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Caprice déraisonnable, auquel cas le mari pourrait réclamer (Angers, 6 mai 1841, même aff. Hébert, V. Domicile, no 75-2o).

Mais cette faculté de la femme ne peut nuire au droit qu'a le mari de visiter ses enfants partout où ils se trouvent, et de surveiller leur entretien et leur éducation (Lyon, 16 mars 1825, aff. S..., V. no 58). Tout en reconnaissant à la femme séparée de corps un droit illimité pour se choisir un domicile et y emmener ses enfants, si la garde lui en a été confiée, nous pensons cependant qu'au cas où elle s'expatrierait, le mari pourrait demander la remise des enfants, sinon dans ses mains, s'il en est jugé indigne, lu moins dans celles d'un tuteur ad hoc.-Tout cela est d'ailleurs Jubordonné à la fortune des époux, à leur position sociale et aux motifs qui peuvent déterminer cette expatriation.

64. Lorsqu'un jugement a ordonné à la mère de rendre l'enfant à son père, et que depuis, celle-ci, sans exécuter le jugement, a formé une demande en séparation de corps, cette inexécution ne peut lui être opposée comme fin de non-recevoir (Rennes, 31 juill. 1811) (1).

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65. L'autorité des père et mère sur leurs enfants est une puissance sans doute (c. nap. 376 et suiv.), mais c'est surtout une puissance de protection et de moralisation. Lorsque cependant des pères et mères abusent de cette puissance, quels moyens la loi offre-t-elle pour remédier aux abus? Un grand nombre de monuments de notre ancienne jurisprudence attestent que sous l'ancien droit la magistrature intervenait, comme pouvoir modérateur et de haute surveillance pour maintenir la puissance paternelle dans les bornes de justice et de moralité dont elle ne doit jamais s'écarter.-V. Merlin, Rép., t. 4, v° Education, § 1; t. 10. vo Puiss. patern., sect. 5, § 1; nouveau Denizart, t. 7, vo Education.

En est-il de même aujourd'hui?

Remarquons d'abord que le législateur ne parle de la déchéance de la puissance paternelle que dans un seul cas. - L'art. 334 c. pén. prévoit le cas où des pères et mères favoriseraient la prostitution et la corruption de leurs enfants, et prononce contre eux, pour ce fait, une peine de deux à cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 300 fr. à 1,000 fr. Puis l'art. 333 ajoute, à l'égard des père et mère, « le coupable sera de plus privé des droits et avantages à lui accordés sur la personne et les biens de l'enfant par le code civil, au titre de la puissance paternelle, » etc. A l'exception de cet article, le législateur garde le silence le plus absolu. Cependant un père (et malheureusement il en existe beaucoup d'exemples) peut se porter à des actes de la plus haute gravité envers

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pas directement et nettement statué sur la véritable question du procès, en laissant soigneusement en dehors de ces dispositions tout ce qui pourrait, dans l'avenir, gêner ou entraver le libre exercice du droit de surveillance que la loi réservait au sicur Hébert sur la personne de ses enfan's. Vous aurez à vous demander si ce droit ne reste pas entier, malgré la décision de la cour d'Angers, et s'il n'appartient pas toujours au sieur Hébert de se pourvoir devant les tribunaux du nouveau domicile de sa femme, si celle-ci se refusait ulterieurement à lui représenter ses enfants. Vous vous demanderez enfin si l'ar èt qui décide qu une femme séparée de corps sera autorisée à aller résider chez son père et sa mère, sans sortir du royaume, et en emmenant avec elle les enfants dont la garde lui a été confiée, a pu en quoi que ce soit porter atteinte aux droits de la puissance paternelle. »-Arrêt.

LA COUR ; —...Attendu, sur le deuxième moyen, que l'arrêt attaqué, en décidant que la dame Hébert, séparée de corps, aurait la faculté d'établir sa résidence à Nantes, en emmenant avec elle ses enfants, n'a pu porter aucune atteinte aux droits que l'art. 303 et les règles constitutives de la puissance paternelle et maritale pouvaient consacrer en faveur du demandeur;-Rejette.

Du 28 fév. 1842.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Mesnard, rap.-Delangle, av. gén., c. conf.-Mandaroux, av. (1) Espèce: (Ch.... C. sa femme.) La dame Ch.... quitte 8C mari, emmenant son fils avec elle, et se retire dans sa famille. 50 oct. 1810, sur la requête du mari, ordonnance de M. le président ju tribunal civil de Fougères, qui enjoint à la dame Ch.... de remettre Penfant à son père; elle n'obeit pas. Elle forme de son côté, le 12 jent 1810, une demande en séparation de corps. Le 1er mars 1811, jugement qui ordonne à la dame Ch.... de rendre l'enfant à son père.Le 17 mai 1811, la dame Cb...., à qui ce jugement avait été notifié,

ses filles; il peut se livrer en outre envers tous ses enfants à des actes de brutalité intolérables, et qui exposent même leur vie. Le magistrat devra-t-il rester impuissant en présence de pareils actes? - Ces faits sans doute pourront être punis suivant la gravité des faits, soit correctionnellement, soit criminellement; mais, la peine subie, le père pourra-t-il rentrer dans toute sa puissance? L'aura-t-il d'ailleurs perdue par la condamnation?-M. Demolombe, t. 6, pag. 276 et suiv., démontre qu'il est impossible de ne pas venir au secours de l'enfant; il reconnaît qu'à l'exception de l'art. 335 c. pén., il n'y a pas de texte, et cependant i admet que les tribunaux auront le droit de priver le père de la puissance paternelle.— « Comment faire? dit-il, il n'y a pas de texte? Nous ferons comme nous pourrons! mais il faut absolument, je le répète, que nous en venions là.... et Dieu merci! les moyens d'y arriver logiquement, juridiquement ne nous manquent pas. » Puis, entrant dans l'examen de ces moyens, il expose que si le législateur n'a pas exprimé sa pensée, il a virtuellement supposé que la puissance paternelle ne pouvait être que protectrice, tutélaire, et non démoralisante. Et il cite M. Demante qui, à cette occasion, dit qu'il faut faire exécuter les lois suivant les vues du législateur (Programme, t. 1, no 365, note 1). Il ajoute ensuite que les rédacteurs du code avaient même eu le projet d'accorder, par un texte spécial aux tribunaux, le pouvoir de réglementer, dans certains cas, l'exercice de la puissance paternelle. Ce sujet, ajourné seulement par le motif qu'il ne fallait pas s'occuper d'abord des détails, ni des questions isolées (Locré, Législ. civ., t. 7, p. 11), ne fut plus repris. »

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La question avait été agitée au conseil d'Etat, et le premier consul avait dit : « Un père donne une mauvaise éducation à son fils; l'aïeul sera-t-il autorisé à lui en donner une meilleure? Un fils parvenu à l'âge de discernement et qui ne reçoit pas une éducation conforme à la fortune de son père, peut-il se pourvoir et demander à être mieux éduqué? Peut-être serait-il nécessaire de distinguer entre l'éducation des garçons et celle des filles» (Locré, législ. civ., t. 7, p. 20). — Ces observations du premier consul et des législateurs n'eurent aucune suite. La loi n'existe donc pas. Cependant M. Demolombe veut absolument que les tribunaux aient le droit, non pas d'agir préventivement, mais de remédier aux abus et aux excès de la puissance paternelle, lorsque la bonne éducation physique et morale des enfants se trouve compromise.

Ces sentiments sont très-louables sans doute, mais sont-ils acceptables sous le rapport juridique? Nous en doutons beaucoup. Disons d'abord qu'en matière civile le ministère public n'a d'action que dans les cas très-rares prévus spéciale

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mais qui ne l'avait point exécuté, se présente à l'audience pour obtenir sa séparation et la garde de son fils. Jugement qui lui refuse audience jusqu'à ce qu'elle ait satisfait aux dispositions du jugement du 1er mars 1811.- Appel.- Arrêt.

LA COUR; Considérant qu'en matière de séparation de corps et de divorce, la loi laisse aux tribunaux le pouvoir discré ionnaire de remettre l'administration provisoire des enfants à celui des époux qui présentera le plus d'avantage pour lesdits enfants; Considérant que si, d'un côté, la jeunesse de l'enfant âgé de dix-huit mois, recl me particulièrement les soins constants et pénibles e la ten Ire sollicitude d'une mère, de F'autre, les lettres du père sont loin de donner une idée favorable de la douceur et de la modération qu'exige la première enfance; Considérant d'ailleurs que, loin de vouloir se charger lui-même de son fils, l'intention du sieur Ch.... paraît être de le confier aux soins d'une exreligieuse, sa sœur, dont l'état et la manière de vivre l'ont rendue étrangère au titre et aux habi udes d'une mère de famille ;- Considé rant que le défaut d'exécution du jugement du 1er mars dernier ne faisait point obstacle à ce qu'on plaidât sur l'action principale relative à la séparation de corps, et qu'ainsi l'audience, à cet égard, ne devait pas être déniée à la dame Ch.... par le jugement du 27 mai suivant, sauf au sieur Ch.... à faire exécuter le premier jugement par les voies de droit; Considérant enfin que la demande en séparation de corps n'a point été instruite en première instance; que la matière n'est point disposée à recevoir une décision définitive; qu'il est par conséquent indispensable de renvoyer les parties corsommer le premier degré de juridic tion: Par ces motifs, corrigeant, ordonne que l'appelante restera provisoirement chargée de l'administration et des soins de l'enfant issu de son mariage avec l'intimé.

Du 31 juill. 1811.-C. de Rennes, 2o ch.

ment par la loi. Dans l'espèce, le code étant muet, le ministère public est sans pouvoir. - Il en est de même des tribunaux qui ne peuvent agir par eux-mêmes; il est vrai que, sous l'ancien droit, on accordait au ministère public le droit d'agir directement contre le père ou la mère (Pothier, Traité du mariage, no 384), et M. Demolombe s'appuyant de cette grande autorité ajoute: «Est-ce qu'il ne s'agit pas ici d'une matière d'ordre public? et le ministère public n'est-il pas chargé de poursuivre d'office l'exécution des lois dans toutes les dispositions qui intéressent l'ordre public (art. 5, tit. 8, loi des 16-24 août 1700)? Il est douteux que, lorsqu'il s'agit seulement de l'intérêt de l'éducation d'un enfant, de son mode d'éducation, le ministère public ait la voie d'action. Où la loi est muette le ministère public est impuissant pour agir; mais d'ailleurs comprendrait-on l'espèce d'inquisition du procureur impérial qui, sur les dénonciations nombreuses qui ne manqueraient pas de lui arriver de la part des voisins des père et mère, serait obligé de faire enquête sur enquête pour pénétrer dans le secret des ménages?Cela n'est pas admissible. La loi qui dit au ministère public: « En matière criminelle agissez; en matière civile n'agissez que si je Vous y autorise, » est une loi éminemment sage et de haute politique même, et dût-il résulter quelques inconvénients de l'inaction des membres du parquet, leur silence est mille fois préférable au trouble que leur action apporterait dans la société.

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Il a été jugé, conformément à ces principes, qu'un père ne peut être déclaré déchu de la puissance paternelle, pour cause de dissipation et d'inconduite notoire (Paris, 23 août 1825, aff. Decambray, V. no 78). M. Demolombe est luimême obligé d'admettre tous ces principes, car il arrive à conclure (p. 281) « que les tribunaux ne pourraient pas, quelle que fût l'indignité du père (ou de la mère), lui enlever préventivement la puissance paternelle, si cette indignité n'était pas telle qu'elle compromit la personne des enfants, leur bonne éducation physique et morale. » «La puissance paternelle, dit-il encore (cod.), ne peut être enlevée au père et à la mère qu'en vertu d'un texte de loi; or aucune loi, excepté l'art. 535, ne prononce la déchéance de leur autorité. » - Ainsi, toutes les fois que l'on ne se trouve pas dans le cas de l'art. 535, les tribunaux sont sans pouvoir. Il nous paralt évident que le législateur a reculé devant l'espèce d'inquisition qui naltrait inévitablement du droit d'action qui serait conféré au ministère public. 66. Mais si les tribunaux sont impuissants pour prononcer la déchéance de la puissance paternelle hors le cas prévu par l'art. 335, les conseils de famille seront-ils sans pouvoirs? Ces conseils pourront bien, en force de l'art. 444, exclure le père ou la mère de la tutelle, ou même prononcer la destitution; mais la destitution de la tutelle entraînera-t-elle nécessairement la déchéance de la puissance paternelle, de manière que le père, ou à son défaut la mère, soit privé du droit de diriger l'éducation de ses enfants comme il le juge convenable? Nous ne le pensons pas; la puissance paternelle est indépendante de la tutelle; elle lui survit; elle n'est point amoindrie par le décès de l'un des époux (V. arrêt conf., no 73.—Contrà, no 74). — Du reste, la question s'est élevée de savoir si un conseil de famille avait le droit de prononcer la destitution de la tutelle d'un père, basée sur ce qu'ayant embrassé le protestantisme, il manifestait la volonté de faire ses enfants protestants. Cette destitution de la tutelle qui avait pour but de priver le père du droit de diriger l'éducation de ses enfants portait évidemment la plus grave atteinte à la puissance paternelle. Soumise au tribunal d'Orléans, ce tribunal a évité de la résoudre, tout en donnant gain de cause au père de famille.-Il s'est renfermé dans les termes de l'art. 444, et a annulé la délibération du conseil, en se basant sur ce qu'aucune des circonstances prévues par cet article, ne se rencontrait dans l'espèce (trib. d'Orléans, 15 janv. 1856, V. le Droit du 24). La même question de puissance paternelle et de son étendue s'est élevée dernièrement en Angleterre, et les tribunaux de la Grande-Bretagne ont décidé que la femme catholique, veuve d'un protestant, avait le droit d'élever ses enfants protestants dans la religion catholique, et de leur faire abandonner, malgré le conseil de famille, la religion que leur père avait professée (cour du banc de la reine. Londres, 21 janv. 1857, aff. Race, Y. le Droit du 24 janv.).

-

Mais si les tribunaux civils et le procureur imperiat n ont pas le droit d'agir, l'enfant pourra-t-il se plaindre? Sans aucun doute, si les faits dont il se plaint constituent un délit. Alors le père sera poursuivi et puni s'il y a lieu, mais, sauf dans le cas de l'art. 335 c. pén., les tribunaux correctionnels ne pourront pas ajouter à la peine édictée. Le père pourra être condamné, mais il restera revêtu de toute la puissance paternelle.

Si les faits ne présentent pas le caractère de délit, cornment pourrait-on admettre l'action de l'enfant? - Viendra-t-il exposer devant les tribunaux que son père se livre à l'ivrognerie, à la débauche; voilà donc un fils qui vient publiquement déshonorer son père. Cela n'est pas admissible, surtout dans

le silence absolu de la loi civile. Viendra-t-il, en accueillant la pensée du premier consul, dire: mon père est riche et ne me donne pas une éducation conforme à mon rang? Le père n'aura qu'un mot à répondre: J'ai le droit de donner à mon fils l'édu cation qui me convient. - Au lieu de lui faire apprendre le grec, le latin, je veux qu'il soit agriculteur ou qu'il soit négociant; d'ailleurs, mon fils me croit riche et je ne le suis pas. - L'action du fils tombera.

67. Il est donc évident que toutes ces questions de rapports entre le père et les enfants, présentent de très-hautes, de trèsgraves difficultés, et il est probable que les auteurs si savants et si expérimentés du code Napoléon auront reculé devant l'application, devant l'impossibilité de réglementer ces rapports.En résumé, ou les faits présentent le caractère de délit, et le père sera puni, et sa peine terminée, l'enfant, sauf le cas de l'art. 335 c. pén., se retrouvera sous la puissance paternelle, puissance que le père n'aura même jamais perdue, son exercice seul aura été suspendu. — Si la vie de l'enfant était de nouveau exposée, on ne pourrait, dans l'absence de faits positifs, agir qu'administrativement et avec une extrême réserve et prudence. Ou les faits ne rentrent pas dans la classe des délits, et alors, nous dénions au ministère public, aux tribunaux et même à l'enfant, toute espèce d'action.

Cette opinion que nous émettons se trouve étayée de celle de Merlin qui dit : « Quand le père et la mère sont vivants et demeurent ensemble, il ne peut y avoir aucune difficulté sur l'éducation de leurs enfants; c'est à eux qu'elle appartient par le droit de la nature, et il est sans exemple qu'on ait entrepris de les en priver (Rép., vo Education, § 1, Conf. Toullier, t. 2, no 1170. Contrà, MM. Vergé et Massé, sur Zachariæ, p. 407 et 408, note 17).

68. Lorsque le père (ou la mère) est déchu de la puissance paternelle, à l'égard d'un de ses enfants, dans le cas des art. 334 et 355 c. pén., perd-il cette puissance sur la personne et les biens de ses autres enfants? Oui, suivant MM. Duranlon (t. 3, n° 384); Taulier (t. 1, p. 492). Non, suivant MM. Demolombe, t. 6, p. 274; Carnot, sur l'art. 335, no 5; MM. Massé et Vergé, sur Zachariæ, p. 377, note 3, et p 373, note 16, in fine).

Nous nous rangeons à cette opinion. Peut-être le législateur eut-il dû prononcer la déchéance dans le cas de l'art. 355, d'une manière absolue. Mais l'a-t-il fait? Non, l'art. 335 c. pén. dit: «Si le délit a été commis par le père ou la mère, le coupable sera de plus privé des droits et avantages à lui accordés sur la personne et les biens de l'enfant par le code Napoléon.

69. Mais lorsque la déchéance est prononcée en vertu de l'art. 335, le père ou la mère sont-ils privés, sans exception, de tous les droits de la puissance paternelle? - Le père (ou la mère) pourrait-il émanciper l'enfant (c. nap., art. 477)? — Non, suivant M. Valette sur Proudhon (t. 2, p. 351, note a), la déchéance est absolue.-M. Demolombe flotte incertain (p. 275), la difficulté vient de la rédaction de l'art. 335, qui déclare le père (ou la mère) privé des droits et avantages à lui accordés sur la personne et les biens de l'enfant par le code Napoléon, liv. 1, tit. 9, de la Puissance paternelle. Or l'art. 477, relatif à l'émancipation, est étranger au titre de la puissance paternelle. La même difficulté se présente au cas des art. 148 et 346 qui exigent le consentement du père pour le mariage ou l'adoption de l'enfant. - Nonobstant ce vice de rédaction dans l'art. 335, nous n'hésitons pas à décider que le législateur, en déclarant le père ou la mère déchu des droits de la puissance paternelle, a compris tous les droits que cette puissance confère; la loi pénale ne

peut pas être étendue, dit-on, mais la déchéance de la puissance paternelle, dans la pensée du législateur, a été évidemment plutôt une conséquence de la peine que la peine elle-même.

70. La dégradation civique n'entraîne pas la privation de la puissance paternelle. — D'après l'art. 34 c. pén., l'individu frappé de la dégradation devient incapable « de faire partie d'aucun conseil de famille, et d'être tuteur, curateur, subrogé tuteur, ou conseil judiciaire, si ce n'est de ses propres enfants, et sur l'avis conforme de la famille. » Mais il ne faut pas confondre la tutelle avec la puissance paternelle.

7. L'individu frappé d'interdiction légale, par application de l'art. 29 c. pén., est-il privé de la puissance paternelle? – Non, car la loi ne s'explique pas à cet égard. Mais cette interdiction suspend-elle l'exercice de cette puissance? M. Demolombe (p. 276) dit : « Quand à l'interdiction légale prononcée par l'art. 29 c. pén., elle n'anéantit certainement pas, dans la personne des père et mère, le droit de puissance paternelle; et peut-être pourrait-on soutenir qu'elle n'en suspend pas même l'exercice; car nous avons remarqué que cette interdiction toute spéciale avait particulièrement pour but de pourvoir à l'administration des biens du condamné (t. 1, n° 192). Toutefois, nous pensons que l'exercice de la puissance paternelle est alors suspendu pendant la durée de la peine; la loi a dù vouloir d'autant plus suspendre, dans la personne du condamné, l'exercice de cette magistrature domestique, que le plus souvent cet exercice lui serait, même en fait, .presque impossible. » Nous n'hésitons pas à dire, avec cet auteur, que l'individu condamné aux travaux forcés, à la détention et à la réclusion, est privé de la faculté d'exercer la puissance paternelle. Comment admettre qu'un père condamné à cinq ans de galères, à vingt ans peut- | être, ou à cinq ou dix ans de réclusion, puisse administrer la fortune de ses enfants et diriger leur éducation? - Le fait ici dominerait le droit, lors même que la loi serait muette entièrement. Or elle a pris soin de dire (art. 29) qu'il était nommé un tuleur et un subrogé tuteur au condamné pour administrer ses biens; comment admettre que celui-là qui est privé de sa liberté et du droit de gérer ses biens, puisse gouverner sa famille et administrer la fortune de ses enfants?

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72. Que devra-t-on décider, lorsque l'un des époux est décédé? alors la puissance paternelle appartient au survivant et est exercée par lui (art. 372, 381). Mais aux termes de l'art. 390 c. nap. après la dissolution du mariage, arrivée par la mort naturelle ou civile de l'un des époux, la tutelle des enfants mineurs et non émancipés appartient de plein droit au survivant des père et mère. Or la tutelle ne consiste-t-elle pas dans l'administration de la personne et des biens de l'enfant. La puissance paternelle dès ce moment n'est-elle pas absorbée dans la tutelle? Non. La puissance paternelle survit à la tutelle et même la domine.

73. Raisonnons maintenant dans la supposition où le survivant n'est pas tuteur. C'est un tiers (parent ou étranger), qui est revèlu de cette qualité. Cet état de choses porte-t-il atteinte à la puissance paternelle? Non, dans ce cas même, le père ou la mère a encore la garde de l'enfant, et les soins de son éducation appartiennent encore à l'un ou à l'autre. Il en était ainsi dans l'ancienne jurisprudence. Lorsque le gardien et le tuteur sont deux personnes différentes, l'autorité du tuteur sur la personne du mineur, dit le nouveau Denizart, est éclipsée pendant la garde par celle du gardien (de la Garde noble, § 12, no 4). Il en est de même aujourd'hui. Ainsi le droit de correction, nonobstant la nomination du tuteur, appartient aux père et mère, soit par voie d'autorité soit par voie de réquisition (art. 376, 377, 381), tandis que le tuteur impuissant par lui-même est obligé d'adresser ses plaintes au conscil de famille, de lui exposer les sujets de mécontentement qu'il a contre le mineur (art. 468), et il ne peut provoquer la détention de l'enfant qu'après qu'autorisation d'agir lui est accordée par le conseil. - La même coexistence des deux pouvoirs et même la supériorité de la puissance paternelle sur la tutelle se manifeste également en ce qui touche à l'éducation, à l'émancipation et au mariage du mineur (c. nap., art. 454, 477,478, 148). — Disons donc que la puissance paternelle n'est ni suspendue ni modifiée par la tutelle. Toutefois, chose digne de remarque ! du moment que le père, ou la mère, exerce la tutelle, nous voyons naître dans le subrogé tuteur et dans le conseil de famille un pouvoir qui

aurait le droit de dénoncer les abus de la puissance paternelle et même d'agir dans l'intérêt de l'enfant.-Même dans cette hypothèse, le père ou la mère pourrait perdre la tutelle, mais à moins que les faits ne constituent le délit prévu par l'art. 355 c. pén., ils ne seraient pas privés de la puissance paternelle; il n'y a donc pas de déchéance particulière à ce cas.

4. Admettons maintenant que le père se remarie, ou même la mère. Dans ce cas ni l'un ni l'autre ne perdent la puissance paternelle (c. nap., art. 372, 374, 380, 381). — La mère remariée perd la jouissance des biens et le droit de requérir la détention des enfants (art. 381, 386), mais non la prissance paternelle. Il en était autrement en droit romain. La mère ne conservait la garde et l'éducation de ses enfants que si elle n'était pas remariée. Si non vitricum eis induxerit (L. 1, Cod., ubi pupillus educari)..... nisi ad secundas nuptias pervenerit (nov. 22, cap. 8). Mais les lois romaines, en ce qui concerne la puissance paternelle, n'exercent plus d'influence aujourd'hui.

Les principes en cette matière sont très-bien posés par les art. 302 et 303 c. nap. qui, bien qu'ils ne concernent spécialement que le divorce, doivent autant que possible être appliqués comme raison écrite. « Art. 302. Les enfants seront comme confiés à l'époux qui a obtenu le divorce, à moins que le tribunal, sur la demande de la famille ou du ministère public, n'ordonne, pour le plus grand avantage des enfants que tous, ou quelquesuns d'eux, seront confiés aux soins, soit de l'autre époux, soit d'une tierce personne. - Art. 303. Quelle que soit la personne

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à laquelle ses enfants seront confiés, les père et mère conserveront respectivement le droit de surveiller l'entretien et l'éducation de leurs enfants et seront tenus d'y contribuer à proportion de leurs facultés. » — Ainsi, comme on le voit, la puissance paternelle survit même au divorce (maintenant la séparation de corps), à plus forte raison, ne doit-elle subir aucune atteinte de la présence du tuteur et de son action.

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Quant à la jurisprudence, on ne pourrait en induire des principes généraux absolus et, en effet, les magistrats, dans l'absence d'un texte de loi au titre de la puissance paternelle, doivent subir l'influence des faits; l'intérêt de l'eníant surtout les domine. - C'est ainsi qu'il a été jugé : 1° que la mère remariée (quoique non maintenue dans la tutelle) conserve la garde de la personne des enfants de son premier lit (Poitiers, 15 fév. 1811,aff. Dupont, V. Minorité, no 394-1°; Cass. 8 août 1815, aff. de Noury; eod., no 396; Bastia, 31 août 1826, aff. Guittera, V. no eod., 734);— 2o Que la mère survivante ne perd pas la puissance paternelle en se remariant (Grenoble, 11 août 1853, aff. Abry, D. P. 55. 2. 91). 5° Que même la destitution de la tutelle n'emporte point, pour la mère remariée, la perte de la puissance paternelle (c. nap. 372, 395) Et ce n'est qu'autant qu'il y aurait à craindre pour la direction morale de l'éducation des mineurs, que la mère peut, en pareil cas, être totalement privée de cette direction, ainsi que des rapports propres à entretenir dans le cœur de ceux-ci les sentiments de respect et d'affection qu'ils doivent avoir pour elle. Dans les circonstances ordinaires, il appartient aux tribunaux de concilier les droits respectifs du nouveau tuteur et de la mère en ce qui concerne la surveillance des mineurs et les relations de famille (Paris, 9 mars 1854, aff. Gouverneur, D. P. 55. 2. 247. V. du reste sur des questions analogues Grenoble, 11 août 1853, (D. P. 55. 2. 91 et la note), et vo Minorité-tutelle, no 394). - D'autres décisions, au contraire, ont confié au tuteur la garde des enfants (Lyon, 5 avr. 1827, aff. Ducharne, eod., no 395-2o).

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75. Que doit-on décider lorsque la mère non remariée est destituée de la tutelle? Conserve-t-elle alors, dans toute sa plénitude, l'exercice de la puissance paternelle?- Jugé que le droit de surveillance ou d'éducation de l'enfant n'est pas essentiellement attaché à la puissance paternelle, et par suite peut être enlevé à la mère destituée de la tutelle pour inconduite notoire (Req. 3 mars 1856, aff. Wey, D. P. 56. 2. 290).

SECT. 2.-De l'administration légale des père et mère.

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qu'il a rangé sous le titre de la puissance paternelle la disposition relative à l'usufruit légal (art. 384 et suiv.). L'art. 589 dit : « le père est, durant le mariage, administrateur des biens personnels de ses enfants mineurs. >> «Il est comptable, quant à la propriété et aux revenus, des biens dont il n'a pas la jouissance; et, quant à la propriété, seulement de ceux des biens dont la loi lui donne l'usufruit. »> Or, la tutelle n'existant pas pendant le mariage, il est clair que cet article se lie essentiellement au titre de la puissance paternelle. Le père administre dans une double qualité et comme mandataire légal (art. 389) et comme usufruitier (art. 483). Le législateur a donc commis une véritable erreur en plaçant l'art. 389 en dehors de la loi de la puissance paternelle (Conf. M. Demolombe, p. 307, ainsi que presque tous les auteurs; contrà MM. Massé et Vergé sur Zachariæ, p. 405, qui trouvent que la disposition des articles du code est bonne parce que l'administration légale a beaucoup des effets de la tutelle). Il a été jugé que l'administration légale, bien que Part. 389 soit placé au titre de la futelle, est essentiellement Vstincte de la tutelle, laquelle ne s'ouvre qu'au moment de la slation du mariage (Cass. 4 juill. 1842, aff. Alary, V. Appel, Bo980). — En sa qualité d'administrateur, le père est-il souis aux obligations d'un tuteur ordinaire? Administration ou tutelle le nom change, mais les obligations ne sont-elles pas les mêmes? M. Persil a écrit que : « relativement aux intérêts des enfants, à la conservation de leurs biens personnels, on doit appliquer à la puissance paternelle tout ce qui fait partie de la tutelle» (Régime hypoth., t. 1, art. 2121, n° 36; Battur, Privil. et hypoth., t. 2, no 365). — Il a été jugé, conformément à cette doctrine, que les biens du père administrateur étaient soumis à l'hypothèque légale (V. Privil. et hypoth.). Mais cette assimilation du père administrateur et du père tuteur était inadmissible. Il y a, en effet, une différence de position très-sensible entre l'enfant qui a ses père et mère, et l'enfant qui est privé de son père ou de sa mère. Aussi, dans l'ancienne jurisprudence, on admettait que l'administration légale du père était en dehors de la tutelle et que les pouvoirs de cette administration étaient plus étendus que ceux du tuteur (Coquille, art. 2 de la coutume du Nivernais; Laurière sur Loysel, Instit. coutum., liv. 1, tit. 4, règle 1; Merlin, Rép., vo Administ. légale). Cette pensée a été consacrée par le code Napoléon dans les art. 389 et 390; elle est conforme à l'opinion exprimée par les législateurs. Le tribunat s'exprima nettement à cet égard; c'est à lui qu'on doit la pensée et même la rédaction de l'art. 389 qui n'existait pas dans le projet du code. - «La section pense, a-t-il dit, que le premier article de ce chapitre (la tutelle) doit exprimer en termes précis, quelle est, durant le mariage, la qualité du père par rapport aux biens personnels de ses enfants mineurs, soit pour ce qui concerne la propriété de ces biens seulement, s'il a

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(1) 1o Espèce: (Decambray C. Alaine.) Le sieur Decambray, marié à la demoiselle Alaine, a éprouvé des pertes considérables par suite de l'invasion des troupes étrangères sa femme obtint contre lui un jugement de séparation de biens. Le 16 mai 1819, testament par lequel la mère du sieur Decambray lègue à ses petits-enfants mineurs toute la portion de biens dont elle pouvait disposer, en manifestant le vœu que ce legs fût employé à donner une éducation convenable aux enfants. Le 25 fév. 1824, délibération du conseil de famille des mineurs Decambray, dans laquelle il est dit que le sieur Decambray a dissipé tous ses biens et continué ses habitudes d'inconduite; que les biens purement mobiliers, légués par l'aïeule maternelle, est le seul moyen de pourvoir à l'éducation des mineurs ; que ce moyen est insuffisant; qu'il est impossible de laisser l'administration de ce revenu dans des mains si peu sûres; en conséquence, le conseil de famille destitue Decambray de l'administration de la personne et des biens de ses enfants, nomme pour tuteur administrateur un sieur Alaine, oncle des mineurs, et pour subrogé tuteur le sieur Lespagnol de Chanteloup.

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Demande en homologation de cette délibération; et, le 15 juill. 1824, jugement du tribunal civil de Reims, ainsi conçu :- « Le tribunal; Considérant que tout administrateur dont la gestion porte prejudice aux intérêts de ses administrés, est susceptible de révocation; qu'à la vérité, l'administration légale du père lui confère une plus grande autorité qu'au tuteur; mais que les devoirs et les charges sont communs à l'un et à l'autre; que leur devoir est de sagement administrer; Considérant qu'il faut bien distinguer les droits qui appartiennent essentiellement à la puissance paternelle, des obligations de l'administrateur légal; que les premiers ont leur source dans la nature, et sout confirmés par

droit à la jouissance, soit pour ce qui concerne la jouissance et la propriété, si l'une et l'autre appartiennent à ses enfants. Si, pendant que le mariage existe, la loi n'admettait aucune dif férence entre le père et le tuteur proprement dit, il faudrait que le père fut, par rapport aux biens personnels de ses enfants, assujetti, durant le mariage, à toutes les conditions et charges que la loi impose au tuteur sous la dépendance d'un conseil de famille, etc.; ce qui répugne à tous les principes constamment reçus. - Il paraît évident que, jusqu'à la dissolution du mariage, le véritable titre du père, et le seul qu'il puisse avoir dans l'hypothèse dont il est ici question, est celui d'administrateur. »

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7. Les causes d'exclusion et de destitution de la tutelle sontelles applicables au père administrateur? En d'autres termes l'art. 444 peut-il être invoqué au cas d'administration du père pendant le mariage? Il semble, au premier coup d'œil, que cette application est impossible, car le père a en lui une puissance bien autrement grande que celle d'un tuteur ou d'un simple mandataire. Cependant les auteurs sont d'accord pour admettre, dans ce cas, la disposition de l'art. 444: « Sont exclus de la tutelle et même destituables s'ils sont en exercice: 1° les gens d'une inconduite notoire; 2o ceux dont la gestion attesterait l'incapacité ou l'infidélité (MM. Marcadé, t. 2, p. 156; Valette, t. 2, p. 285; Massé et Vergé sur Zachariæ, p. 407). Cette disposition, quoique spéciale à la tutelle, doit être appliquée à l'administration du père quant aux biens, et cette opinion trouve sa base logique dans l'art. 450. · Cette opinion est aussi celle de M. Demolombe. « La raison, la nécessité même, dit-il (t. 6, p. 319), tout exige que le père ou la mère dont l'administration compromet les biens de l'enfant, puisse en être écarté. Administrer en bon père de famille, administrer honnêtement, tel est le mandat que la loi donne au père absolument comme au tuteur; et l'art. 444 doit en être pour les deux cas la sanction commune, parce qu'il en est pour les deux cas la conséquence logique et nécessaire. — C'est ainsi que, malgré la règle de l'immutabilité des conventions matrimoniales (c. nap., art. 1395), la femme peut demander sa séparation de biens, lorsque ses biens sont en péril dans les mains du mari (art. 1443).

78. Un père ne peut, durant le mariage, être destitué, par un conseil de famille, de l'administration de la personne de ses enfants mineurs, pour cause de dissipation, insolvabilité ou inconduite notoire; mais il peut, pour les mêmes causes, être privé de l'administration des biens personnels de ses enfants mineurs (Paris, 23 août 1825; rej. 16 déc. 1829) (1).

la loi; qu'ils ne peuvent être détruits que par la mort naturelle ou civile, ou dans le cas déterminé par la loi; qu'il n'en est pas de même du droit purement légal accordé au tuteur, d'administrer la fortune des mineurs ; que ce droit n'ayant été établi que dans l'intérêt des enfants mineurs, il peut et doit être retiré s'il en fait abus, et dans les cas prévus par l'art. 444; qu'au cas particulier, il est de notoriété publique que le sieur Decambray continue de vivre dans le déréglement de conduite qui a amené la ruine de sa fortune, et déterminé les jugements et arrêts qui ont prononcé la séparation de biens entre ledit sieur Decambray et la dame son épouse; qu'il est donc urgent de prendre, à son égard, toutes les précautions que commande l'intérêt des mineurs, placés sous la protection spéciale de la loi et des magistrats; Considérant que le conseil de famille, dans sa délibération, a fait confusion de deux pouvoirs qui doivent rester entièrement distincts, puisqu'ils ne se confèrent et ne se perdent que de la manière ci-dessus indiquée; que s'il convient de prémunir les enfants mineurs contre tous les dommages auxquels ils pourraient être exposés, il est nécessaire aussi de respecter les prérogatives attachées à la puissance paternelle; d'où suit que la délibération du conseil de famille doit être homologuée dans tout ce qui a rapport à la conservation des biens des mineurs Decambray, sans porter atteinte à ce qui touche la puissance paternelle; que cette distinction établie par l'esprit et la lettre de la loi l'est encore par la classification qui en a été faite au code civil, où l'on trouve la puissance paternelle réglée dans le tit. 9, et la minorité et la tutelle dans le titre suivant; que les faits imputés au sieur Decambray sont justifiés par des actes authentiques ci-dessus rappelés, et que dès lors l'art. 444 lui est applicable: déterminé par ces considérations et par les motifs déduits aux jugements et arrêts qui ont pro

79. Quel est le pouvoir qui aura droit et action pour faie exclure ou destituer le père administrateur? On a soutenu

noncé la séparation de biens entre les époux Decambray et par ceux qui ont provoqué la délibération du conseil de famille, en date de 23 février dernier; homologue ladite délibération en ce qui a rapport seulement à l'administration des biens des mineurs Decambray, confiée par cet acte au sieur Alaine, leur aïeul maternel; pour le surplus, dit qu'il n'y a lieu à homologuer, etc.

Appel par Decambray. Il commence par faire valoir des considérations de fait. Il ajoute : Les premiers juges ont commis une inconséquence; il résulte de leur décision que le père doit conserver l'administration de la personne des enfants; mais qui réglera les dépenses? Si c'est un étranger, la puissance paternelle en souffrira; il vaudrait mieux enlever tous les droits au père que de lui en laisser un en lui ôtant les moyens de l'exercer. D'ailleurs, il n'est pas vrai que l'on puisse priver le père de l'administration de ses biens. Le père n'est point un mandataire révocable; la tutelle dative et la tutelle testamentaire constituent bien un mandat; mais il n'en n'est pas de même à l'égard du père; c'est la nature qui lui a donné son droit sur ses enfants; l'administration des biens lui est donnée comme une conséquence de celle de la personne. - La loi a réglé ce dont le père serait comptable. A l'égard des biens, il doit compte des capitaux, et Decamb ay offre d'en faire emploi de la manière que la cour determinera; quant aux revenus, il n'en doit aucun compte ; il en dispose suivant son droit de père, et l'on ne peut lui en demander compte sans attenter à la puissance paternelle dont l'exercice est confié à lui seul, sans limite et sans contrôle.

Les intimés répondent : Le pouvoir d'administrer les biens des enfants n'est pas essentiellement inhérent à la puissance paternelle. Il peut en être détaché. L'art. 389 constitue le père comptable de la propriété et des revenus des biens dont il n'a pas la jouissance, et de la propriéte seulement de ceux dont il a l'usufruit. Cet usufruit ne lui appartient que sous la condition expressément imposée par l'art. 385 de subvenir à la nourriture, à l'entretien et à l'éducation des enfants selon leur fortune. S'il ne remplit pas cette condition, si sa conduite le met hors d'état d'accomplir le vœu de la loi, il en résulte que le droit d'administrer les biens dont il a l'usufruit, droit soumis à une condition essentielle qui n'est pas remplie, doit être enlevée au père. Autrement on violerait toutes les lois qui ont pris de sages précautions pour la conservation des biens des mineurs.- - Aux termes de l'art. 589 c. civ., la famille a eu le droit de décider qu'un capital purement mobilier ne devait pas rester entre les mains d'un père dissipateur. L'offre de faire emploi des capitaux serait insuffisante; car la loi n'a pas pour objet d'empêcher seulement la dissipation des capitaux, mais encore d'assurer l'application des revenus à la nourriture, à l'entretien et à l'éducation des enfants; il fallait nécessairement priver le père de toute administration pour satisfaire au vœu de la loi, et pour se conformer aux intentions de l'aïeule des mineurs. - Arrêt.

LA COUR; Adoptant les motifs, etc.;-Met l'appel au néant. Du 23 août 1825.-C. de Paris, 1re ch.-MM. Séguier, 1er pr.-Ferey, f. f. av. gén., c. conf.-Berryer tils et Gautier, av. 2o Espece: (Beer C. Beer.) Jacob Beer avait dissipé une fortune d'environ 150,000 f., sa femme s'était vue réduite à provoquer contre lui une séparation de biens, et c'est aux soins de plusieurs parents de la famille, que la plupart de ses enfants devaient l'entretien et l'éducation auxquels il n'était plus lui-même en état de pourvoir. En 1826, décès du eur Cahen, son beau-frère. Par testament du 18 juin 1823, il avait institué pour ses légataires à titre universel, Mathilde, Mélanie, Hortense et Estelle Beer, tous quatre enfants mineurs, issus du mariage de Jacob Beer avec Dina Cahen; mais en même temps, le défunt avait légue à la dame Beer, sa sœur, la jouissance viagère, incessible et insaisissable, de tous ses biens, sans qué son mari pût y rien prétendre, et sous la condition expresse que, si elle venait à décéder avant lui, il n'en aurait ni l'administration, ni l'usufruit légal.—Toutes les précautions prises par le testateur prouvent assez qu'il n'avait pas été dans son intention de laisser à Jacob Be r, en aucun temps, la gestion des biens légués. Toutefois, comme ses prévisions expresses sur ce point se trouvaient subordonnees au prédécès de la mère, après l'ouvertare de la succession du sieur Caben, la famille des mineurs dut promptement s'armer de précautions contre la gestion si justement redoutée du sieur Jacob Beer. - En conséquence, Lion Goudchaux Beer, oncle paternel des mineurs, s'empresso de convoquer le conseil de famille, à l'effet de délibérer sur sa proposition d'exclure de l'administration des biens, récemment dévolus aux mineurs, le sieur Jacob Beer, son propre frère.

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- Dans sa délibération du 1er sept. 1826, le conseil de famille reconnaît que Jacob Beer a fout à la fois dissipé sa fortune et celle de sa femme; qu'exproprié de tous ses biens, meubles et immeubles, placé sous le poids de nombreuses condamnations judiciaires, il est finalement tombé dans un état de ruine et d'insolvabilité complètes, et qu'ainsi, sa gestion ne présenterait plus aucune espèce de garanties; qu'en vain, offre-t-il de renoncer au maniement des espèces pécuniaires pour s'en tenir à la defense des droits et intérêts des mineurs; que, dans une série TOME XXXVIII,

que c'est le conseil de famille qui doit statuer, de même qu'il prononce sur les exclusions et destitution des tuteurs (art. 446,

de procès imprudemment engagés, et dans lesquels il a, lui-même, consumé ses derniers moyens d'existence, il avait donné des preuves trop nombreuses et trop incontestables d'imprévoyance et d'incapacité; que ses enfants, par lui réduits à la mendicité, n'ont plus, pour dernier espoir, que la légère part qui peut leur revenir dans la succession Cahen, et qu'en conséquence, il est urgent d'employer tous les moyens commandés par la prudence pour la leur conserver intacte. Tels sont, en substance, les motifs qui ont porté le conseil de famille à voter l'exclusion de Jacob Beer.

Sur les six parents composant le conseil de famille, quatre en ont émis le vœu sans la moindre hésitation; des deux autres, l'un a été d'avis de ne pas ôter à Jacob Beer l'administration légale, attendu qu'il s'interdit tout maniement de deniers; le dernier a déclaré reconnaître que tous les faits reprochés à Jacob Beer n'étaient que trop vrais; mais qu'il ne sait si ces faits sont suffisants pour le faire exclure de l'administration des biens de ses enfants; qu'en conséquence, il refuse de voter, et s'en rapporte à la prudence du juge. Le conseil de famille a ensuite désigne le sieur Abrabam Nathan, le jeune, pour remplacer Jacob Beer dans la gestion des biens appartenant aux mineurs. Il est à observer

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ici qu'Auguste-Nephtali Beer, fils aîné de Jacob Beer, a pris part aux délibérations du conseil de famille. Le 28 sept. 1826, le tribunal de Metz homologue l'avis du conseil de famille.

Le 21 mars 1827, sur l'appel du sieur Jacob Beer, arrêt confirmatif de la cour de Metz, ainsi conçu : «Attendu que le conseil de famille, du 1er sept. 1826, a été composé conformément au prescrit de la loi (art. 407 et 408 c. civ.); qu'Auguste-Nephtali Beer, frère-germain, majeur, des enfants mineurs de Jacob Goudchaux Beer, a dû être appelé à composer le conseil de famille, et que, si, par une sorte de convenance, il aurait peut-être dû s'abstenir de prendre part à une délibération dont le résultat était la destitution de son père de l'administration légale des biens de ses enfants, cependant on ne peut en conclure qu'il y a irrévérence en ne faisant qu'obéir au vœu de la loi; et la nullité d'une délibération à laquelle le fils aurait concouru, n'étant prononcée par aucun article de la loi, il faut dire que la délibération du conseil de famille dont il s'agit, doit être considérée comme valable et ne doit point être annulée; Attendu qu'en plaçant au titre 10, qui établit les règles relatives à la tutelle, l'art. 589, qui se trouve en tête de la section 1, chap. de ce titre, le législateur a entendu assujettir le père administrateur légal aux mêmes obligations que le tuteur ordinaire pour les faits résultant de son administration des biens des mineurs ; il s'ensuit que l'art. 444 c. civ. est évidemment applicable à l'administration légale de Jacob Goudchaux Beer, et qu'il doit s'abstenir de l'administration des biens de ses enfants, s'il est dans un des cas prévus par ledit article. On ne peut douter, en effet, que telle est la volonté du législateur, dont la sollicitude pour les intérêts des mineurs est marquée par toutes ces dispositions. S'il veut que le père soit l'administrateur des biens de ses enfants mineurs, durant le mariage, c'est parce qu'il pense que l'affection d'un père veille, plus qu'un étranger ne pourrait le faire, à l'intérêt des mineurs. Si, cependant, le pere administrateur est prodigue, incapable d'administrer, l'intérêt des mineurs serait évidemment compromis, sans qu'il fût possible de les faire échapper à la misère la plus affreuse; ce qu'évidemment le législateur n'a pu vouloir. Il ne doit pas être accusé d'imprévoyance, puisque, en assujettissant l'administration du père aux mêmes règles que celles qui concernent les tuteurs ordinaires, il a suffisamment assuré la conservation de la fortune des mineurs ; Attendu que la délibération du conseil de famille et la notoriété des faits qu'il atteste touchant l'incapacité de Jacob Goudchaux Beer, démontrent la nécessité de le priver de l'administration des biens de ses enfants mineurs, et font un devoir aux magistrats de confirmer la décision des premiers juges, qui en ordonnent l'homologation.»

Pourvoi par Jacob Beer; -1° Violation de l'art. 389 et fausse application de l'art. 444 c. civ., en ce que la cour, pour priver un père de l'administration légale des biens de ses enfants, s'est fondée sur des faits et des circonstances qui ne pouvaient être invoqués que dans le cas où il se serait agi d'exclure une personne de la tutelle. — Il y a, dit-on, une grande différence entre l'administration légale et la tutelle; il ne doit pas être permis de les assimiler; cette différence est bien nettement exprimée dans ce passage du procès-verbal du conseil d'Etat sur l'art. 389. « Si, pendant que le mariage existe, la loi n'admettait aucune différence entre le père, administrateur légal et le tuteur, il faudrait que le père fût, par rapport aux biens personnels, assujetti, durant le mariage, à toutes les conditions et charges que la loi impose au tuteur. Il faudrait que le père fût sous la surveillance d'un subrogé tuteur, sous la dépendance d'un conseil de famille, etc., etc., ce qui répugne à tous les principes constamment reçus. » Aussi les art. 420 et suiv., relatifs aux subrogés tuteurs; 2121, 2135 et suiv., relatifs à l'hypothèque légale des pupilles; 450 et suiv., relatifs à la surveillance du conseil de famille; 427 et suiv., relatifs aux dispenses de la tutelle, ne parlent que de la tutelle, ue s'appliquent qu'à la tutelle. Ainsi il est impossible d'assi

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