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Imprimer en France les ouvrages publiés à l'étranger (Paris 8 déc. 1853, aff. Topfer, D. P. 54. 2. 25).-Cet arrêt nous paraît équitable et conforme aux principes. La publication faite par l'éditeur français, en France, sans le consentement de l'auteur étranger du livre publié par celui-ci à l'étranger, ne pouvait lui assurer la propriété de cet ouvrage. Il n'y avait à cet égard aucun droit acquis, et, dès lors, cet éditeur ne pouvait opposer à l'application du décret le principe de la non-rétroactivité. Seulement, on ne pouvait empêcher qu'il n'achevât de vendre l'édition qu'il avait faite avant le décret, car, d'une part, aucun texte de loi ne l'empêchait de publier en France l'ouvrage étranger, et, d'après la jurisprudence, l'auteur étranger aurait pu, en opérant le dépôt de son ouvrage, s'en assurer la propriété en France; s'il ne l'a pas fait, les éditeurs avaient le droit de faire ce que leur permettait alors le droit commun. Nous disons alors, car maintenant les écrivains étrangers ont absolument les mêmes droits que les auteurs français, et lors même qu'ils ne rempliraient pas la formalité du dépôt, ils n'en conserveraient pas moins la propriété exclusive de leurs œuvres, même en France. En effet, il ne faut pas oublier que ce n'est pas du dépôt que résulte la propriété, et qu'il n'est nécessaire que pour poursuivre le contrefacteur.

On avait voulu soutenir dans l'intérêt des éditeurs français que l'auteur étranger, en s'abstenant avant le décret de 1852, de faire le dépôt en France, en avait abandonné la propriété. Cela ne pouvait se soutenir. On ne peut pas présumer facilement la renonciation à un droit de propriété, et d'ailleurs on comprend que la jurisprudence seule donnant ce droit aux étrangers, ils aient craint des procès et des difficultés. Tout ce qu'on a pu conclure, nous venons de le dire, de leur abstention, c'est que les éditeurs français avaient pu sans se rendre coupables de contrefaçon publier l'ouvrage étranger.

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329. Nous venons de voir que l'auteur étranger ne pouvait s'opposer à ce que l'édition de son ouvrage publiée avant le décret de 1852 ne s'écoulât, et qu'une nouvelle édition seule pouvait entraîner le délit de contrefaçon; mais il peut y avoir lieu d'examiner quand il y a eu ou non une nouvelle édition. C'est une question de fait, et à cet égard, des difficultés peuvent se présen (1) Espèce: (Michaud C. Chaumerot.) Anet de Cléry, valet de chambre de Louis XVI, qu'il suivit dans la prison du Temple, publia en Angleterre un ouvrage intitulé: Journal de ce qui s'est passé à la tour du Temple pendant la captivité de Louis XVI, roi de France. Cléry se retira en Allemagne quelques années après. Il y mourut en 1809. Il a laissé deux filles. Le 28 juil. 1814, les sieurs Gaillard et Grem, gendres de Cléry, cèdent à Chaumerot la propriété du journal de leur beau-père. Le 17 sept. de la même année, Patris, imprimeur, fait la déclaration au ministère de la police générale, à l'effet de reimprimer cet ouvrage pour Chaumerot.-L'ouvrage est réimprimé ; Chaumerot en dépose deux exemplaires à la bibliothèque royale pour s'assurer le droit de poursuite contre tout contrefacteur. 19 oct. 1816, annonce de l'ouvrage dans le Journal de la Librairie. Quelques jours après, annonce dans tous les journaux. L'ouvrage eut du succès, Michaud, libraire, crut pouvoir le réimprimer à son tour. Le 21 juin 1817, annonce de son édition dans le Journal de la Librairie, sous le titre d'Histoire de la captivité de Louis XVI et de la famille royale, tant à la tour du Temple qu'à la conciergerie.

Plainte en contrefaçon par Chaumerot. Saisie de l'ouvrage contrefait dans les magasins de Michaud, où l'on ne trouva que trente-un exemplaires, quoique l'édition eût été tirée à mille. Michaud est poursuivi devant le tribunal correctionnel de la Seine. Le 26 août 1817, jugement qui, « Attendu que le sieur Cléry, par la composition de son ouvrage intitulé: Journal de ce qui s'est passé à la tour du Temple pendant la captivité de Louis XVI, roi de France, en est devenu propriétaire ; que lu de son vivant, et ses héritiers après son décès, ont eu un droit exclusif à cette propriété pendant le temps détermine par la loi ; que le sieur Cléry n'avait pas abdiqué ses droits avant son décès, soit en publiant son ouvrage à Londres, parce qu il était maître de le publier où bon lui semblait, soit en souffrant la publication en France, parce qu'une simple tolérance ne peut être considérée comme une renonciation à un droit acquis; que du moment où ses héritiers ont fait connaitre leurs droits par les voies légales, et à compter de ce moment, ils ont dû jouir de la plenitude de leurs droits, qu'eux, ou le sieur Chaumerot, leur cessionnaire, les ont fait connaître en 1816, en déposant dans les lieux déterminés le nombre d'exemplaires prescrit, en remplissant les formalités prescrites; que c'est en 1816 que le sieur Chaumerot a fait imprimer et publier l'édition de l'ouvrage dont il s'agit; et que c'est en 1817 que le sieur Michaud, malgré les droits acquis audit sieur Chaumerot et la

ter. C'est aux tribunaux de prononcer.-Il a été jugé que l'on doit considérer comme nouvelle édition, entraînant les peines de la contrefaçon, un tirage nouveau, fait sur clichés, mais postérieurement au décret et au dépôt, alors surtout que ce nouveau tirage n'avait eu lieu qu'au moyen du remaniement de ces clichés (établis antérieurement au décret de 1852), avec changement de format et addition de gravures, l'éditeur ayant, d'ailleurs, pleine connaissance de la cession faite par l'auteur étranger, ou sa veuve, à un autre éditeur du droit de publier l'ouvrage (Paris, 8 déc. 1853, aff. Barba, D. P. 54. 2. 25).—On voit que, dans l'espèce, les clichés avaient été remaniés, mais nous pensons que la décision aurait dû être la même, lors même qu'ils ne l'auraient pas été. En effet, l'éditeur français ne pouvait pas à l'aide de clichés s'assurer ainsi d'une manière presqu'indéfinie l'ouvrage de l'étranger. Mais il nous semble que si les clichés avaient été faits de bonne foi, la valeur devrait en être remboursée par l'auteur.

CHAP. 7. DE LA CONTREFAÇON EN MATIÈRE D'ÉCRITS ET D'OEUVRES D'ART.

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330. « Toute édition d'écrits, de composition musicale, de dessin, de peinture, ou de toute autre production imprimée ou gravée en entier ou en partie, au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, est une contrefaçon, et toute contrefaçon est un délit » (c. pén. 425). — « Le debit d'ouvrages contrefaits, l'introduction sur le territoire français d'ouvrages qui, après avoir été imprimés en France, ont été contrefaits chez l'étranger, sont un délit de la même espèce » (c. pén. 426). · Quant à l'auteur français qui fait imprimer son ouvrage en pays étranger, il a été jugé qu'il ne renonce pas pour cela à l'exercice de son droit d'auteur en France. Ainsi, lorsque, pour l'exercice de son droit, l'auteur, ses héritiers ou cessionnaires font réimprimer en France un ouvrage qu'ils avaient d'abord publié en pays étranger, et remplissent les formalités prescrites pour s'en assurer la vente exclusivement en France, le libraire qui, postérieurement, fait imprimer cet ouvrage, se rend coupable de contrefaçon (Crim. rej. 30 janv. 1818) (1).

331. User d'un ouvrage appartenant au domaine d'autrui, connaissance qu'il en avait ou a pu en avoir, a publié l'ouvrage dans lequel il a inséré l'écrit; déclare le sieur Michaud coupable du délit à lui imputé et prévu par les art. 425, 427 et 429 c. pén.; en conséquence et conformément auxdits articles, condamne, par corps, Michaud à 100 fr. d'amende, ordonne que l'édition de l'ouvrage dont il s'agit, intitulé: Histoire de la captivité de Louis XVI et de la famille royale, tant à la tour du Temple qu'à la conciergerie, et dans lequel est inséré l'ouvrage intitulé Journal de Cléry, sera et demeurera confisqué; condamme Michaud à payer en outre, par corps, audit Chaumerot, la somme de 1,000 fr. à titre de dommages-intérêts; aux intérêts, à compter du jour de la plainte; le condamne en outre aux dépens. Ordonne que les exemplaires saisis seront remis au sieur Chaumerot. Appel et appel inci-25 nov. 1817, arrêt de la cour de Paris, qui adoptant les motifs des premiers juges, confirme. »

dent.

Pourvoi de la part de Michaud pour violation des principes du droit des gens et des dispositions de la loi du 19 juill. 1793, et de la part de Chaumerot pour violation de l'art. 429 c. pén. La jurisprudence, dit Michaud, a déjà consacré ce principe, que la propriété littéraire n'existe réellement pour un auteur que dans le pays où il a imprimé son ouvrage; les lois d'ailleurs en général ne peuvent protéger que dans les limites de leur autorité, et nos lois ne peuvent pas plus frapper la réimpression d'un ouvrage imprimé hors de France, qu'elles ne protégent leurs imprimés en France, contre la contrefaçon qui s'en ferait hors de pays étranger. Mais un auteur qui imprime en pays étranger une première édition de son ouvrage, jouit-il en le réimprimant plus tard en France des avantages accordés par la loi de 1793? La solution de cette question doit être differente selon que l'ouvrage imprimé ou manuscrit est encore entre les mains de l'auteur, ou qu'il a été livré au commerce... Dans le premier cas la propriété de l'auteur est entière; dans le second, un exemplaire n'en a pas plus tôt été vendu, que l'acquéreur jouit du droit absolu d'en disposer à son gré, de le copier, de le faire réimprimer, il jouit dans toute sa plénitude de la libre faculté qui appartient à chaque peuple de profiter des productions littéraires des peuples voisins; la propriété littéraire, en effet, a des bases essentiellement différentes du droit de propriété proprement dit; celui-ci dérive de la nature même des choses, l'autre, justement qualifié autrefois de privilége, n'a d'existence que parce qu'il est créé par la loi, et sous les conditions qu'elle prescrit ; or, la première de ces conditions est que l'auteur réclame ce privilége, et, dans l'espèce, non-seulement l'auteur ne l'a point réclamé, mais il y a

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ment préjudice à sa propriété, c'est à raison de ce préjudice que le plagiat prend les caractères de la contrefaçon prévue par la loi et punie d'une peine correctionnelle. Au contraire, toutes les fois que le plagiat ne fait aucun tort à la propriété de l'auteur, que le second ouvrage ne peut, sous ce rapport, faire aucun préjudice au débit du premier, la question du simple plagiat n'est plus du ressort des tribunaux. Le public et les journaux rendront justice au mérite du premier auteur, on dira et on imprimera que dans tel ou tel endroit, le second auteur n'a fait que copier littéralement ou servilement son devancier... Mais il me semble que les tribunaux ne sont pas appelés à se mêler de toutes ces contestations littéraires. Il leur appartient de maintenir la propriété de l'auteur; mais sa réputation dans la république des lettres, sa renommée comme auteur est abandonnée à sa propre défense... Les journaux littéraires sont le champ de bataille, et les armes que peuvent employer ceux qui n'aiment pas une discussion sérieuse, sont la satire et le persiflage...» (V. Merlin, Rép., vo Pla giat, no 2). — Il a été jugé que, quoique des plagiats peu considérables ne doivent, en certains cas, être justiciables que de la critique littéraire, ils peuvent cependant, suivant leur importance et leur étendue relativement à l'ouvrage, constituer le délit de contrefaçon; et spécialement, que des plagiats nombreux, consécutifs et serviles, en ce qu'ils présentent une copie presque complète de partie d'un ouvrage (onze chapitres d'un seul roman dans une traduction des ouvrages de Walter-Scott), sont une con

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un autre format; et que cette décision est applicable à une traduction comme à un ouvrage original (Paris, 1er mars 1830) (1). -V. aussi Orléans, 10 juill. 1854, aff. Thoisnier-Desplaces, D. P.

55. 2. 157.

comme s'il était dans notre domaine propre ou dans le domaine public, en d'autres termes, usurper en tout ou partie la propriété d'un auteur, c'est se livrer à une contrefaçon. Ce mot désigne tout à la fois l'acte de contrefaire et le produit de cet acte. Pour éviter la confusion résultant de l'application que font les lois et les auteurs du mot contrefait, tant à l'ouvrage copié qu'à celui par lequel s'opère la contrefaçon, il convient, comme le propose M. Renouard, de ne se servir du mot contrefait que pour exprimer le sens passif, et d'employer le mot contrefaisant pour le sens actif. Ce mot est, d'ailleurs, entré dans le langage de la loi.-V. décret du 31 mars 1852, art. 2. 332. Il ne faut pas confondre avec la contrefaçon l'imitation ou le plagiat. Non-seulement la loi pénale n'atteint pas l'imitation, mais l'imitation est souvent avouée par le goût. Nous la voyons dans Racine et dans Corneille égaler les originaux. Lors même qu'elle affaiblit le modèle, c'est toujours une œuvre de l'esprit qui ne relève que de la critique. Le plagiat est le vol littéraire. Le plagiaire publie sous son nom le travail d'autrui. Il veat s'attribuer une gloire qui ne lui appartient pas. Il est avant tout soumis au ridicule et au mépris : « Un paon muait, un geai prit son plumage... » — La loi russe punit le plagiaire (c'est-à-dire celui qui publie sous son nom l'ouvrage d'autrui) de la privation des droits civiques, de la fustigation et de la déportation en Sibérie. Chez nous, la loi est moins sévère, elle n'atteint le plagiaire que quand sa fraude cause un préjudice matériel à l'auteur, alors il devient contrefacteur. C'est ce que M. Da-trefaçon, quoique la nouvelle traduction de l'ouvrage soit dans niels a expliqué avec précision dans l'affaire Malte-Brun. << La conservation de la propriété littéraire, a dit cet éminent jurisconsulte, est le principal objet de la loi, il n'entrait pas dans le plan du législateur de s'occuper également de la célébrité de l'auteur. Lorsqu'on a pillé son ouvrage, et que cette entreprise fait réelleformellement renoncé par le fait de la publication et de la vente de son ouvrage en pays étranger, et l'arrêt qui frappe celui qui l'a imprimé, comme contrefacteur, a manifestement viole et faussement appliqué la loi de 1793. Vainement dit-on que la réimpression n'a eu lieu que lorsque le cessionnaire des héritiers de l'auteur avait rempli les formalités voulues par la loi française, pour constater sa propriété et s'en assurer la jouissance exclusive; les héritiers de l'auteur décédé n'ont-ils pu ressaisir un droit que ce dernier avait perdu sans retour par la publication faite en pays étranger? publication qui a fait entrer son ouvrage en France dans le domaine public, où le maintient l'ordre public auquel il n'appartient à personne de déroger.-Sans doute, répondait Chaumerot, la propriété littéraire est subordonnée aux conditions prescrites par la loi qui en consacre le droit, et la publication d'un ouvrage en pays étranger, le jette dans le domaine public aussi longtemps que l'auteur n'a point constaté sa propriété en France; et jusque-là, chacun a eu le droit de faire la réimpression de cet ouvrage. Mais si, prévenant tout contrefacteur, l'auteur, remplissant les formalités prescrites par la loi de 1793, vient réclamer la garantie et les avantages accordés par cette loi, rien ne s'oppose à ce qu'il y soit maintenu; soutenir le contraire, serait créer une déchéance que repoussent à la fois la raison, les termes et l'esprit de la loi de 1793. L'arrêt attaqué, dit Chaumerot, en a donc sous ce rapport fait une juste application. Mais en est-il de même relativement aux dommages-intérêts alloués. Ici, dit le défenseur de Chaumerot, l'arrêt attaqué a violé l'art. 429 c. pén. : 1° en ce qu'il n'ordonne pas que les exemplaires confisqués lui fussent remis malgré la disposition formelle de l'art. 429; 2° en ce que, contrairement aux termes de cet article, portant que les dommages-intérêts seront réglés par les voies ordinaires, la cour, au lieu de nommer des experts pour evaluer les dommages-intérêts, les a elle-même arbitrés; 3° en ce que le produit de la vente faite de l'édition contrefaite n'a pas été alloué à Chaumerot. Les moyens du défendeur sont reproduits par l'arrêt.-Arrêt. LA COUR; - Statuant, en premier lieu, sur le pourvoi de Michaud; -Attendu que l'arrêt dénoncé n'a ni violé ni faussement appliqué la loi du 19 juill. 1793, ni les autres lois sur les propriétés littéraires, en jugeant que Cléry avait pu faire imprimer son journal à Londres, et, par suite, tolérer qu'il en circulât des exemplaires sur le territoire francais, sans être réputé, pour cela, avoir renoncé à l'exercice de son droit d'auseur en France, conformément aux lois françaises;-Attendu que, pour exercer ce droit, les héritiers Clery ont vendu leur manuscrit à Chaumerot en 1814; que celui-ci, devenu cessionnaire, l'a fait imprimer en 1816 et a rempli toutes les formali es prescrites pour lui en assurer la vente exclusi; que ce n'est que postérieuren: t, et en 1817, que Michaud, malgré la connaissance qu'il avait ou pouvait avoir de l'edition legale faite par Chaumerot, a fait imprimer le même ouvrage, et qu'il n'a pu faire cette réimpression sans porter atteinte aux droits du cessionnaire et sans être contrefacteur;-Attendu d'ailleurs que la procédure est régulière, rejette le pourvoi de Michaud et le condamne à 150 fr.

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333. Du reste, la question de savoir si le plagiat doit être d'amende envers le trésor public; - Statuant, en deuxième lieu, sur le pourvoi de Chaumerot:-Attendu, sur le premier moyen, que l'indemnité due aux auteurs ou à leurs cessionnaires, en cas de contrefaçon, est réglée par l'art. 429 c. pén.; que, conformément à icelui et à l'art. 427, le jugement confirmé par l'arrêt ordonne que les trente-un exemplaires saisis et confisqués seront remis à Chaumerot; - Attendu que, suivant le même article, le surplus de l'indemnité devait être arbitré par les voies ordinaires, que ces expressions n'imposaient point aux juges l'obligation d'ordonner une expertise, et que, d'après les renseignements pris dans les pièces du procès, ils ont pu se dispenser de l'ordonner sans donner ouverture à cassation ;-Attendu, sur le deuxième moyen, que l'arrêt se trouve suffisamment motivé par l'adoption des motifs du jugement de première instance, sur lesquels il s'est fondé pour rejeter les deux appels; d'après ces motifs et vu la régularité de la procédure;-Rejette, etc.

Du 30 janv. 1818.-C? C., sect. crim.-MM. Barris, pr.-Lecoutour, rap.

(1) (Aubrée et autres C. Gosselin.) - LA COUR; Considérant que Charles Gosselin, libraire-éditeur, a fait imprimer, et a publié en 1818, dans le format in-12, une traduction, faite par Defaucon pret, du roman anglais d'Ivanhoé, de Walter Scott; que, postérieurement à la publication de cette traduction, Armand Aubrée, comme éditeur, Rignoux, comme imprimeur et Albert Montémont, en qualité de traducteur, ont imprimé, publié et mis au jour, en 1829, dans le format in-8° et dans le format in-18, une traduction du même roman (d'Ivanhoé); que cette traduction renferme, dans les onze premiers chapitres, une copie servile, presque complète, de la traduction de Defauconpret, publiée par Gosselin; que la preuve de ce fait résulte de la reproduction, dans la traduction prétendue. faite par Albert Montémont, de fautes de typogra→ phie et de non-sens qui se sont glissées par erreur dans la traduction publiés par Gosselin ; qu'elle résulte encore de ce que la prétendue traduction faite par Montémont a copié sur celle de Defauconpret un second titre, le Retour du Croisé, lequel ne se trouve pas dans le titre de l'original anglais; que, s'il existe dans les onze premiers chapitres de la traduction dont il s'agit quelques légères dissemblances entre la traduction de Montémont et celle de Defauconpret, les changements opérés ne déguisent que d'une maniere imparfaite les plagiats importants, nombreux et consécutifs qui se trouvent dans la prétendue traduction de Montémont; que si des plagiats peu considérables doivent, dans certains cas, n'être justiciables que de la critique littéraire, ils peuvent aussi, suivant leur importance, leur étendue, relativement à l'ouvrage dans lequel ils ont été pris, constituer le délit de contrefaçon prévu par la loi ; Considérant, en fait, que les plagiats nombreux, consécutifs et serviles, existant dans les onze premiers chapitres de la prétendue traduction par Albert Montémont, pris dans la traduction par Defauconpret, ne sont autre chose qu'une copie déguisée d'une partie notable, consécutive et importante de cette traduction, et forment environ le quart de l'ouvrage; que, par conséquent, cette copie constitue le délit de

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considéré comme contrefaçon ou non, est plutôt de fait que de droit. Décidé que la décision des juges qui ont statué sur ce point est à l'abri de la censure de la cour de cassation (Crim. rej. 3 juill. 1812, aff. Dentu, V. no 339. Conf. Crim. cass. 24 mai 1845, aff. Muller, D. P. 45. 1. 272).

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334. Est-il nécessaire, pour constituer le délit de contrefaçon, qu'il y ait eu intention de contrefaire? L'affirmative ne paraît pas douteuse. La contrefaçon est un délit, et l'on ne peut commettre un délit sans intention de nuire. Mais on dit, pour -la négative, que les droits des auteurs sont souvent contestés, et que la garantie qu'a voulu leur donner la loi, en érigeant en infraction la violation de leur propriété, demeurerait illusoire, si l'exception de bonne foi pouvait être admise. En effet, le contrefacteur soutient toujours dans le débat qu'il n'a pas violé le privilége de l'auteur, il conteste la propriété, et souvent il peut n'avoir agi que par erreur sur son droit, et avec la conviction sincère de n'être point dans l'erreur. La question intentionnelle ne peut être posée que pour l'application de l'amende (M. Renouard, t. 2, no 6). Ces raisons ne sont pas sans force, mais elles doivent céder au principe qu'il n'y a pas de criminalité sans intention de nuire. — Est-il, d'ailleurs, si à craindre dans la pratique que les tribunaux accueillent trop souvent l'exception tirée de la bonne foi? Il ne suffit pas que le contrefacteur conteste ce droit pour qu'il soit considéré comme ayant agi de bonne foi. Les magistrats savent bien si la contestation est sérieuse, ou si elle a été soutenue par la déloyauté. En réalité, les tribunaux ne peuvent pas être taxés de faiblesse sur ce point, et ils se sont toujours montrés soigneux de protéger par des condamnations sévères les droits des auteurs. N'oublions pas, au reste, que dans le cas où l'exception de bonne foi est admise, il reste à l'auteur une action contrefaçon partielle dudit ouvrage;-Par ces motifs, a mis et met l'appellation au néant, et condamne Aubrée, Rignoux et Montémont, etc. Du 1er mars 1830.-C. de Paris, ch. corr.-M. Dehaussy, pr.

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(1) Espèce (Marin et Prina C. Mac-Carthy.)-Marin et Prina ont vendu à M. Mac-Carthy, deux beaux meubles en ébène avec ornements en mosaïque et en bronze doré. Ce dernier veut en faire confectionner deux autres semblables, mais n'ayant pu parvenir à s'entendre avec ceux-là sur les conditions du marché, il s'adresse à un autre ébéniste, et, pour que les quatre meubles soient pareils, il fait contre-mouler les ornements de ceux qui étaient l'œuvre de Marin et Prina. - Ceux-ci poursuivent Mac-Carthy. Jugement correctionnel de la Seine qui decide qu'il n'y a pas délit de contrefaçon imputable à Mac-Carthy, par le motif que le contre-moulage n'a pas été opéré dans un but de spéculation. —Appel. Arrêt. LA COUR; Considérant que le délit de contrefaçon consiste, aux termes de l'art. 425 c. pén., dans la reproduction, avec une intention frauduleuse, de l'œuvre d'autrui, au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs; que la loi n'exige pas que le contrefacteur agisse dans un but de spéculation et pour faire concurrence commerciale à l'auteur; que son vou, au contraire, est de garantir la propriété contre toutes les atteintes qui peuvent lui être portées; Mais considérant, en fait, que, si Mac-Car hy a contre-moulé ou fait contremouler un ob et d'art sortant des magasins de Marin et Prina, il résulte néanmoins des faits et circonstances de la cause que Mac-Carthy a agi de bonne foi, et sans intention de nuire auxdits Marin et Prina; - Par ces motifs, confirme.

Du 14 juill. 1838.-C. roy. de Paris, ch. corr.-M. Lechanteur, pr. (2) Espece :-(Léna C. P... et M...)-Le 23 sept. 1824, jugement du tribunal correctionnel de la Seine, atusi conçu :-« Attendu qu'à la vérité il résulte de l'instruction et de l'aveu mème de P... et M..., qu'ils ont contremoulé deux statues de Cartellier, appartenant à Léna, et représentant la Jeunesse et la Santé; mais attendu qu'il est suffisamment établi que l'un et l'autre a agi de bonne foi; que P... ayant trouvé les moules de ces statues parmi les objets composant le fonds de la dame R..., qu'il a acheté le 19 sept. 1819, a pu se croire autorisé à en faire usage, Duisqu'au moment où la réclamation formée par Léna lui a fait reconmaitre ses droits, il s'est empressé de les reconnaître; que la même excuse s'applique à M... aîné, qui, depuis quinze ans, a vu mouler ces tatues par son frère, et les a moulées lui-même, sans réclamation, 'jusqu'à la plainte de Léna; qu'ayant agi sans intention frauduleuse, il n'y a pas de délit. Le tribunal les renvoie de la plainte, leur donne acte de leur consentement; ordonne, que, suivant leurs offres, les moules et statues saisis chez eux seront remis à Léna, et les condamne aux dépens. » Appel par Léna. - Arrêt.

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LA COUR;- Adoptant, etc; met l'appel au néant.

Du 26 fév. 1825.-C. de Faris, ch. corr.-M. Titon, pr. (3) (Leroux C. Simon et Lemarchand.)- LA COUR; Attendu qu'il résulte de l'expédition d'un contrat, délivrée en forme probante, que

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en indemnité qui garantit également ses intérêts. Il n'y a donc pas de nécessité de faire fléchir le principe (Rauter, Tr. du dr. crim., t. 2, no 561; Chauveau et Hélie, t. 7, p. 596; Et. Blanc, no 196).--Il y aurait, en outre, la plus grande injustice à n'admettre dans aucun cas l'exception de bonne foi; on n'a qu'à consulter, pour s'en convaincre, un arrêt qui a jugé qu'il n'y a pas lieu de prononcer une peine contre celui qui a contre-moulé ou fait contre-mouler un objet d'art, s'il résulte des faits de la cause qu'il a agi de bonne foi et sans intention de nuire (Paris, 14 juill. 1858) (1).Outre cet arrêt, il en est d'autres qui établissent que la jurisprudence a toujours reconnu que le délit de contrefaçon ne se constituait, comme tous les autres délits, que par l'intention de nuire à autrui. Ainsi jugé 1° que le mouleur qui a contre-moulé des statues en plâtre ne doit pas être, pour ce fait seul, considéré et puni comme contrefacteur. Il peut être excusé s'il a agl de bonne foi, dans la croyance que ces statues étaient dans le domaine public (Paris, 26 fév. 1825) (2); — 2o Que lorsque les premiers juges ont renvoyé le prévenu de contrefaçon, par le motif que le fait qui lui est imputé avait eu lieu sans intention de nuire, le tribunal d'appel qui, sur l'action de la partie civile, déclare que la contrefaçon a été nuisible en fait, et que les prévenus se sont rendus coupables de contrefaçon, constate suffisamment que devant la seconde juridiction l'intention a été différemment apprécice, et que le fait a été reconnu avoir tous les caractères d'un délit, susceptible, par suite, de donner ouverture à l'action civile (Crim. cass. 15 juin 1844, aff. Guerin, V. Instr. crim., n° 1001); - 3° Que la contrefaçon est un délit proprement dit, et non une simple contravention, et que cette infraction se compose, comme les autres délits, de deux éléments: la matérialité du fait et l'intention frauduleuse (Colmar, 26 fév. 1840) (3). la propriété du catéchisme à l'usage du diocèse de Strasbourg a été vendue, cédée et transportée par l'évêque au sieur François Hermann-Leroux, imprimeur-libraire en ladite ville, suivant acte notarié du 8 juill. 1826, dûment enregistré, et ce pour vingt années et moyennant un payement annuel de 1,000 fr.; Attendu que ce catéchisme rentre dans la classification générale des ouvrages dont s'est occupé le législateur dans les dispositions des art. 425, 426 et suiv. c. pén., dans le but de garantir la propriété des auteurs et de leurs ayants droit contre les entreprises des contrefacteurs; qu'ainsi la contrefaçon du catéchisme à l'usage du diocèse et le débit du produit de cette contrefaçon constituent des délits qui, comme tous les autres, se composent de deux éléments, la matérialité du fait et sa moralité;

Attendu qu'il est constant et avéré dans la cause, tant par la lettre de Sumon du 31 oct. 1839 à Leroux que par les réponses de Lemarchand, dans son interrogatoire devant le juge d'instruction, que depuis plusieurs années, et notamment dans les trois derniers mois de 1836, ils ont, le premier, imprimé le catéchisme dont s'agit, et le second débité le même ouvrage, débit qui s'est prolongé jusqu'au 12 oct. 1839, ainsi que le constate le procès-verbal du commissaire de police de Belfort, qui, le même jour, a saisi dans le magasin de Lemarchand treize exemplaires du catéchisme contrefait;

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Attendu que les faits matériels étant ainsi reconnus, il s'agit de rechercher s'il y a eu intention frauduleuse dans leur perpétration, ou si, comme l'ont décidé les premiers juges, il y a dans l'espèce absence d'intention coupable; Attendu qu'il résulte d'une lettre écrite par Leroux à Lemarchand, le 29 oct. 1827, qu'à cette époque ce dernier ne pouvait ignorer que le catéchisme dont s'agit ne fût la propriété du premier, puisque la lettre susdatée annonce à Lemarchand l'envoi de deux cents exemplaires de cet ouvrage; Attendu que si la correspondance invoquée par Lemarchand, pour justifier qu'il a agi sans intention frauduleuse, peut faire penser qu'il y a eu dans la conduite de l'évêché, à l'égard de Leroux, quelque chose d'équivoque et de peu net, elle n'est pas de nature à prouver que Lemarchand a dû croire que le catéchisme du diocèse n'avait plus de propriétaire, et qu'il fût tombé dans le domaine public, d'autant moins qu'il est constant que les exemplaires de cet ouvrage, que Lemarchand s'est procuré, soit chez Leroux, comme intermédiaire de l'évêché, soit chez la dame Decker, soit chez Reiffinger, de Colmar, portaient qu'ils avaient été imprimés chez la veuve Decker, et l'avertissement qu'elle poursuivrait le contrefacteur; d'où résultait la preuve que l'ouvrage avait un propriétaire, et qu'il était dans tous les cas du devoir de Lemarchand d'éclaircir son doute à cet égard s'il avait pu en concevoir; qu'ainsi, toutes les circonstances du procès doivent, non-seulement faire repousser ce que les premiers juges ont improprement appelé la bonne foi de Lemarchand; mais encore faire décider qu'il a été mû par une intention frauduleuse;

Attendu que cette intention ressort mieux encore, et d'une manière manifeste, de ce fait bien relevant, que Lemarchand qui a chargé Si

335. Il a été jagé qu'en matière de contrefaçon, la bonne foi des prévenus, fondée sur une erreur de droit notamment sur un arrêt antérieur décidant que dans une espèce semblable, il n'y avait pas contrefaçon, ne peut être admise par les tribunaux (Paris, 16 fév. 1843, aff. Bulla, no 409).

336. Remarquons que le fait matériel de la contrefaçon élève par lui-même, contre son auteur, une présomption de mauvaise foi, et entraîne condamnation si le prévenu ne fournit pas la preuve de sa bonne foi (Crim. cass. 24 mai 1855, aff. Thoisnier-Desplaces C. Duckett et autres).

337. Aux termes de la loi, le délit existe lors même que la contrefaçon a été partielle.

338. Mais il est évident cependant que la loi n'a pas voulu interdire aux auteurs le droit de faire connaître les pensées de leurs devanciers sur les sujets qu'ils traitent, et de citer textuellement des passages pour les discuter ou en appuyer leur opinion. - Le perfectionnement des sciences tient à cette faculté. - On ne saurait raisonnablement ni interdire aux ecrivains la citation de leurs devanciers, ni leur permettre de prodiguer les citations

mon de l'impression du catéchisme lui a nécessairement envové un des exemplaires imprimés en 1830, chez la veuve Decker, à Colmar, et portant aussi l'avertissement de poursuivre le contrefacteur, avertissement qui ne se trouve pas sur les catéchismes saisis chez Lemarchand, d'où la conséquence que cette omission n'a eu lieu que par suite de la recommandation du libraire à l'imprimeur Simon qui, en se conformant aux instructions de Lemarchand, a évidemment agi sciemment et dans une intention coupable, puisqu'il ne pouvait ignorer que le défaut d'indication du nom et de la demeure de l'imprimeur caractérisait un autre delit, à raison duquel il devenait passible de poursuites judiciaires;

Attendu que le soin et la précaution avec lesquels Simon évite dans ses lettres à Lemarchand, des 8 déc. 1836 et 8 janv. 1837 de parler explicitement du catechisme dont il s'agit, encore que ces lettres soient relatives à cet ouvrage qu'il désigne sous le terme générique de labeur, sont de nouveaux éléments qui prouvent qu'il a colludé avec Le marchand, et qui fortifient la culpabilité, tant de celui de qui elles émanent que de celui à qui elles sont adressées; Condamne, ordonne la confiscation, etc.

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Du 26 fév. 1840.-C. de Colmar, ch. cor.-MM. Poujol. pr. (1) Espèce :-(Darthenay C. Mesnier.) Le sieur Darthenay, sous prétexte de rendre compte de la Confession, roman nouveau que M. J. Janin venait de faire paraître, inséra dans les longues et larges colonnes de son immense journal, le Cabinet de lecture, cinq chapitres contenant l'exposition, le drame et le denoûment de cet ouvrage. Le sieur Mesnier, libraire, cessionnaire de la Confession de M. J. Janin, se plaignit en contrefaçon controle gérant du Cabinet de lecture, et le 8 juin 1830, un jugement du tribunal correctionnel de la Seine, statua en ces termes :

«Attendu que Darthenay a fait insérer dans son journal plusieurs chapitres du roman la Confession; que ces chapitres sont textuellement copiés sur ceux du roman, et remplissent quatre colonnes du journal le Cabinet de lecture; Attendu que le peu de lignes qui précèdent l'insertion des chapitres copiés, ne peut être considéré comme une critique approfondie, car cet article préliminaire parle de l'ensemble du roman, et que, si on remarque une critique de l'ouvrage, cette critique n'est que générale et ne se rapporte en aucune manière aux chapitres insérés dans ce journal; Attendu que le choix et la série des articles copiés forment un ensemble suffisant pour faire connaître la partie romanesque de l'ouvrage, et en font en quelque sorte un ouvrage complet; que, dès lors, la lecture des chapitres rapportés pouvant satisfaire la curiosité d'un grand nombre de lecteurs, les empêche de faire l'acquisition de l'ouvrage publié par Mesnier; qu'ainsi Darthenay s'est rendu coupable du délit de contrefaçon, etc. »

Appel par Darthenay qui soutenait, en droit, que le délit de contrefaçon n'était pas applicable aux journaux, auxquels on ne pouvait contester le droit de citer les passages des ouvrages dont ils rendent compte. -Arrêt.

LA COUR; Adoptant les motifs, etc.; met l'appel au néant, etc.
Du 15 juill. 1830.-C. de Paris, ch. corr.-M. Frasans, pr.

(2) Espèce: (Dentu C. Malte-Brun, etc.)-En 1803, Dentu acheta de Walckenaer la traduction de la géographie moderne de Pinkerton. En tête de cette traduction, publiée en 1804, il plaça un traité de géographie mathématique de Lacroix. A la même époque parut une autre géographie sous le nom de Mentelle et de Malte-Brun. Ce dernier publia encore en 1810 un Précis de la géographie universelle. Dentu prétendit avoir découvert dans cet ouvrage des plagiats, parmi lesquels on reconnaissait la majeure partie de l'introduction de Lacroix.

Il soutint aussi que, dans sa géographie publiée en 1810, MalteBrun avait fait entrer une notable partie de celle de Pinkerton. En con

textuelles outre mesure. C'est aux juges à apprécier s'il y a eu, ou non abus, c'est-à-dire, si, par leur étendue, les citations sont de nature à porter atteinte au débit de l'ouvrage cité, ou si, au contraire, ces citations, en raison de l'objet particulier de la publication dans laquelle elles se trouvent, ne lui sont pas plutôt profitables (Conf. M. Renouard, t. 2, p. 10). Ainsi, on a jugé qu'insérer textuellement, dans un journal quotidien ou hebdomadaire, plusieurs chapitres d'un ouvrage ou roman nouveau, de manière à présenter toute la partie romanesque ou dramatique, dans un ensemble assez complet pour satisfaire la curiosité de la plupart des lecteurs, et les empêcher d'acheter l'ouvrage, c'est commettre le délit de contrefaçon... alors, d'ailleurs, que la critique présentée dans le journal n'était que générale, et ne se rapportait pas aux chapitres copiés (Paris, 13 juill. 1830) (1).

339. Néanmoins, et suivant un arrêt réimprimer ou introduire littéralement, dans le cours d'un ouvrage en dix-neuf volumes, de nombreux passages d'autres auteurs, formant environ deux cent soixante-dix pages, ce n'est pas se rendre coupable de contrefaçon (Crim. rej., 3 juill. 1812) (2). Le même jour, la

Celui

séquence, il a porté plainte en contrefaçon contre Malte-Brun. ci répond que ni dans le titre ni dans le plan de son ouvrage, il n'existe la moindre identité avec celui de Dentu; qu'enfin aucune partie distincte n'en est reproduite. Qu'ainsi il n'y a ni contrefaçon proprement dite ni de contrefaçon partielle dans le sens de la loi du 19 juill. 1793 ou des lois postérieures sur la matière. Le plagiat d'ailleurs, ajoutet-il, est un acte entièrement différent de la contrefaçon. Le contrefacteur viole des règlements de commerce, le plagiaire contrevient aux principes littéraires, le premier blesse toujours les intérêts pécuniaires des libraires, le deuxième ne blesse l'amour-propre des auteurs que lorsqu'il porte sur les véritables productions du génie et du savoir. Mais que restera-t-il de la plainte du sieur Dentu, lorsqu'il est démontré que le plagiat dont il se plaint ne roule que sur des démonstrations que tout le monde a données, sur des figures qui se trouvent gravées en vingt ouvrages. Au surplus il n'y a même pas plagiat, l'auteur a dit ouvertement: « nous allons emprunter aux astronomes et aux géomètres les notions élémentaires... » Où est, dès lors, la pensée même de s'attri buer ces passages? Le nom de M. Lacroix aurait dû être cité trente fois au lieu de trois, et c'est sur une omission aussi indifférente, même sous le point de vue littéraire, qu'on ose baser une plainte en contrefaçon! 31 déc. 1811, jugement en ces termes : « En ce qui touche la plainto en contrefaçon portée par Dentu contre Malte-Brun, et par suite contre Buisson, Laporte, Tardieu et autres : Attendu que, pour qu'il y eût contrefaçon même partielle d'un ouvrage, il faudrait qu'une partie notable et importante de cet ouvrage eût été réimprimée textuellement, sans l'aveu et sans le consentement des auteurs ou propriétaires de cet ouvrage; Attendu que, si dans un état contenu dans quinze feuillets de papier in-folio, certifié véritable par Dentu, et joint aux procès, il a porté à deux cent soixante-dix-huit pages d'impression tous les passages de la Géographie de toutes les parties du monde, et du Précis de la géographie, qu'il pretend avoir été tirés de la Géographie de Pinkerton, traduite par Walckenaer, et de l'introduction à cette géograp ie par Lacroix, dont ledit Dentu est éditeur, ce calcul a été fait par l'addition mathématique de lignes éparses, et intercalées dans les dix-neuf volumes dont se composent les ouvrages de Malte-Brun; -Attendu que la similitude de ces passages dans les ouvrages des deux auteurs provenant, presque en totalité, de sources communes, tient à la nature de ces ouvrages sur la géographie, qui, embrassant la géographie de tout l'univers, ne peuvent être, par leur essence, qu'une compilation des ouvrages d'astronomes, voyageurs, naturalistes, géomètres, géographes et autres auteurs qui avaient ecrit jusqu'alors sur cette matière;- Que Malte-Brun a annoncé dans les ouvrages qu'il donnait au public, qu'ils étaient des compilations des auteurs qu'il a cités en notes au bas des pages, et notamment de la Géographie de Pinkerton; que, dès lors, il n'a pas voulu s'approprier ces pages, et les donner comme la production de son génie; -Que, relativement à d'autres de ces passages que Dentu annonce avoir été tirés de l'introduction à la géographie par Lacroix, une partie, de l'aveu même de Dentu, a éprouvé des changements et a été tronquée dans l'ouvrage de M. Malte-Brun, ce qui exclut l'idée d'une réimpression; que le reste de ces passages, qui se réduisent à un très-petit nombre, a pour objet des notions, des définitions élémentaires, de sphère et de géographie; que ces passages sont, dans l'ouvrage de Malte-Brun, accompagnés de citations de sources communes où les deux auteurs ont pu puiser; que, d'ailleurs, tous les passages réclamés par Dentu, répandus dans dix-neuf volumes, ne formeraient pas une partie notable, importante et marquante des ouvrages des deux auteurs;-Le tribunal, sans avoir égard à la fin de non-recevoir de Malte-Brun, dont il est debouté, au principal, décharge Malle-Brun, Laporte, Tardieu et Buisson de la plainte en contrefaçon contre eux portée par Dentu. >> Appel. 25 avr. 1812, arrêt de la cour de Paris qui confirme.

Cour de cassa on a statué dans une autre espèce, que pour qu'il y ait contrefaçon d'un ouvrage littéraire, il faut qu'il y ait édition entière ou partielle de cet ouvrage; qu'ainsi la copie dans la biographie universelle des frères Michaud, de fragments de quelques articles du dictionnaire historique universel de Prud'homme, ne constitue pas une contrefaçon de ce dernier ouvrage (Crim. rej. 3 juill. 1812) (1).

340. Il n'y a pas non plus contrefaçon lorsque, dans l'ensemble d'un ouvrage différent par son titre, son format, sa composition et son objet, se trouvent fondus plusieurs morceaux d'un autre ouvrage, mais de telle manière que toute méprise entre les deux ouvrages est impossible (Crim. rej. 25 fév. 1820) (2).—Et spécialement, on a jugé que la loi du 21 germ. an 11 (V. Médecine, p. 563), en ordonnant la confection, par des gens de l'art nommés par le gouvernement, d'un formulaire contenant les principales préparations pharmaceutiques, n'a pas défendu la composition d'autres ouvrages et traités sur la pharmacie, ой pourraient se trouver les formules du recueil officiel fondues dans un grand nombre d'autres (même arrêt).

341. De même, on a décidé qu'il n'y a pas délit de contrefaçon dans le fait, par l'auteur d'un traité scientifique, d'avoir inséré dans son ouvrage une analyse sommaire et raisonnée d'un système emprunté au livre d'un autre auteur, différent par le titre, le format, la composition et l'objet, lorsque ce n'est qu'un moyen de faire mieux apprécier les modifications proposées à ce système, auquel on renvoie, et dont on suppose l'étude préalable (Rouen, 7 juin 1849, aff. Collot, D. P. 52. 2. 24). Néanmoins, si l'analyse d'un ouvrage portait préjudice à son auteur en en diminuant le débit, il pourrait y avoir lieu à des dommages-intérêts contre celui qui aurait publié cette analyse (Même arrêt). — C'est là en effet que se trouve le remède très-sagement indiqué par la

« Considérant que, s'il est constant que les auteurs de la Géographie universelle ont pris, dans la traduction de la Géographie de Pinkerton, par Walckenaer, très-grand nombre de passages qu'ils ont littéralement transcrits dans leur ouvrage; et que s'il est également constant que Maite-Brun, auteur du Précis de la Géographie universelle, ait pris dans l'introduction à la géographie de Pinkerton, par Lacroix, un nombre plus grand encore de passages qu'il a littéralement et servilement copiés dans son Précis, dans l'intention de se les approprier; ces plagiats, quelque nombreux qu'ils soient, ne constituent pas néanmoins le délit de contrefaçon prévu par les lois. » Pourvoi. - Arrêt. LA COUR, Attendu qu'en jugeant que les passages littéralement transcrits par les auteurs de la Geographie universelle de la traduction de la Géographie de Pinkerton, non plus que ceux littéralement copiés par l'auteur du Précis de la Géographie universelle, d'apres l'introduction à la Géographie de Pinkerton, par Lacroix, ne constituaient pas le délit de contrefaçon prévu par la loi, la cour de Paris n'a pas violé la loi du 19 juill. 1793, ni l'art. 425 c. pén. ;-Rejette.

-

Du 3 juill. 1812.-C. C., sect. crim.-MM. Barris, pr.-Daniels, av. gén., c. conf.-Gerardin et Sirey, av.

(1) Espèce: (Prud'homme C. Michaud.) - Plainte en contrefaçon formée par Prud'homme, auteur du Dictionnaire universel, historique, critique et bibliographique contre les frères Michaud, auteurs de la Biographie universelle. — Jugement du tribunal de première instance de la Seine qui renvoie les inculpés de la plainte: « En ce qui touche la plainte en contrefaçon partielle rendue par Prudhomme contre les frères Michaud, attendu que pour qu'i! y eût contrefaçon partielle, il faudrait qu'une partie notable, importante et marquante d'un ouvrage eût été réimprimée textuellement sans le consentement et l'aveu des auteurs ou propriétaires de cet ouvrage.-En ce qui concerne le titre, attendu que l'ouvrage de Prud'homme porte: Dictionnaire universel, historique, critique et bibliographique, que celui des frères Michaud porte: Biographie universelle; que les accessoires du titre ne sont pas le titre; que, dès lors, le titre n'est pas le même; En ce qui concerne le plan, attendu que la forme de dictionnaire qu'ont ces deux ouvrages ne peut supposer d'autre plan que celui par ordre alphabétique; - En ce qui concerne la rédaction, attendu qu'il n'y a pas dans la Biographie universelle un seul article entièrement semblable à ceux du Dictionnaire historique; que, sur cent soixante-trois articles qui font l'objet de la plainte, cinquante-sept n'ont été argués que d'imitation; qu'une imitation de rédaction n'est pas une contrefaçon; que cinquante-deux du surplus desdits articles ont été justifiés avoir été tirés par les rédacteurs des articles des deux ouvrages, de sources communes, qui sont du domaine public. »-Arrêt confirmatif de la cour de Paris, du 17 mars 1812. Pourvoi.

LA COUR; Attendu que, s'il a été déclaré en fait par la cour impériale que des fragments de quelques articles du Dictionnaire universel historique de Prud'homme avaient été copiés par aucun des réTOME XXXVIII.

cour contre l'excès de citations qui iraient jusqu'à atteindre une propriété littéraire.

342. Aux termes de la loi prussienne, ne sont point considérées comme contrefaçons: 1° la citation littérale de passages isolés d'un ouvrage déjà imprimé; 2o la reproduction d'articles isolés de poésies, etc., dans les ouvrages ayant pour objet la critique ou l'histoire littéraire ou dans des recueils à l'usage des écoles (Loi destinée à protéger contre la contrefaçon et l'imitation des œuvres de science et d'art, 11 juin 1837, § 4).

343. Nous avons vu (suprà, no 105 et s.) qu'il n'était pas permis d'usurper le titre d'un ouvrage. Mais cette usurpation constitue-t-elle le délit de contrefaçon? La négative a été enseignée par MM. Gastambide, no 198, Et. Blanc, 4o éd. p. 372, et Calmels, no 104. Ces auteurs pensent que cette usurpation peut seulement servir, devant la juridiction civile, de base à une demande en dommages-intérêts. Ils se fondent à cet égard sur ce qu'un titre ne constitue pas une propriété littéraire, que c'est seulement la désignation de l'ouvrage. Mais cela n'est pas exact. Non seulement le titre d'un livre en est l'enseigne, mais comme l'a dit avec justesse et profondeur M. Portalis, il en est l'analyse. C'est un véritable travail de l'esprit, que de manifester son œuvre par un titre clair, intelligible, et qui fasse connaître l'idée première de l'ouvrage. Il est vrai que le titre banal qui s'applique nécessairement à un sujet qu'il est permis à tous de traiter, peut être pris impunément.-Mais c'est qu'il ne constitue pas une création de l'esprit au reste, son usurpation ne pourrait pas plus servir de base à une demande en dommages-intérêts, qu'à une poursuite en contrefaçon. Mais il faut bien comprendre une chose, c'est que dans le titre il y a création, non-seulement quand il s'applique à un sujet nouveau, comme le titre de l'ouvrage de Montesquieu : Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de

dacteurs des articles de la Biographie universelle des frères Michaud, il ne suit pas de cette déclaration qu'il y ait eu édition d'un ouvrage imprimé en entier ou en partie aux mépris des lois et des règlements relatifs à la propriété des auteurs, que, dès lors, en jugeant qu'il n'y avait pas contrefaçon et en renvoyant les frères Michaud de la plainte de Prud'homme, la cour imperiale de Paris n'a pas violé la loi du 19 juill. 1793, ni l'art. 425 c. pén.; - Rejette. Du 3 juill. 1812.-C. C., sect. crim.-MM. Barris, pr.-Audier, rap. (2) (Hacquart C. Virey et cons.)-LA COUR (ap. dél. en ch. du cons.); -Statuant sur l'intervention de Rémond et Ferra, et sur le pourvoi d'Hacquart; Attendu, sur le premier moyen, qu'il a été reconnu par l'arrêt attaqué que l'ouvrage de Virey était différent par son titre, sor format, sa composition et son objet, du Codex medicamentarius; que l'édition de cet ouvrage argué de contrefaçon, quoique postérieure à la publication dudit Code, est demeurée semblable, par son plan et ses divisions, à la première qui avait été publiée antérieurement; qu'il a éte déclarée, dans cet arrêt, que « si on trouve dans cette seconde édition les formules indiquées comme faisant partie du Codex medicamentarius, ces citations sont isolées et perdues dans l'ouvrage; qu'elles ne forment pas un corps de formules semblables à celles du Codex, et qu'ainsi toute méprise est impossible entre les deux ouvrages; » que la cour royale de Paris, en refusant, dans l'état de ces faits ainsi reconnus et dont il n'appartient pas à la cour de juger l'exactitude, de faire à l'ouvrage de Virey l'application des lois relatives au délit de contrefaçon, n'a pas violė ces lois ;

Attendu, sur le second moyen, que le second paragraphe de l'art. 3 de l'ordonnance du 8 août 1816 ne répute contrefaits que les exemplaires du nouveau Codex qui ne seraient pas estampillés conformément à ce qui est prescrit par le premier paragraphe de cet article; que la disposition du second paragraphe est donc inapplicable au traité de pharmacie de Virey qui n'est point un exemplaire du Codex medicamentarius, mais qui, d'après ce qui a été reconnu par l'arrêt attaque, constitue un ouvrage essentiellement différent par son titre, ses divisions et l'objet de sa composition; que, relativement aux dispositions de l'art. 38 de la loi du 21 germ. an 11, elles se bor: ent à ordonner la rédaction par des gens de l'art, nommés par le gouvernement, d'un Codex ou formulaire, contenant des préparations médicinales et pharmaceutiques, qui devront être tenues par des pharmaciens, lequel formulaire ne sera publié qu'avec la sanction du gouvernement et d'après ses ordres ; que ces dispositions, qui ont reçu leur exécution dans la publication du Codex medicamentarius, n'ont aucun rapport avec la rédaction et la publication d'un traité de pharmacie qui a été jugé former un ouvrage différent de ce Codea, et us pouvait être confondu avec lui; qu'il ne peut surtout en résulter une ouverture à cassation envers l'arrêt qui a ainsi apprécié cet ouvrage; Attendu d'ailleurs que l'instruction est régulière, rejette.

Du 25 fév. 1820.-C. C., sect. crim.-MM Barris, pr.-Ollivier, rap.

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