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629. L'art. 565 c. nap. est ainsi conçu: « Le droit d'accession, quand il a pour objet deux choses mobilières appartenant à deux maîtres différents, est entièrement subordonné aux principes de l'équité naturelle. Les règles suivantes serviront d'exemple au juge pour se déterminer, dans les cas non prévus, suivant les circonstances particulières. ))— Ce n'est, comme on le voit, que dans les cas non prévus que les juges peuvent se déterminer d'après les principes de l'équité naturelle. — Il ne résulte donc pas du texte de la loi que le juge, dans les cas prévus, ait une appréciation entièrement libre, qui soustrairait sa décision à la censure de la cour suprême (Conf. MM. Duranton, no 431; Demolombe, t. 10, no 181; Chavot, t. 2, no 542; Mourlon, Répét. écrite, t. 1, p. 670).

623. On remarquera que la disposition du code qui accorde aux juges un pouvoir discrétionnaire pour régler les cas non prévus ne peut être que d'une application infiniment rare, puisque le législateur, entraîné sans doute par l'exemple et l'influence des jurisconsultes romains, s'est occupé en détail dans les art. 566 et suiv., de tous les cas d'accession mobilière qui se sont offerts jusqu'à ce jour aux investigations de la science. On s'est, au reste, aperçu dans le cours de la discussion au conseil d'Etat du peu d'intérêt pratique que présente l'art. 565 précité en présence des art. 566 et suiv., et, en conséquence, l'on demanda alternativement la suppression soit de cet art. 565 si l'on conservait ces derniers articles, soit des art. 566 et suiv. si l'on maintenait l'art. 565 (V. Locré, t. 8, p. 138). Il n'y aurait pas eu, suivant nous, grand inconvénient à supprimer les art. 566 à 575, dans lesquels le législateur s'est attaché compendieusement à régler une matière qui n'offre presque pas d'intérêt pratique dans notre droit. En effet, du moment qu'il est admis qu'en fait de meubles possession vaut titre (c. nap. art. 2279), il est clair qu'à l'égard des meubles la question de propriété sera presque toujours résolue d'après cette maxime, plutôt que par application du droit d'accession. Ce ne sera que dans des cas exceptionnels, c'est-à-dire lorsqu'il s'agira d'un meuble possédé de mauvaise foi, ou d'un meuble perdu ou volé qu'il y aura lieu de se référer aux principes du droit d'accession. Si les jurisconsultes romains se sont préoccupés de cette matière qui a surtout, pour ainsi dire, servi de champ clos aux querelles des Sabiniens et des Proculéiens, c'est qu'elle avait une tout autre importance que dans notre droit, sous l'empire d'une législation qui admettait la revendication en matière de meubles.-V. M. Demolombe, no 182; V. aussi MM. Chavot, nos 515 et suiv., 540; Mourlon, loc. cit.).

624. Non-seulement, au reste, les principes établis par le code sur l'accession mobilière ne s'appliquent qu'aux cas qui ne sont pas régis, quant à la question d'attribution de la propriété, par la maxime en fait de meubles possession vaut titre, mais ils ne s'appliqueraient pas encore dans le cas où les propriétaires des meubles auraient consenti volontairement au fait d'accession qui s'est produit à l'égard des meubles. Il est clair, en effet, que les conséquences de l'union ou du mélange des matières mobilières, appartenant à des maîtres différents, ou de la formation d'une espèce nouvelle par le travail de l'un avec la matière mobilière de l'autre, devraient alors être réglées d'après la volonté commune des parties, ex voluntate dominorum. M. Demolombe, no 184.

Conf.

625. Le législateur traite successivement des trois espèces d'accession mobilière, distinguées par les commentateurs des lois romaines. Ce sont: 1° l'adjonction qui n'opère que le rapprochement et l'adhérence de deux meubles, par quelques côtés seulement de leur surface, mais qui ne les dénature pas et qui n'empêche pas qu'ils ne puissent être séparés l'un de l'autre (c. nap. art. 566-569); - 2o La spécification, qui crée un objet de forme nouvelle (speciem novam facere) par le travail de l'un avec la matière mobilière de l'autre (c. nap. art. 570-572); 3o Le mélange et la confusion, dans lesquels les choses sont tellement TOME XXXVIII.

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unies, que la séparation est impossible (c. nap. art. 573-574). Enfin, dans les art. 575, 576, 577, le législateur établit quelques règles générales également applicables aux trois cas d'accession mobilière que l'on vient de distinguer. Nous suivrons cet ordre dans l'exposé qui va suivre. 626. 1o De l'adjonction.

Comme exemples d'adjonction, l'on peut notamment citer les cas où l'on se serait emparé de mon diamant pour l'attacher au pommeau d'une épée, de ma broderie pour l'attacher à un manteau, du cadre qui m'appartient pour y placer un tableau. A qui maintenant doit appartenir l'épée enrichie du diamant, le manteau brodé, le tableau encadré? A cet égard, l'art. 566 c. nap. dispose que « lorsque deux choses appartenant à différents maitres, qui ont été unies de manière à former un tout, sont néanmoins séparables, en sorte que l'une puisse subsister sans l'autre, le tout appartient au maître de la chose qui forme la partie principale, à la charge de payer à l'autre la valeur de la chose qui a été unie. » Il n'y a d'exception à cette règle que pour le cas prévu par l'art. 568 qui porte que « néanmoins, quand la chose unie est beaucoup plus précieuse que la chose principale, et quand elle a été employée à l'insu du propriétaire, celui-ci peut demander que la chose unie soit séparée pour lui être rendue, même quand il pourrait en résulter quelque dégradation de la chose à laquelle elle a été jointe. » Ainsi, si le diamant dont on parlait tout à l'heure était beaucoup plus précieux que l'épée à laquelle il a été uni, le propriétaire de ce diamant pourrait, par exception, agir en vertu d'une espèce d'action ad exhibendum. Mais, sauf cette exception, la disposition de l'art. 566 s'applique avec toute l'étendue que comporte la généralité de ses expressions. On remarquera maintenant que le texte de cet art. 566, dans lequel le législateur, en attribuant au maitre de la chose principale la propriété de l'accessoire, a probablement cru copier le droit romain, s'en écarte, au contraire, d'une manière essentielle : car le droit romain décidait bien, sans doute, tout d'abord, que le propriétaire de l'accessoire ne peut revendiquer sa chose qui avait été unie à une autre, et qu'après l'adjonction, l'ensemble de l'objet composé appartient à celui à qui il était auparavant (V. L. 23, § 2, ff. De rei vindic. et L. 26, § 1, ff., De adq. rer. dom.): et, en effet, pour nous en tenir aux exemples cités, c'est qu'il n'y a plus, à proprement parler, de diamant, de broderie, de cadre, mais une épée ornée d'un diamant, un manteau brodé, un tableau encadré, et l'on conçoit que, puisque l'individualité d'une chose a péri, et qu'elle est venue s'absorber dans celle d'une autre, cette chose soit ici considérée comme accessoire de l'épée, du manteau ou du tableau. Mais il ne s'agit dans tout ceci, en droit romain, que d'attribuer au propriétaire de la chose principale un domaine temporaire, momentané sur la chose accessoire. Ainsi, le propriétaire de l'accessoire pouvait ici agir ad exhibendum, et, la séparation une fois faite, il recouvrait, avec la propriété de l'accessoire, le droit d'exercer l'action en revendication. C'est ce que porte la loi 23, § 5, ff., De rei vindic. « Item, lit-on dans ce texte, quæcumque aliis juncta sive adjecta accessionis loco cedunt, ea, quamdiu cohærent, dominus vindicare non potest; sed ad exhibendum agere potest, ut separentur, et tunc vindicantur... (V. pour le commentaire, M. Pellat, loc. cit., p. 212). On le voit maintenant, les rédacteurs du code ont pris pour une attribution définitive de | propriété ce qui n'était qu'une attribution temporaire qui s'opposait seulement, comme dit Pothier (de la Propr., no 177), à co que le maître de l'accessoire débutât par la revendication, attribution temporaire nécessitée par les exigences et les formes de la procédure romaine. On vient de dire qu'en droit romain, la règle générale était, au contraire, que le maître de la chose accessoire ne perdait pas sa propriété lorsque la séparation était possible. Il y avait toutefois quelques exceptions qui ne faisaient, au reste, que confirmer la règle générale elle-même. Ainsi, dit M. Pellat, dans son commentaire sur le § 5 de la loi 23 précitée « Si le bras ou le pied a été soudé à la statue d'airain (c'est l'espèce citée dans le texte) par l'interposition d'un autre métal, comme le plomb (ad plumbatum), il est facile de le séparer et de le faire reparaître tel qu'il était.-Mais si ce bras ou ce pied a été soudé à la statue sans interposition d'un métal étranger, en amollissant par le feu les pièces métalliques et en les battant ensemble de manière à les unir ntimement (ce qu'on 40

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appelle ferruminatio, ferrumen), les deux pièces n'en font plus désormais qu'une, le membre d'airain qui appartenait à Primus a définitivement disparu, il est incorporé irrévocablement dans la statue de Secundus. L'accident qui romprait ce pied ou ce bras ne lui rendrait pas son individualité primitive, ce ne serait pas lâ séparation de deux objets assemblés, ce serait la fracture d'un objet unique. Primus ne pouvait donc pas intenter l'action ad erhibendum contre Secundus, puisqu'il ne pouvait obtenir la représentation d'une chose définitivement perdue pour lui. Le préteur lui donnera une action in factum pour le faire indemniser.....»>

637. Cette différence, mise en relief entre la disposition de Part. 366, qui prive définitivement de tout droit de propriété le maître de l'accession, sauf l'exception portée par l'art. 567, et le système du droit romain qui ne l'en prive que temporairement, jusqu'à ce que l'action ad exhibendum ait fait revivre la chose accessoire dans son individualité distincte, quelle est maintenan Jécision la plus rationnelle? Quelques auteurs préfèrent le système du code : « L'union de deux objets mobiliers, dit M. Chavot, no 341, faite dans un but d'utilité, ne peut être détruite sans anéantir cette utilité, ou, autrement dit, le produit qui en résulte ce serait donc alors une destruction de valeur dont ne profiterait aucun des propriétaires des objets unis..... Une sage économie demandait le maintien de l'union, la conservation du produit » (Conf. M. Hennequin, t. 1, p. 360; V. aussi M. Oudot, Philos. du droit, p. 92 et suiv.). Une appréciation différente a été faite de la doctrine du code, par M. le professeur Demolombe, qui considère la décision du droit romain comme plus conforme à l'équité et à la raison : « Car enfin, dit cet auteur, no 188, mon diamant, ma broderie, mon cadre (pour conserver les exemples que nous avons indiqués déjà), ils sont toujours là! je les vois, je les montre! Et puisque, d'une part, c'est sans mon consentement qu'ils ont été mis à un autre meuble; puisque, d'autre part, ils peuvent en être séparés, on né voit pas pourquoi je serais privé ainsi, malgré moi et par le fait d'un autre, de ma propriété sur un objet auquel je puis tenir par des motifs particuliers, indépendamment de sa valeur intrinsèque.» Mais nous préférons la précédente appréciation : sans doute les rédacteurs du code se sont trompés s'ils ont cru copier le droit romain; mais, en résultat, leur doctrine se justifie par des motifs d'utilité générale; il s'est opéré, par suite de l'adjonction, une création de valeur dont la destruction serait contraire aux principes de l'économie politique, et il est d'ailleurs suffisamment satisfait à l'équité au moyen de l'indemnité dont il est fait réserve au profit du propriétaire de l'accessoire.

638. M. Demolombe, no 189, signale, au reste, dans les dispositions du code une assez bizarre discordance: ainsi, à l'égard des immeubles, l'on a vu vo Biens, nos 18 et s., que l'accession ne résulte, à l'encontre des droits de propriété des tiers, que de l'immobilisation par nature, et non pas de la simple immobilisation par destination : par exemple, si vous avez encadré une glace dans votre boiserie, je pourrai la revendiquer; or comment concilier cette décision avec la doctrine de l'art. 566 d'après laquelle je ne pourrai pas, au contraire, revendiquer ma ganse que vous aurez attachée à votre chapeau, mon cadre dans lequel vous aurez placé un portrait, mes boutons que vous aurez cousus à votre habit?

628. On a remarqué que la rédaction de l'art. 566 comporte une rectification: ainsi, il dispose que lorsque deux choses appartenant à diferents maîtres sont NÉANMOINS séparables, en sorte que l'une puisse subsister sans l'autre, le tout doit être attribué au propriétaire de la chose principale: or n'est-il pas manifeste qu'à plus forte raison i en doit être de même des cas où les deux choses ne sont pas séparables? Il faut donc introduire dans le texte de l'art. 566 cette correction bien qu'elles soient séparables, ou lors même qu'elles seraient séparables, au lieu de sont néanmoins séparables. ― Conf. MM. Demolombe, no 191, Duranton, no 435.

630. Il résulte, au reste, de ce qui précède, que le maltre de la chose accessoire ne peut la revendiquer; mais celui de la chose principale a le droit de revendication sur le corps composé, sauf le droit de rétention de la part de l'ouvrier possesseur qui a fourni la chose accessoirement unie. Conf Proudhon, a 603, 606

€31. Le principe que, dans le cas d'adjonction de deux choses, même séparables, le propriétaire de la chose principale devient par accession propriétaire de la chose accessoire, étant ainsi expliqué, il ne reste plus maintenant qu'à savoir laquelle des deux choses unies, est principale, laquelle est accessoire. Le code, pour la solution de cette question, a posé trois règles: Et d'abord, aux termes de l'art. 567, « est réputée partie principale, celle à laquelle l'autre n'a été unie que pour l'usage, l'ornement ou le complément de la première; »— Pour l'usage : c'est ainsi, par exemple, que la poignée est l'accessoire de l'épée. - Pour l'ornement : c'est ainsi que le velours ou la broderie est: l'accessoire du manteau;-Pour le complément : c'est ainsi que le cadre est l'accessoire du tableau. V. Pothier, de la Propr., no 174; Locré, t. 8, p. 120; V. aussi M. Demolombe, no 192. 632. La seconde règle est que « si de deux choses unies pour former un seul tout, l'une ne peut point être regardée comme l'accessoire de l'autre, celle-là est réputée principale, qui est la plus considérable en valeur... » (c. nap., art. 569). - La troisième règle enfin est que, si les valeurs sont à peu près égales, celle-là doit être considérée comme la principale dont le volume est le plus grand (V. même art.).

633. Mais que décider si tout était égal entre les deux choses? Nous pensons qu'il y aurait simplement alors communauté entre les différents maîtres des matières réunies, si ces matières n'étaient pas séparables puisqu'il n'y a, en effet, ni principal, ni accessoire, l'on ne peut évidemment invoquer la règle accessio cedit principali : il faut donc bien que le tout soit commun; et nous appliquons d'autant plus sûrement ici la disposition de l'art. 573 qu'il résulte de la comparaison des articles faits pour le cas de mélange et des articles faits pour le cas d'adjonction que le législateur soumet à peu près aux mêmes règles l'un et l'autre cas (V. MM. Duranton, no 440, Marcadé, t. 2, art. 566, no 2, Demolombe, no 193). M. Pellat, dans son commentaire sur le § 5 de la loi 25, ff, De rei vindic., fait observer qu'il n'y avait jamais, en droit romain, attraction de la chose accessoire par la chose principale, dans le cas même où deux parties auraient été soudées ensemble par ferruminatio (V plus haut, no 626, la signification précise de ce mot), s'il n'était pas possible de déterminer, soit par la masse, soit par la valeur, quelle est celle qui doit céder à l'autre. Pomponius (L. 27, § 2, f., De adq. rer. dom.), constatait que, dans ce cas, les chefs mêmes de l'école proculienne qui admettait la spécification comme moyen d'acquisition (V. plus bas no 657), n'attribuaient pas la chose ainsi composée à celui au nom duquel la soudure avait été faite.

M. Pellat, loc. cit., note que cette attraction de la chose accessoire par la chose principale (attraction que l'on faisait cesser, en droit romain, au moyen de l'action ad exhibendum) n'a liet que pour les objets qui ont une forme, une destination, une dénomination spéciale, par exemple une statue, une coupe, une table, etc. « Lorsque deux masses de métal non onvrées, dit cet auteur, auront été soudées ensemble soit per adplumbationem, soit per ferruminationem, il n'y aura jamais une chose principale qui attirera l'autre...... » Cette observation reçoit pleinement son application en droit français.

Enfin le jurisconsulte Paul (L. 23 précitée, § 5) notait ingénieusement que cette attraction de la chose accessoire par la chose principale dont elle devient une partie, a lieu dans les corps formant un tout homogène, comme une statue, et dans les corps composés de parties bétérogènes, mais adhérentes entre elles, comme un navire, une armoire, dont on peut dire, comme des premiers, qu'ils forment un individu simple (uno spiritu continetur); mais qu'elle n'a pas lieu dans les corps composés de plusieurs corps qui restent distincts, bien qu'ils prennent une dénomination commune, tels qu'un troupeau.

634. Par application de l'art. 567, nous déciderions maintenant, sans hésiter, que la toile ou le papier ne sont point la partie principale, comparés à la peinture ou à l'écriture. Car on n'écrit pas, on ne peint pas pour l'usage, l'ornement ou le complément du papier ou de la toile. Ces objets, au contraire, sont les moyens accessoires de l'écriture ou de la peinture. cluons de là que le papier cesserait d'appartenir à son propriétaire, non-seulement lorsqu'il aurait servi à un auteur pour y écrire son ouvragė, mais aussi lors même qu'il aurait été em.

- Nous con

Dans le

ployé seulement comme objet de commerce par un imprimeur (V. Pothier, Propr., no 173; Voët, ad. tit. Pand., De adq. rer. dom., no 26; et MM. Duranton, t. 4, no 437, Hennequin, t. 1, p. 357, Demolombe, no 195); à plus forte raison, en quelque sorte, le tableau peint par un grand maître, tel que Ingres ou Delacroix sur la toile d'autrui, appartiendrait-il au peintre, et non au propriétaire de la misérable toile : l'opinion contraire, pour répéter la qualification de Pothier, serait ridicule. droit romain, on décidait autrement (Inst. § 55, De divis. rer.). Mais on définissait la chose principale celle qui subsiste par ellemême sans le concours d'aucune autre (V. L. 23, § 4, ff., De rei vindic.). Dès lors, la toile, le parchemin, devaient l'emporter sur la peinture et l'écriture, qu'on ne conçoit pas sans le concours d'une matière quelconque. Néanmoins, après de graves controverses, on avait fait une exception en faveur de la peinture propter excellentiam artis (Gaius, Instit., lib. 2, § 78); l'écri- | ture demandait, au moins dans plusieurs cas, la même faveur.

635. Quant à la peinture, il y aurait lieu toutefois de faire exception à la règle qui en attribue la propriété au peintre, pour le cas où elle se trouverait sur une muraille, un plafond, ou autres objets réputés immeubles par accession. Alors le propriétaire de l'immeuble paye la peinture en raison de la plus-value que l'immeuble en a reçue.-V. Voët, ibid., no 26; Conf. M. Duranton,

n° 438.

636. 2o De la spécification.—Le cas qu'il s'agit ici de régler est celui où un artiste, un ouvrier aurait fait un vase, une statue, une table avec une matière appartenant à autrui : quel sera le propriétaire du produit ainsi fabriqué? On remarquera que, dans ce cas, il n'y a pas deux choses mobilières appartenant à deux maitres différents, comme le suppose formellement l'art. 565 précité qui est en tête de la section où il est traité de l'accession mobilière (V. suprà, no 622); mais le débat s'élève uniquement entre le propriétaire de la seule matière mobilière qui a servi à la fabrication de l'objet d'art ou d'industrie, et l'artiste ou l'ouvrier; et, dès lors, si l'on invoque ici, pour décider la question, le principe de l'accession, c'est que l'on considère alors l'industrie ou l'art comme un être abstrait qui, suivant les expressions de M. Demolombe, no 196, serait, eu égard à l'élément employé, tantôt le principal, tantôt l'accessoire.

637. En droit romain, trois solutions ont été données à la question que l'on vient de poser : 1o les Proculiens attribuaient la propriété de l'objet confectionné avec la matière d'autrui à l'ouvrier ou à l'artiste le motif de cette décision était que la matière première avait péri civilement, par suite de la transformation qui avait créé la nouvelle espèce, et qu'il y avait un objet nouveau qui ne pouvait être revendiqué que par celui qui l'avait créé. Ce mode d'acquisition a été qualifié par les interprètes de spécification. Il est évident, et c'est aussi l'observation que fait M. Pellat, Exp. des principes du dr. rom. sur la propriété, p. 23, que ce mode d'acquisition rentre dans le mode d'acquérir par occupation, puisque, la matière première étant considérée comme ayant péri, il s'agit d'un objet nouveau qui a pris naissance entre les mains du spécificateur, et n'a jamais eu d'autre maître que lui, quia quod factum est, antea nullius fuerat, lit-on dans la loi 7, § 7, ff., De adq. rer. domin.—2o Une opinion, diametralement opposée, était celle des Sabiniens qui, partant de cette idée, que la matière existait toujours, et que la forme nouvelle, qu'elle avait affectée, n'avait fait que la modifier, sans atteindre la substance, décidaient, au contraire, que la statue, le vase, la table devait appartenir au propriétaire du marbre, du bronze, ou du bois; et ils corroboraient cette décision en invoquant ce principe, que la forme n'avait point, par elle-même, une existence propre et indépendante puisqu'elle ne pouvait exister sans la matière, quia sine materia nulla species effici possit (L. 7, § 7, ff., De adq. rer. dom.). -3° Une opinion, intermédiaire et éclectique, que Justinien a adoptée dans les institutes (tit. De rer. divis., § 23), faisait dépendre la solution de la question de savoir si la matière travaillée était ou n'était pas susceptible de revenir à son état primitif : dans le premier cas, c'était le propriétaire de la matière qui devenait propriétaire de l'objet confectionné; dans le second cas, c'était, au contraire, le spécificateur qui était préféré au propriétaire de la matière. Pothier, de la Propr., no 188, enseigne que cette troisième

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opinion, consacrée par Justinien, paraissait la plus équitable et devait être suivie, de manière néanmoins à laisser à l'arbitragė du juge de s'en écarter suivant les différentes circonstances. Mais nous remarquerons de suite ici qu'un inconvénient grave de cette troisième opinion était de faire naltre les contestations et les procès en faisant ainsi dépendre la question du point de savoir si la matière ouvrée pouvait, ou non, revenir à son état primitif.

638. Quelle est maintenant l'opinion qu'a consacrée le législateur sur cette question de la spécification? L'art. 370 c. nap. porte: « Si un artisan ou une personne quelconque a employé une matière qui ne lui appartenait pas, à former une chose d'une nouvelle espèce, soit que la matière puisse ou non reprendre sa première forme, celui qui en était le propriétaire a le droit de réclamer la chose qui en a été formée, en remboursant le prix de la main-d'œuvre. » - On le voit, c'est la matière qui l'emporte, et par là se trouve reproduit le système des Sabiniens. Mais cette doctrine n'est-elle pas en désaccord avec les principes qui régissent le cas d'adjonction? Dans ce dernier cas, on a justement remarqué que le code Napoléon se montre, au contraire, plus facile que la loi romaine pour dépouiller de sa propriété le maître de la chose accessoire (Conf. M. Demolombe, n° 199) ainsi, le maître du cadre où une tierce personne a placé son portrait perd la propriété de ce cadre qui pourtant est toujours resté le même, tandis que le propriétaire d'un bloc de bois dont un ouvrier a fait une table ne perdra pas, aux termes de l'art. 570, la propriété de ce bloc de bois, nonobstant la transformation qui a pour ainsi dire fait périr l'objet de sa propriété primitive. Tout ce que l'on peut dire en faveur du système adopté par le code, c'est que le spécificateur devenant, lorsqu'il est de bonne foi, propriétaire de la matière (V. vo Prescription), ne se trouve exposé à la revendication que pour les choses perdues ou volées, et que dès lors le système des Proculiens, s'il avait prévalu, n'aurait servi le plus souvent qu'à favoriser la mauvaise foi (Conf. MM. Ducaurroy, Bonnier et Roustain, t. 2, n° 134) mais cette observation s'appliquant aussi bien au cas d'adjonction qu'au cas de spécification, il demeure toujours impossible d'expliquer la différence que le code a faite entre l'une et l'autre (Conf. M. Demolombe, loc. cit.).

639. «Si cependant, ajoute l'art. 571, la main-d'œuvre était tellement importante, qu'elle surpassât de beaucoup la valeur de la matière employée, l'industrie serait alors réputée la partie principale, et l'ouvrier aurait le droit de retenir la chose travaillée, en remboursant le prix de la matière au propriétaire. >> - Ainsi, on ne verrait pas, comme sous la loi de Justinien, la statue de bronze du plus beau travail appartenir au maître du bronze, sans égard à l'excellence de l'art. C'est là un correctif très-grave qui fera que, dans la pratique, la doctrine des Proculiens sera, même dans notre droit et nonobstant l'art. 570 qui semble la proscrire, plus fréquemment appliquée que celle des Sabiniens. L'art. 571 suppose toutefois, d'après ses termes mêmes, que la main-d'œuvre surpasse de beaucoup la valeur de la matière employée (V. Proudhon, du Dom. privé, t. 2, nos 618 et suiv., et M. Hennequin, t. 1, p. 357): mais c'est ce qui arrivera le plus souvent, et, en tout cas, les juges ont un pouvoir discrétionnaire pour constater cet excédant de valeur de l'industrie et de la main-d'œuvre la loi n'a point d'ailleurs fixé et ne pouvait pas fixer la proportion respective de la valeur du travail et de la matière. Proudhon ajoute maintenant loc. cit. que le droit de retenir n'appartiendrait pas à l'ouvrier lui-même, mais à celui pour qui il travaillait, s'il avait loué son travail.

640. Par application des art. 570 et 571, il a été d'ailleure jugé que si, avec des matières volées, telles que de la laine, le voleur a confectionné un objet d'une autre nature, du drap, par exemple, la matière première étant supérieure à la main-d'œuvre, la propriété de l'objet fabriqué continue à appartenir au maitre de cette matière, sauf remboursement du prix de la main-d'œuvre. - Et si la chose volée n'est réclamée par personne, l'Etat se trouvant substitué au propriétaire, c'est à l'Etat qu'appartient la chose fabriquée, à la charge de même d'une indemnité pour prix de la main-d'œuvre..., indemnité que l'Etat pourra compenser avec les frais des poursuites criminelles motivées par le vol (Montpellier, 23 avr. 1844, Arnaud, D. P. 45, 2, 90).

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641. La loi dispose, ainsi qu'on vient de le voir, qu'au cas où la main-d'œuvre surpassait de beaucoup la matière employée, l'ouvrier aurait le droit de retenir...., ce qui ne signifie pas qu'il est nécessaire, pour l'application de l'art. 571, que l'ouvrier soit possesseur actuel. Il pourrait revendiquer la chose dans les mains d'un tiers, ou même du propriétaire, s'il lui payait le prix de la matière (Conf. MM. Duranton, no 454, Chavot, Prop. mobil., t. 2, no 517, Ph. Dupin, Encyclopédie du Dr., vo Accession, no 42, Demolombe, no 200 ter). En ce qui touche maintenant l'exercice des droits de l'ouvrier ou fabricant pour le simple payement de ses salaires (Droit de rétention des matières façonnées, Privilége), V. vo Prívil. et hypoth.

642. Il est aussi bien entendu que ces mots employés par le code nouvelle espèce (art. 570), espèce nouvelle (art. 572), signifient seulement un être nouveau, un objet de forme nouvelle, et si l'on veut d'une autre espèce, comme dit l'art. 576: il est clair, par suite, que, pour qu'il y ait lieu d'appliquer les règles de ja spécification, il n'est nullement nécessaire que la nouvelle espèce ait mérité à son auteur un brevet d'invention. Conf. MM. Duranton, no 457, Demolombe, no 200 bis.

643. Enfin, « lorsqu'une personne a employé en partie la matière qui lui appartenait, et en partie celle qui ne lui appartenait pas, à former une chose d'une espèce nouvelle, sans que ni l'une ni l'autre des deux matières soit entièrement détruite, mais de manière qu'elle ne puissent pas se séparer sans inconvénient, la chose est commune aux deux propriétaires, en raison, quant à l'un, de la matière qui lui appartenait ; quant à l'autre, en raison à la fois et de la matière qui lui appartenait, et du prix de sa main-d'œuvre (C. nap. 572). » — Mais il faut ici distinguer trois cas: un premier cas serait celui où la main-d'œuvre surpasserait de beaucoup la vaieur de la matière employée : il est bien clair que l'objet confectionné devrait alors appartenir, au contraire, en entier à l'ouvrier ou spécificateur (Conf. M. Duranton, no 455): et, en effet, puisque, ainsi qu'on vient de le voir, l'art. 571 fait prévaloir l'industrie sur la matière brute, alors même que l'ouvrier n'a fourni aucune portion de la matière, à plus forte raison doit-il en être ainsi lorsque, comme dans l'espèce, l'ouvrier a travaillé en partie avec la matière qui lui appartenait, et en partie seulement avec la matière appartenant à autrui il y a même lieu d'admettre qu'en raison de ce que le spécificateur a ici fourni une partie de la matière, il ne serait pas nécessaire pour que l'on dût le déclarer propriétaire de l'objet confectionné, que la main-d'œuvre dépassât de beaucoup la valeur de la matière appartenant à autrui (Conf. M. Demolombe, n° 201):-Un second cas est celui où, en sens inverse, la matière d'autrui serait, en raison de sa quantité ou de sa qualité, de beaucoup supérieure à la fois à la matière fournie par l'ouvrier, et à la valeur de la main-d'œuvre il semble bien qu'alors l'objet confectionné devrait être dévolu en entier au propriétaire de la matière qui présente cet excédant de valeur, et non au spécificateur: c'est ce qui se déduit par identité de raison de l'art. 574 (Conf. Proudhon, no 624, et MM. Marcadé, t. 2, sur l'art. 572; Demolombe, loc. cit.) :— - Enfin le troisième cas est celui où l'on ne peut considérer comme chose principale ni la main-d'œuvre, ni la matière d'autrui, ni celle de l'ouvrier, et alors il y a ou il n'y a pas communauté, sous les conditions déterminées par l'art. 572, suivant que les matières sont ou non séparables sans inconvénient.

644. 3o Du mélange ou de la confusion.

En droit romain, on appelait commixtion ou mélange proprement dit la réunion des choses liquides, ou des choses solides rendues liquides par la fusion, et confusion, la réunion des choses sèches ou solides, comme, par exemple, la réunion de deux monceaux de blé appartenant à différents maîtres (V. Instit. § 28, tit., De rer. divis. L. 5, ff., De rei vindic.). Dans ce dernier cas, et en supposant que la confusion avait été opérée autrement que par la volonté commune des deux propriétaires, Ulpien pensait que, chaque grain de blé conservant sa substance, et restant distinct des autres grains, continue d'appartenir à son maître respectif chacun revendiquait donc la quantité de blé qui lui appartenait dans le tas provenant de la confusion (quantum paret in illo acervo suum cujusque esse): « Toutefois, ainsi que le fait observer 3. Pellat sur la loi précitée, en faisant restituer au demandeur la

quantité qu'il avait primitivement, le juge ferait tort au propriétaire dont le blé était d'un prix supérieur. Il devra donc tenir compte, non-seulement de la quantité, mais aussi de la qualité du blé revendiqué. » Mais Pothier, de la Propr., no 192, remarquait que ce n'est là qu'une subtilité, et le code paraît avoir adopté cette manière de voir puisqu'en effet il n'a point reproduit cette distinction romaine entre le mélange ou commixtion et la confusion. M. Duranton, t. 4, no 441, est toutefois d'avis qu'il y a lieu encore de s'y référer suivant lui, c'est seulement le partage des choses solides ainsi réunies par la confusion, qui produira entre les parties l'échange réciproque de leurs matières mélangées.

645. Quoiqu'il en soit, on distingue facilement le mélange ou la confusion de l'adjonction et de la spécification. D'une part, l'adjonction opère seulement, ainsi qu'on l'a vu, le rapprochement des deux choses par un ou plusieurs côtés de leur surface; mais elle n'empêche pas que ces choses, en réalité, ne restent des objets distincts et reconnaissables au contraire, dans le mélange, l'individualité de chaque chose disparaît, et il ne reste plus qu'un corps composé d'éléments qui ne peuvent être distingués les uns des autres. D'autre part, la spécification ne crée un objet nouveau que par un fait industriel de l'homme, tandis que le mélange n'opère, suivant l'expression de Pothier, loc. cit., n° 175 que sur des matières non ouvragées pour les confondre en une masse sans qu'il y ait aucun fait industriel, - Conf. M. Demolombe, no 202.

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646. Voici maintenant les dispositions de la loi sur le cas de mélange ou de confusion : - « Lorsqu'une chose a été formée par le mélange de plusieurs matières appartenant à différents propriétaires, mais dont aucune ne peut être regardée comme la matière principale, si les matières peuvent être séparées, celui à l'insu duquel les matières ont été mélangées, peut en demander la division. Si les matières ne peuvent plus être séparées sans inconvénient, ils en acquièrent en commun la propriété dans la proportion de la quantité, de la qualité et de la valeur des matières appartenant à chacun d'eux (c. nap. art. 573). » « Si la matière appartenant à l'un des propriétaires était de beaucoup supérieure à l'autre par la quantité et le prix, en ce cas le propriétaire de la matière supérieure en valeur pourrait réclamer la chose provenue du mélange, en remboursant à l'autre la valeur de sa matière (c. nap. 574) » -On notera, tout d'abord, que l'art. 573 portant qu'il faut, pour que sa disposition soit applicable, qu'aucune (des matières) ne puisse être regardée comme la matière principale, il s'ensuit qu'il en est ici comme au cas de l'adjonction ou de la spécification, c'est-à-dire que l'accessoire, en matière de mélange ou de confusion, suit également le sort du principal; ainsi, pour statuer sur le résultat du mélange, il faut voir, avant tout, s'il y a un élément principal qui doit attirer tous les autres (Conf., MM. Demante, Progr. de dr. civ., t. 1, no 576, Demolombe, n° 204).

647. Le caractère de chose principale proviendra le plus souvent ici de la supériorité de qualité, de quantité ou même de volume (arg. de l'art. 569) de l'une des matières, et alors, aux termes de l'art. 574, le propriétaire de cette chose principale pourra réclamer la chose provenue du mélange, en remboursant à l'autre la valeur de sa matière. C'était aussi la doctrine de Pothier (de la Propr., no 192). — V. Proudhon, du Dom. privé, t. 2, nos 627 et suiv.

648. M. Demolombe, no 204 bis, pense même, et avec raison, que la main-d'œuvre pourrait être prise en considération et devenir elle-même l'élément principal, de manière à ce que la chose qui a été formée (art. 573) par le mélange fût attribuée toute entière à celui qui l'aurait opéré comme si, par exemple, ce mélange était le résultat d'une préparation chimique. Si le code, en effet, n'a pas prévu textuellement ce cas, c'est qu'il a statué ex eo quod plerumque fit, et qu'habituellement il y a mélange indépendamment de toute combinaison savante constituant un fait industriel ou un procédé d'art. L'équité commande d'ailleurs d'appliquer l'art. 571 au cas de mélange, alors même que ce mélange n'aurait pas précisément créé un objet d'espèce nouvelle. Il est logique de compléter ainsi les uns par les autres les articles d'une même section.

649. Si, dans le mélange, aucune des matières ne peut etre

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considérée comme principale, alors, si elles sont séparables sans inconvénient, le propriétaire qui n'a pas consenti au mélange peut provoquer cette séparation et reprendre ce qui lui appartient. Mais si les deux choses ne peuvent pas être séparées sans inconvénient, il y aurait indivision, et le résultat du mélange serait commun : l'on n'écouterait pas celui qui en demanderait la séparation contre son propre intérêt, et par mauvaise humeur, comme dit Pothier, loc. cit.

650. 4° Règles communes aux trois cas d'accession mobilière. Ces règles sont contenues dans les art. 575, 576 et 577 c. nap. Le premier de ces articles est ainsi conçu: «Lorsque la chose reste en commun entre les propriétaires des matières dont elle a été formée, elle doit être licitée au profit commun » (c. nap. 575).—Et, en effet, nul n'est tenu, aux termes de l'art. 815 c. nap., de rester dans l'indivision (V.vo Success., nos 1503 et s.). Mais on peut sortir de l'indivision par un partage aussi bien que par une licitation. Si la loi ne parle ici que de la licitation, c'est que précisément les choses mélangées, alors qu'aucune d'elles ne peut être considérée comme principale, ne deviennent communes que dans le cas où elles ne peuvent pas être séparées sans inconvénient (c. nap., art. 572, 573). Du reste, nous pensons que, si les parties sont majeures et capables, elles pourraient convenir de faire vendre l'objet de gré à gré, au lieu de le liciter aux enchères publiques (Conf. M. Demolombe, no 206).

651. Une seconde règle, qui s'applique également aux trois cas d'accession mobilière, est exprimée par l'art. 576 c. nap., en ces termes : « Dans tous les cas où le propriétaire dont la matière a été employée à son insu (ou nalgré sa volonté manifeste), à former une chose d'une autre espèce, peut réclamer la propriété de cette chose, il a le choix de demander la restitution de sa matière en même nature, quantité, poids, mesure et bonté, ou sa valeur. » — Il semblerait, d'après les termes de cet article, qu'il ne dût s'appliquer qu'au cas de la spécification; mais, par la place qu'il occupe, il a d'abord une portée plus générale; et ensuite, comme il est fondé sur le principe que l'acquisition par droit d'accession mobilière n'est pas nécessaire et forcée, et qu'elle n'est, au contraire, que volontaire et facultative, et que c'est là un principe tout d'équité et de raison dont on ne comprendrait pas l'application restreinte au seul cas de spécification, nous n'hésitons pas à considérer comme commune aux trois cas d'accession mobilière la règle dont il s'agit. C'est aussi l'avis de M. Demolombe, no 207.

652. Enfin, l'art. 577 porte: « Ceux qui auront employé des matières appartenant à d'autres, et à leur insu, pourront aussi être condamnés à des dommages-intérêts, s'il y a lieu, sans préjudice des poursuites par voie extraordinaire, si le cas y échet. » Si celui qui a employé une matière mobilière appartenant à autrui était de bonne foi, presque toujours, ainsi qu'on l'a déjà remarqué no 623, il aura acquis la propriété de cette matière par l'effet même de sa possession de bonne foi (c. nap., art. 2279); si pourtant la chose avait été perdue ou volée, et que son propriétaire la revendiquât dans le délai utile, celui qui a employé cette matière, fût-il personnellement de bonne foi, serait tenu de restituer la chose elle-même ou sa valeur; mais à cela se bornerait, en général, son obligation. Il n'en serait pas ainsi s'il était de mauvaise foi alors il serait, en outre, passible de dommages-intérêts, par application des principes généraux du droit (V. c. nap., art. 1582, 1149 et suiv. et vo Obligation); le tout, sans préjudice encore, bien entendu, des poursuites pénales qui pourraient être intentées contre lui, s'il y avait crime ou délit (c. pén., art. 379 et suiv.). Notons maintenant ici que l'art. 577 in fine, en parlant de poursuites par voie extraordinaire, s'il y échet, se réfère à une distinction qui existait, en effet, dans notre ancienne jurisprudence criminelle entre la procédure ordinaire et la procédure extraordinaire, mais qui se trouve avoir été abrogée par le code d'instruction criminelle, sous l'empire duquel il n'y a plus de poursuites par voie extraordinaire.

CHAP. 8. COMMENT SE PERD LE DROIT DE PROPRIÉTÉ. 653. Ainsi que l'énonce Pothier, de la Propriété, no 264, on perd la propriété soit volontairement, soit involontairement.

Nous préférons cette formule à la distinction qui consiste à dire que l'on perd la propriété par la volonté de l'homme ou par la volonté de la loi; car, à tout prendre, tous les cas de perte de la propriété, même ceux qui présupposent un fait volontaire de l'homme, ne se réalisent qu'en vertu de la loi, qui seule peut attacher à tel ou tel événement l'effet de désinvestir un propriétaire de son droit. Volontairement, lorsque, en premier lieu, l'on aliéne la chose dont on est propriétaire. Mais il faut que celui qui en dispose ait la libre jouissance de ses droits et la capacité légale d'aliéner (Conf. Pothier, loc. cit.; V. Commerçant, Contrat de mariage, Interdiction, Minorité; V. aussi vo Obligation). Nous supposons, bien entendu, qu'il s'agisse d'une chose qui ne soit pas d'ailleurs frappée d'inaliénabilité : c'est ainsi, par exemple, que la femme, mariée sous le régime dotal, ne pourrait, même avec l'autorisation de son mari ou de justice, aliéner les immeubles dotaux pendant le mariage, si ce n'est dans les cas spécialement prévus par la loi (V. v° Contrat de mariage).-Notons maintenant que les personnes morales, telles que l'Etat, les communes, les hospices, etc., ne peuvent aliéner valablement leurs biens que sous la condition de remplir certaines formalités, toutes les fois du moins qu'il s'agit d'actes d'aliénation excédant les limites de l'administration (V. vis Domaine de l'Etat, nos 124 et s.; Communes, nos 2412 et s.; Hospice, nos 183 et s.).

654. En second lieu, l'abandon d'une chose dont on ne veut plus, entraîne la perte de la propriété. Mais il faut que l'abandon soit volontaire, et qu'il y ait intention de ne pas conserver la propriété de l'objet abandonné. Ainsi, dans le cas de jet à la mer, ceux dont les objets sont jetés n'en perdent pas la propriété ; car ils sont contraints par une force majeure. Telle est la doctrine de Pothier, no 270, et de M. Toullier, t. 3, no 341.

Dès l'instant que l'objet se trouve abandonné, celui qui n'en a plus la possession, et qui n'a plus l'intention de rester propriétaire, a perdu ses droits: il ne peut soutenir qu'il est propriétaire jusqu'à ce qu'un autre se soit emparé de l'objet. Mais, d'un autre côté, celui qui trouve la chose n'en acquiert la propriété qu'après avoir pris possession; de sorte que, jusqu'à la prise de possession, l'ancien propriétaire peut reprendre la chose (Pothier, no 267; M. Toullier, no 341).-Il est bien entendu que l'on peut abandonner la portion indivise d'une chose dont on est copropriétaire. Mais, suivant l'observation de Pothier, no 268, on ne peut abandonner pour une portion indivise une chose dont on est propriétaire pour le tout. Et, en effet, l'on n'abandonne réellement une chose qu'autant qu'on n'en retient rien (V. aussi L. 3, ff., Pro derelicto). On ne confondra pas, au reste, ce dernier cas avec celui où une personne fait l'abandon d'une parcelle déterminée du champ qui lui appartient: cette parcelle déterminée, à la différence d'une portion indivise de la chose dont on est propriétaire pour la totalité, pourrait, au contraire, faire l'objet d'un abandon réel (Conf. Pothier, no 269). On remarquera que l'abdication d'une propriété est rarement gratuite; elle est habituellement intéressée, et a pour objet, de la part de celui qui la fait, de se libérer des charges et obligations imposées sur la chose (Conf. Toullier, t. 3, nos 343 à 358; Pothier, no 271, 272, 273).—V. au reste via Obligations, Servitudes.

655. Il y a perte involontaire de la propriété: 1o dans le cas d'expropriation pour cause d'utilité publique (V. ce mot);2o Dans le cas de l'expropriation forcée poursuivie par les créanciers d'un débiteur (V. vis Saisie-exécution, Vente publ. d'imm.); -5° Lorsqu'un acquéreur ne purgeant pas les hypothèques qui grèvent l'immeuble dont il est devenu propriétaire vient à être condamné au délaissement de cet immeuble (V. vo Privilége et hypoth.); -4° Lorsqu'une chose qui nous appartient a été prise par l'ennemi, tellement, dit Toullier, no 371, que si les chosc■ prises étaient ensuite reprises par un Français, l'ancien propriétaire n'en recouvrerait pas la propriété (V. aussi Pothier, no 275); mais il a été jugé que le séquestre de guerre ne produirait pas le même résultat : il n'a pour effet que de priver de la jouissance le propriétaire ou ses héritiers (Cass. 24 juin 1839, aff. Fox, V. Traité internat., V. aussi Dépôt, no 264).—Il y a encore perte involontaire de propriété: 5o par la confiscation spéciale encourue pour condamnation criminelle (V. vo Peine, nos 826 ct s.); -6° Par l'effet de la mort civile, maintenant abolic (V. ve Droits

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