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obligé de les supporter, à moins que cela ne lui cause un préju- | naît la nécessité de l'autorisation du mari, il pourra étouffer une dice dont il peut demander la réparation devant les tribunaux (Pardessus, no 309, 310).

255. Il peut souvent s'élever des doutes sur le point de savoir si la cession verbale ou écrite comprend ou non la totalité des droits résultant de la propriété de l'ouvrage. Cette question, non susceptible d'une solution absolue, doit se décider d'après les circonstances, l'intention probable des parties, la nature spéciale des droits cédés. Par exemple la cession d'une œuvre dramatique serait présumée ne comprendre que le droit de représentation, si elle était faite à un théâtre; si, à un libraire, que le droit d'impression (Conf. MM. Renouard, t. 2, n° 146; Vivien et Blanc, no 449; Rendu, no 865).

956. Il a été jugé que le traité passé entre un auteur et le directeur d'un théâtre de Paris ne conférait pas à celui-ci le droit d'empêcher la représentation de la pièce sur un théâtre de la banlieue. Il aurait fallu une stipulation expresse (trib. de commerce de Paris, 20 sept. 1836).

257. Celui qui écrit dans un journal n'est présumé avoir aliéné que la partie de ses droits utile à l'existence ou à la propriété du journal, et con erve seul le droit de recueillir ses articles en un corps d'ouvrage (trib. de la Seine, 2 janv. 1834). Mais il ne lui serait pas permis d'en autoriser l'insertion dans un autre journal pouvant faire concurrence au premier.

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258. « Et s'il s'agissait, dit M. Renouard, d'une réimpression à laquelle se trouvassent liés le sort ou la prospérité du journal, le droit de réimpression appartiendrait au propriétaire de ce journal. »

259. Ce qu'on vient de dire des journaux s'applique également aux revues, dictionnaires et autres ouvrages formés de la réunion d'articles de différents auteurs.

260. Le propriétaire d'un ouvrage collectif a le droit d'en publier des réimpressions, des abrégés, des extraits, mais non de reproduire séparément les articles d'un seul auteur. V. suprà, no 208.

261. Le droit reconnu par la législation spéciale aux auteurs de céder leur droit exclusif, ne peut pas empêcher la question de capacité de s'élever, car le législateur, en reconnaissant la propriété littéraire, n'a d'ailleurs pas fait en cette matière exception au droit commun. L'auteur a le droit de céder son droit exclusif, mais comme il ne peut le faire que par un contrat, il faut qu'il ait la capacité nécessaire pour contracter. Il semble d'abord tout simple d'emprunter les règles au droit commun. Ainsi l'auteur en minorité ne pourra céder son droit, il le pourra, dit-on, s'il est émancipé. L'interdit ne pourra pas contracter; celui qui est pourvu d'un conseil judiciaire, ne pourra pas faire seul l'acte de cession. Il en sera de même de la femme mariée; il lui faudra l'autorisation de son mari, à moins qu'elle ne soit mariée séparée de biens. Ces solutions semblent très-simples et très-rationnelles quand on ne voit dans le contrat de cession, que la transmission à titre onéreux d'un droit mobilier. Mais il y a bien autre chose. Céder un ouvrage, c'est en réalité pour l'auteur le seul moyen de le publier. Ainsi dans le cas de minorité et de mariage, le tuteur, le mari, ne sont point appelés seulement à savoir si les intérêts du pupille, de la femme mariée, seront ou ne seront pas lésés par l'acte de cession, ils auront encore à examiner s'il y a convenance à ce que la publication ait lieu. Ce n'est pas une hypothèse vaine que celle d'une publication importante faite par un auteur en état de minorité. Voltaire n'était pas majeur quand il a fait OEdipe, et nous avons vu, de nos jours, une femme d'un esprit très-distingué, Mme Delphine de Girardin, publier à dixhuit ans des poésies qui ont eu le plus grand succès. Quant aux femmes mariées, nous en savons beaucoup qui écrivent. Quels seront donc les pouvoirs du tuteur, da mari? Peut-on admettre un intermédiaire entre le public et l'auteur? On comprend où est le danger. Cet intermédiaire peut ne pas penser de même que l'auteur; une autre manière de voir, des préjugés peuvent le déterminer à ne pas consentir à une publication qui serait utile au public. Cela a peu d'importance quant au mineur. Il est rare que l'esprit soit assez formé avant la majorité pour que des ouvrages durables soient étouffés, et d'ailleurs l'écrivain devenu majeur reprend sa liberté. Mais on comprend toute l'importance de la question relativement aux femmes mariées. Si l'on recon

œuvre d'un grand mérite, et priver la société d'écrits qui pourraient l'éclairer. D'un autre côté, l'époux n'a-t-il pas la responsabilité morale de ce que publie sa femme, ne lui a-t-il pas donné son nom, et ce nom ne peut-il pas être flétri s'il est attaché à un uvrage immoral? La difficulté est au si très-grande quand il s'agit d'un interdit; à côté d'écarts réels de l'intelligence, le génie n'a-t-il pas pu continuer à luire? Des théories, que la société a le droit de connaitre pour les adopter ou les repousser, ne pour raient-elles pas entraîner des actes dont la prétendue insanité aurait pu motiver une interdiction? Si l'on avait cru les académies, presque tous les inventeurs auraient été interdits. Quant

au conseil judiciaire, la question est également difficile. Les auteurs sont peu économes et peu ménagers. Jean s'en alla comme il était venu..., et si Mme de la Sablière ne s'était pas constituée le conseil judiciaire de Lafontaine, il aurait peut-être été saga de lui en nommer un, sans le consentement duquel apparemment il n'aurait pu céder à un libraire le droit d'imprimer ses fables!

De tout cela, il faut conclure que, dans le silence de la i spéciale, on doit se conformer au droit commun tant qu'il ne blesse pas le sens commun et qu'il n'entrave pas la liberté dé l'intelligence. Toutes les questions que nous venons d'indiquer ont été agitées dans le sein de nos assemblées législatives. Les difficultés qu'elles présentent ont embarrassé les discussions et les votes. Il faut cependant que le législateur prenne un parti. Les solutions, quand il s'agit de lois civiles, reposent toujours sur un choix à faire entre des intérêts et des droits qui souvent se balancent. On doit savoir faire prédominer, quand la raison l'indique sûrement, un principe qui en blesse un autre. La résignation est une des qualités du législateur, et il faut, en défi❘nitive, que les droits soient réglés.

262. La cession faite en termes généraux ne doit pas être présumée restreinte à l'aliénation d'une édition seulement (arg. de l'art. 1602 c. nap.). Toutefois, M. Renouard estime que, surtout en l'absence d'acte écrit, la présomption d'aliénation partielle doit prévaloir sur celle d'aliénation totale. Aux fermes du projet de loi du 18 janv. 1841, lorsque aucun acte de céssion n'était produit, la cession était présumée faite pour une édition seulement.

263. Un auteur, s'il a cédé une édition de son ouvrage, ne peut, avant l'épuisement de cette première édition, en publier une seconde, et s'il a cédé la propriété entière, il ne peut plus publier l'ouvrage sous aucune forme. Mais, que doit-on entendre par nouvelle édition? Il est des sujets qui peuvent être traités avec plus ou moins de développement, tels sont tous les sujets empruntés à la science, à l'histoire; on peut faire une géographie en un volume ou en trente. L'auteur qui a cédé une géographie universelle en un volume in-12, et qui en aura publié une autre dans une longue suite de volumes, pourra-t-il être considéré comme contrefacteur? Il ne nous semble pas douteux que la négative ne doive être adoptée. Mais il peut y avoir lieu à des dommages-intérêts. Tout dépendra de la question de savoir si les deux ouvrages peuvent se faire concurrence (trib. de la Seine, 17 juill. 1829, aff. Renart C. Girault de Saint-Fargeau).

264. Lors même que r'auteur aun plan réduit d'une ville s'est interdit, dans l'acte de cession, de publier tout ou partie de ce plan directement ou indirectement, il lui est permis néanmoins de publier un autre plan de la même ville quand c'est un travail nouveau, d'une plus grande étendue, sur une nouvelle triangulation. C'est ce que la cour de Paris a jugé dans une affaire (dame de Chavagnac C. Jacoubet). Celui-ci avait cédé à cette dame un plan de Paris réduit d'après Verniquet, et dans la cession se trouvait la clause ci-dessus rapportée. Il a été décidé que cette clause ne pouvait empêcher Jacoubet de publier un plan de Paris dans des dimensions beaucoup plus étendues, et enrichi de nouveaux détails qui n'étaient pas et ne pouvaient être dans les pians de Verniquet (Paris, 5 mars 1850).

265. Lorsque le prix de la cession a été fixé d'après le nombre des exemplaires qui doivent être tirés, l'éditeur doit compte à l'auteur de tous les exemplaires tirés. Ainsi, il a été jugé que le nombre des exemplaires produit par la main de passe ou claperon compte au point de Fauteur, dans le nombre des

exemplaires que l'éditeur est autorisé à tirer; celui-ci prétendrait à tort déduire à son bénéfice, et par voie de réduction fixe sur le nombre d'exemplaires convenu pour chaque édition, les exemplaires censés produits par la main de passe (Paris, 18 mars 1842) (1).

266. La durée des droits du cessionnaire est très-aléatoire. Il a la jouissance exclusive pendant toute la durée légale, c'està-dire pendant la vie de l'auteur et celle de sa veuve, si son contrat de mariage le permet; après leur mort, pendant trente ans, s'ils laissent des enfants, et seulement pendant dix années, s'ils ne laissent que des héritiers. On voit ici combien la législation est imparfaite, et ce qu'il y a de douteux dans la durée de la jouissance de l'éditeur fait que les contrats de cession sont bien moins avantageux aux auteurs. Il serait à désirer que la loi s'occupât de la durée des droits des cessionnaires en dehors de celle des droits des enfants de la veuve et des héritiers. Ce serait là le seul moyen d'ôter aux, actes de cession un caractère aléatoire qui est très-contraire aux intérêts des auteurs.

267. Il est évident que, par les conventions intervenues entre l'auteur et l'éditeur, le droit de jouissance de ce dernier peut être modifié, quant à sa durée, mais cette durée ne pourra jamais excéder, après la mort de l'auteur ou de sa veuve, le temps déterminé légalement pour la jouissance exclusive des héritiers qui auraient été investis de la cession du droit de propriété, si la cession n'avait pas existé (M. Blanc, p. 143). — La durée du droit à la propriété d'une œuvre littéraire se mesure, pour le cessionnaire mis à la place de l'auteur, sur la durée droit appartenant à ce dernier ou à ses héritiers, telle que la fixait la législation existante à l'époque de la cession, et si, avant que le droit du cessionnaire fût éteint, une loi nouvelle est intervenue, qui a prorogé le droit de propriété de l'auteur ou de ses héritiers, cette prorogation, non prévue lors de la cession, ne peut profiter au cessionnaire, et spécialement celui qui s'est rendu cessionnaire des droits d'un auteur sous la loi du 19 juill. 1793, qui limitait à dix ans, après la mort de l'auteur, le droit de ses héritiers ou cessionnaires, ne peut se prévaloir des dispositions du décret du 5 fév. 1810, qui a étendu à la veuve, pendant sa vie, et aux enfants, pendant vingt ans, le droit de propriété de l'auteur, pour donner une égale durée à sa jouissance, à moins d'une convention contraire; cette prorogation de jouissance, sub

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(1) Espèce: (Bourdin C. de Las-Cases.) — 23 août 1841, jugement du tribunal de commerce de Paris, qui le décide ainsi par les motifs suivants : - «Attendu que, par conventions verbales intervenues en juin 1840, le comte de Las-Cases a cédé à Ernest Bourdin, éditeur, le droit de faire exécuter une édition de son ouvrage intitulé: Mémorial de Sainte-Hélène; ladite édition, ornée de gravures et de vignettes, devant se composer de deux volumes de format grand in-8° et être imprimée au nombre de dix mille exemplaires, avec faculté, par Bourdin, d'augmenter ce nombre même par portions, et suivant sa convenance, jusqu'à concurrence de dix autres mille; Que ce droit a été cédé par le comte de Las-Cases à Bourdin, à la charge par ce dernier de lui payer, pour les dix premiers mille, une somme de 15,550 fr., dont 10,000 en argent et 5,500 en exemplaires de l'ouvrage, au prix de 30 fr. l'exemplaire, et de lui payer les dix autres mille sur le même pied, au fur et à mesure de leur impression, lesd ts payements devant être effectués par huitièmes, aussitôt après l'achèvement de chaque quart de volume, soit de chaque partie de l'ouvrage entier; - Attendu que Bourdin, usantla faculté qu'il s'était réservée, a, dès la neuvième livraison, porté le tirage de dix à quinze mille; Attendu que le comte de Las-Cases réclame les trois huitièmes échus, mais que les parties sont en désaccord sur le nombre;-Qu'ainsi le comte de Las-Cases prétend que Bourdin a fait tirer seize mille cinq cents exemplaires au lieu de quinze mille sept cent-cinquante, soit quinze mille et la main de passe, tandis que Bourdin affirme n'avoir fait imprimer que quinze mille exemplaires bruts, sur lesquels il lui serait dû double main de passe, soit mille cinq cents exemplaires, qu'il prétend déduire des quinze mille, ce qui réduirait à treize mille cinq cents le nombre des exemplaires dont il devrait le x au comte de Las-Cases;

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>> Attendu que l'on entend par main de passe ou chaperon une main de papier, soit vingt-cinq feuilles, que le maître imprimeur délivre à l'ouvrier, en sus de chaque rame de cinq cents feuilles, pour servir à mettre le tirage en train, et pour suppléer aux feuilles qui seraient gâtées pendant l'impression ou qui pourraient manquer dans la rame; Que le tirage de cette main par rame, suivant un usage dès longtemps adopté, est dû par l'ouvrier au maître, et par le maître à celui pour le compte duquel il exécute l'impression; - Qu'ainsi cette main n'est qu'un sur

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ordonnée à l'existence de la veuve et des enfants, ne doit profiter qu'à eux seuls (Paris, 12 juill. 1852, aff. veuve et hérit. Lenormand, D. P. 54. 2. 225).-V. nos 323 et suiv.

Cette solution n'a pas été adoptée par tous les auteurs. M. Rendu fait remarquer, no 777, qu'elle met les éditeurs dans une situation très-difficile. Quand un éditeur pense que, après l'expiration de la durée de la cession, il se trouvera en présence du domaine public, il s'arrange de manière à soutenir avantageusement la concurrence. Il prépare toutes les combinaisons possibles pour atteindre ce but. Si la législation change, toutes ces combinaisons s'évanouissent en présence du privilége de l'auteur exclusif, qui ne partagera pas avec lui l'exploitation. comme il l'eût fait avec le public, mais qui lui retirera tout droit à l'exploitation, qui pourra même taxer de contrefaçon les éditions préparées par l'éditeur dans la prévision de les vendre, sinon à titre privilégié, du moins en concurrence avec lui. Notre auteur conclut de là que, quand la transmission de la propriété a été faite d'une manière absolue, il est impossible d'admettre qu'elle ne doive pas être maintenue à l'égard du cessionnaire, nonobstant l'extension donnée à la durée de la propriété. Comme M. Rendu sent bien cependant que l'auteur doit profiter de la prolongation de la durée de son droit exclusif, il pense qu'il peut exiger du cessionnaire un supplément au prix de la cession. Outre qu'il est fort difficile de faire adopter cette décision en présence du principe qui veut que les contractants, qui ont pour objet un droit prévu par la loi existante lors de la convention, n'aient pu considérer ce droit que de la manière dont il était réglé et limité par cette loi, est-il bien exact de dire que l'éditeur puisse se plaindre de l'extension des droits de l'auteur, et que cette extension lui soit préjudiciable? Le cessionnaire ne peut jamais considérer comme un bénéfice légitime de la cession l'avantage que cette cession lui donnera, après que la durée sera expirée, sur le domaine public. La loi n'a jamais pu lui garantir que les profits résultant de la cession elle-même, et qui doivent se réaliser pendant qu'elle dure. En effet, le public a intérêt à ce que la concurrence soit entière lorsque le droit exclusif cesse, et, d'un autre côté, quand les libraires prévoient la fin du privilége, comme d'ordinaire chaque édition doit rapporter quelque chose à l'auteur, ils n'en font pas de nouvelles, et en préparent une pour l'instant même où cesse le droit exclusif. Il ne nous paraît donc pas injuste de

croît de feuilles destiné à parer aux imperfections de la fabrication, et dont le tirage, et celui de la rame, dont elle n'est en quelque sorte que le complément, doivent être faits simultanément; Attendu que le produit des mains de passe est incertain; - Qu'il varie suivant le plus ou moins de difficultés de l'impression, suivant le plus ou moins de soins apportés à la fabrication ;-Que ce serait méconnaître les causes qui ont introduit cet usage dans l'imprimerie que de vouloir convertir ce produit éventuel en une réduction fixe sur le nombre déterminé pour chaque édition entre l'auteur et l'éditeur;-Attendu que, si les droits qui résultent d'un usage peuvent être invoqués à l'égal des conventions, ces droits ne peuvent être modifiés que par des conventions précises; Que Bourdin ne justifie ni que Las-Cases l'ait autorisé à faire tirer, comme il le prétend, deux mains de passe par rame, au lieu d'une seule, suivant l'usage, ni que l'intégralité de la passe soit simple, soit double, doive lui être bonifiée sous forme de réduction sur les nombres tirés; que, dès lors, les parties doivent rester dans les conditions résultant de leurs conventions ou de l'usage ;-Attendu que Bourdin, en vertu de l'usage précité, avait le droit d'exiger de l'imprimeur, dont le choix lui avait été laissé, le tirage de la main de passe, soit de trente mains ou de sept cent cinquante feuilles pour quinze mille exemplaires ou trente rames; Que, quand même ce n'aurait pas été fait regulièrement, il ne pourrait s'en prendre qu'à sa négligence ou à celle de son imprimeur, et n'aurait, par ce fait, aucun recours contre l'auteur;

» Mais attendu que, contrairement aux prétentions du comte de Las-Cases qu'il aurait été tiré seize mille cinq cents exemplaires, y compris la double passe, et à celles de Bourdin qu'il n'aurait fait imprimer que quinze mille exemplaires bruts sans mains de passe, il résulte des explications fournies aux débats et au délibéré, que le tirage des quinze mille exemplaires a été augmenté d'une main par rame, et que, de l'aveu de Bourdin lui-même, certaines feuilles lui ont été livrées à des nombres excédant de plusieurs centaines celui de quinze mille; – Que, dès lors, Bourdin doit au comte de Las-Cases sou droit d'auteur u un tirage de quinze mille six cents exemplaires pour les huitièmes chus.»- Appel par Bourdin. Arrêt.

LA COUR; Adoptant les motifs, etc., confirme, etc.
Du 18 mars 1842.-C. de Paris, 1re ch -MM. Séguier, pr.

priver le cessionnaire du bénéfice qu'il ferait au préjudice du public et de l'auteur.

268. Une convention diplomatique intervient qui garantit chez une nation étrangère la propriété littéraire d'un écrit publié en France. Dans le cas où ce livre a été cédé en France, l'auteur pourra-t-il céder le droit de débiter ce livre à l'étranger? En un mot, le bénéfice de la convention diplomatique appartiendra-t-il au cessionnaire ou à l'auteur ?-Au cessionnaire, car il ne s'agit pas d'une extension donnée à la propriété littéraire, mais d'une garantie nouvelle qu'elle obtient (Conf. M. Rendu, no 787). 269. La cession du droit exclusif de l'auteur n'a pas besoin d'être faite par écrit. On a voulu conclure la nécessité d'un écrit des termes de l'art. 3 de la loi du 19 juill. 1793 qui autorise la confiscation de toutes éditions imprimées ou gravées sans la permission formelle et par écrit de l'auteur (Favard, Rép., vo Propr. litt., no 25). Il est évident que cet article est très-incorrectement rédigé. Le mot confiscation, qui y est pris dans le même sens que le mot saisie, signifie seulement que la saisie ne sera pratiquée que dans le cas où la partie saisie ne prouvera pas par écrit qu'elle a eu le droit de reproduire l'ouvrage. Si la loi avait voulu que la cession de la propriété littéraire ne se prouvât que par écrit, elle l'aurait dit implicitement. C'est ainsi que la loi de 1844 a disposé que la cession d'un brevet d'invention ne pouvait être faite que par un acte notarié.

270. En conséquence, les cessions se prouvent conformément aux règles générales du droit (Conf. MM. Gastambide, no 90; Renouard, t. 2, no 165).-M. Et. Blanc, p. 91, a voulu établir une distinction. Il prétend que le cessionnaire qui poursuit le contrefacteur n'a pas besoin d'une cession écrite, mais que celui qui défend à une action en contrefaçon a besoin de prouver son droit par écrit. Cette distinction ne peut être admise. Ou la cession doit être passée par écrit, ou elle ne doit pas l'être. Il est hors de toutes les règles du droit commun de soutenir que la même convention doit avoir un autre caractère, lorsqu'elle appuie une défense, que lorsqu'elle motive une demande. En outre, comme l'a

(1) Espèce: (Gerdès C. Launer.) En 1803, la femme du général Moreau reçut du compositeur Haydn une lettre ainsi conçue : « Madame, M. le prince Esterhazy m'a fait l'honneur de me dire que vous désiriez avoir une sonate de ma composition. Il ne fallait pas moins que mon extrême envie de vous plaire pour me déterminer à m'occuper de ce travail. Mon âge et mes maladies me défendent toute application depuis deux ans, et je crains bien que vous ne vous en aperceviez. Mais l'indulgence fut toujours l'apanage des grâces et des talents: il m'est donc permis de compter sur la vôtre. Mes médecins me font espérer un adoucissement à mes maux. Je n'y aspire, madame, que pour réparer la faiblesse de mon ouvrage, en vous faisant hommage d'une nouvelle composition. Je voudrais que celle-ci fût digne de vous et de M. le général Moreau. Je tremble qu'il ne me juge avec rigueur, et qu'il ne se souvienne que c'était au seul Timothée qu'il appartenait de chanter pour Alexandre. J'ai l'honneur d'être, etc., Joseph Haydn. »-Madame Moreau, après la restauration, remit à Naderman, avec un fac-simile de la lettre d'envoi, la sonate qui fut publiée par lui comme posthume, et ensuite cédée à M. Gerdės. Madame Launer, ayant inséré cette sonate dans 'œuvre complète de Haydn, sans demander le consentement de M. Gerdès, a été poursuivie en contrefaçon, mais le tribunal de la Seine a jugé que cette sonate était tombée dans le domaine public. Appel.

Arrêt.

LA COUR; Considérant que l'envoi dont il s'agit à la maréchale Moreau ne constitue pas de la part de Haydn, son auteur, la cession de ses droits de propriété par ce dernier ; Considérant qu'il résulte des documents de la cause que la sonate dédiée par Haydn à la maréchale Moreau a été publiée en Allemagne et en différents lieux antérieurement 1821, et que cette publication ayant été faite du vivant de Haydn, Gerdès, cessionnaire de Naderman, ne peut réclamer le bénéfice du déeret du 1er germ. an 13, applicable seulement aux ouvrages posthumes de litterature, sciences et arts; Confirme.

Du 14 août 1841.-C. de Paris, ch. corr.-M. Espivent, pr. (2) (Laporte et Bufart.)-LA COUR;-Attendu que Laporte et Bufart n'ont produit aucun titre dont il pût résulter qu'ils fussent les cessionnaires médiats ou immédiats de l'auteur de l'ouvrage dont il s'agit, que la simple allégation d'avoir acquis les exemplaires et les cuivres de l'édition originale dudit ouvrage en vente publique, ne pouvait suffire aux yeux de la justice pour constituer une question de propriété, et pour leur donner le droit de se prévaloir du traité de 1779 qui leur était étranger; -Attendu que, d'après les faits reconnus par la cour de justice criminelle, la contrefaçon a été bien déclarée, cette déclaration de contre

très-bien fait remarquer M. Renouard, loc. cit., «il résulterait de cette doctrine que l'auteur, par cela seul qu'il se serait abstenu de traiter par écrit, serait maître de se jouer de ses conventions, et pourrait poursuivre le cessionnaire qui s'en serait rapporté à sa foi. Au reste, la loi anglaise a admis un mode de cession rapide et qui doit être très-utile dans la pratique. Elle se fait par une déclaration insérée dans un registre tenu au bureau des libraires. Cette cession n'est assujettie ni au timbre ni à aucun autre droit.

271. Il faut que l'intention d'un auteur ou compositeur de céder la propriété résulte nettement des fails ou des circonstances. Ainsi, on a jugé que la lettre d'envoi par laquelle l'auteur d'une composition musicale en faisait hommage à une personne, ne transmettait point à cette personne de droit de propriété (Paris, 14 août 1841) (1).

272. Il a été jugé : 1° que l'acquisition que l'on fait dans ane vente publique des exemplaires d'un ouvrage et des cuivres, quand il s'agit de gravures, ne transmet le droit de reproduire ni le livre ni la gravure : il faut une cession de l'auteur (Crim. rej. 18 juin 1808) (2);—2o Que la vente par celui qui a acquis un tableau avec le droit de le graver, de la planche gravée qui reproduit ce tableau, ne transporte pas, par cela même, à l'acheteur de la planche, le droit exclusif de reproduction qui aurait été attaché à la propriété du tableau, ni, par suite, le droit de poursuivre ceux qui ont contrefait le sujet par le moyen de la sculpture (Paris, 2 fév. 1842) (3).

273. La publication d'une édition au vu et au su de l'auteur, sans réclamation de sa part, peut être considérée comme une preuve de cession; mais, d'une part, cela n'est admis que pour cette édition. En second lieu, et si, par exemple, le prix de cette cession n'a pas été fixé, on comprend que l'auteur qui a ainsi toléré la composition ne sera pas admis à exiger le prix qu'il lui conviendra de fixer; et cette tolérance résultant, par exemple, de ce qu'il a lu et corrigé les épreuves, donnera au juge, en cas de désacord sur le prix, le droit de le fixer.

façon n'impliquant contradiction sous aucun rapport avec les faits constatés;-Attendu que par la réunion des cahiers réimprimés avec ceux de l'édition originale sous un frontispice qui annonçait cette réunion comme formant l'ouvrage complet, l'ouvrage entier a été frappé du vice de contrefaçon, qu'ainsi la cour de justice criminelle sans aucunement violer les lois du 19 juill. 1779 et 25 prair. an 3, a pu condamner les réclamants au payement de la valeur de cinq cents exemplaires de l'édition originale entière;-Rejette.

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Du 18 juin 1808.-C. C., sect. crim.-MM. Barris, pr.-Carnot, rap. (3) Espèce (Bulla et Delarue C. Laboche.)-Jugement du tribunal civil de la Seine, ainsi conçu : « Attendu que des pièces produites, il résulte que Paul Delaroche a vendu au sieur Schroth son tableau d'Edouard en Ecosse, avec le droit exclusif de le reproduire par la gravure ou tous moyens quelconques, et que Bulla et Delarue sont aujourd'hui aux droits dudit sieur Schroth; - Attendu qu'il est établi, il est vrai, qu'il a été saisi chez Lahoche une pendule en porcelaine sur laquelle se trouve reproduit le sujet du tableau de Paul Delaroche;-Mais attendu que cette pendule est d'un prix d'environ 800 fr.; que c'est un objet d'art qui ne s'adresse pas à la même classe d'acheteurs que la gravure de Bulla et de Delarue, et qu'il est manifeste qu'elle ne peut pas lui faire une concurrence préjudiciable, et encore moins en amener la dépréciation ;- Attendu que pour qu'il y ait contrefaçon, il faut, ainsi que cela a été dit ci-dessus, que l'objet prétendu contrefait puisse ou faire concurrence à celui qui se trouve déjà dans le commerce, ou le déprécier; que cela n'existe pas dans la cause, et qu'ainsi la prévention dirigé contre Laboche n'est pas justifiée. »Appel -Arrêt.

LA COUR ; Considérant que Bulla et Delarue ne justifient pas du transport régulier en leur faveur du droit exclusif de reproduction qui aurait été attaché à la propriété de Paul Delaroche, représentant Edouard en Ecosse ;-Que le titre sur lequel ils s'appuient est un extrait d'un procès-verbal de vente d'un commissaire-priseur, duquel il résulte que le sieur Vibert, aux droits duquel se trouvent les appelants, s'est rendu adjudicataire, aux enchères publiques, ayant lieu à la requête des syndics de la faillite Schroth, d'une planche gravée representant ledit sujet d'Edouard en Ecosse, d'après le tableau susmentionné ; — Que rien ne constate que le droit incorporel constituant la propriété absolue de l'artiste, auteur du tableau, ait été transmis à l'adjudicataire de la planche gravée, et que, dès lors, celui-ci ou ses représentants aient le droit de poursuivre la contrefaçon qui aurait lieu sur porcelaine, du tableau dont s'agit;-Confirme, etc.

Du 9 fev. 1842.-C. de Paris, ch. corr.-M. Simonneau, pr.

274. Les détenteurs de manuscrits d'ouvrages posthumes en sont censés propriétaires, sauf la preuve contraire.

275. Peut-on publier les lettres missives qui vous ont été été adressées? Il n'est d'abord pas douleux, en droit, et tous les auteurs sont d'accord sur ce point, que les lettres sont la propriété de celui auquel elles sont adressées. « Mais, comme le disait fort bien M. de Vatimesnil, dans le sein de la commission qui s'est occupée en 1825 d'un projet sur la propriété littéraire, il est impossible de considérer l'envoi d'une lettre comme une transmission de propriété pure et simple, absolue, indéfinie. C'est, au contraire, une transmission restreinte et conditionnelle. Celui qui a reçu une lettre a dû garder les pensées qu'elle contenait pour lui seul...» Jugé que toute lettre confidentielle contient virtuellement, et à défaut d'expressions contraires, la condition qu'elle ne pourra être publiée sans le consentement de son auteur ou de ses héritiers; et que, par suite, celui à qui ces lettres ont été adressées, ni son légataire universel, ni même le mandataire que ce détenteur a chargé de les publier, peuvent user de ce droit sans le consentement de l'auteur des lettres (Paris, 10 déc. 1850, aff. Collet, D. P. 51. 2. 1). - Cela nous paraît évident quant aux lettres confidentielles. L'honneur ne veut pas qu'on abuse d'une correspondance pour compromettre le caractère de celui de qui elle émane.

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276. Mais des lettres peuvent n'être pas confidentielles, elles peuvent trailer des sujets de morale, de religion, de politique? A qui appartiendra le droit de les publier? - «Celui qui a pensé, a dit M. Royer-Collard, dans le sens de la commission dont nous parlions tout à l'heure, celui qui a pensé a seul droit à la publication de sa pensée. A l'auteur seul appartient donc de manifester sa volonté sur la publication. Qu'on pense par une lettre ou autrement, le droit de publication subsiste toujours en faveur de celui qui a eu la pensée. »> Nous croyons, avec Royer-Collard, qu'il faut reconnaître le droit d'auteur à celui qui a écrit les lettres, et non à celui qui les possède. Mais il est évident qu'il peut résulter des circonstances que la possession des lettres fera présumer la cession ce sera aux tribunaux à apprécier (V. M. Renouard, t. 2, no 169).—On a décidé, en'Angleterre, que des tiers n'avaient pas pu publier des lettres de Pope sans le consentement de ce grand poëte, et les lettres de lord Chesterfield à son fils, sans l'autorisation de ses exécuteurs testamentaires. La loi russe ne permet la publication des lettres particulières qu'avec le double consentement de celui qui les a écrites et de celui qui les a reçues.

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277. Les manuscrits des archives du ministère des affaires étrangères, ceux des bibliothèques publiques, sont la propriété de l'Etat, soit que ces manuscrits existent dans les dépôts auxquels ils appartiennent, soit qu'ils en aient été soustraits, ou que leurs minutes n'y aient pas été déposées aux termes des anciens règlements (decr. du 20 fév. 1809, V. p. 445). L'État a donc zeul le droit de publier les manuscrits dont il s'agit ou d'autoriser leur publication.

278. Un fonctionnaire ne saurait se prétendre propriétaire des pièces et documents qui ne sont arrivés dans ses mains qu'à raison de ses fonctions. Une ordonnance du roi du 24 mars 1824 commit un maître des requêtes pour assister à la levée des scellés apposés sur les papiers de la succession de Cambacérès, et prescrivit que les pièces appartenant à l'État, après avoir été seulement cotées et parafées, fussent remises à ce magistrat, et

Le

(1) Espèce: (Gros et Vallot C. Gavard.)- En 1809, le sénat commanda à Gros un tableau représentant la bataille des Pyramides. peintre livra son tableau moyennant le prix convenu, et n'en garda ni copie ni esquisse.. A l'époque du renversement de l'empire, le tableau passa dans les mains du général Bertrand. Lorsque le roi Louis-Philippe créa le musée de Versailles, le tableau fut retiré des mains du général, et Gros convint avec la liste civile de faire au tableau deux ajoutés, pour le prix de 6,000 fr. La mort le surprit, un peintre indique par lui finit les ajoutés, et reçut les 6,000 fr.—Cependant Gros, avant d'avoir traité avec la liste civile, et tandis que son tableau était entre les mains du général Bertrand, avait cédé le droit de le graver à un sieur Vallot. Ce dernier travaillait à sa gravure, lorsque le sieur Gavard publia dans la collection des tableaux historiques qui ornent la galerie de Versailles, la bataille des Pyramides, avec les ajoutés.-Action en contrefaçon intentée par Vallot et la dame Gros, qui se trouvait aux droits du peintre qui avait terminé les ajoutés. Jugement d'acquittement

par lui déposées aux mains du garde des sceaux, chargé de les faire inventorier, et remettre ensuite à qui de droit. L'héritier ne consentait à l'exécution de ces mesures qu'en ce qui concernerait les pièces qui seraient reconnues, contradictoirement avec lui, être la propriété du gouvernement. Mais il fut statué en référé que les pièces dont l'héritier refusait la remise étaient présumées n'avoir existé entre les mains du défunt qu'à raison des fonctions dont il avait été revêtu, et que si, parmi ces piè ces, il s'en trouvait qui pussent être considérées comme propriété privée, il était suffisamment pourvu à la conservation des droits de la succession par les mesures prescrites par l'ordonnance royale. Sur l'appel, un arrêté de conflit fut rendu, puis confirmé, et enfin l'affaire se termina à l'amiable.

279. Il a été également jugé qu'au décès d'un écrivain auquel des pièces originales avaient été confiées par le gouvernement, il y avait lieu, en cas de revendication par celui-ci, tant des pièces confiées que de la partie des manuscrits du défunt qui pouvaient en contenir des copies, d'ordonner les mesures propres à conserver les droits de toutes les parties, et, par exemple, le dépôt chez un notaire des objets litigieux (Paris, 4 août 1826, aff. Lemontey).

880. Il est impossible que les hommes qui ont exercé de hautes fonctions publiques ne laissent pas des papiers, qui, sans appartenir à l'État, ont néanmoins une grande importance. Leur publication peut avoir des avantages, peut avoir des inconvénients. La loi ne saurait rien régler à cet égard, c'est à eux de tracer les devoirs de leurs héritiers, par leurs dispositions testamentaires. C'est ce qu'a fait sir Robert Peel, avec beaucoup de noblesse, dans un de ses codicilles dont voici l'extrait : « J'autorise mes exécuteurs à publier ceux de ces documents qui leur paraîtront devoir intéresser le public, et mème à les vendre; mais à la condition expresse de ne le faire qu'avec la discrétion la plus complète, et aussi en donnant à cette discrétion assez de latitude pour que l'on puisse consulter ces documents à titre purement gratuit, toutes les fois qu'ils le jugeront convenable. »

281. Celui qui a acquis un tableau, a-t-il le droit de le faire graver, ou l'auteur du tableau a-t-il conservé ce droit? Il est évident que la question ne peut se présenter qué quand il n'y a pas eu de stipulation à cet égard. La jurisprudence a hésité sur la question. Il a d'abord été jugé que le peintre conservait le droit de reproduire son tableau par la gravure, lors même qu'en vendant le tableau il n'avait fait aucune réserve à cet égard (Crim. cass. 23 juill. 1841). - Mais il a été décidé sur nouveau pourvoi et par les chambres réunies de la cour de cassation, que la vente d'un tableau, faite sans réserve, emporte avec elle, au profit de l'acquéreur, le droit de reproduction par la gravure, lequel n'est qu'un accessoire du tableau, encore bien que la cession de ce droit n'ait pas fait l'objet d'une stipulation spéciale. Que, par suite, le peintre qui a vendu, sans réserve, soit le tableau, soit des annexes de ce tableau qui lui ont été commandés plus tard, n'a plus le droit de céder, au préjudice de l'acquéreur, le droit de reproduction par la gravure. Peu importe que le tableau soit sorti des mains de l'acquéreur, que le peintre en soit devenu précairement possesseur et que l'acquéreur des annexes n'en ait été mis en possession que postérieurement au décès du peintre (Cass. ch. réun., 27 mai 1842) (1).

concu:

La doctrine de ce dernier arrêt de la cour de cassation nous a rendu par le tribunal de la Seine, le 23 janv. 1841, et qui est ainsi - «Attendu que la vente a pour objet de transmetre à l'acheteur la propriété pleine et entière de la chose vendue, avec tous les droits, avantages et priviléges qui s'y trouvent attachés; que ce principe absolu ne doit recevoir d'exceptions que celles consacrées par la loi ou les conventions des parties; d'où il suit que le peintre qui cède un tableau, sans stipuler aucune espèce de réserve, se dessaisit manifestement, nonseulement de la propriété du tableau, mais encore du droit de le reproduire, et investit, par la seule puissance de la vente, l'acheteur de tous les avantages et de tous les priviléges qui lui appartenaient; - Attendu que la loi du 19 juill. 1793 ne déroge, à cet égard, nullement aux principes généraux du droit ; que, si elle confère aux auteurs, compositeurs, peintres et autres, ainsi qu'à leurs héritiers ou cessionnaires, le privilége de reproduire leurs œuvres, c'est que la reproduction est à peu près le seul mode de jouissance utile qu'elle soit susceptible de donner, et que, dans l'intérêt des arts et des artistes, la loi a dû, par une disposi

paru difficile à soutenir en présence de l'art. 1 de la loi de 1793

tion speciale, régler ce mode de jouissance, afin que l'œuvre, par le fait même de sa publication, ne pût pas être réputée tombée dans le domaine public, et par cette disposition toute de prévoyance, l'affranchir des entreprises et de l'usurpation si facile à s'approprier le bien des autres : mais que tout en protégeant l'auteur, tout en consacrant en sa faveur le privilége exclusif de reproduction, la loi n'a pas entendu le placer dans une condition à part, quand il s'agirait de la vente ou cession de ses œuvres, ni créer pour cette cession des règles particulières qui la mettraient en dehors du droit commun et sous l'empire de dispositions exorbitantes; qu'une dérogation de cette importance ne saurait se suppléer ni même se supposer, quelque élevée, quelque noble que soit la chose qui fait l'objet du contrat, considérée au point de vue de l'art et du génie qui lui ont donné la vie, parce qu'il est de la nature de la vente de transférer à l'acquéreur tous les droits du vendeur sur la chose, de le substituer en ses lieu et place pour en jouir et disposer comme il en jouirait et disposerait lui-même; qu'on ne comprendrait pas qu'en l'absence de toute espèce de stipulation, il en fût autrement pour la cession d'un tableau; qu'en effet, si l'acheteur est un amateur des beaux-arts, il est sensible qu'il n'acquiert le tableau que pour enrichir sa galerie ou un musée, qu'il n'en élève le prix d'affection que par cette considération qu'il en sera seul possesseur et maître absolu; au contraire, si c'est un spéculateur, il n'est pas moins certain que le tableau n'arrive dans ses mains que pour obtenir des bénéfices qu'il a fondés sur une reproduction qu'il s'empressera de realiser sous toutes les formes; qu'enfin, si c'est un musée public qui en devient acquéreur, c'est en vue de s'enrichir et de donner à l'Etat le pouvoir de le livrer au public dans l'intérêt du progrès des arts; que dès lors il est vrai de dire que, soit d'après les règles ordinaires du droit, soit d'après la pensée qui préside au contrat, la cession d'un tableau entraîne d'elle-même la transmission des droits entiers de l'auteur, à moins d'une réserve qui devient alors la loi des parties, ou bien encore alors que déjà, par cession certaine, il se trouverait avoir disposé de ses droits de reproduction, parce que, dans cette dernière supposition, il se serait opéré un demembrement de la propriété qui serait acquise à un tiers, et que l'acheteur serait tenu de respecter, l'auteur ayant consommé l'exercice de son droit ;- Attendu enfin que, si un doute pouvait s'élever, il devrait encore, dans l'espèce, s'interpréter contre l'auteur, puisqu'aux termes de l'art. 1602 c. civ., toute stipulation ambigue s'explique contre le vendeur;

» En fait, attendu que les débats constatent qu'il est d'ailleurs établi que la liste civile impériale était propriétaire du tableau représentant la bataille des Pyramides, que le baron Gros avait exécuté par son ordre ; que l'exécution de ce tableau, considérée comme cession, a eu lieu sans réserve; que du moins rien n'établit que le haron Gros se soit conservé le droit de reproduire son œuvre par la gravure, ni autrement; que le tableau dont il s'agit a été livré à la liste civile, qui en est restée en possession jusqu'en 1814, qu'ainsi la proprieté dudit tableau est définitivement passée dans les mains de la liste civile, aux termes des art. 1141 et 1583 c. civ., combinés entre eux; Attendu que, d'après les lois qui régissent les biens meubles et immeubles dépendant de la liste civile, ces biens sont inalienables et imprescriptibles: d'où il suit que le tableau dont est question, quo que passé momentanément en la possession du général Bertrand ou du baron Gros, n'a pas cessé d'appartenir à la liste civile; qu'ainsi, devenue proprietaire sans réserve aucune, la liste civile seule se trouvait avoir le droit exclusif de reproduire le tableau, droit qu'elle a toujours conservé,-Attendu, il est vrai, que Vallot produit un traité intervenu entre lui et le baron Gros, sous la date du 25 mai 1833, qui lui transmet le droit de rep oduire par la gravure le tableau des Pyramides; mais que ce traité ne peut être opposó à la liste civile, devenue propriétaire absolue du tableau, le baron Gros ayant disposé d'un droit qui n'était plus entre ses mains; qu'à supposer même que, contrairement à tous les principes qui régissent les biens de la liste civile, ce tableau eût cessé momentanément de lui appartenir et qu'il eût fail retour en ses mains, il est encore évident que le traité de 1833 ne serait d'aucune valeur à l'égard de la liste civile, puisque ce traité n'aurait pour elle de date certaine que par le décès du baron Gros, arrivé à la fin de 1835 et à une époque où depuis près de deux ans ce tableau était en la possession exclusive de la liste civile; - ALtendu que de tout ce qui précède, il résulte qu'en fait la cession du tableau a eu lieu sans réserve; que dès lors la liste civile se trouve substituée dans tous les droits du baron Gros, et qu'à elle seule appartient la faculté de le faire reproduire; d'où la conséquence que Gavard, étant autorisé par elle à reproduire ce tableau, avait un droit légitime dont Vallot et la baronne Gros ne pouvaient se plaindre. »

Appel. Arrêt confirmatif de la cour de Paris, du 22 avril 1841, ainsi conçu: :— « Considérant que si la loi du 19 juill. 1793 confère au peintre qui a fait un tableau le droit de le reproduire par la gravure ou de toute autre manière, et d'en céder la propriété en tout ou en partie, ce droit ne lui appartient qu'autant qu'il en use pendant qu'il en reste propriétaire ou qu'il se l'est réservé en vendant ledit tableau; Qu'en effet, par la vente sans réserve qu'il fait de son tableau, il en

(V. notre observ. D. P. 42. 1. 297). Pour bien comprendre la portée transmet à l'acheteur la propriété pleine et entière, avec tous les droits et avantages directs et indirects qui s'y rattachent; -Considérant qu'il est établi qu'en 1809, Gros fut chargé par le sénat de faire, pour la salle de ses séances, le tableau représentant la bataille des Pyramides, et qu'il le livra au mois de nov. 1810, moyennant le prix convenu, et sans se réserver le droit de le graver- Considérant qu'une ordon.. nance du 4 juin 1814 réunit au domaine de la couronne tous les biens composant la dotation du sénat, et que la loi du 8 nov. de la même année attribua à la liste civile les biens de ce domaine, qu'elle déclara inalienables ;-Que si, pendant quelque temps, le tableau avait disparu du lieu où il était placé, la liste civile n'avait cessé d'en être propriétaire, puisque l'aliénation n'avait pu en être faite valablement; Considérant qu'il est établi que Gros n'a cédé à Vallot, son élève, le droit de graver la bata lle des Pyramides que longtemps après la vente et la livraison qu'il avait faites du tableau; d'où il suit qu'il n'avait pu céder le droit de gravure qu'il n'avait plus lui-même ; Confirme.» Pourvoi.-Arrêt.

LA COUR; Vu les art. 1 et 2 de la loi du 19 juill. 1793, et l'art. 425 c. pén.;- Attendu que la loi spéciale, celle du 19 juill. 1793, règle les droits des auteurs et des peintres ;-Qu'il est dit dans l'art. 1 de cette loi que les peintres et dessinateurs qui feront graver des tableaux ou dessins, jouiront, durant leur vie entière, du droit exclusif de vendre, faire vendre, distribuer leurs ouvrages dans le territoire de la République, et d'en céder la propriété en tout ou en partie; que cette loi établit donc en principe que la vente d'un tableau n'emporte le droit de le reproduire par un art distinct, celui de la gravure, qu'autant que le peintre a cédé ce droit par une stipulation particulière ; · Attendu qu'il est constant, en fait, d'après l'arrêt attaqué, que le baron Gros avait cédé au sieur Vallot le droit de graver le tableau de la bataille des Pyramides; que, dès lors, nul autre que le sieur Vallot, ne pouvait sans son autorisation, graver ce même tableau; qu'il en était de même, quant aux ajoutés exécutés plus tard, à l'égard desquels la dame Dufresne, à qui on n'a pas contesté la qualité de femme commune en biena et d'usufruitière des biens de son mari, le sieur Gros, avait les mêmes droits qu'aurait eus le baron Gros lui-même, notamment celui de gravure non aliéné par aucun d'eux ; que néanmoins le sieur Gavard a publié une gravure comprenant le tableau primitif et les ajoutés sans en avoir obtenu l'autorisation, soit du sieur Vallot, soit de la dame baronne Gros; qu'il avait donc encouru les peines applicables au contrefacteur, tandis que l'arrêt attaqué l'a renvoyé de cette plainte, sur le motif que la vente d'un tableau emporte nécessairement la cession du droit de le graver; que par là, ledit arrêt a violé l'art. 1 de la loi du 19 juill. 1793, et l'art. 425 c. pén.; Casse.

Du 23 juill. 1841.-G. C., ch. crim.-MM. Crouseilhes, pr.-Romiguières, rap.

Sur le renvoi des parties devant la cour d'Orléans, madame Gros et M. Vallot conclurent subsidiairement à ce qu'il fût déclaré : 1o que la propriété du tableau exécuté pour le sénat, reposant sur la tête du général Bertrand, au moment où il en avait autorisé la gravure, le droit de gravure en était détaché, lorsque ce tableau fut remis à la liste civile en 1855; 2o que les ajoutés du tableau n'étant pas encore terminès au moment du décès du baron Gros, n'ayant été achevés et livrés qu'après sa mort, le droit de gravure, qu'il avait expressément cédé à Vallot, ne pouvait être presumé tacitement transmis à la liste civile. -15 déc. 1841, arrêt de la cour d'Orléans qui s'écarte de la doctrine de la chambre criminelle et rejette les conclusions principales et subsidiaires des demandeurs, en ces termes : « Sur la question principale, adoptant les motifs des premiers juges: Attendu, en outre, que l'on concevrait difficilement un droit légal de reproduction existant au profit de l'auteur et dont néanmoins l'exercice demeurerait presque toujours subordonné à la volonté de l'acheteur, celui-ci ne pouvant jamais être contraint de mettre à la disposition du vendeur l'ouvrage qu'il a acheté ; — Attendu enfin que l'on ne saurait rien induire de l'art. 3 de la loi de 1793, qui prononce au profit des peintres et des dessinateurs la confiscation des exemplaires gravés sans la permission formelle et par écrit des auteurs; qu'en effet, cet article dispose, pour le cas où le peintre transmet isolement le droit de gravure indépendant de la propriété du tableau, la permission écrite étant alors le seul moyen de transmission d'un droit non susceptible de tradition corporelle; -Sur les conclusions subsidiaires : Attendu que le tableau: Bonaparte avant la bataille des Pyramides faisait partie des biens composant la dotation du sénat; que ces biens, réunis au domaine de la couronne, par l'ord. du 4 juin 1814, sont entrés, par la loi du 8 nov. suivant, dans la constitution de la liste civile de Louis XVIII et ultérieurement dans celle du roi actuel; qu'ils sont ainsi devenus inaliénables et imprescriptibles; que, dès lors, la détention momentanée du général Bertrand, et surtout celle précaire de Gros, n'ont pu établir, en faveur de ce dernier, un droit de propriété l'autorisant à céder à Vallot la faculté de reproduire, au moyen de la gravure, le tableau dont il s'agit. » →→ - Nouveau pourvoi. —Arrêt (après dél. n ch. du cons.).

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