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que la propriété de ce canal entraine nécessairement le droit de le faire récurer à volonté, et de jeter les terres sur les bords latéraux: quand l'étendue de ce droit de jet de pelle n'est pas fixée par contrat, elle doit être déterminée par l'usage des lieux (Bordeaux, 23 janv. 1828) (1);-6° Que toutefois la jouissance d'un canal de fuite d'un moulin n'est pas exclusive de l'acquisition d'un droit de servitude ou prise d'eau sur ce canal, au profit des riverains, par la simple possession et, singulièrement, par la construction d'un barrage sur ce bief: c'est à tort qu'on prétendrait que cette possession est essentiellement précaire (Req. 17 janv. 1842) (2). 183. Les francs-bords d'un canal fait de main d'homme, sont

(1) Espèce :-(Michaud C. Bitaudeau. )-En 1784, Jacques Lebouchè vend à Michaud un moulin, ses apparaux, bâtiments, terres, vignes et prés, dépendant du domaine de Courpeteau, avec concession d'un droit de passage sur ce même domaine pour aller au chemin de Graves à Anqueville. Lebouché se réservant de prendre à l'écluse du moulin l'eau nécessaire à l'irrigation de ses prés, et cela vingt-quatre heures de suite par semaine, dans les mois de mai et de juin, à la charge par lui de faire curer et nettoyer l'écluse tous les cinq ans.-Un empellement qu'il tenait fermé hors le temps de l'irrigation, fut construit à ses frais pour constituer la prise d'eau.-Jacques Lebouché mourut.-Son frère, qui lui avait succédé, vendit le domaine de Courpeteau à un sieur Roy, qui le revendit bientôt aux sieurs Voix et Bitaudeau. En 1812, Michaud assigna, devant le tribunal de Cognac, les sieurs Voix et Bitaudeau. Il demandait le passage sur le bord du ruisseau, et la faculté d'y jeter les vases du récurement, ce qu'il ne pouvait obtenir avant que ses adversaires n'eussent détruit un mur qu'il avaient élevé en cet endroit. Il demandait, en outre, que ses adversaires fussent tenus de réédifier l'empellement fait pour tenir les eaux après l'irrigation des prés.-Cette réparation fut faite pendant l'instance; mais, quant au droit de passage et du jet de pelle, Voix et Bitaudeau soutinrent que leurs fonds n'y étaient point assujettis. Selon eux, le contrat de 1784 ne faisait pas mention de cette servitude; le droit de passage y contenu portait sur un autre point. Le 29 juill. 1814, jugement qui, attendu qu'il faut un titre formel pour exercer une servitude sur le terrain d'autrui, et que le sieur Michaud ne produit aucun titre qui lui accorde la servitude de passage et de jet de pelle sur le fonds des sieurs Bitaudeau et Voix, le long du ruisseau, le déclare mal fondé dans sa demande. Appel.

-Arrêt.

LA COUR ;-Attendu que tout canal de fuite d'un moulin à eau, creusé de mains d'hommes, est présumé faire partie intégrante et être une dépendance principale et essentielle du moulin au service duquel il est destiné; que rien, dans la cause, ne détruit cette présomption reconnue par la généralité des auteurs et par une jurisprudence constante; Attendu que le propriétaire d'un moulin a le plus grand intérêt à ce que le canal qui en est une dépendance nécessaire, conduise et maintienne toujours dans son lit un volume d'eau capable d'entretenir le jeu de son moulin; mais qu'à cet effet et pour que ledit canal soit tenu en l'état qu'il convient, il faut de toute nécessité que celui qui en est propriétaire ait la libre faculté de le récurer quand il en a besoin, et, par conséquent, d'user du droit de jet et de pelle; que, priver le propriétaire du moulin de l'exercice de cette double faculté, ce serait l'exposer à voir souvent le mouvement de son usine interrompu, et restreindre par cela même les attributs de son droit de propriété ; — Attendu que Lebouché aîné, en aliénant, par le contrat d'arrentement du 7 août 1784, en faveur de Michaud, le moulin de Courpeteau avec ses appartenances et dépendances, lui a nécessairement vendu le canal de ce moulin avec la faculté de le récurer à volonté, et d'en jeter les terres sur les bords latéraux; Attendu que l'étendue de ce droit de jet de pelle n ayant pas été déterminée par le contrat précité, la cour n'a aucune base précise pour en fixer l'étendue à quatre pieds, comme le réclame Michaud, et qu'il est plus juste d'ordonner que cette étendue de jet de pelle sera déterminée par l'usage des lieux;-Attendu que Michaud s'est plaint et a mis en fait que le mauvais état de l'empellement pratiqué sur le canal de son moulin, pour l'arrosement des prés des sieurs Voix et Bitaudeau, avait laissé échapper une certaine quantité d'eau nécessaire à l'exploitation dudit moulin; que, si cet empellement a été postérieurement réparé pendant l'instance actuelle, il n'en est pas moins vrai que les ouvertures qui s'y étaient formées auparavant ont causé un préjudice quelconque à Michaud pendant tout le temps que ces ouvertures ont laissé aux eaux un libre passage, et qu'il est de toute justice que ce dommage soit réparé; -Emendant, maintient Jean Michaud dans la propriété du canal ou de l'écluse de son moulin dit de Courpeteau, ainsi que dans le droit de jet de pelle, conformément à l'usage des lieux; condamne Voix et Bitaudeau à boucher, si fait n'a été, et à entretenir constamment clos et bien fermé l'empellement par eux pratiqué sur ledit canal, sauf toutefois pendant le temps où ils sont autorisés à y prendre les eaux pour l'irrigation de leurs propriétés.

Du 23 janv. 1828.-C. de Bordeaux, 2e ch.-M. Duprat, pr. (2) Espèce :- (Bordères et Grand C. Danizan.) Le sieur Danizan,

-

manifestement, comme le canal lui-même, susceptibles de propriété privée. — La propriété d'un canal fait de main d'homme entraine-t-elle la présomption légale de la propriété des francsbords? La question a été résolue en sens divers. La solution continue à être divergente, suivant la mobilité des circonstances. -Ainsi il a été jugé : 1o que la propriété d'un canal, fait de main d'homme, entraîne la présomption que les francs-bords de ce canal appartiennent au même individu. Dès lors, à quelque époque que remontent les faits de jouissance d'un tiers sur ces bords, ils ne doivent être considérés que comme de simple tolérance de la part du propriétaire du canal (Paris, 12 fév. 1830) (3) ;—2o Que

riverain du canal de fuite d'un moulin appartenant aux sieurs Bordères et Grand, a reconstruit sur ce canal une digue qui s'y trouvait déjà éta◄ blie transversalement pour arroser son pré. Il a aussi établi, dans une partie inférieure, une traînée de pierres.- Avant l'an et jour, Danizan est cité, à raison de ces travaux, devant le juge de paix du canton de Nestier, en destruction de la digue et enlèvement des pierres.

22 fév. 1839, jugement du tribunal de paix qui : « Attendu qu'en s'arrêtant à la nature et au caractère de la possession, il est à considérer que les propriétaires des usines sont censés propriétaires du canal pour recevoir et donner l'écoulement aux eaux, et que ce canal est présumé faire dépendance et partie intégrante des usines, au service desquelles il est destiné; que Danizan, au lieu de faire le barrage mobile comme précédemment pour arroser le pré, a fait faire une digue permanente, plus forte, plus solide et plus élevée, et que, par là, il a causé un nouveau trouble; >> En ce qui touche la traînée de pierres, le même jugement décide que ce fait trouble les demandeurs dans la possession du canal.

Appel de Danizan. 27 août 1840, jugement infirmatif du tribunal de Bagnères : «...Attendu que le nouveau barrage serait plus solide que le précédent; mais que cette considération est sans importance dans la cause, puisque le plus ou le moins de solidité ne peut occasionner aux intimés aucune espèce de préjudice; qu'il n'en serait pas de même de l'exhaussement, s'il était justifié, puisque cet exhaussement pourrait faire refluer les eaux d'une manière nuisible; mais que des constatations faites par le premier juge, il résulte que l'ouverture de plusieurs mètres laissée à la digue est suffisante pour les épanchements des eaux; que, dès lors, la demande ne pouvait être accueillie, sous ce rapport;... Attendu que la possession qu'avait Danizan ou son auteur, depuis plus d'une année, de dévier les eaux, n'était pas précaire en effet, rien ne prouve au procès que le point où la digue est établie soit plutôt canal de fuite qu'eau courante, ce qui, d'ailleurs, importe peu dans la cause puisque c'est une question purement pétitoire ;... Que l'appelant ayant depuis plus d'une année la possession de la prise d'eau et du barrage qui en est un accessoire forcé et nécessaire, la reconstruction du barrage n'étant qu'une chose purement d'entretien, il s'ensuit que la destruction de ce barrage a été mal à propos ordonnée par le premier juge;Attendu, quant à la traînée de pierres établies inférieurement, qu'elle est dans les mêmes circonstances, avec cette différence que les intimés ne justifient en aucune façon une possession quelconque du cours d'eau en cette partie... >>

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Pourvoi pour fausse application de l'art. 23 c. pr. civ., et violation des art. 523, 546, 551 et 2232 c. civ. On établit d'abord que la pro priété d'un moulin fait présumer, soit la propriété du canal et de ses bords et francs-bords, soit la possession. On soutient ensuite qu'il n'y a aucune distinction à faire, soit quant à la propriété, soit quant à la possession, entre le canal d'arrivage et le canal de fuite; qu'une entreprise sur ce dernier est une atteinte à la possession du propriétaire du moulin; que celui-ci n'a pas besoin, pour conserver la possession du canal, d'y faire des actes particuliers de possession; celle des riverains n'étant que précaire et de pure tolérance, il a toujours le droit de la faire cesser. Le riverain ne pouvait donc, dans l'espèce, avoir la possession annale d'une digue construite dans le canal de fuite par lui ou par son auLes mêmes principes sont applicables à la traînée de pierres dont il s'agit. Arrêt.

teur.

LA COUR;

-

Attendu que le jugement attaqué constate, en fait, que le barrage, dont les demandeurs réclamaient la suppression, existait depuis plusieurs années; qu'il n'avait pas été exhaussé, et qu'il ne nuisait pas à l'écoulement des eaux; qu'il constate, en outre, que les demandeurs n'ont justifié en aucune manière leur possession du cours d'eau dont il s'agissait au lieu où une traînée en pierres existait; que cette décision en fait, ne contrevient à aucune loi et justifie le rejet de la demande possessoire, sur laquelle seulement le tribunal de Bagnères avait à statuer; Rejette.

Du 17 janv. 1842.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-BrièreValigny, rap.-Delangle, av. gén., c. conf.-Carette, av.

(3) Espèce (Leharle C. Durand.) - Durand, manouvrier dans la commune de Favières, se disposait à enlever des arbres abattus par lui sur les bords d'un canal fait de main d'homme et appartenant au sieur Leharle. Opposition par ce dernier. Devant le tribunal de Melun,

4• Que la propriété du canal emporte celle des francs-bords, et qu'à défaut de titre ou d'une jouissance constanté, la largeur des francs-bords doit être déterminée suivant les règles de l'art, en prenant en considération les besoins de l'usine et les circonstances dé localité (Nancy, 29 juill. 1842, aff. Dandelarre, V. no 122-1o); 5° Que la propriété du canal fait de main d'homme entraîne celle des francs-bords... et ne permet pas que d'autres que le propriétaire viennent puiser de l'eau dans le ca

la propriété d'un canal creusé de main d'homme entraîne celle des francs-bords; et spécialement, qu'en présence des deux titres émanés du même auteur, dont l'un contient concession du local nécessaire pour la construction d'un moulin à eau, et l'autre aliénation des pièces de terre confrontant le canal du moulin, c'est au premier titre qu'il faut attribuer la propriété des francsbords; qu'en vain dirait-on qu'à ce titre est attachée une simple servitude sur les fonds riverains, pour l'exécution des réparations à faire au canal (Toulouse, 10 sept. 1832) (1); — 3o Que la pro-nal, à moins de servitude établie par titre (Paris, 22 mars 1841, priété d'un canal creusé de main d'homme entraîne celle des francs-bords et des arbres qui y sont plantés; et que la propriété des francs-bords ne peut être acquise par prescription contre le propriétaire du canal, tant qu'il conserve la jouissance du canal, jouissance qui suppose nécessairement celle des francs-bords: qu'en un tel cas, les actes de possession des tiers doivent être réputés de simple tolérance (Toulouse, 30 janv. 1833) (2);

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Durand allègue que, depuis 1753, il a joui par lui et ses auteurs, sans
interruption, de la propriété des berges du canal; qu'en 1792, peu de
mois après la vente qui lui fut faite de ces berges, il avait lui-même
planté les arbres qui s'y trouvaient, et qu'il les avait constamment cul-
tivés et élagués pour son compte ; qu'enfin sa propriété était close, d'un
côté, d'une baie vive qui se prolongeait jusqu'au bord du canal, sans
laisser aucun intervalle pour un passage sur la berge. Jugement qui,
reconnaissant ces faits pertinents pour établir la prescription plus que
trentenaire qui était alléguée, en ordonne la preuve. —Appel. —Arrêt.
LA COUR;
Considérant que la propriété d'un canal fait de main
d'homme entraîne la présomption légale de la propriété des francs-bords
dudit canal; qu'en cet état, les faits de jouissance allégués par Durand
ne peuvent être considérés que comme de tolérance, et ne sont point
ainsi pertinents et admissibles pour faire preuve de propriété contraire;
Met l'appellation et ce dont est appel au néant; -- Emendant et pro-
nonçant au principal, maintient Lebarle dans la propriété et jouissance
de la berge du canal artificiel conduisant l'eau à son moulin;-En con-
séquence, fait défense à Durand de planter des arbres ou d'élaguer ceux
existants sur ladite berge, comme aussi d'enlever ceux déjà coupés.
Du 12 fév. 1830.-C. de Paris, 1re ch.-M. Séguier, 1er pr.

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aff. Garnot, rapporté avec Req. 20 déc. 1842, no 122);—6o Que le propriétaire d'un moulin, construit sur un canal alimenté par un cours d'eau privé, et sur lequel existent plusieurs autres moulins, a le droit, en l'absence de titre contraire, de passer sur la douve de ce canal dans toute l'étendue de son prolongement, pour veiller au fibre cours des eaux (Req. 15 déc. 1835) (3).

124. Mais le système qui ne fait dériver de la propriété du

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LA COUR ; - Vidant le renvoi au conseil, adoptant les motifs des premiers juges, a démis et démet le sieur de Beauquesne de son appel. Du 10 sept. 1852.-C. de Toulouse, 1re ch. civ.-M. Hocquart, 1er pr. (2) (Depeyre C. Lordat.) — LA COUR; Attendu que le propriétaire d'un moulin est légalement présumé propriétaire du canal d'arrivage fait de main d'homme, ainsi que des francs-bords dudit canal; Attendu que, dans l'espèce actuelle, cette présomption de la loi se convertit en certitude, puisqu'il est reconnu et convenu, par les sieurs Depreyre, que le canal dont il s'agit est fait de main d'homme, et que le sieur de Lordat ou ses auteurs possèdent ledit moulin depuis plusieurs siècles; en sorte que cette possession immémoriale est pour lui un titre réel de propriété, qui ne pouvait étre détruit, en tout ou en partie, que par un titre contraire; - Attendu que les sieurs Depeyre ne produisent aucun titre de cette nature; qu'ils veulent seulement établir des faits possessoires, non sur le moulin, ni sur le lit même du canal d'arrivage, mais sur les francsbords, et s'attribuer ainsi la propriété desdits francs-bords à l'aide de la prescription trentenaire; Attendu que la possession, à l'effet d'acquérir la propriété par la prescription, doit essentiellement avoir été nonseulement continue, mais encore exclusive de la part de celui qui veut s'en prévaloir, ce qui ne se vérifierait pas, dans l'espèce, puisque, dès qu'il est reconnu que le sieur de Lordat n'a pas cessé de jouir du canal d'arrivage, il a nécessairement joui aussi des francs-bords, sans l'usage desquels il n'aurait pu entretenir le canal et alimenter son moulin; d'où suit que la preuve offerte devant les premiers juges, et à laquelle les sieurs Depeyre ont joint de nouveaux faits devant la cour, doit être rejetëe, avec d'autant plus de raison, que certains des faits articulés n'auraient pour cause qu'une simple tolérance, et que d'autres, tels que les prises

s'ils étaient établis, que de simples droits de servitude, dont il ne peut être question dans le procès actuel; - Attendu que les sieurs Depeyre né prétendaient à la propriété des arbres exploités par le sieur de Lordat, qu'en soutenant que leur propriété s'étend jusqu'au fil de l'eau du canal, et qu'ils ne se disaient propriétaires des francs-bords sur lesquels étaient radiqués les arbres dont il s'agit, que comme ayant acquis, par la prescription, la propriété desdits francs-bords; mais que, cette prétention se trouvant mal fondée, comme cela résulte des motifs ci-dessus, toute vérification des lieux, subsidiairement demandée par le sieur de Lordat, devient inutile et serait frustratoire: Par ces motifs, vidant le renvoi au conseil, sans avoir égard à la demande en preuves des faits articulés tant devant les premiers juges que devant la cour, et la rejetânt; réformant le jugement, declare le sieur de Lordat propriétaire du canal dont il s'agit et de ses francs-bords, sur lesquels les arbres exploités par le sieur de Lordat étaient radiqués.

(1) Espèce :- (Beauquesne C. Dussouy.) Jugement ainsi conçu: -«Attendu que chacune des parties pretend avoir un droit de propriété sur le franc-bord dudit canal, savoir: le sieur de Beauquesne, en soutenant que ce franc-bord est compris dans l'étendue des confrontations données à sa possession contigue, et le sieur Dussouy, comme formant une dépendance essentielle de la contenance qui lui fut faite originairement du local nécessaire pour l'établissement d'un moulin; - Attendu que ces prétentions opposées nécessitent l'examen des titres respective-d'eau, allégués devant la cour, et pour la première fois, ne constitueraient, ment produits; que le sieur de Beauquesne se borne à invoquer un acte d'échange passé avec M. de Catellan, ancien propriétaire du local sur lequel le moulin est établi, portant la date du 4 sept. 1807, et duquel il résulte qu'il reçoit en contre-échange de celui-ci une pièce de terre labourable et en friche, située près le moulin de Lafage, et confrontant le ruisseau de Layroux, les possessions du sieur Lapeyre et le canal du moulin; Attendu que cet acte, loin d'avoir pour objet de comprendre dans les confrontations le franc-bord du canal, l'exclut implicitement, puisque, faisant confiner l'objet vendu avec le canal, cela doit s'entendre avec le franc-bord, qui en fait lui-même une dépendance, et non avec le lit du même canal, qui n'en est qu'une partie; - Attendu qu'en tout cas, le sieur de Beauquesne, représentant le sieur de Catellan, ne peut prétendre et ne prétend pas en effet de plus forts droits que ceux qu'avait ce dernier; qu'ainsi, l'acte d'échange devrait être interprété par celui du 5 juill. 1778, contenant concession au profit du sieur Lasserre, que Dussouy représente; et à cet égard, attendu que ledit de Catellan cède, à titre de locatairie perpétuelle, le local nécessaire pour la construction d'un moulin à eau; que ces expressions générales embrassent principalement le terrain nécessaire pour l'établissement du bief et du sous-bief; or, il est incontestable et le sieur de Beauquesne ne conteste pas que celui qui creuse de pareils canaux doit s'assurer d'abord de la propriété des deux rives; d'où il suit que la concession les comprend essentiellement, puisqu'elles sont d'une utilité si grande pour le moulin, à cause des réparations et de l'entretien qu'exigent constamment le bief et le sous-bief; - Attendu que c'est sans fondement que le sieur de Beauquesne prétendrait que le sieur de Catellan ne céda qu'une servitude sur son fonds, puisque la concession du local nécessaire au moulin est faite en termes exprès, et que, ne contenant aucune restriction, elle doit s'entendre contre le bailleur dans le sens le plus étendu, qui est celui de la propriété même du fonds. >> Appel de Beauquesne. Il a cherché à établir qu'il résultait des titres produits et mentionnés dans le jugement attaque, que le sieur Dussouy n'avait aucun droit de propriété sur les francs-bords du canal du moulin de Lafage; qu'il ne pouvait en jouir qu'à titre de servitude. Il invoquait, à l'appui, l'arrêt de la cour de Toulouse, du 97 août 1821.-Arrêt,

Du 30 janv. 1835.-C. de Toulouse, 1re ch.-M. Hocquart, 1er pr. (3) Espèce:-( Expilly C. Emeric et Escarrat.) - Divers moulins à blé existent sur un canal alimenté par un cours d'eau désigné sous le nom de Grande-Touloubre. Le sieur Expilly, dont le moulin est supérieur à ceux des sieurs Emeric et Escarrat, ayant élevé un mur pour empêcher tout passage chez lui, ces derniers soutiennent qu'ils ont le droit de surveiller les eaux, et par suite, un droit de passage forcé sur le domaine du sieur Expilly; en conséquence, ils demandent la démo lition du mur.-19 avril 1834, jugement qui, avant de statuer au fond, admet les sieurs Emeric et Escarrat à prouver par témoins qu'ils ont joui constamment du droit de passage par eux réclamé. - Appel. 14 juin 1854, arrêt de la cour d'Aix, ainsi conçu :- « Attendu qu'il est suffisamment constaté, au procès, que l'eau dérivée dans le canal dont il s'agit, n'est point une eau publique, mais une eau privée; qué, dès lors, le canal qui réunit cette eau, a dû être construit pour l'usage des moulins qui y sont établis ; qu'en l'absence des titres particuliers à chacune des parties, la règle incontestable de droit est que le proprietaire de chaque moulin doit avoir le droit de passage pour surveiller l'usage des eaux, et faire que rien ne s'oppose à l'arrivée des eaux dans leurs moulins respectifs; que c'est donc à tort que le sieur Expilly a

canal qu'une présomption simple quant à la propriété des francs-bords et des arbres tend à triompher dans la jurisprudence. Ainsi il a été jugé 1o que la propriété d'un canal artificiel n'entralne pas la présomption légale de la propriété des francs-bords; qu'il en résulte une simple présomption susceptible d'être combattue par la preuve contraire (Req. 21 déc. 1350; 13 janv. 1835 (1); 23 nov. 1840, aff. Gon, V. Action possessoire, no 708); 2o Qu'en tous cas, une cour d'appel a pu décider que cette présomption, soit d'après l'ancien droit, soit sous le code, n'était pas telle qu'elle ne dût céder à des titres contraires, et spécialement, qu'il résultait des titres que le propriétaire du moulin n'avait pas la propriété du sol du canal, mais seulement le droit d'y conduire les eaux, et de passer sur les riverains pour le curage du canal (même arrêt, Req. 21 déc. 1850); 3° Et que le fait d'avoir, pendant un temps immémorial, déposé sur les francs-bords du canal les boues et

-

établi un mur pour empêcher l'exercice de ce droit; qu'en l'état de cette décision, il est inutile d'admettre les parties à prouver le droit de pas-❘ sage, par titres ou par témoins ;-Ordonne que le mur élevé sera abattu.» Pourvoi par le sieur Expilly, pour excès de pouvoir, et violation de tous les principes en matière de servitude, en ce que l'arrêt attaqué a décidé que l'existence seule du moulin sur le cours d'eau privé emporte, au profit du propriétaire de ce moulin, un droit de passage sur la propriété du voisin, pour exercer un prétendu droit de surveillance sur les eaux. Le seul cas, a-t-on dit, où la loi, à défaut de titres particuliers, admet la servitude de passage, est celui où le fonds d'un propriétaire est enclavé, de telle sorte que celui-ci n'a aucune issue sur la voie publique. Hors de ce cas, la servitude de passage ne peut être accordée que par les conventions des parties. La possession plus ou moins longue d'un droit de passage ne pourrait même le faire acquérir par prescription. Or, dans l'espèce, les sieurs Emeric et Escarrat n'ayant aucun titre particulier, et ne se trouvant pas dans le cas prévu par l'art. 682 c. civ., le droit de passage sur la propriété du sieur Expilly ne pouvait leur être accordé.-Arrêt. LA COUR; Attendu que l'arrêt dénoncé a déclaré qu'il est suffisamment constaté, au procès, que l'eau dérivée dans le canal dont il s'agit, n'était point une eau publique, mais une eau privée, et qu'en l'absence de titres particuliers à chacune des parties, et d'après les faits constatés, il a pu être jugé que le propriétaire de chaque moulin doit avoir le droit de passage sur la douve du canal pour surveiller l'usage des eaux, et faire que rien ne s'oppose à leur arrivée dans leurs moulins respectifs, et qu'en conséquence, l'arrêt dénoncé n'a violé aucun texte de loi, en ordonnant que le sieur Expilly serait tenu de démolir le mur ou barrage élevé par lui sur le canal dont il s'agit; - Rejette.

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Du 15 déc. 1835.-C. C., ch. req.-MM. Borel, pr.-Ménervillę, rap. (1) 1re Espèce :-(Dommange C. Calvet.)- Les sieurs Dommange et autres propriétaires d'un moulin sur un canal fait de main d'homme, se prétendaient, par droit d'accession, propriétaires de ce canal. Ils invoquaient l'ancien droit commun de la France, et en particulier la coutume de Bourgogne, le droit commun nouveau, consacré par l'art. 546 c. civ.; l'opinion de Henrys, t. 2, liv. 4, quest. 149; de Dubreuil, Traité sur les eaux, p. 117; Denizart, t. 1, yo Bief; Davot et Bonnelier, Traité sur la coutume de Bourgogne, liv. 2, no 71; Merlin, Pardessus, Fournel; et ils concluaient de ces autorités que, dès qu'il était certain et non contesté, comme dans la cause, qu'un canal avait été fait de main d'homme, la propriété devait en être attribuée au propriétaire du moulin construit sur ce canal.

24 fév. 1829, arrêt de la cour de Lyon, qui, d'après les faits et les actes produits, ne reconnalt aux demandeurs qu'un simple droit d'acquéduc sur le canal, droit qui n'emportait point la propriété du sol, et autorisait seulement celui qui le possédait à faire passer les eaux sur le sol pour les amener à son moulin, et à passer sur les fonds riverains pour le curage du lit du canal, et pour la réparation des chaussées. Pourvoi. Arrêt.

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LA COUR;-Attendu que la contestation soumise à la cour, a une cause antérieure à la promulgation du code civil; qu'ainsi l'art. 546 c. civ., invoqué à l'appui du pourvoi, n'etait ni ne pouvait être applicable; que, d'ailleurs, ce même article et l'ancien droit général de la France, auquel se référait la coutume de Bourgogne, ne sont pas tellement positifs et impératifs, que les tribunaux ne puissent s'en écarter, lorsque des titres contraires s'opposent à leur application; - Et attendu que, dans l'espèce, la cour de Lyon s'est déterminée, d'après des actes anciens et nouveaux dont il fut argumenté devant elle; que cette cour ayant été conduite par l'interprètation qu'elle a donné à ces actes et par l'application qu'elle en a faite à la chose contestée, à juger, ainsi qu'elle l'a fait, son arrêt est à l'abri de toute censure; --Rejette.

Du 21 déc. 1830.-C. C., ch, req.-MM. Favard, pr.-Mousnier-Buisson, rap.-Lebeau, av. gén., c. conf.-Moreau, av.

les herbes provenant du curage, d'y avoir passé et repasse, pu être déclaré insuffisant soit pour prouver la propriété des francs-bords, soit pour la faire prescrire (même arrêt, Req. 13 janv. 1835); - 4° Que le propriétaire d'un canal artificiel a pu, en l'absence de tout titre, à cet égard, être déclaré propriétaire des francs-bords, sur le motif que ces francs-bords sont un accessoire indispensable, tant du canal que de l'ussine qu'il alimente, et que le fondateur du canal, propriétaire en même temps des terres qui le bordent, n'a pas entendu, en les aliénant plus tard, déposséder l'usine de son accessoire, sans que l'arrêt qui le décide ainsi, en n'invoquant d'ailleurs aucun principe général et absolu, puisse être réputé avoir consacré la doctrine erronée qu'il y a présomption légale de la propriété des francsbords, au profit du propriétaire d'un canal creusé de main d'homme; qu'un pareil arrêt doit, au contraire, être considéré comme reposant sur une appréciation de faits et de titres qui

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Depuis un temps immémorial, le propriétaire du moulin a fait déposer sur les rives du canal les boues, les joncs et les mauvaises herbes provenant du curage. Ses meuniers et ouvriers ont passé et repassé sur ces rives, pour opérer ce curage. En 1832, le fermier de Danvillers fit ouvrir plusieurs rigoles dans le canal pour arroser ses prés. - Le sieur de Mazières a demandé la suppression de ces rigoles et la propriété de la chaussée du canal, laquelle a 3 mètres de largeur. Ce second chef de demande était appuyé sur la possession constante qu'il faisait résulter du dépôt des vases, joncs et herbes, sur les bords du canal, de la réparation de ces bords ou chaussées, et du passage qu'il y avait toujours exercé pour lesdits ouvrages, il offrit la preuve de ces faits. La première demande fut accueillie, la seconde fut rejetée. - Appel. Le 4 mars 1834, arrêt confirmatif de la cour de Bourges, basé sur ce que de Mazières ne produisait aucun titre de propriété sur les bords qu'il réclame; que les faits qu'il offre de prouver n'ont trait qu'à la jouissance du canal dont les bords ne portent aucun vestige de chaussée, et ne paraissent que le résultat des terres extraites du canal; que la propriété du canal ne lui étant pas contestée, il avait seulement le droit de faire toutes les réparations nécessaires pour contenir les eaux, et d'user des bords, comme par le passé. Pourvoi du sieur de Mazières, pour violation de l'art. 546 c. civ., en ce que l'arrêt attaqué a refusé de reconnaître qu'une chaussée créée au moyen d'ouvrages d'art et indispensable pour contenir les eaux dans un canal creusé de main d'homme,. pour conduire l'eau à une usine, fait partie intégrante de ce canal. « L'art. 546, a-t-on dit, porte que la propriété d'une chose, soit mobilière, soit immobilière, donne droit sur tout ce qu'elle produit et sur ce qui s'y unit accessoirement, soit naturellement, soit artificiellement: ce droit s'appelle droit d'accession; » ainsi les bords d'un canal de conduite creusé de main d'homme (francs-bords ou chaussée) en sont l'accessoire nécessaire; autrement, il serait impossible d'y déposer les terres du lit creusé et les boues qui proviennent des curages; il faut admettre qu'avant de creuser le canal, on a acquis les bords indispensables à l'entretien du canal, et qu'un riverain propriétaire ne laisserait point bénévolement disposer, d'une manière aussi absolue, de sa propriété. Les bords d'un canal artificiel sont donc l'accessoire nécessaire de ce canal. 2o Violation de l'art. 2262 c. civ., en ce que la cour royale avait refusé d'adjuger au demandeur la propriété de la chaussée, bien qu'elle reconnût, en fait, ainsi que les premiers juges, une jouissance trentenaire de la même chaussée; que c'était ouvertement l'effet d'une erreur, que de considérer ces faits de jouissance comme relatifs seulement au canal, et non à la jouissance des bords, qu'ils frappaient seulement la chaussée, et qu'étant incontestés, ils constituaient des actes possessoires attributifs de propriété, aux termes de l'art. 2262.- Arrêt.

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LA COUR; Sur le premier moyen: Attendu que l'art. 546 c. civ. ni aucun autre article du même code n'établissent la présomption légale de la propriété des francs bords d'un canal artificiel, en faveur du propriétaire de ce canal; qu'il ne résulte des termes de l'art. 546 qu'une présomption simple, qui, de sa nature, cède à la preuve contraire; t qu'en décidant que le demandeur n'avait pas prouvé son droit de propriété sur les 9 pieds de terrain par lui réclamés sur les bords de son canal, l'arrêt attaqué n'a violé aucune loi; Sur le 20 moyen: - Attendu que l'arrêt attaqué s'est borné à apprécier les actes de la cause et l'usage constamment suivi entre les parties, en reconnaissant au demandeur le droit d'user des francs-bords du canal, pour tout ce qui concerne les réparations ou le curage du canal; et qu'en cela, la cour de Bourges s'est renfermée dans son droit souverain, comme juge du fait; Rejette.

Du 13 janv. 1835.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Bernard, rap.

échappe à la censure (Req. 4 déc. 1838) (1); -5° Que la présomption que les francs-bords d'un canal artificiel qui conduit les eaux à un moulin, appartiennent au propriétaire de ce canal, est simple, et non légale ou juris et de jure, en ce sens que le propriétaire du canal est tenu de prouver, à l'encontre du possesseur actuel, ses droits à la propriété des francs bords par titres ou par prescriptions (Bordeaux, 23 mars 1849, aff. Brou, D. P. 49, 330). 6° Qu'en admettant que les francs-bords d'un canal artificiel soient présumés appartenir au propriétaire du canal, cette présomption peut être combattue par des présomptions ou des preuves contraires dont l'appréciation est abandonnée aux juges du fait (Cass. 13 août 1850, aff. Mathon, D. P.

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(1) Espèce:-(Baud C. dame Papillon.)-Le moulin du Breuil est alimenté par un cours d'eau dont le sieur Baud est riverain sur un point. En 1834, la dame Papillon, propriétaire de l'usine, a prétendu que le cours d'eau en était l'accessoire; que ce cours d'eau était un canal creusé de main d'homme; qu'il devait nécessairement avoir des francs-bords, et, sans autre titre que celui d'acquisition du moulin, elle a intenté contre Band une action tendant à être declarée propriétaire d'un franc-bord de 4 mètres de largeur entre l'héritage du défendeur et le lit du canal. Baud a répondu que le cours d'eau était naturel et formait un des bras de la rivière d'Hyères; que, d'ailleurs, serait-il artificiel, la position de son héritage prouverait qu'il n'a pas dû être établi de franc-bord de ce côté; qu'enfin, à supposer qu'il existât primitivement un francbord, il aurait disparu par l'effet de l'action érosive du courant. - Expertise. Rapport qui déclare à l'unanimité qu'il n'y a pas lieu d'attribuer à la dame Papillon la propriété d'une bande de terre quelconque, comprise entre l'héritage du sieur Baud et le lit du cours d'eau, alors même qu'il faudrait reconnaître que ce cours d'eau est artificiel, question sur laquelle les experts se sont partagés d'opinion.-Conformément à ce rapport, le tribunal de première instance de Melun a débouté la demanderesse de ses prétentions. Mais, sur l'appel, la cour de Paris a infirmé cette décision par arrêt du 11 avr. 1837; Cet arrêt relève d'abord plusieurs circonstances prises de l'état des lieux, et qui prouvent, aux yeux de la cour royale, qu'il a été effectué des travaux pour contenir et diriger une partie de l'eau d'Hyères vers le moulin du Breuil. Puis il continue en ces termes : «Considérant que, quels qu'aient été les travaux d'art du fondateur du moulin du Breuil, soit qu'après avoir étudié le terrain, et consulté l'art hydraulique, il ait fait creuser et établir un bief neuf dans lequel il aurait amené une prise d'eau de la rivière d'Hyères; soit qu'il ait été simplement averti par le passage irrégulier des eaux grossies et débordées de la rivière, et par la chute momentanée de ces eaux dans la place de l'ancien ravin, et que, dans l'un ou l'autre cas, il ait profité de cette disposition et de ces observations pour créer une usine: toujours est-il indubitable que cette entreprise n'aura pu s'exécuter que sur un terrain qui appartenait au fondateur, et en laissant au besoin la distance d'usage entre les bords du canal qu'il ouvrait, agrandissait ou creusait, et la propriété de ses voisins; Considérant d'ailleurs que, dans l'espèce, il est constant que le propriétaire originaire du moulin du Breuil a été en même temps propriétaire et du canal et des terres qui le bordent; que la division du fonds en divers mains n'a pas dénaturé l'usine toujours existante, et, par conséquent, ne l'a pas dépossédée de ses accessoires indispensables à son maintien, à moins de clauses et conditions spéciales écrites qui ne se rencontrent pas dans la cause; Déclare la veuve Papillon propriétaire de son franc-bord; fixe d'office à 2 mètres la largeur de ce franc-bord à mesurer de la rive du canal dans sa largeur moyenne. >> Pourvoi de Baud: 1° fausse application de l'art. 546 et violation des art. 1315 et 1341 c. nap. ;- 2o Fausse interprétation des art. 346, 551, et violation des art. 1550, 1552 et 1355 c. nap. ;-3° Excès de pouvoir et violation de l'art. 7 de la loi du 20 avr. 1810 Arrêt. LA COUR; Sur le premier et le deuxième moyens; Attendu que l'arrêt attaqué déclare que, dans l'espèce, le franc-bord réclamé par la dame veuve Papillon est un accessoire indispensable de l'usine et de son canal, accessoire dont l'aliénation de la propriété bordant le canal n'a pas dépossédé l'usine; que la cour royale de Paris n'a pas fondé cette déclaration sur un principe général et absolu, mais sur une appréciation de titres et de faits qui lui appartenait souverainement, et qu'en cela ladite cour n'a pu ni faussement appliquer ou interpréter l'art. 556 c. nap., ni violer les autres dispositions du code, invoquées par le demandeur; Sur le troisième moyen; Attendu que la cour royale de Paris, en fixant à 2 mètres la largeur des francs-bords que les experts n'avaient pas jugé à propos de déterminer, et en indiquant dans les motifs de l'arrêt attaqué que le canal n'avait pu s'exécuter qu'en laissant la distance d'usage entre les bords dudit canal et la propriété des voisins, n'a point dépassé la limite de ses pouvoirs et n'a point contrevenu aux dispositions de l'art. 7 de la loi du 20 avr. 1810;-Rejette. Du 4 déc. 1858.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Félix Faure, rap.-lebert, av. gén., c. conf.-Verdière, av.

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50, 1, 265); — 7o Que la manifestation de travaux d'art sur les chaussées d'un canal artificiel, forme, tant qu'elle peut être reconnue, une présomption de propriété des chaussées en faveur des propriétaires du canal, sauf la preuve contraire (Bourges, 24 août 1838, 1er avril 1840) (2); que cette présomption n'existe que pour une rive, si les travaux d'art ne sont observés que sur une rive. ...Et jusqu'à la portion de la rive où les travaux sont apparents. Sauf à l'usinier la jouissance des francs-bords ou portions de rive dont il n'est pas répute ou justifié propriétaire (même arrêt du 24 août 1838); -8° Mais qu'il n'en est pas de même s'il s'agit d'un canal naturel, et, par exemple, que la circonstance qu'il est garni sur ses bords de chaussées con

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(2) 1re Espèce :-( Dumay C. Cissoigne.) — LA COUR; Considérant que le canal qui conduit l'eau au moulin Bijon, est une dérivation de la rivière d'Indre, faite à main d'homme; qu'il est constaté par le juge de paix commis à cet effet qu'à partir du point D jusqu'au moulin, il existe des chaussées très-apparentes; mais qu'il n'en existe pas sur la rive gauche ni sur la partie de la rive droite qui s'étend depuis la prise d'ean jusqu'au point D; Qu'évidemment les chaussées ont été faites pour retenir les eaux dans le canal dont elles sont dès lors un accessoire;-Qu'avant l'an 2, le moulin et le domaine appartenaient au même propriétaire; qu'en l'an 2, ces deux propriétés ont été adjugées nationalement aux parties, savoir le moulin à Dumay, le domaine à Cissoigne; que le gouvernement a vendu à Dumay le moulin et les dépendances; qu'ainsi, il lui a transporté l'utilité du canal et des chaussées qui en sont l'accessoire ;-Que Cissoigne n'a pas pu penser acquérir les chaussées qui longent les pacages à lui adjugés, un pacage n'ayant aucun besoin de chaussées, tandis qu'elles sont d'une utilité absolue pour le canal, dans lequel elles retiennent les eaux; qu'il suit de là que Dumay est propriétaire des chaussées reconnues exister le long du canal; mais que ces chaussées tendant à s'étendre par l'éboulement des boues provenant des curages, leur largeur doit être restreinte à 2 mètres ; — Que les mêmes raisonnements ne peuvent s'appliquer à la rive gauche ni à toute la partie du canal, depuis la prise d'eau jusqu'au point D; que là, il n'existe aucune apparence de chaussées; qu'ainsi Cissoigne a dù croire acquérir, et a acquis en effet, sans aucun intermédiaire jusqu'à l'eau; que seulement il doit rester obligé, ainsi qu'il le reconnaft lui-même, à laisser passer le propriétaire du moulin sur les bords du canal, pour les curages et les réparations des brèches ;- Dit mal jugé, declare Dumay propriétaire des chaussées qui s'étendent le long du canal depuis la lettre D du plan jusqu'au moulin, et ce sur la largeur de 2 mètres; dit que les propriétés de Cissoigne, sur la rive gauche du canal, et celle qui possède sur la rive droite, depuis la prise d'eau jusqu'à la lettre D, s'étendent jusqu'à l'eau du canal, etc.

Du 24 août 1858.-C. de Bourges, ch. civ.-M. Mater, 1er pr. 2 Espèce: (Lebel C. com. de Villabon.) – LA COUR; Considérant qu'en ce qui concerne le deuxième moyen, si l'état des lieux, au premier aspect, semblerait indiquer que le terrain litigieux qui se prolonge en talus entre la rive gauche du bief du moulin de Saint-Pierre et la droite du chemin de Farges à Villabon (dont il n'y a lieu au reste de contester la propriété à la commune), est l'accessoire de ce chemin, auquel il se lie immédiatement et qu'il soutient, il ne serait pourtant ni invraisemblable ni extraordinaire qu'il n'appartint pas à la commune; que les terrains en pente n'appartiennent pas de droit au propriétaire du terrain supérieur, et qu'à l'appui de la configuration des lieux, il faut encore des faits de possession constants qui l'expliquent et la fécondent, et ne permettent pas de douter qu'à quelque titre que ce soit, la propriété n'en peut reposer sur une autre tête; que, dans l'espèce, la commune est précisément en défaut de justifier de semblables actes;-Qu'en opposition au système de la commune, d'autres circonstances tendaient à indiquer aussi que le terrain contesté fait partie de la propriété du bief; que le sieur Lebel a justifié par titre que ce bief lui appartient; que, d'après le rapport de l'expert et les déductions nombreuses qu'il tire de l'examen étendu qu'il a fait des lieux, le bief a été creusé do main d'homme; que l'une et l'autre de ses rives attestent et l'art et les travaux du terrassier; que la rive gauche, sur laquelle se prolonge le terrain dont s'agit, a dû s'établir en talus, pour éviter les éboulements d'une coupe à pic; qu'ainsi ce talus aurait été, quant à son assiette régulière et au régalement des terres, le résultat du creusement du bief, qu'il peut donc en être aussi réputé l'accessoire, et que les actes de pos session qui y ont été exercés par le propriétaire du bief, en corroborant l'induction, rendant du moins incertaine et inefficace la présomption dont la commune cherche à se faire prévaloir; - Que, dans cet état de choses, il faut reconnaître que la commune n'a donc aucunement satisfait aux exigences de sa position comme demanderesse, et qu'en défin tive, elle n'a administré aucune preuve de sa propriété du terrain litigieux; Infirme, etc.

Du 1er avril 1840.-C. de Bourges, ch. civ.-MM. Beaudoin, pr.-Ray, pal, av. gén., c. contr.-Michel et Massé, av.

struites de temps immémorial pour l'utilité d'une usine, ne auffit pas pour faire attribuer aux propriétaires de cette usine la propriété des chaussées qui, par la force de la loi, appartiennent aux riverains comme accessoires des bords du canal naturel. Pour que ceux-ci puissent être privés de la propriété de ces chaussées, il faut qu'on leur oppose ou des titres ou une possession trentenaire animo domini; sans quoi l'usinier peut bien avoir acquis un droit de servitude sur les chaussées, qui empêche les riverains de les ouvrir pour se servir des eaux, mais non un droit de propriété (Req. 25 mai 1840) (1). — V. aussi vis Prescription, no 173, Servitude.

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125. Il est, au reste, des cours d'eau qui ne sont pas navigables, et qui pourtant ne sont pas l'objet du droit de propriété privée, nous voulons parler des fossés des places de guerre qui se trouvent compris dans l'énumération de l'art. 540 c. nap., (V. vis Biens, no 259; Dom. pub,, nos 1 2-2o, 37, V. aussi vo Prescription civ., n° 203) et les canaux d'irrigation et de desséchement généraux leur destination à un service public les soustrait à toute appropriation qui les détournerait du but d'utilité générale en vue duquel ils ont été établis. Conf. M. Daviel, no 44. 126. Quant aux sources qui naissent dans le fonds même des héritages, nul doute qu'à la différence des cours d'eau, qui sont des dépendances du domaine public, elles ne soient, au contraire, susceptibles de propriété privée: elles appartiennent, comme accessoires, aux propriétaires mêmes des héritages: « Portio enim agri videtur aqua viva » porte la loi 21 ff., Quod vi aut clàm. Le propriétaire dispose donc entièrement de la source qui naît dans son fonds, sauf le respect des droits contraires qui seraient acquis contre lui, et sauf aussi les sacrifices qu'exigerait de sa part, au détriment de son droit de propriété, l'intérêt public. A cet égard, il a été jugé qu'une fontaine existant dans le fonds d'un particulier est présumée la propriété d'une communauté d'habitants, lorsque cette communauté a été dans l'usage constant d'y laver son linge, d'y abreuver ses bestiaux, et même d'en effectuer le curage, si d'ailleurs le réclamant ne présente aucun titre positif en sa faveur (Caen, 2 ch., 29 juill. 1825, M. Daigremont, pr., aff. Buhot C. com.

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127. Mais que faut-il décider à l'égard des eaux pluviales? Sont-elles susceptibles de propriété privée? L'affirmative ne saurait être douteuse. Elles appartiennent, par droit d'occupation, au propriétaire de l'héritage sur lequel elles tombent, et ce propriétaire peut dès lors en disposer à son gré, sauf encore les droits que les tiers auraient acquis contre lui, soit par titre, soit en vertu de la destination du père de famille, soit par prescription (V. vo Prescript., no 177). — Mais il a été jugé que le propriétaire d'un terrain entouré d'un côté par un fossé n'est pas fondé à jouir des eaux qui s'y rassemblent, par le motif qu'il aurait été creusé à une époque où les fonds que ce fossé sépare appartenaient au même propriétaire, s'il résulte d'un acte que ce fossé n'avait été creusé que depuis son aliénation pour établir une clôture, bien qu'il n'ait pas été partie dans cet acte (Req. 14 juill. 1850) (2).

128. Quant aux eaux pluviales qui coulent sur les chemins publics, elles n'appartiennent actuellement à personne, mais elles peuvent cesser d'être choses nullius (V. Prescript. civ., n° 177). Ainsi les propriétaires riverains peuvent, par droit d'occupation, les faire dériver sur leurs fonds. Mais il est entendu qu'ils ne doivent rien faire pour cela qui nuise à la voie publique, et que s'il résultait de leurs entreprises quelque inondation ou quelque détérioration pour le chemin, ils encourraient l'amende portée en l'art. 479, § 11, c. pén. (V. Conf. cass. 3 oct. 1855, aff. Verny-Lamothe, vo Eau, no 581-2o). Les droits du public ainsi réservés, quels sont maintenant, au juste, vis-à-vis des tiers, les droits des propriétaires qui auraient fait dériver dans leurs propriétés les eaux pluviales dont il s'agit? Peuventils prétendre avoir acquis par prescription le droit d'en profiter toujours? Si une commune a concédé à certains propriétaires le droit de faire dériver sur leurs fonds les eaux pluviales de ses chemins, les autres propriétaires sont-ils obligés de respecter

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soutient, en thèse générale, que lorsqu'une chaussée a été construite
pour l'utilité d'une usine par les propriétaires de cette usine, elle doit
être réputée en former un accessoire nécessaire. -3° Violation de l'art.
25 c. pr., en ce que l'arrêt attaqué a induit de la possession le droit à
la propriété, ce qui constitue le cumul du possessoire et du pétitoire.
- Arrêt

LA COUR ;-... Sur le deuxième moyen tiré de la violation des art. 546,
553 et 2219 c. civ.:-Attendu que l'arrêt attaqué déclare, en fait, que
le cours d'eau dont il s'agit au procès n'est pas un canal artificiel fait de
main d'homme pour les usines des demandeurs en cassation, mais que
c'est un bras naturel de la Meuse ;-Que la conséquence légale de ce fait
est celle déduite par la cour royale, que les bords de ce cours d'eau
faisaient partie intégrante des propriétés riveraines, sauf les droits acquis
aux tiers par titres ou par prescription ;-Attendu que les demandeurs en
cassation n'invoquaient aucun titre, et qu'il n'a pas été établi qu'ils eussent
joui exclusivement, à titre de propriétaires, pendant le temps suffisant
pour acquérir la prescription, des bords du cours d'eau sur lesquels ils
prétendaient avoir droit de propriété; - Que, dans ces circonstances,
en rejetant leurs prétentions à cette propriété, la cour royale a fait une

(1) Espèce : (Demimuid C. fabrique de Saint-Pantaléon.) - Les eaux de la Meuse alimentent les usines des frères Demimuid. Elles y arrivent par un canal dont la rive droite est défendue par une chaussée qui borde une prairie appartenant à la fabrique de Saint-Pantaleon. Les frères Demimuid ont assigné cette fabrique pour voir dire que la chaussée était leur propriété exclusive comme étant l'accessoire du canal qu'ils disaient être artificiel et former à ce titre une dépendance de leurs usines. La fabrique a répondu que le canal était un bras naturel de la Meuse dont les bords appartenaient aux riverains, et que la chaussée étant un accessoire de ces bords, devait, par suite, être déclarée sa propriété.A quoi les demandeurs ont répliqué que, dans tous les cas, la chaussée ayant été construite par leurs auteurs de temps immémorial, et cette chaussée ayant été l'objet d'une possession constante de leur part ils en avaient acquis la propriété par prescription.-24 août 1836, jugement qui accueille la défense de la fabrique. Appel. 22 juillet 1839, arrêt de la cour de Nancy qui, après une visite des lieux, confirme ce jugement en considérant :-Que le canal est un bras naturel de la Meuse, canalisé par les propriétaires des usines; que les bords de ce cours d'eau naturel font partie intégrante des propriétés qui l'avoisinent; qu'à la vérité, la chaussée litigieuse a été établie par les proprié-juste application des principes de la matière, et n'a pas violé les lois taires des usines pour retenir les eaux, à une époque qui se perd dans la nuit des temps, et que les droits de ces propriétaires sont assurés par une prescription immémoriale, en telle sorte que la fabrique doit souffrir tous les travaux de réparation et de consolidation et s'abstenir de faire aucune prise d'eau pour l'irrigation de sa propriété; mais que les propriétaires des usines n'ont pas pour cela la propriété de la chaussée ; qu'ils ont seulement un droit de servitude sur cette chaussée, qui, étant sur la prairie de la fabrique, reste la propriété de cette dernière, avec d'autant plus de raison que la fabrique a fait acte de propriétaire en récoltant les herbes percrucs sur ladite chaussée, tandis que les appelants n'y ont fait que des travaux de réparation.

Pourvoi des frères Demimuid. ...2° Violation des art. 546, 553 et 2219 c. civ., fausse application des règles du droit en matière d'accession et de servitude, en ce que, après avoir reconnu que le bras de la Meuse dont il s'agit avait été canalisé par les propriétaires des usines et que la chaussée avait été construite par eux et qu'ils avaient sur cette chaussée une possession immémoriale, ce qui constituait un droit de propriété en leur faveur sur la même chaussée, l'arrêt attaqué a néanmoins décidé qu'ils n'avaient acquis qu'un droit de servitude. - On

TONE XXXVIII.

invoquées; Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l'art. 25
c. pr. civ.:-Attendu qu'il ne s'agissait pas au procès d'une action pos-
sessoire, et que, si l'arrêt attaqué a apprécié les faits de possession don
argumentaient les demandeurs, ce n'a été que comme éléments de déci-
sion sur la question de propriété par les demandeurs ;- Qu'ainsi le moyen
n'est fondé ni en fait ni en droit,-Rejette.

Du 25 mai 1840.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Brière, rap.
(2) (Dechette C. Beluze.) LA COUR ;-Sur le moyen relatif aux
cours des eaux pluviales dont la possession était réclamée comme prove-
nant d'une prétendue destination du père de famille: - Attendu que ce
moyen pèche par sa base, puisque cette destination est le fait du pro-
priétaire au moment où il détient les deux fonds dont il assujettit l'un à
l'autre, et que, dans l'espèce, le fossé n'aurait été creusé que depuis
l'aliénation et par les mains de l'acquéreur; que d'ailleurs il a été re-
connu par l'arrêt attaqué (de Lyon) que ce fossé n'avait été creusé que,
pour établir une clôture et nullement pour servir à l'écoulement des eaux;
qu'enfin c'est par appréciation des faits et titres respectivement produits
que l'arrêt a repoussé la prétention du demandeur;- Rejette.
Du 14 juill. 1830.-C. C., ch. req.-MM. Dunoyer, pr.-Hua, rap,
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