semblable droit est un droit réel; mais comme, au fond, il ne consiste que dans le droit de propriété qui appartient à l'héritier sur les biens de la succession, il n'y a rien à ajouter à l'énumération de l'art. 543 puisque, par lui-même, le droit d'hérédité s'y trouve nécessairement compris (M. DemoJombe, no 478).

60. Quant à la possession, le code ne s'en est spécialement occupé qu'au titre de la prescription (V. art. 2228 et suiv.). Le législateur eût dû cependant déférer à un vœu que la cour de Caen formulait en ces termes : « On n'a point parlé de la possession par an et jour d'un immeuble et de ses effets; elle appartient cependant au droit civil, parce qu'elle constitue un droit réel dans le possesseur, qui doit être provisoirement maintenu. Ce droit était consacré par plusieurs coutumes, et notamment par les art. 96, 97 et 98 de la coutume de Paris. Les formes de procès sur cette action appartiennent, il est vrai, au code judiciaire; mais

le fond du droit tient essentiellement à la manière d'acquérir ef de conserver les biens. En effet, celui qui a cette possession ne peut plus être évincé que par un titre; il importé donc de faire un article de loi qui règle les effets de cette possession. Cela est d'autant plus nécessaire que l'ord. de 1667 n'est pas en vigueur dans toutes les parties de la République... Celui qui possède par an et jour est réputé provisoirement propriétaire..., c'est une vérité écrite partout... » (Fenet, t. 3, p. 459, 460). Quoi qu'il en soit, et à défaut de texte spécial qui le dise, il ne saurait être un instant douteux que la possession, lorsqu'elle réunit les conditions exigées par la loi, ne constitue véritablement un droit réel, ďabord parce que les priviléges et prérogatives qu'elle engendre, le possesseur les a ergò omnes, et indépendamment de toute obligation particulière contractée par telle ou telle personne envers lui, et ensuite parce que la possession n'ayant de force et d'effet que parce qu'elle fait présumer l'existence du droit de propriété lui-même, il est raisonnable de lui assigner le même caractère de réalité qu'au droit qu'elle représente (Conf. M. Demolombe, no 479). Et nous ajouterons, d'après ce dernier point de vue, qu'on peut soutenir à la rigueur que le droit de possession se trouve implicitement mentionné comme droit réel dans l'art. 543, du moment qu'il y est question du droit de propriété par opposition aux démembrements qui peuvent en avoir lieu, et que le droit de possession s'identifie dans ce droit de propriété lui-même. V. au reste vo Prescrip., nos 235 et suiv.

61. Relativement à l'exercice du droit de propriété, il est modifié par l'état de minorité, de femme mariée, d'interdit, etc.; il est aussi plus ou moins parfait ou démembré, suivant que la propriété est, ou non, grevée de servitudes, d'usufruit, etc.

V. ces mots.

62. De tout ce qui précède, il résulte, d'une part, que la propriété, dans laquelle se résolvent aussi, comme on l'a vú, le droit d'hérédité et le droit de possession, est le droit réel le plus complet, le droit réel par excellence, et, d'autre part, que ses démembrements, l'usufruit, l'usage et l'habitation, les servitudes sont également, et nécessairement, des droits réels.

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63. Mais faut-il admettre la proposition inverse, c'est-à-dire décider que tout droit réel est par cela même, et forcément, un démembrement du droit de propriété? Il est bien entendu, d'abord, que, pour qu'il y ait difficulté, l'on doit laisser de côté toute une classe de droits réels que l'on a signalée, tels que ceux qui se réfèrent à l'état des personnes. - Mais, par exemple, l'hypothèque, qui engendre un droit réel, est-elle un démembrement de la propriété? —L'affirmative, qui est soutenue par Pothier, Tr. de la Possess., nos 136 et 159, par Zachariæ, t. 2, p. 98, et par Valette, des Privil. et Hyp., p. 180.- Mais on a jugé que le droit de propriété n'est que restreint sous certains rapports par le droit hypothécaire. — V. Privil. et Hypoth.

64. Les droits du locataire ou fermier, ceux de l'emphyteote sont-ils des droits réels?-V. Louage, no 326; Louage emphyt., nos 6 et suiv.; Propr. féodale.

65. Il reste à examiner la question de savoir si les particuliers peuvent, par l'effet de leurs libres conventions, créer et organiser des démembrements de la propriété autres que ceux qui ont été réglés par des dispositions expresses ou implicites du code Napoléon, droit de jouissance, usage, droit d'habitation, servitudes ou services fonciers.-La solution affirmative de cette question ne paraît point devoir faire difficulté: et, en effet, n'est-il pas de principe que tout ce qui n'est pas défendu est permis, que la liberté des conventions ne comporte dans ses manifestations d'autre restriction que celle de ne rien stipuler de contraire à l'ordre public et aux lois? C'est par suite de cette restriction que, par exemple, les particuliers ne pourront faire revivre par leurs conventions privées les anciens droits féodaux, non-seulement les services personnels, les corvées, etc., mais encore les redevances foncières perpétuelles. «Le territoire de la France dans toute son étendue, lit-on dans l'art. 1 de la loi du 6 oct. 1791, est libre comme les personnes qui l'habitent; ainsi toute propriété territoriale ne peut être sujette envers les particuliers qu'aux redevances et aux charges dont la convention n'est pas défendue par la loi .. » (V. vo Propriété féodale); et c'est manifestement dans ce même esprit qu'ont été rédigées les dispositions des art. 530, 543, 638, 686 c. nap. Mais, du moment qu'il n'est point question de

fatre renaître les combinaisons bien connues qui constituaient, sous la féodalité, le régime de la propriété foncière, toute base logique manque aux restrictions dès lors arbitraires qu'on voudrait faire servir d'entrave à la liberté des conventions particulières. Il faut donc reconnaître que l'art. 543 c. nap., où se trouve, comme on l'a vu, une énumération des démembrements de la propriété, n'a entendu comprendre dans cette énumération que les principaux, ceux qui, par leur simplicité et leur exactitude, semblent être conformes aux besoins universels et invariables des sociétés, mais sans exclure ceux qu'engendreraient et organiseraient d'autres combinaisons qui ne contiendraient d'ailleurs rien de contraire à l'ordre public et aux lois. Il faut reconnaître, en d'autres termes, que les dispositions précitées de l'art. 543 est purement énonciative et nullement limitative. C'est ce qu'en seigne de même, et très-justement, Toullier en ces termes : « Si on demande, dit-il, t. 3, no 96, quels sont les droits qu'on peut séparer de la propriété parfaite, de combien de manières on peut la démembrer, il faut d'abord poser en principe que chacun peut

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(1) Espèce: · (Saint-Albin C. Dejean.) — Deux maisons, l'une sur le devant de la rue de Bondy, l'autre sur le derrière, appartenaient au même propriétaire, le sieur Prévôt. Ces deux maisons sont séparées par une grande cour. La maison de devant a deux passages à porte cochère. Le passage de droite est à l'usage de la maison du fond; il traverse la maison de devant et une faible partie de la cour dans toute sa longueur; il est séparé de l'autre partie de la cour par un mur à hauteur de clôture. La maison du fond fut vendue en 1787, au sieur Rivière. Le contrat accorda à l'acquéreur le droit de passage à porte cochère sous la maison dont le vendeur conservait la propriété. - Toutefois, il fut stipulé que l'acquéreur serait tenu de souffrir toutes les vues ouvertes sur le passage en question et même toutes celles que le vendeur, qui conservait la propriété et l'usage exclusif de la cour, y voudrait faire, sans être assujetti aux verres dormants et aux fers maillés. Depuis, la maison du fond est devenue la propriété du sieur

Dejean.

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La maison sur la rue de Bondy, d'abord transmise au sieur Clément, a été acquise, en 1829, par le sieur de Saint-Albin. — Il paraît que ce dernier ayant, au moment de la vente, trouvé la mise à prix de 110,000 fr. trop élevée, il lui fut répondu, par le notaire chargé de la mise aux enchères, que le sieur Clément, vendeur, étant propriétaire exclusif et du sol et du passage servant à la maison du fond, l'acquéreur aurait le droit d'ouvrir, dans ce passage, une baie de porte cochère pour le service de la maison à vendre, et de remplacer ainsi celle qui est affectée actuellement au service de cette maison; que celle-ci devenant ainsi disponible, on avait le moyen d'établir deux boutiques contigues sur la rue, ou un grand magasin; que, par cette nouvelle distribution, il était facile d'assurer à la propriété un revenu de 2 à 3,000 fr.

En cet état, le sieur de Saint-Albin a pensé qu'il avait le droit de pratiquer une ouverture dans la partie latérale du passage asservi au sieur Dejean. Il a dû croire qu'il le pouvait d'autant mieux, qu'une ouverture, moins large à la vérité, y existait déjà; que cela avait été ainsi entendu par lui, lors de l'acquisition; que la propriété du sol de ce passage ne lui était pas contestée, et qu'enfin, il utiliserait par là l'emplacement occupé par la porte cochère et s'en procurerait une nouvelle, sans nuire en rien au droit de passage accordé au sieur Dejean. - Les travaux se poursuivaient, lorsque le sieur Dejean fit signifier qu'il s'opposait formellement à l'ouverture d'une baie de porte dans le mur séparatif de leurs propriétés, attendu que le sieur Clément, vendeur, n'avait pas ce droit. Le sieur de Saint-Albin a appelé Clément en garantie. L'opposition du sieur Dejean a été accueillie par jugement du tribunal de la Seine, du 17 déc. 1850, dont voici les termes : -«Attendu que l'acte de vente notarié, du 15 déc. 1829, porte textuellement que la cour de la maison vendue au sieur Saint-Albin, fournit à la propriété voisine, appartenant au sieur Dejean, deux passages de porte cochère, dont l'un à l'usage de Dejean, traverse le corps de logis sur la rue, la partie à droite de la cour et le corps de logis au fond; - Attendu que le même acte ajoute que la cour de la maison vendue au sieur Saint-Albin, est séparée au milieu dans toute sa profondeur par un mur hauteur de clôture; que la partie à droite est employee audit passage de servitude, et que celle de la gauche forme la cour de la maison vendue; Attendu, enfin, qu'on lit dans le même contrat, que la maison vendue au sieur de Saint-Albin et celle vendue au sieur Dejean n'en formaient qu'une ; mais que, depuis 1787, elles ont été séparées avec droit de passage et porte cochère sur la maison du devant, au profit de celle du fond de la cour, mais à la charge par cette dernière propriété de souffrir, à titre de servitude perpétuelle, toutes les vues ouvertes sur ledit passage, et même toutes celles que le propriétaire de la maison de devant y voudrait faire, sans être assujetti aux verres dormants et aux fers maillés; Attendu que des énonciations diverses, qui, d'ailleurs, se retrouvent dans tous les actes passés depuis la séparation des deux propriétés, il résulte que le

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disposer de sa propriété de la manière la plus absolue (art. 544); il peut en détacher les droits que bon lui semble, étendre ou limiter ces droits comme il le veut; en un mot, démembrer sa propriété comme il le juge à propos, pourvu qu'il n'y ait rien de contraire aux lois ni à l'ordre public. Ainsi, dans cette matière, on suit le principe général : tout ce qui n'est pas défendu est permis.» Telle est aussi l'opinion émise par MM. Ducaurroy, Bonnier et Roustain, t. 2, no 69; Coulon, Quest. de dr., t. 3, p. 146 et suiv.

66. D'abord il a été jugé, dans le sens de la liberté de telles conventions: 1° que le droit de propriété peut être modifié et décomposé au point qu'il a pu être convenu que partie d'un terrain sera affectée à une servitude, et, par exemple, à une servitude de passage, d'une manière tellement exclusive que le propriétaire du sol ne pourra ni passer, ni construire sur ce sol... pourvu toutefois qu'il n'y ait rien, dans ces conventions, de contraire à l'ordre public et aux bonnes mœurs (Req. 25 juin 1834)(1); 2° Qu'il peut même être convenu, contrairement à la maxime

sieur de Saint-Albin ne peut ouvrir aucune baie de porte, mais seulement des vues sur le passage conduisant à la maison de Dejean; qu'autrement, Dejean serait privé du droit de passage exclusif que le contrat constitutif de la servitude avait pour but d'assurer à la propriété, le seul moyen pour lui, d'après l'état matériel des lieux, d'être clos et maître de la porte cochère conduisant à sa maison; Attendu que si, en fait, il existe aujourd'hui dans le mur dont il s'agit, une ouverture communiquant de la maison du sieur Dejean aux écuries et remises du sieur de Saint-Albin, cette circonstance ne peut, en aucune façon, porter atteinte aux droits que l'établissement de la servitude a conférés à Dejean; En ce qui touche l'action en garantie de Saint-Albin et Clément : Attendu que le sieur de Saint-Albin ne peut non plus exercer contro Clément, son vendeur, aucune action en garantie, à raison de prétenduo éviction d'une partie de la chose vendue; qu'en effet, le sieur de SaintAlbin est en possession, suivant son contrat, d'un passage de porte cochère, d'une cour et d'une petite écurie et remise; que, d'un autre côté, ledit acte de vente mentionne expressément l'existence du mur qui sépare la cour du passage de servitude; qu'ainsi, de Saint-Albin jouit de tout ce qui lui a été vendu, et n'a pu, soit en lisant son titre, soit en visitant les lieux, se tromper sur l'étendue de ses droits. >>

Appel du sieur de Saint-Albin: il demande à prouver que lors de son acquisition il a été entendu qu'il n'achetait que sous la condition de pouvoir ouvrir la porte en question et de jouir enfin du passage comme d'une propriété qu'on ne lui contestait pas, sous la réserve de la servitude du sieur Dejean. Le 9 août 1851, arrêt de la cour de Paris qui confirme en ces termes : -«En ce qui touche les faits articulés par de Saint-Albin; Considérant que nul ne peut être admis à prouver par témoins, contre et outre le contenu aux actes qu'il a signés; En ce qui touche le fond: Considérant qu'il résulte des actes produits par les parties, notamment du contrat de vente, passé le 31 mai 1787, par Prévôt, au profit de Rivière, de la maison possédée aujourd'hui par Dejean, et du plan annexé audit contrat, que ledit Prévôt, en retenant la propriété du sol, formant le passage qui conduit à ladite maison, a vendu à Rivière une entrée à porte cochère sur la rue de Bondy et le droit de passage dont il a grevé la maison de face sur la rue, ainsi que les objets vendus se poursuivaient et comportaient ; que ledit passage était dès cette époque et a toujours été depuis clos de murs; que Dejean a le droit d'en jouir en cet état, et que de Saint-Albin ne peut faire ouvrir une porte de communication dans la cour; - Adoptant, au surplus, les motifs des premiers juges, sans s'arrêter aux faits articulés par de SaintAlbin et à sa demande, afin d'être admis à la preuve testimoniale desdits faits, de laquelle il est débouté, a mis et met l'appellation au néant, etc...>> Pourvoi du sieur de Saint-Albin pour violation des art. 544, 637, 647, 701 et 702 c. civ., en ce que l'arrêt attaqué, tout en reconnaissant M. de Saint-Albin propriétaire de la cour et du sol sur lequel s'exerce le passage du sieur Dejean, a pensé que ce dernier avait sur ce terrain un droit de passage tellement exclusif, que le propriétaire lui-même ne pouvait avoir accès sur ce terrain, ni par conséquent pratiquer une porte dans le mur pour y passer. (V. D. P. 34. 1. 330); - Arrêt. LA COUR; Attendu, en droit, que les art. 544 et suiv. c. civ. sont déclaratifs du droit commun, relativement à la nature et aux effets de la propriété, mais ne sont pas prohibitifs; Qu'aucun de ces articles n'exclut les diverses modifications et décompositions dont le droit de propriété est susceptible, et qu'en outre, l'art. 686 du même code permet au propriétaire d'établir sur sa propriété telles servitudes que bon lui semble, et qu'ainsi les conditions de l'établissement de la servitude par le père de famille peuvent modifier légalement la propriété, pourvu qu'elles ne soient pas contraires à l'ordre public et aux bonnes mœurs; Et attendu, en fait, que l'arrêt attaqué a reconnu que, si le sol de la cour sur laquelle s'exerce le passage dû à la maison Dejean, appartenait au demandeur en cassation, les titres constitutifs de servitude ont établi

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res sua nemini servit, que le propriétaire du sol sur lequel il existe un passage avec clôture, n'aura, sur ce passage, que des droits de vue ou de jour (même arrêt). On a objecté qu'un pareil système avait pour résultat de faire tomber devant les conventions privées des dispositions que le législateur paraissait avoir établies dans un pur intérêt d'ordre public, et comme attributs essentiels du droit de propriété. Ainsi la faculté de changer l'assiette de la servitude, le droit de jouir du sol lorsque la servitude ne s'en trouve pas aggravée, tout cela va donc disparaître devant un acte de la vie privée; et par là une propriété qui avait été déclarée libre dans sa circulation va se trouver scindée à perpétuité, appauvrie, condamnée à la stérilité, suivant les caprices et le bon plaisir des contractants. Mais, ainsi que nous le faisions observer dans nos annotations sur cet arrêt, ne peut-on pas répondre que toute liberté a dû être laissée aux stipulations, tant qu'elles n'auraient pas pour objet de rappeler les servitudes personnelles; que, s'il résulte de là, dans l'espèce, un dommage, une diminution de valeur pour ces fonds, il en résulte une plus-value pour un autre ; que la société n'a pas à s'inquiéter de ces modifications; qu'elle a dû, au contraire, assurer toute latitude aux arrangements des citoyens, alors qu'il n'y avait pas lésion de l'intérêt public; que, d'ailleurs, dans l'espèce, il restait au propriétaire la jouissance du dessous du sol qu'il lui était loisible d'utiliser pour des caves et des bûchers, et qu'en cas de destruc

sur ce sol un passage exclusif en faveur de la maison Dejean avec la seule réserve, pour le propriétaire de la cour et des maisons qui l'environnent, de prendre des vues sur le passage; qu'en décidant, dans ces circonstances, que le demandeur ne pouvait ouvrir de porte dans le mur de clôture de ce passage, la cour royale de Paris n'a fait qu'une juste application de la loi ; Attendu, enfin, que rien ne justifie le pourvoi❘ sous le rapport de la demande en garantie; - Rejette. Du 25 juin 1834.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Bernard de Rennes, rap.-Tarbé, av. gen., c. conf.-Dalloz, av. (1) 1re Espèce: - (Caquelard C. Lemoine.) Caquelard et Lemoine possèdent chacun, à Ivry-la-Bataille, un moulin, dont les roues sont mues au moyen de la division, en deux branches, des eaux d'un canal de Idérivation de la rivière de l'Eure. Une chaussée sépare les deux moulins, et sur le terrain de cette chaussée, le long de la rive de la branche d'eau qui alimente le moulin du sieur Lemoine, sont plantés des saules et des aunes.Et de son côté, sur la prairie qui longe cette chaussée, du côté du moulin de Caquelard, celui-ci fit planter des peupliers. Enfin des herbes croissent sur toute l'étendue de la chaussée. Mais Caquelard ayant abattu un aune qu'il laissa sur le terrain, le sieur Lemoine s'en empara; puis il émonda les saules et en enleva les émondes. Alors, après tentative de conciliation, assignation devant le tribunal d'Evreux de la part de Caquelard au sieur Lemoine, pour le faire condamner, « sous la contrainte de 200 fr., à lui rendre l'aune et les émondes par lui enlevés sur la portion de terrain dont lui demandeur était propriétaire, et en 100 fr. de dommages-intérêts. » — Mais, de son côté, Lemoine et uni à lui un sieur Delahaye, copropriétaire de son moulin, forme l'action possessoire contre Caquelard, tendant à être maintenu dans la jouissance exclusive de la partie de chaussée sur la quelle Caquelard a planté des peupliers.

Une fin de non-recevoir, tirée de ce qu'il y aurait déjà instance, est opposée au pétitoire sur le même objet : le juge de paix l'accueille.

Appel par Lemoine; et le 29 avril 1831, jugement qui infirme par le motif que « si le demandeur au pétitoire n'est pas recevable à agir au possessoire, cette fin de non-recevoir n'est pas applicable au défendeur à l'action pétitoire, auquel la loi ne defend pas de former une action possessoire, nonobstant l'action pétitoire intentée contre lui. »>

Le nouveau juge de paix devant lequel l'action possessoire est renvoyée en conséquence de ce jugement, rend une décision par laquelle il dit, à bonne cause, l'action possessoire des sieurs Delahaye et Lemoine, relativement aux saules existant sur la rive gauche du bras d'eau de leur moulin et à l'entretien de la chaussée établie au delà d'iceux, les maintient en possession et jouissance desdits saules et de l'entretien de ladite chaussée... maintient le sieur Caquelard en possession et jouissance de l'approfitement des herbes que pourra produire ladite chaussée, ainsi que desdits peupliers...

Après ce jugement, continuation par Caquelard de la procédure par lui intentée au pétitoire; mais, sur la fin de non-recevoir opposée par Lemoine et Delahaye, jugement qui admet cette fin de non-recevoir, «attendu que, par son explcit introductif d'instance, comme lors de la fixation de la cause, Caquelard demandait seulement la restitution d'un aune et de cent bourrées enlevés de sa propriété, plus 200 fr. de dommages-intérêts; que, réduite à sa valeur, cette demande était toute personnelle et mobilière; que le moyen seul praticable pour s'en défendre consistait à se faire reconnaître seul possesseur de l'immeuble qui avait produit ces

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tion totale du fonds servant, ou du non-usage pendant trente ans, il devait rentrer dans le plein exercice de son droit de propriété; qu'enfin les mêmes convenances qui avaient engagé l'acquéreur d'une servitude, si illimitée, à faire des sacrifices plus grands afin d'augmenter les jouissances de son fonds, pouvaient aussi déterminer le propriétaire servant à des sacrifices réciproques, afin d'acquérir la franchise de son immeuble.

67. D'un autre côté, et quant aux diverses modifications et décompositions dont le droit ordinaire de propriété, est susceptible il a été jugé, en principe: 1o qu'aucune loi ne les exclut et que les art. 544, 546 et 552 c. nap. ne sont que déclaratifs du droit commun relativement à la nature et aux effets de la propriété, mais ne sont pas prohibitifs (Req. 13 fév. 1834, aff. Caquelard, no 68); - 2o Que la transmission de la propriété par contrat est susceptible de toutes les conditions et stipulations qui n'ont rien de contraire aux lois, aux bonnes mœurs et à l'ordre public (Amiens, 2 déc. 1835 (motifs), aff. Bézannes, vo Chasse, no 44).

68. Par application des mêmes principes, il a été décidé : 1° qu'un arrêt a pu, même en l'absence de titres et d'après l'état de possession déjà reconnu par une décision au possessoire, déclarer que, de deux copropriétaires d'une même chaussée, l'un avait droit seulement aux arbres, l'autre aux herbes croissant sur le terrain de cette chaussée (Req. 13 fév. 1834) (1), 2° Que la faculté appartenant à chaque propriétaire de cou

objets, ou que Lemoine y avait, à tout autre titre, un droit exclusif; que c'est ce qui est arrivé: qu'admettre Caquelard à se défendre du jugement possessoire, ou ce qui revient au même, à étayer sa demande de titres de propriété, ou à conclure au maintien en propriété du terrain, ce serait cumuler le possessoire et le pétitoire, ou créer, en matière d'immeubles, un troisième degré de juridiction.

Appel par Caquelard. Cette fois, comme devant les premiers juges, il établit son droit exclusif de propriété de la chaussée sur un bail, émané de son vendeur, en date de 1807, et où celui-ci déclare que « les preneurs auront à leur profit les émondes des saules, aunes et autres arbres sujets à émondes. » Or, Ledier lui avait vendu le moulin et la chaussée dans toute son étendue. - Les sieurs Lemoine et Delahaye produisent, de leur côté, deux actes de vente de leurs auteurs, dans lesquels les acquéreurs se soumettaient à la charge de réparer la chaussée pour leur part et portion.

Le 14 mars 1832, arrêt de la cour de Rouen qui infirme, et, d'abord, déclare l'action de Caquelard pétitoire; que cela résulte de l'empressement de Lemoine et Delahaye à intenter une action au possessoire, de la décision portant qu'aucune loi n'interdisait au défendeur au pétitoire de former une action possessoire, nonobstant l'action pétitoire formée contre lui; enfin de l'exécution de cette décision par les deux parties. - Quant à la question de propriété, l'arrêt déclare « que les parties ayant invoqué, tant en première instance que sur l'appel, leurs titres de propriété, pour se faire attribuer à chacune d'elles la propriété de la chaussée dont il s'agit, il y a lieu de statuer définitivement sur ce droit de propriété, sans qu'il soit nécessaire d'évoquer le principal, les premiers juges étant saisis de la question et pouvant y faire droit ; au fond, que l'eau qui fait mouvoir les usines des deux parties provient d'un canal de dérivation de la rivière d'Eure, lequel canal s'est trouvé divisé en deux branches, et qu'il n'appert aucunement que ces branches aient été formées par la main de l'homme; - Qu'il ne faut pas perdre de vue que ces usines appartenaient originairement au même propriétaire, l'abbé d'Ivry, qui était seigneur de l'endroit, quoique ni l'appelant ni l'intimé ne représentent le titre primitif qui a transmis à leurs auteurs les dernières usines; Que les deux contrats de vente produits par le sieur Caquelard, quoique authentiques, sont étrangers au sieur Lemoine; que si, en 1807, le sieur Ledier, représenté par le sieur Caquelard, avait accordé à son fermier les émondes des saules, aunes et autres arbres, autour de la prairie, il ne s'ensuit pas rigoureusement que ce fussent les émondes des arbres en litige; - Que, d'une autre part, les deux actes authentiques produits par le sieur Lemoine ne donnent pas un résultat plus positif, ni plus probable, parce que l'obligation imposée à l'acquéreur d'entretenir, avec les autres propriétaires, les ponts et chaussées dépendant du moulin à tan, ne détermine pas si la chaussée contentieuse faisait partie de celle dont l'entretien était à la charge de l'acquéreur; que, d'ailleurs, ces expressions pour sa part et portion avec les autres propriétaires, démontrent que d'autres que l'acquéreur avaient aussi droit sur les autres chaussées ; Qu'à défaut de titres clairs et précis, il faut se reporter à la possession et jouissance dont les parties ont usé jusqu'à l'action du 12 fév. 1827;-Qu'il demeure constant, par l'instruction et le jugement intervenu sur le possessoire, que si le sieur Lemoine a exercé des actes de propriétaire sur la chaussée, autrement dit sur la berge du cours d'eau qui fait mouvoir son moulin, en plantant et en émondant, tant par lui que par ses auteurs, les saules et au

per les veines d'eau qui passent sous son fonds, peut être modi

nes sur ladite chaussée, le sieur Caquelard a profité de l'herbe excrue sur cette même chaussée; qu'il a même fait couper et enlever les grosses herbes qui étaient au bord de l'eau, et qu'il a fait planter une rangée de peupliers en avant desdits saules et aunes;

-

» Que de ces faits et circonstances on doit conclure que chacune des parties a un droit de copropriété sur la chaussée ou berge dont il s'agit, à la charge d'en user comme par le passé, c'est-à-dire que le sieur Lemoine ne pourrait prétendre qu'aux saules et aunes existant sur l'alignement actuel, sous obligation d'entretenir la berge en bon état, et que le sieur Caquelard continuerait d'exploiter l'herbe jusqu'au bord de l'eau et aurait la faculté de planter et de déplanter sur la prairie en avant desdits saules et aunes; Que cette manière d'user du droit de copropriété de la chaussée est en harmonie avec le titre authentique du 10 juin 1778, qui reconnaissait qu'il y avait plusieurs propriétaires, et que tout annonce que les auteurs des parties s'étaient entendus ensemble pour concéder au propriétaire du moulin à tan le droit de planter des saules et aunes, afin de l'indemniser des frais de l'entretien de la berge; – Qu'il résulte aussi d'un fait articulé en plaidoirie et non méconnu, que le propriétaire du moulin à tan n'avait le droit de pêcher qu'en bateau sur le cours d'eau, sans pouvoir descendre sur la berge; - Que le bou état de cette berge était dans l'intérêt du sieur Lemoine, afin de ne perdre aucune portion de l'eau dont il avait besoin pour la rotation de son moulin, et dans celui de Caquelard pour empêcher sa prairie d'être inondée; - Que, dès lors, la réclamation de celui-ci sur l'aune qu'il avait fait abattre et sur les émondages que le sieur Lemoine s'était appropriés doit être écartée, et que l'expertise et la preuve testimoniale, offertes par ce dernier, sont de toute inutilité et ne pourraient procurer une base solide pour la décision de la contestation;

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» En conséquence,... dit à tort la réclamation de Caquelard sur la propriété de l'aune et des émondes des saules dont il s'agit, le déboute de la demande quant à ce; déclare néanmoins ledit Caquelard propriétaire de tout le terrain de son 1le, jusqu'au bras de l'eau qui fait mouvoir le moulin à tan, à la charge, toutefois, de ne pouvoir, par lui, user de son droit de propriété que de la manière qu'il a été réglé au possessoire, et de souffrir Lemoine exercer tout droit de propriété, seulement sur les saules et aunes existant sur la chaussée ou berge dont il s'agit, ou sur ceux qui seraient plantés en remplacement des manquants, mais toujours sur l'alignement actuel et sans pouvoir préjudicier audit Caquelard dans la jouissance de propriété des peupliers plantés sur la prairie.» Pourvoi par Caquelard pour violation des art. 544, 546, 552, 691 c. civ., et de l'art. 607 cout. de Normandie. Toute décision judiciaire, a-t-il dit, réside dans son dispositif. Or la cour déclare, dans son dispositif, Caquelard propriétaire de la chaussée, « à la charge, toutefois, de ne pouvoir par lui user de son droit de propriété que de la manière qu'il a été réglé au possessoire, et de souffrir Lemoine exercer tout droit de propriété seulement sur les saules et aunes, etc. » — - Elle impose donc au propriétaire une servitude, une servitude discontinue.

S'il en est ainsi. comment a-t-elle pu l'établir sans titre ? - En cela, elle a violé l'art. 691 c. civ. et l'art. 607 cout. de Normandie. Mais veut-on expliquer le dispositif par les motifs, trouver un droit de copropriété établi par l'arrêt (ce qui, du reste, ne résulte pas de ses termes), il y aurait encore violation des droits de propriété. En effet, il aurait reconnu une propriété indivise entre deux individus; partant, il aurait dû accorder à chacun la moitié des produits de cette propriété. Et cependant, arbitrairement, l'arrêt donne au premier tel produit, au second, tel autre. La violation de la loi est donc évidente.

M. l'avocat général faisait remarquer: 1° que le principe que l'arrêt est dans le dispositif, conduit bien à cette conséquence, qu'un arrêt qui ne présente pas de violation de la loi dans son dispositif, n'encourt pas la cassation, par cela seul qu'il contient une erreur de droit dans ses motifs; mais que ce principe n'exclut pas cette autre vérité, que les expressions ambigues d'un dispositif ne doivent pas être interprétées dans le sens de la violation de la loi, alors que les motifs les expliquent dans un sens conforme; 2o Que de nombreux exemples de la décomposition de la propriété existent dans certaines localités : ainsi, dans la Bresse, où les étangs appartiennent, pendant deux ans, quant à l'eau et à la pêche, à un propriétaire, et la troisième année (où on le desséche), à un autre propriétaire qui l'est du sol, et qui récolte ce sol ainsi, dans beaucoup de pays, cette décomposition existe à l'égard des prés, dont une herbe appartient à l'un, et la seconde ou troisième berbe à un autre, système d'après lequel beaucoups de prés ont été vendus nationalement à différents propriétaires. LA COUR; Sur le premier moyen, tiré de la violation des art. 544, 546, 552 et 691 c. civ., et 607 de la coutume de Normandie : Attendu, en fait, qu'après avoir, dans ses motifs, reconnu formellement à Caquelard et à Lemoine un droit de copropriété sur la berge ou chaussée dont il s'agit, et avoir expliqué la nature et les limites respectives de ce droit, d'après les faits et les circonstances de la cause, et notamment l'origine commune des deux usines, la possession réciproque, l'intérêt commun à la conservation de la berge, la charge de l'entretenir

TOME XXXVIII.

Arrêt.

fiée par des conventions privées (Req. 19 juill. 1837) (1)....

et l'appréciation de certains actes, l'arrêt attaqué reconnaît et déclare de nouveau, dans son dispositif, le même concours de propriétaires et les limites respectives de leurs droits; ce qui écarte l'application des art. 691 c. civ. et 607 de la coutume de Normandie ; Attendu, en droit, que les art. 544, 546 et 552 c. civ., sont déclaratifs du droit commun relativement à la nature et aux effets de la propriété, mais ne sont pas prohibitifs; Que ni ces articles, ni aucune autre loi, n'excluent les diverses modifications et décompositions dont le droit ordinaire de propriété est susceptible; Rejette.

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Du 13 fév. 1834.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Broé, rap.Nicod, av. gén., c. conf.-Lacoste, av.

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2o Espèce: (Lemoine C. Caquelard.) Il s'agissait ici du pourvoi du sieur Lemoine contre l'arrêt de la cour de Rouen, qu'on a rapporté dans l'espèce précédente. On invoquait trois moyens : 1. Excès de pouvoir, violation des art. 61 et 25 c. pr., en ce que la cour a jugé comme pétitoire une action qui, d'après l'exploit introductif d'instance, n'était que personnelle et mobilière. En effet, les juges ne peuvent connaître que des demandes dont ils sont saisis par l'exploit d'ajournement qui doit contenir l'objet de la demande et l'exposé sommaire des moyens. Or l'exploit de Caquelard n'ayant tendu qu'à la restitution d'un aune abattu et de cent bourrées enlevées de sa propriété, et n'ayant renfermé ainsi qu'une demande toute personnelle et mobilière, la cour n'a pu, alors qu'il n'y avait pas eu de nouvelle assignation, elle n'a pu, sans excès de pouvoir et en même temps sans cumuler le possessoire et le pétitoire, substituer sur de simples conclusions cette dernière à la première action, et admettre Caquelard à étayer son action par des titres de propriété ; 20 Violation de l'art. 7 de la loi du 20 avr. 1810, en ce que la cour a rejeté sans motifs la preuve et l'expertise subsidiairement offertes par Lemoine; en cela, elle a d'autant plus mal jugé, que, dans ses considérants, l'arrêt reconnait qu'on ne peut tirer aucune lumière des titres respectifs. Malgré la défense portée en l'art. 24 c. pr., de faire porter sur le fond du droit l'enquête ordonnée au possessoire, il prend pour base l'enquête qui a été faite devant le juge de paix au possessoire, cumulant ainsi de nouveau le possessoire avec le pétitoire. Mais aucun motif sur le rejet des conclusions subsidiaires; il en fallait cependant, puisque c'était la défense à l'action principale; - 3o Violation des art. 546 et 552 c. civ. Ce moyen est le même, et est fondé sur les mêmes considérations que celui invoqué par le sieur Caquelard dans la première espèce. — Arrêt. LA COUR; Sur la partie du premier moyen, tirée de la violation de l'art. 61, no 3, c. pr. civ.: Attendu, en fait, qu'il résulte du point de fait comme des motifs de l'arrêt attaqué, que l'exploit d'ajournement du 12 fév. 1827 (qui n'est pas produit), constituait, dès l'origine du procès, non une action personnelle et mobilière, mais une action immo. bilière et pétitoire, et que toutes les parties l'avaient reconnu devant la cour royale; ce qui suffit pour écarter cette prétendue violation;

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Sur la partie du même moyen, tirée de la violation des art. 24 et 25 c. pr. civ. :- Attendu, en droit, que, loin qu'il résulte de ces articles que le juge qui est saisi du pétitoire après que le possessoire a été définitivement jugé, ne puisse pas, dans le silence des titres de propriété, prendre pour base de sa décision l'état de possession antérieurement et Souverainement reconnu, il est au contraire de principe que cette base est celle que le juge du pétitoire doit admettre, lorsqu'il n'est pas fait, devant lui, de justifications suffisantes pour établir la propriété par titres; Attendu, en fait, qu'après avoir formellement constaté le silence des titres respectifs de propriété sur l'objet litigieux, et déclaré qu'il fallait donc se reporter à l'état de possession reconnu, l'arrêt attaqué se fonde en outre sur l'appréciation des divers faits et actes;

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l'art. 7 de la loi du 20 avr. 1810:- Attendu que l'arrêt attaqué est très-explicitement motivé sur le rejet de la preuve testimoniale et de l'expertise offertes subsidiairement par Lemoine, puisqu'il déclare qu'elles sont de toute inutilité et ne pourraient procurer une base solide pour la décision de la contestation;

Sur le troisième moyen (voyez les motifs de l'arrêt sur le pourvoi précédent.

Du 13 fév. 1834.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-De Broé, rap.-Nicod, av. gén., c. conf.-Mandaroux, av.

(1) (Bichard C. Dutour.)- LA COUR ; Attendu, en droit, qu'il est incontestable que le propriétaire d'un fonds a la faculté naturelle et imprescriptible de faire des fouilles dans le sol qui lui appartient, et de couper les veines souterraines qui servent à alimenter la source qui jaillit dans un héritage voisin; Mais qu'il est aussi certain qu'il peut être dérogé, par des conventions particulières, aux lois qui règlent les attributs de la propriété et de les modifier dans l'intérêt des propriétaires inférieurs auxquels les eaux sont transmises;- Attendu, en fait, que l'arrêt attaqué (de Riom) a reconnu et déclaré, par interprétation des clauses du bail à cens, du 7 oct. 1749, que Boirot, auteur du demandeur en cassation, en acceptant la condition du recurement du fossé qui conduisait les eaux de la fontaine de la Charrière dans les eaux du château 26

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Et spécialement, que le preneur de biens à cens qui s'est engagé à curer un canal traversant l'une des terres données à cens, et alimentée par une fontaine supérieure, a pu être déclaré avoir pris l'engagement de ne rien faire, ni dans cette pièce de terre, ni dans d'autres pièces à lui appartenant, pour diminuer ou supprimer le filet d'eau qui alimente la fontaine, sans que cette décision, fondée sur l'appréciation de titres non produits devant la cour de cassation, puisse donner ouverture à la censure de cette cour (même arrêt); 3° Que le sol peut appartenir à l'un, et les arbres qui y sont plantés, appartenir à un autre proprié- | taire (Cass. 20 fév. 1851, aff. Mazarin, D. P. 51. 1. 54).—«Il n'est pas extraordinaire, dit à ce sujet Merlin, Quest. de dr., y Commune, § 7, de voir simultanément une commune propriétaire d'un bois, et un particulier propriétaire d'une partie des arbres croissant dans ce bois. Ce concours ne forme qu'un partage de la propriété, et ce partage a pu s'établir de différentes manières. Il a pu s'établir par la cession du fonds des bois avec réserve de telle ou telle espèce d'arbres qui y croissent; il a pu s'établir aussi par une sorte de prescription qui aura converti en propriété partiaire du fonds l'usage auquel la commune était limitée dans le principe. »

69. De même on a décidé 1° que le concours, sur le même sol, de deux propriétés simultanées, et par exemple, de la propriété des chaumes d'une montagne au profit d'un individu, et de celle des bois qui y croissent au profit d'un autre n'est interdit par aucune loi, et peut s'établir même par la possession

de Bellenave, s'était obligé au maintien des eaux, et, par conséquent, de ne pas faire auprès de ladite fontaine, des travaux qui détruisi-sent le Glet de l'eau qui l'alimentait, et que l'entreprise du demandeur constitue une infraction audit traité de 1749; - Attendu que le titre qui constate cette convention n'est pas produit devant la cour, et qu'il ne lui appartient pas de rectifier l'interprétation qu'en a faite l'arrêt; qu'elle ne peut non plus rechercher si, dans les prévisions du contrat, elle s'appliquait à la pièce dans laquelle les fouilles ont eu lieu; que toutes les questions d'interprétation et d'application des titres doivent être souverainemeut jugées par les juges du fond, sans que la cour puisse rectifier leurs erreurs; Rejette, etc.

Du 19 juill. 1837.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Viger, rap.Herve, av. gen., c. conf -Garnier, av.

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(1) Espece: (Préfet des Vosges C. Comm. de la Bresse.) La commune de la Bresse, dépendant autrefois de la province de Lorraine, est entourée de montagnes dont la pente est garnie de bois et de bruyères et dont le sommet est couvert de gazons appelés chaumes. C'est la propriété de ces bois, terres et gazons que, depuis longtemps, se dispu taient le domaine et la commune. Le domaine, se fondant surtout sur l'ord. de Lorraine de 1664, et sur le droit lorrain en général, ne reconnaissant à la commune que des droits de parcours et d'usage, demandait, outre la remise des bois et terrains litigieux, la restitution des fruits perçus par la commune. - La commune opposait sa possession immémoriale des bois, des arrêts du conseil et relativement au terrain des Hautes-Fées (l'un de ceux en litige), les lois des 28 août 1792 et 10 juin 1793.

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24 avr. 1826, jugement qui rejette les différentes demandes du domaine.

Appel par le préfet, et le 16 août 1832, arrêt de la cour de Nancy, qui, à l'égard des bois, en attribue la propriété à la commune, Attendu qu'ils ont été constamment en sa possession et jouissance » et ici la cour énumère les preuves de cette possession, notamment le peu d'obstacle apporté par le domaine à cette jouissance; et plus loin elle déclare que « rien n'est plus probable et même plus certain que depuis cette époque le souverain du pays n'ait pu faire des concessions de bois à titre de propriété, puisque, dans toutes les Vosges que l'on dit avoir appartenu dans la totalité au domaine, les communes autres que celle de la Bresse ont des bois et propriétés communales; qu'ainsi cette commune étant en possession depuis un temps immémorial, par conséquent avant l'époque où le domaine a pu devenir inalienable, cette possession, corroborée d'ailleurs, doit prévaloir tout et aussi longtemps qu'on ne produira pas des titres contraires et notamment celui de concession originaire à l'aide duquel il serait justifié de sa qualité d'usagère.

» A l'égard des chaumes, déclare l'Etat propriétaire, attendu qu'il en a toujours exclusivement joui; Que cette possession a les mêmes caractères d'une propriété exclusive et absolue; - Qu'au lieu de rechercher... laquelle de ces deux possessions doit ici l'emporter, et si l'une des deux doit, vis-à-vis de l'autre, n'être réputée qu'une servitude, on est naturellement conduit, par la nature insolite et spéciale de ce territoire de montagnes et par toutes les circonstances de la cause, à admettre la possibilité de deux proprié és simultanées égales en droit et distinctes, quoique existant sur le même sol; Que cette division en deux droits

immémoriale. — Il importerait peu que le domaine fût l'un de ces propriétaires (Req. 26 déc. 1833) (1). — 2o Qu'il y a un démembrement de la propriété dans le droit, que le vendeur d'un terrain s'est réservé à perpétuité, d'embarquer et de débarquer toutes sortes de bois sur le terrain vendu : « Considérant que ce droit consistant dans une occupation plus ou moins fréquente et plus ou moins longue du terrain dont il s'agit, dans une espèce de copossession de ce même terrain, diffère par son caractère et par son étendue du droit de servitude proprement dit, et qu'il forme plutôt une participation du droit de propriété............ » (Caen, 17 fév. 1837, aff. Marguery, rec. de Caen, t. 1, p. 187);-3° Que le droit de cultiver, ensemencer et récolter les produits d'un étang asséché chaque troisième année, sauf la prestation du cinquième des fruits, est un droit de copropriété (Cass. 31 janv. 1838, V. Succession, no 1526, V. aussi eod., no 1542).

70. Suivant la même doctrine, il a encore été jugé: 1 qu'entre le propriétaire d'un domaine jadis seigneurial, et auquel conduit un chemin public planté en avenue, et le propriétaire des terrains bordant cette avenue et afféagés par l'ancien seigneur, une cour a pu décider en interprétant les titres dans le sens qu'elle a jugé le plus convenable, que les terrains longeant des deux côtés le chemin public et par suite les arbres plantés sur ces terrains étaient la propriété du premier, et par suite une telle décision, en fait, ne peut violer la loi du 28 août 1792 (art. 14 et 16), qui attribue aux riverains la propriété des arbres plantés sur le bord des chemins publics (Req. 7 avr. 1807) (2).—2o Que la réintégration, au profit

-

égaux de propriété n'offre rien de contraire aux principes du droit...; »En ce qui touche les Hautes-Fees, déclare l'Etat propriétaire, la commune, de son aveu, n'ayant jamais possédé à titre de propriétaire, mais seulement comme bailliste, aucun des chaumes ou gites de pâturages sur les hauteurs de la montagne; Que si les habitants ont joui du terrain des Hautes-Fées, ce ne peut être qu'en cette qualité de baillistes du domaine ou tout au plus à titre d'usage ou de droit de parcours; » En conséquence condamne la commune à se déporter de tous droits sur le territoire autres que ceux d'usage et de parcours; Le jugement dont est appel qui déboute le domaine de ses prétentions à la propriété des bois des communes de la Bresse sortissant au surplus son effet; Sur toutes autres fins et conclusions, a mis les parties hors de cour. Pourvoi du préfet contre la disposition qui a déclaré la commune propriétaire des bois, pour violation de l'ord. de Lorraine du 25 mai 1664 et des art. 2251, 2236 et 2240 c. civ., en ce que l'arrêt a déclaré la commune propriétaire, quoiqu'elle ne fût que simple usagère et que, d'ailleurs, le domaine fût inalienable en Lorraine. Arrêt. LA COUR; Considérant que la cour royale de Nancy, en appréciant les titres respectivement produits et en décidant que la propriété des bois qui couvrent les montagnes situées sur le territoire de la Bresse appartient à cette commune, soit d'après ses titres, soit d après sa possession immémoriale, soit enfin d'après les reconnaissances émanées des agents du domaine, s'est renfermée dans ses attributions et a prononcé sur des questions que la loi abandonne à son arbitrage; Considérant que l'arrêt attaqué n'a pu violer aucune loi en décidant que les bois existants sur ces montagnes appartenaient à la commune, quoique l'Etat fût propriétaire des chaumes qui existaient sur ces mêmes montagnes; que ce concours de propriétaires n'est interdit par aucune disposition; l'ordonnance de Charles, duc de Lorraine, en date du 25 mai 1664, relative aux bois vendus par les communes, qui a ordonné leur rentrée en possession et qui a réglé le mode de leur jouissance, ne contient aucune disposition applicable au demandeur; Que le principe de l'inalienabilité du domaine ducal. qui n'a pas toujours été admis en Lorraine, ne pourrait être appliqué aux bois qui font l'objet du procès qu'autant qu'il serait prouvé qu'ils ont fait partie du domaine public et qu'ils en dépendaient encore à l'époque à laquelle ce principe a été introduit en Lorraine; que cette double preuve n'est pas rapportée; Qu'il n'est pas justifié que la commune ait commencé à posséder pour autrui et ait changé la cause et le principe de sa possession; qu'ainsi les art. 2231, 2256 et 2240 c. civ. n'ont pas été violés. Considérant, enfin, que l'arrêt attaqué n'a pas appliqué au profit de la commune le bénéfice de la pre3cription, mais a déclaré qu'elle avait une propriété ancienne et qui remoutait à un temps immemorial; Rejette.

-

Que

Du 26 dec. 1853.-C. C., ch. req.-MM Zangiacomi, pr.-Tripier, rap.Tarbé, c. conf.-Teste-Lebeau, av.

(2) (Garbagny C. Bernard.) LA COUR; Considérant, sur le deuxième moyen, que la cour d'appel de Rennes a pu, sans violer aucune loi, juger, d'après les titres produits devant elle, et en les interprétant dans le sens qu'elle estimait le plus convenable, qu'il existait entre le chemin public qui se trouvait former la partie du milieu du terrain contentieux, et les héritiers afféagés, le 24 avr. 1749, aux auteurs du sieur Garbagny, des terres décloses et plantée, et que c'était

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