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pour le cas où il s'agit de loyers ou fermages non échus. Nous croyons qu'il est difficile d'établir des règles absolues pour ces diverses hypothèses, et que, dans chaque espèce, le tribunal devra apprécier jusqu'à quel point l'existence de la dette sera de nature à compromettre l'impartialité du juge. Nous ne saurions, du reste, admettre en principe, que par cela seul que la dette ne serait pas échue, on ne pourrait exercer aucune récusation. Le débiteur à terme ou sans conditiou peut être, en effet, sous la dépendance du créancier aussi bien que celui dont l'obligation est exigible, car il a intérêt à ménager par avance le créancier pour obtenir prorogation ou éviter des poursuites. V. Conf. M. Chauveau sur Carré, loc. cit.

48. Lorsqu'il existe des rapports de créancier à débiteur entre une partie et son juge, il n'y a là un motif de récusation que pour la partie adverse qui peut avoir à redouter soit la dépendance du juge débiteur, soit l'intérêt du juge créancier. Mais la partie créancière ou débitriće ne peut récuser, car ces circonstances ne peuvent que lui être favorables (V. cependant Montpellier, 1er avril 1852, aff. Progent-Bernard, D. P. 53. 2. 142). La qualité de créancier et celle de débiteur doivent, du reste, être prises dans un sens restrictif. Ainsi, on ne doit pas considérer comme débiteur le dépositaire, le commodataire, ni comme créancier le prêteur à usage ou le déposant. En général, la qualité de créancier doit s'effacer devant celle de propriétaire, toutes les fois qu'il s'agit de la créance ou de la dette d'un corps certain et déterminé (V. M. Bourbeau, t. 5, p. 470). Il a été décidé, par application du texte que nous venons d'analyser : 1o qu'un juge d'instruction serait dans le cas d'être récusé, s'il était débiteur du prévenu au moment où a commencé l'instruction, encore qu'il ait cessé de l'être depuis, et si son fils est encore débiteur de ce prévenu (Crim. cass. 19 mai 1827) (1); — 2o Que le jugement

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(1) Espece: (Delvincourt C. min. pub.) Le sieur Delvincourt, propriétaire à Laon, fut accusé d'habitude d'usure; il fut interrogé deux fois par le sieur Belin, juge d'instruction. Cité à comparaître devant le tribunal correctionnel de Laon, il déclara, par acte déposé au greffe, qu'il récusait la personne de M. Belin, juge d'instruction, et qu'il demandait la nullité de tout ce qu'il aurait pu faire. Il fondait sa récu sation: 1o sur ce que Léonard Belin, un des fils de M. Belin, juge, est encore son débiteur depuis 1807; 2° sur ce que ce magistrat était luimême son débiteur au moment où il instruisait. Le 27 janv. 1827, jugement du tribunal de Laon qui déclara Delvincourt non recevable dans sa récusation, comme étant faite tardivement. Appel.-14 fév. 1827, arrêt confirmatif de la cour d'Amiens. - Pourvoi. Arrêt. LA COUR Vu l'art. 542 c. inst. crim.; Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le demandeur a récusé le sieur Belin, non comme membre du tribunal de première instance de Laon, et pouvant, en cette qualité, concourir au jugement à intervenir sur les poursuites en délit d'habitude d'usure dirigées par le ministère public, mais qu'il l'a récusé comme juge d'instruction, et demandé par là d'être soustrait à sa juridiction; Qu'une pareille récusation constituait évidemment une demande en renvoi à une autre juge d'instruction, pour cause de suspicion légitime; Qu'aux termes de l'art. 542 c. inst. crim., il n'appartient qu'à la cour de cassation de statuer sur cette demande;-Qu'en en prenant connaissance, et en la jugeant non recevable, le tribunal de Laon et la cour royale d'Amiens sont sortis des limites de leur compétence et ont excédé leurs pouvoirs ; Attendu, que la demande en renvoi pour cause de suspicion légitime devant un autre tribunal que celui de Laon, formée par Delvincourt-Servant, est suffisamment motivée; Casse et renvoie Delvincourt devant le tribunal correctionnel de Reims, pour y être poursuivi et jugé sur le délit d'habitude d'usure, conformément à Fordonnance de mise en prévention.

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Du 19 mai 1827.-C. C., ch. crim.-MM. Portalis, pr.-Mangin, rap. (2) Espèce:-(Arrault C. Ferrand.)- Le sieur Arrault laissa cinq enfants. Henri, l'un d'eux, accepta seul la succession paternelle. Hippolyte, son frère, paye divers créanciers, en se faisant subroger dans leur droit. Ce dernier, mis en demeure par acte extrajudiciaire de déclarer s'il entendait se prévaloir de sa qualité de créancier, répondit qu'il réclamerait ses droits si la contestation pendante devant le tribunal de Joigny, entre ses frères Louis-Jacques et Henri, avait une issue favorable à ce dernier. En conséquence, Henri recusa M. Ferrand, président du tribunal. et beau-père du sieur Hippolyte. Jugement qui admet la récusation, mais qui, ne considérant la déclaration du sieur Hippolyte que comme un commencement de preuve par écrit, ordonne que sa qualité de créancier sera préalablement établie. Refus du président de se déporter, par le motif que son gendre est sans intérêt dans la cause. Appel du jugement par le sieur Henri, qui soutient que sa qualité de créancier du sieur Hippolyte est suffisamment constatée par sa propre déclaration,

d'homologation d'un concordat, auquel a participé comme juge un créancier du failli, est nul (Poitiers, 29 août 1850, aff. Loppin, D. P. 51. 2. 170); 30 Mais que le tiers saisi qui, par la consignation qu'il a faite, est entièrement libéré, peut concourir comme juge à la décision d'une contestation survenue entre le saisissant et le saisi, pour savoir qui doit supporter la perte de la chose consignée, surtout si les parties n ont exercé contre lui aucune récusation (Req. 16 juin 1813, aff. Sorin, V. Saisie-arrêt); · 4° Que la récusation fondée sur la parenté ou l'alliance du juge avec un créancier d'une des parties doit être accueillie, encore bien que le récusant ne justifie pas préalablement de l'existence ou de la validité du titre de ce créancier... Et que la déclaration faite par celui-ci, dans un acte extrajudiciaire, de sa qualité de créancier, suffit pour faire prononcer la récusation (Paris, fer mars 1836) (2). — Cette dernière solution, juste dans l'espèce, nous paraft trop généralisée: si l'art. 378, § 4 n'exige pas du récusant qu'il établisse sa qualité de créancier ou de débiteur, ce qui, dans ce dernier cas, serait presque toujours impossible, il ne s'ensuit pas que la simple allégation qu'il est débiteur d'un des parents ou alliés du juge, énumérés dans l'art. 378, soit suffisante pour valider sa récusation. Mais, comme d'un autre côté, on ne pourrait contraindre le parent où l'allié du juge à établir sa qualité de créancier du ré. cusant, il nous semble, en pareil cas, et d'après les termes généraux de la loi, que les faits ou les actes qui peuvent justifier les motifs du récusant, sont laissés à l'appréciation du tribunal.

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el qu'on ne peut le contraindre à produire les titres de son frère. LA COUR; Considérant qu'il est constant, en fait, qu'Hippolyte Arrault est gendre du président du tribunal de Joigny;

Que, de la déclaration dudit Hippolyte, par lui faite et signée au bas de l'acte extrajudiciaire, du 9 déc. 1835, il résulte qu'il n'attend que la décision sur la contestation actuellement pendante audit tribunal, entre ses frères Louis-Jacques et Henri Arrault, pour réclamer, contre ce der¬ nier, et dans le cas où une indemnité quelconque lui serait allouée, les droits qui peuvent lui appartenir contre la succession de l'auteur commun, tant pour les sommes par lui payees personnellement et directement, que comme cessionnaire pour un cinquième de la demoiselle Legros, sa tante;

Qué cette déclaration indique suffisamment que ledit Hippolyte Arrault a le droit, ou du moins qu'il prétend avoir le droit d'exercer sous un double titre une action contre la succession paternelle, ou contre Henri Arrault, qui l'a seul acceptée;

Que le § 4 de l'art. 578 c. pr. n'exige, pour l'admissibilité de la récusation, que le fait de l'alliance y désigné entre le juge et le créancier d'une partie, sans astreindre le récusant à justifier préalablement de l'existence ou de la validité du titre que le créancier peut invoquer contre lui, et que, dans aucun cas, if n'aurait la possibilité de produire; - Infirme... admet la récusation proposée par Heuri Arrault.

Du 1er mars 1836.-C. de Paris, 1re ch.-MM. Séguier, pr.-Delapalme, av. gén.

(3) Espèce (Torcy C. la dame de Bordes.)- Le sieur de Torcy, poursuivi en saisie, avait obtenu la conversion en vente sur publications volontaires. La veille de l'adjudication, il éleva une contestation qui fut rejetée, ce qui n'empêcha pas l'adjudication préparatoire. Il y eut appel de sa part à l'audience du 29 avril; mais, dès avant cette audience, il forma, par acte au greffe, une récusation contre M. de Sorby, juge, et contre MM. Gorda et Greslot, juges suppléants, sur le motif qu'une succession bénéficiaire Mangin était en cause; que M. de Sorby était frère d'un créancier de cette succession, et MM. Gorda et Greslot créanciers directs de cette même succession.

Le tribunal, présidé par M. de Sorby, rejette cette récusation. Appel par le sieur de Torcy. - M. l'avocat général Bayeux fait observer que, si les moyens de récusation étaient admis, il y aurait impossibilité de composer le tribunal, car tous les juges, excepté un, sont récusés et tous les avoués, excepté un, occupent dans le procès; qu'au reste, les moyens ne sont pas fondés en droit.-Arrêt.

LA COUR-Considérant qu'en la forme il y avait eu violation de la loi, en ce que le juge récusé avait connu de sa propre récusation, et en ce que le rapport et les conclusions du ministère public avaient eu lieu en la chambre du conseil; - Au fond, considérant que la faculté de récuser n'est accordée qu'autant que le juge est parent, allié ou créancier de la partie; - Que les personnes signalées comme parentes du juge re

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50. M. Carré examine (quest. 1374) le point de savoir s'il y aurait lieu à récuser un juge sur lequel une partie aurait accepté un transport de créance, et il pense que le juge ne peut être valablement récusé si le transport n'a été accepté que depuis le commencement de l'instance, parce qu'il est dans l'esprit de la loi d'interdire toute récusation fondée sur une cause que la partie aurait fait naître. Mais nous croyons avec M. Chauveau, loc. cit., que cette question n'aurait pas dû être posée, car la seule partie qui ait droit de récuser le juge, dans le cas proposé, est la partie adverse du créancier du juge, ainsi que nous l'avons dit no 83, et pour elle la circonstance que la créance a été transférée depuis l'introduction de l'instance est chose indifférente, puisque sa récusation ne pourrait être fondée que sur la disposition générale de l'art. 378, § 4, qui permet de récuser le juge débiteur. Si, par suite d'un transport de créance postérieur au commencement de l'instance le juge était l'objet de poursuites, ce serait le cas d'appliquer le § 6 du même art. (V. infrà, no 51). Il a été décidé qu'on ne peut récuser un arbitre, parce qu'il est devenu, depuis le compromis, débiteur de l'une des parties (Besançon, 30 déc. 1814, aff. Berget C. Bourgeois, vo Arbitrage, no 654-2o). 51. Proces civil ou criminel, inimitié capitale. - Le juge est encore récusable si, dans les cinq ans qui ont précédé la récusation, il y a eu procès criminel entre lui, sa femme ou leurs enfants et descendants ou alliés dans la même ligne et l'une des parties, ou son conjoint, ou ses parents ou alliés en ligne directe (art. 378, § 5), ou s'il y a procès civil entre ces personnes et l'une des parties, et que ce procès, s'il a été intenté par la partie, l'ait été avant l'instance dans laquelle la récusation est proposée; et si, ce procès étant terminé, il ne l'a été que dans les six mois précédant la récusation (§ 6). Dans les divers cas prévus par ces deux dispositions, le législateur a craint avec raison que le juge n'obéit à des sentiments haineux, et qu'il ne fût ainsi entraîné à l'oubli de ses devoirs. Enfin, la récusation peut être proposée s'il y a inimitié capitale entre le juge et l'une des parties, ou s'il y a eu, de sa part, agressions, injures ou menaces, verbalement ou par écrit, depuis l'instance, ou dans les six mois précédant la récusation proposée (même article, § 9).

52. MM. Thomine Desmazures, t. 1, p. 592, et Carré, quest. 1375, sont d'avis que, dans le § 5 de l'art. 378, les mots procès criminel ne doivent pas être pris dans un sens restrictif, et qu'une instance engagée devant un tribunal de police correctionnelle ou devant un tribunal de simple police serait une cause valable de récusation. M. Bourbeau, t. 5, p. 494, professe la même doctrine, tout en reconnaissant, toutefois, qu'il serait bien difficile d'étendre les termes employés par la loi à une contestation relative à une simple contravention de police. MM. Delaporte, t. 2, p. 347; Chauveau sur Carré, loc. cit., et Favard, t. 4, p. 762, pensent au contraire que la loi n'a entendu parier que d'un procès relatif à un crime, et c'est vers ce dernier avis

cusé n'étaient point parties dans la cause, qu'elles n'y sont point intervenues, que n'étant point créanciers du juge récusé elles n'avaient pas droit d'y figurer; Que la prétendue parenté étant ainsi écartée, il devenait inutile de rechercher si la récusation avait été proposée ou non avant la plaidoirie; Infirmant la sentence du tribunal de Vitry, et évoquant le principal; A déclaré la récusation inadmissible. Du 7 juin 1834.-C. de Paris, 1re ch.-M. Séguier, 1er pr. (1) (Magnoncourt C. Renouard-de-Bussière.)-LA COUR;-Attendu que l'arrêt reconnaît qu'aucun des parents de M. Renouard de Bussière n'est en cause dans l'instance qui existe entre M. de Magnoncourt et les héritiers Grezely; que pour qu un magistrat soit récusable, il faut que lui ou ses parents désignés par la loi aient un intérêt actuel dans le procès existant; d'où il suit que la récusation de M. Renouard de Bussière, invoquée par M de Magnoncourt, est inadmissible, et que l'arrêt dénoncé, en le prononçant ainsi, n'a point violé l'art. 378, § 6, c. pr.;-Rejette le pourvoi contre l'appel de la cour de Besançon du 16 déc. 1831.

Du 30 avril 1833.-M. Zangiacomi, pr.-MM. de Ménerville, rap.-Nicod, av. gen., c. conf.-Parrot, av.

(2) Espèce (Brousse C. Gauthier et Roussel.)—Le 11 avr. 1837,

que nous inclinons. La discussion au conseil d'Etat paralt prouver, en effet, la justesse de cette dernière interprétation, ar cette discussion eut pour résultat le rejet d'un amendement per lequel on voulait mettre sur la même ligne que les procès criminels ceux qui auraient lieu en police correctionnelle. Il est vrai que ces derniers procès, et même des actions en simple police, peuvent exciter quelquefois des haines aussi violentes qu'un procès criminel proprement dit. Mais cela est rare et peu supposable, et si d'ailleurs cette hypothèse se présentait, ce serait un cas d'inimitié capitale entre le juge et la partie, et il y aurait lieu d'appliquer le § 9.

53. L'art. 378, § 6, ne permet pas ia récusation si le procès civil était intenté après l'instance et par la partie. S'il en était autrement, ce serait, en effet, permettre à la partie de se créer à son gré une cause de récusation. Mais si le procès civil était intenté par le juge lui-même, ou par ses parents ou alliés en ligne directe depuis l'introduction de l'instance dans laquelle la récusation est proposée, il y aura là un motif valable d'exercer cette récusation (Conf. MM. Favard, t. 4, p. 762, no 3; Carré et Chauveau, quest. 1376; Thomine, t. 1, p. 592).

54. Il a été décidé qu'on ne peut récuser un juge d'appel dans un procès soumis à la chambre dont il fait partie, et auquel procès il est complétement étranger par lui et par les siens, sur le motif unique que l'une des parties en cause est en instance devant une autre chambre de la même cour, contre la succession de l'aïeul de ce juge (Req. 30 avril 1833) (1).

5. Le § 9 de l'art. 378 ne définit pas ce que l'on doit entendre par inimitié capitale. Lors de la discussion du conseil d'Etat il fut seulement dit que cette disposition serait purement discrétionnaire, ou, en d'autres termes, que les tribunaux apprécieraient souverainement à quelles circonstances de fait elle devait être appliquée. L'inimitié capitale était admise par l'ordonnance de 1667 (tit. 24, art. 8) comme cause de récusation. Voici comment Rodier (quest. 1) s'expliquait à son égard : « C'est, disait-il, une inimitié décidée, connue, manifestée, occasionnée par l'homicide de quelqu'un de nos proches, par des querelles, des affaires d'honneur ou d'un gros intérêt, dont le ressentiment porterait à saisir les occasions d'attenter à la vie, à l'honneur ou aux avantages temporels de son ennemi. » Cette définition pourrait être adoptée encore actuellement; seulement, à la différence de ce qui avait lieu sous l'empire de l'ordonnance, l'inimitié capitale ne serait plus un motif de récuser le juge, si elle avait été suivie d'une réconciliation. V. MM. Pigeau, Comm., t. 1, p. 656; Carré et Chauveau, quest. 1384, Favard, t. 4, p. 763.

56. Il a été décidé avec raison, 1o qu'une allégation vague qu'il existe une inimitié capitale entre le juge et la partie est insuffisante pour justifier une récusation; que ce moyen doit être appuyé, dans ce cas, de faits articulés avec précision (Req. 9 nov. 1808, M. Lachèze, rap., aff. min. pub. C. Allard la Resnière; Paris, 30 août 1810, aff. Fontan C. N.......) ; — 2o Qu'il en est ainsi, alors même que le juge récusé aurait reconnu que la récusation était fondée et y aurait adhéré en ajoutant que, dans tous les cas, il se serait abstenu pour la même cause (Rej. 29 juin 1840) (2); 3o Que le refus qu'aurait éprouvé l'un

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le sicur Brousse se présenta devant le greffier du tribunal civil de Béziers, auquel il exposa « qu'il existait sur les rôles de ce tribunal deux causes le concernant, l'une contre le sieur Roussel, l'autre contre le sieur Gauthier; que ces deux causes devaient être incessamment portées à l'audience, et que, sans entendre le moins du monde porter atteinte au caractère et à l'intégrité des magistrats qui étaient appeles à les juger, il était contraint de faire connaitre qu'à raison de la mésharmonie qui s'était progressivement et individuellement aggravée de part et d'autre, il s'était établi entre lui et MM. Alzieu, président, Fabre, juge d'instruction, Cavailler et Daurel, juges, et M. Brun aîné, juge-suppleant, un est d'irritation et d'inimitié qui les mettait chacun dans le cas de recusatica prevu par le premier alinéa du § 9 de l'art. 378 c. pr.; qu'en conséquence, il déclarait les récuser, et les récusait en effet, faisant, quantà la vérité de l'irritation et de l'inimitié respectivement et individuellement existantes, un appel à leur oyauté et à leur delicatesse.

Le greffier donna acte de cette déclaration et la soumit aux magistrats récusés, qui y répondirent en ces termes : « Nous J.-F. Alzieu, président du tribunal civil de l'arrondissement de Béziers, E. Fabre, juge doyen, Cél. Cavailler et H. Daurel, juges, Brun, juge-suppléant: -Vula récusation ci-dessus proposée, déclarons qu'il est en effet de notre loyauté et

des juges d'un tribunal dans sa demande en mariage de la fille d'une des parties ne peut constituer une inimitié capitale (Req.

de notre délicatesse de reconnaître qu'il existe individuellement entre chacun de nous et le sieur Brousse l'état d'irritation et d'inimitié qu'il articule; Nous déclarons, en conséquence, adhérer à cette récusation autant qu'il est en nous de le faire, ajoutant qu'avant qu'elle existât, portés par notre conscience à nous abstenir de la connaissance des causes dans lesquelles ledit sieur Brousse est partie, nous nous étions fait un devoir de soumettre chacun au tribunal nos causes d'abstention; que ces causes avaient été reconnues justes et fondées, et que, dans cet état de choses, la récusation susdite n'a fait que prévenir notre projet individuel de nous abstenir. >>

Dans ces circonstances, Brousse s'adressa à la cour royale de Montpellier, afin qu'elle désignât un autre tribunal du ressort. Cette cour l'autorisa à assigner devant elle les sieurs Roussel et Gauthier. Mais ceux-ci combattirent la demande en renvoi et conclurent à ce que, sans avoir égard à la récusation de l'entier tribunal de Béziers, faite par Brousse, et la rejetant comme non justifiée et inadmissible, la cour ordonnât la continuation des procédures devant ce tribunal, jusqu'à jugement définitif. 27 juin 1837, arrêt de la cour de Montpellier qui accueille ces dernières conclusions par les motifs suivants : - «Attendu que le sieur Brousse a déclaré fonder la récusation contre M. le président, MM. les juges et M. Brun, juge suppléant du tribunal civil de Béziers, sur le premier alinéa du § 9 de l'art. 378 c. pr. civ.;-Attendu, dès lors, qu'il s'agit d'examiner s'il est prouvé qu'il existe entre lui et les magistrats ainsi récusés un état d'inimitié capitale; Attendu qu'il ne saurait suffire de présenter à la cour des allégations vagues pour motiver une semblable récusation; mais qu'il faudrait articuler des faits précis, caractéristiques de l'inimitié capitale ;- Et attendu que le sieur Brousse n'a articulé aucun fait dans sa récusation; qu'il n'en précise aucun devant la cour; que même Je mot d'inimitié capitale n'a pas été prononcé par lui dans son acte de récusation; Attendu que, dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter ladite récusation comme inadmissible, avec d'autant plus de raison qu'il déclare lui-même ne pas entendre le moins du monde porter atteinte au caractère et à l'intégrité de ses juges; - Attendu que ceux-ci n'ont fait que répondre à la récusation du sieur Brousse, dans leur déclaration au greffe; qu'il n'y a pas eu de leur part déclaration spontanée d'abstention, et que, dans le cas même où pareille déclaration aurait été faite, il appartiendrait à la cour d'en apprécier les motifs et d'y statuer;-Et attendu que la réponse de MM. Alzieu, Fabre, Cavailler, Daurel et Brun ne repose, non plus que la récusation même du sieur Brousse, sur aucun fait précis; Attendu, dès lors, qu'il y a lieu de n'avoir égard à ladite réponse, n'étant pas au pouvoir du juge de se dispenser du devoir de juger, hors des cas déterminés par la loi, etc. »

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Pourvoi de Brousse, pour fausse application de l'art. 378, § 9 c. pr. et violation des art. 378 et 388 du même code, en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'accueillir une demande en renvoi dont les causes étaient avouées par le tribunal saisi, et a rejeté une récusation fondée sur des motifs dont les juges récusés convenaient eux-mêmes. Il faut d'abord, dit-on, écarter de la discussion les considérations que la cour royale a tirées soit de ce que le demandeur, dans l'acte de recusation, avait déclaré n'entendre porter aucune atteinte au caractère et à l'intégrité des magistrats (ce qui était une simple formule de convenance et de politesse), soit de ce qu'il n'avait pas prononcé le mot d'inimitié capitale, car en disant que l'état d'inimitié existant entre lui et les juges les plaçait dans le cas de l'art. 378, § 9, premier alinéa, il exprimait suffisamment qu'il s'agissait de l'inimitié capitale dont parle ce texte de loi.-Reste donc le motif principal de l'arrêt attaqué, fondé sur ce que le demandeur n'articulait aucun fait précis et caractéristique d'inimitié capitale. Or, à cet égard, il est bien vrai que tous les auteurs et la jurisprudence décident qu'il faut une articulation de faits à l'appui de l'allégation d'inimitié capitale, afin de mettre le juge supérieur à même d'apprécier la valeur de la récusation. Mais cette doctrine, ainsi que son énoncé le fait déja pressentir, n'est applicable qu'au cas où les juges résistant à la récusation dont ils sont l'objet, il devient nécessaire de soumettre le débat au tribunal ou à la cour royale. En un tel cas, on conçoit que la partie qui récuse un juge pour un motif que celui-ci conteste, soit tenue de prouver ses allégations et de préciser des faits qui caractérisent l'inimitié capitale, si la récusation est fondée sur cette cause. Mais à quoi bon spécifier des faits, lorsque le juge récusé reconnaît et avoue lui-même l'existence de l'inimitié capitale? Cette inimitié n'est pas un pur fait; c'est une situation d'esprit, un sentiment que personne ne peut mieux apprécier que celui qui l'éprouve. Aussi l'art. 388 dispose-t-il que « si le juge récusé convient des faits qui ont motivé sa récusation, ou si ces faits sont prouvés (quand il résiste), il sera ordonné qu'il s'abstiendra. » Donc, d'après la loi, l'aveu du juge équivaut à une preuve complète. - Cela devait être ainsi, car, lorsqu'on pense que la cause la plus légère peut engendrer une inimitié violente dans un cœur irascible, et qu'au contraire les provocations les plus violentes peuvent n'engendrer aucune rancune dans l'homme grave qui les a reçues et qui les aura peut-être dédaignées, parce qu'elles lui auront paru être le résultat d'une grande légèreté plutôt que de la maiTOME XXXVIII.

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veillance, comment reconnaître l'existence de l'inimitié capitale, si co n'est par l'aveu même des personnes? Tout se réunit donc, le nature des choses et la loi, pour donner à l'aveu du magistrat récusé l'autorité d'une preuve complète. Dira-t-on que l'art. 388 suppose une articulation de faits? Mais lorsque la partie dit à un juge : « Je vous récuse, parce qu'il existe entre nous une inimitié capitale, » et que le juge lui répond: «La récusation est fondée, parce que je suis votre ennemi, » que peut-on exiger encore? La déclaration de haine signifiee par le juge ne dispenset-elle pas de préciser et les actes qui l'ont fait naître et ceux par lesquels elle s'est manifestée? En principe, il faut que le juge soit à l'abri du moindre soupçon légitime de partialité. C'est pour cela que l'art. 380 oblige tout juge qui sait cause de récusation en sa personne, de le déclarer à la chambre, qui décide s'il doit s'abstenir. On remarque que la chambre, dans ce cas, peut déclarer qu'il n'y a pas lieu à abstention; et cependant, aux termes de l'art. 388, si le même fait avait été énoncé dans un acte de récusation et qu'il fût avoué par le juge, son abstention devrait être nécessairement ordonnée. D'où vient cette différence? Evidemment de ce que le silence de la partie, dans le premier cas, fait présumer qu'elle n'a pas un grave sujet de suspicion contre le juge, tandis que, dans le second, sa réclamation a pour effet de dépouiller ce même juge du caractère respectable dont il doit être revêtu aux yeux des justiciables. Dans l'espèce, serait-ce se conformer à l'esprit de la loi que d'imposer au tribunal de Béziers l'obligation de juger une cause intéressant une partie dont il s'est déclaré en masse l'ennemi? La loi veut que les jugements soient respectés à l'égal de la vérité elle-même. Mais comment celui du tribunal de Béziers, s'il était contraire au demandeur, pourrait-il mériter ce respect, en présence de la déclaration de haine signée par tous les magistrats? Ces considérations font ressortir l'erreur de l'arrêt attaqué, quand il décide que l'aveu des juges récusés pour cause d'inimitié capitale ne suffit pas, sans une articulation de faits caractéristiques de cette inimitié, pour faire admettre la récusation. Sous un autre rapport, il a violé l'art. 373, d'après lequzi, si les causes de la demande en renvoi devant un autre tribunal sont avouées ou justifiées dans le tribunal saisi, ce renvoi doit être ordonné. Ici encore, l'aveu a la force d'une preuve pleine et entière. Dans l'espèce, l'aveu résultait de la déclaration des juges, et leur récusation en masse équivalait à une demande en renvoi pour cause de suspicion légitime d'où il suit que la cour de Montpellier ne pouvait rejeter cette demande.

On répond: Tout le système du demandeur roule sur cette considération que la récusation d'un juge est une affaire qui se passe entre le juge et la partie récusante. On croirait, d'après ce système, que la partie qui ne récuse pas n'a aucun intérêt dans le débat, alors même que, comme dans l'espèce, il s'agirait de faire ordonner l'abstention de tout un tribunal. Mais ce n'est pas ainsi que la loi entend les choses. L'ordre des juridictions est essentiellement de droit public. Nul ne peut être distrait de ses juges naturels, ni être privé, par suite, d'un ou de plusieurs des juges appelés dans l'ordre légal à prononcer sur ses intérêts, si ce n'est pour des causes légitimes. De même, aucun juge ne peut s'abstenir volontairement, sous peine de déni de justice, si ce n'est pour les mêmes causes. Il faut donc que ces causes soient connues, que leur existence soit prouvée, et, si la récusation est motivée sur l'allégation d'une inimitié capitale entre le juge et la partie récusante, il faut que les faits caractéristiques de cette inimitié soient articulés, afin que l'autre partie soit à même de les combattre et de défendre ses droits. Et qu'on ne dise pas que l'inimitié capitale est moins un fait qu'une situation d'esprit, qu'un sentiment insusceptible de preuve; car l'ordonnance de 1667 (art. 8, tit. 24) admettait aussi l'inimitié capitale comme cause de récusation, et Rodier, le commentateur de cette ordonnance, expliquait très-bien à quels signes on pouvait reconnaître l'inimitié capitale. Sa doctrine rentrait dans la définition suivante donnée par Godefroy, sur la loi 3, ff., De Testibus inimicus summus, scilicet capitalis, gravissimus non levis; putà, si quis palàm tibi maladixerit, infaustas voces adversùs te jactaverit, status controversiam moverit, vel omnium bonorum, vel majoris partis; si inimicis tuis amicitiam copulavit. Il ne suffit donc pas d'alléguer vaguement une inimitié capitale; c'est, du reste, ce qui résulte des explications que provoqua au conseil d'Etat la rédaction du § 9 de l'art. 378. M. Treilhard fit observer que, quand l'allégation serait vague, on rejeterait la réclamation.-Dans l'espèce, le sieur Brousse n'a articulé aucun fait précis et caractéristique de l'inimitié capitale. Pouvait-il s'en croire dispensé par la déclaration des juges récusés ? Mais d'abord cette décla ration est loin de constituer un aveu comme il le prétend. Comment supposer, en effet, que des magistrats aient entendu s'attribuer individuellement les sentiments de malveillance, de haine et de vengeance qui caractérisent l'inimitié capitale? Il est sans exemple qu'un magistrat soit venu se déclarer l'ennemi juré, l'ennemi mortel d'un de ses justiciables. De la part d'un tribunal tout entier, une pareille déclaration serait un scandale inouï. Les juges de Béziers ont pu croire à l'absence d'harmonie entre eux et le récusant, à l'irritation et même à l'inimitié de ce dernier, et ils ont pu penser que leur délicatesse leur faisait un devoir, dans

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d'un arbitre (Bourges, 3 déc. 1813, aff. Jouesne, V. Arbitrage, n° 647).

57. Il y a lieu de remarquer que la loi n'autorise la récusation en cas d'agressions, injures ou menaces de la part du juge qu'autant que ces faits se sont produits depuis l'instance ou dans les six mois précédant le procès, tandis que lorsqu'il s'agit d'un procès criminel, il faut que cinq années se soient écoulées pour que ce procès cesse d'être une cause de récusation. C'est qu'en effet l'inimitié résultant d'un procès criminel est plus grave que celle qui naît d'une injure ou d'une menace, et le législateur a pensé qu'il en résulterait un ressentiment plus vivace et plus persistant. C'est par ce motif que, d'un autre côté, l'art. 378 ne s'occupe que d'une agression ou injure émanée du juge personnellement, tandis qu'il range au nombre des causes de récusation

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un procès criminel entre les parents ou les alliés du juge et ceux de la partie, du moins en ligne directe.

58. De ce qu'une partie peut récuser le juge qui l'aurait injuriée, attaquée ou menacée, il n'en résulte pas que la partie puisse récuser celui contre lequel elle aurait elle-mème proféré ou écrit des injures, car autrement il suffirait à un plaideur d'insulter un juge dont elle redouterait les lumières et la probité pour avoir droit de le récuser (Req. 23 août 1810 (1), V. Pigeau, t. 1, p. 427; Lepage, p. 253). Décidé en ce sens que la provocation en duel adressée au fils de l'un des magistrats peu être considérée comme une injure ou une menace dirigée con tre le magistrat lui-même, mais n'est pas pour lui une cause de récusation ou de déport (Rennes, 19 fév., 19 mars 1834) (2). 59. Remarquons avec M. Bourbeau, t. 5, p. 496, que les

est pas de même des injures que la partie se permet contre un juge:
Qui de uno dicit de altero negat. Il n'est qu'un cas où un juge, in-
jurié par la partie, serait récusable de ce chef : c'est celui où les injures
proferées ou écrites contre le juge auraient amené une inimitié capitale
entre lui et l'auteur de ces injures; car l'inimitié capitale est mise par
l'article cité du code de procédure au nombre des causes de récusation;
mais, dans l'espèce dont il s'agit, les membres du fribunal de Pistoie
déclarent eux-mêmes qu'ils n'ont contre Spampani aucun ressentiment
des injures qu'il s'est permises contre eux; et assurément leur déclara-
tion doit suffire pour lever tous les doutes. Arrêt.
LA COUR;
Attendu que les motifs proposés par Ernesto Spampani,
pour obtenir son renvoi du tribunal de première instance de Pistoie, dé-
partement de l'Arno, à un autre tribunal, ne sont pas mis par la loi au
nombre de ceux qui peuvent légitimer une demande en récusation; -
Déclare la récusation proposée par Ernesto Spampani contre tous les ma-
gistrats composant le tribunal de première instance de Pistoie imperti-
nente et inadmissible.

cette position, d'accepter la récusation et de s'abstenir voilà tout. D'un autre côté, en droit, le juge n'est jamais l'appréciateur souverain de sa récusation, soit qu'il la previenne par une déclaration spontanée, soit qu'elle ait été formulée par la partie. Autrement, il jugerait dans sa propre canse et pourrait s'affranchir arbitrairement de son devoir. L'ordre public est intéressé dans les questions de récusation; aussi le ministère public doit-il toujours être consulté (e. pr. 385, no 2). Or, pour que la partie qui ne récuse pas, pour que le tribunal, pour que le ministère public puissent apprécier le mérite de la récusation, il faut de toute nécessité que les faits qui la motivent soient énoncés. L'art. 385 oblige le juge recusé à s'expliquer en termes précis sur les faits; et l'art. 388 dispose que, si le juge récusé convient des faits ou que ces faits soient prouvés, il sera ordonné qu'il s'abstiendra. - On objecte que ce dernier article attribue à l'aveu du juge la force d'une preuve complète qui rend toute appreciation inutile. Mais l'art. 388 ne doit pas être entendu en ce sens; il ne diffère pas, au fond, de l'art. 380 qui laisse au tribunal le droit d'examiner les causes de récusation qu'un juge croirait exister en sa personne. La loi n'a pu autoriser des récusations qui sera ent le résultat d'un accord fait entre le juge et la partie. Le contrôle du tribunal ou des juges supérieurs est donc nécessaire. - Il suit de là que la cour royale de Montpellier n'a fait qu'user, dans l'espèce, du droit d'appréciation qui lui appartenait. Elle a pu rejeter la récusation sans violer aucune loi, de même qu'elle aurait pu l'admettre. — L'art. 375, dont le demandeur argumente, était inapplicable aux cas prévus par le n° 9 de l'art. 378, parce que cet art. 373 n'a rapport qu'à des causes résultant d'un fait simple, la parenté ou l'alliance, tandis que l'art. 378, § 9,est❘gistrat en remplissant les fonctions, les conclusions suivantes, qui font relatif à des faits composés, tels que l'inimitié capitale, et que, dans un tel cas, la partie qui allègue ce sentiment et le juge qui le reconnaît ne font qu'exprimer chacun une opinion que les juges supérieurs ont le droit d'apprécier. Arrêt.

LA COUR; Attendu qu'il appartenait à la cour royale de Montpellier de statuer sur la cause de la récusation articulée par Brousse, et admise comme cause suffisante d'abstention par les juges du tribunal de Béziers;-Qu'il lui appartenait également de statuer sur la cause d'abstention par eux avouee, et qu'en appréciant l'une et l'autre, dans les limites de sa compétence, elle n'a violé aucune loi;- Rejette.

Du 29 juin 1840.-C. C., ch. civ.-MM. Portalis, 1er pr.-Rupérou, rap.Tarbé, av. gén., c. conf.-Augier et Verdière, av.

(1) Espèce:-(Min. pub. C. Spampani.)- Le 15 juin 1810, un mandat de dépôt fut décerné par le juge d'instruction de Pistoie contre Spampani, prévenu de divers faits d'escroquerie. Le 22 du même mois, celuici présenta aux président et juges du même tribunal, une requête par laquelle il déclara les récuser tous, sur le fondement que, parmi les papiers saisis dans son domicile, à la suite de son arrestation, il se trouvait des rapports et notes sur les qualités de ces magistrats et du procureur général; qu'ainsi injuriés et compromis par son fait, ils ne pouvaient conserver à son égard l'impartialité et l'impassibilité qu'il avait droit d'attendre d'eux ; et que, dès lors, ils devaient s'abstenir. - Le 19 juillet suivant, jugement par lequel le tribunal, après avoir déclaré que les raisons déduites par Ernesto Spampani étaient insuffisantes pour proIduire dans son esprit aucune passibilité; Considérant, néanmoins, que la déclaration d'Ernesto Spampani contient la récusation de tous les membres du tribunal, ordonne que les pièces du procès concernant Spampani seront transmises à la cour de cassation, pour être, par elle, pourvu ce que de raison.-L'art. 378 c. pr., a dit M. Merlin, détermine les cas où un juge peut être récusé; et parmi ces cas se trouve celui où il y a eu, de la part du récusant, agressions, injures ou menaces verbalement ou par écrit depuis l'instance ou dans les dix mois précédant la récusation proposée; mais de ce que les juges du tribunal de première instance de Pistoie pourraient être récusés par Ernesto Spampani, dans le cas où ils l'auraient attaqué, injurié ou menacé, s'ensuit-il qu'ils peuvent également l'être, sous le prétexte qu'Ernesto Spampani les a injuriés eux-mêmes? Non, sans doute, et bien loin de là; en indiquant comme causes légitimes de récusation les injures qu'un juge se permet contre la partie, la loi fait entendre assez clairement qu'il n'en

Du 23 août 1810.-C. C., sect. req.-M. Minier, rap.

(2) Espèce :-(M...)-Trois juges ou suppléants du tribunal de P... s'étaient déportés dans une instance soumise à leur décision, après les plaidoiries entamées. Ce déport mit le tribunal dans l'impossibilité de se constituer. Par suite, et conformément à l'art. 364 c. pr., l'une des parties présenta une requête à la cour royale de Rennes pour qu'il lui fût permis d'assigner la partie adverse en règlement de juges. Sur cette requête, communiquée au ministère public, il fut pris par le masuffisamment connaître les causes du déport. - « L'avocat général du roi, communication prise de la requête en règlement de juges ci-dessus : Attendu que l'art. 364 c. pr. civ., disposant qu'il sera rendu, sur requête, jugement portant permission d'assigner, il y a lieu d'examiner si cette permission doit être accordée;- Attendu qu'ici le règlement de juges étant motivé sur l'insuffisance des juges pour constituer légalement le tribunal de P..., vu le déport de plusieurs de ses membres, il y a lieu de rechercher, avant d'accorder le permis d'assigner, si les causes de déport, alors même qu'elles seraient vérifiées, seraient recevables et admissibles; - Que les causes de déport ne peuvent être que celles dénommées dans les art. 578 et 379 c. pr., et qu'il ne peut en être admis d'autres (stricti juris); — Que, dans l'espèce, les causes alléguées par les magistrats qui se sont déportés, doivent être rapprochées des dispositions de ces articles; Qu'en faisant ce rapprochement, il y aurait lieu de reconnaître juste et bien fondé le déport de M. moliv sur son alliance au degré prohibé par la loi avec l'une des parties (n°! de l'art. 378 c. pr. civ.);

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... a

» Mais, attendu qu'il en est différemment des déports de M. M. ... motivés, celui de M. sur ce que son fils, avocat de l'une des parties, aurait été provoqué en duel par le neveu de l'une des parties, depuis le commencement de l'instance; 20 celui de M. ..., sur ce que : 1° la provocation de duel sus-référée lui donne la crainte qu'il ne le soit lui-même; 2o sur ce que, déjà, il aurait été récusé par l'une des parties, dans cette instance pour cause de surdité; Attendu que ces causes de déport ne constituent aucune des causes de récusation mentionnées dans les art. 378 et 379 c. pr. civ.; - Que ces causes sont même réprouvées par l'art. 378, no 9, puisque les motifs de recusation auxquelles elles pourraient être assimilées ne sont admissibles qu'autant que postérieurs à l'instance, ils proviendraient du fait du juge; Que les admettre serait consacrer le plus dangereux précédent, puisque ce serait livrer l'ordre des juridictions et l'administration de la justice aux passions et aux reprises des justiciables, ainsi que la cause en offre un exempl scandaleux et déplorable; Que les craintes manifestées par l'ua de magistrats ne sauraient l'arrêter dans l'accomplissement de ses devoirs, ni l'en décharger, parce que la loi a armé l'autorité judiciaire de tous le pouvoirs propres à se faire respecter;-Que les motifs de déport allégués par M. ... et M..., n'étant pas admissibles alors même qu'ils seraient vérifiés, ce tribunal peut se constituer légalement, et que, dès lors, il n'y a pas lieu à règlement de juges; - En conséquence, l'avocat général de

RECUSATION.-SECT. 3, ART. 1.

causes de récusation fondées sur la haine ou l'animosité ne peuvent être invoquées que par celui qui aurait à craindre qu'elles n'attirassent contre lui une dangereuse prévention.

qu'il a, dans ces divers cas, un intérêt plus ou moins direct an résultat du procès. La loi n'exige pas, comme le faisait l'ordonnance de 1667 (tit. 24, art. 10), que le juge soit nommé dans les qualités pour être récusable. M. Bourbeau, t. 5, p. 473, pense que si l'établissement dans lequel le magistrat a un intérêt était constitué dans de telles proportions que l'intérêt individuel de ceux qui le composent se trouvât fractionné au point de s'effacer devant la grandeur des intérêts réunis, il faudrait rejeter la récusation. C'est ainsi, ajoute cet auteur, que les états de Hollande déciderent, le 23 mai 1607, que dans les causes de la compagnie des Indes, on ne pouvait récuser, comme suspects, les ma

60. Juge tuteur, héritier présomptif, maître ou commensal, administrateur. Le § 7 de l'art. 378 c. pr. énumère diverses circonstances dans lesquelles la récusation est permise, parce qu'elles font supposer que l'intérêt du juge ou ses affections présumées pour des tiers sont plus ou moins éveillés par les débats auxquels il assiste. Aux termes de cette disposition, il y a lieu à récusation si le juge est tuteur, subrogé tuteur ou curateur, héritier présomptif ou donataire, maître ou commensal de l'une des parties; s'il est administrateur de quelque établisse-gistrats qui avaient eux-mêmes ou dont les proches avaient des ment, société ou direction, partie dans la cause; enfin si l'une des parties est sa présomptive héritière.

61. La loi autorise la récusation du juge tuteur de l'une des parties parce que le tuteur étant le représentant légal de la personne et des intérêts du mineur, le magistrat qui, dans de telles circonstances, concourrait au jugement, réunirait, jusqu'à un certain point, les doubles qualités de juge et de partie. La même observation s'applique au curateur qui est le conseil et le défenseur légal de la partie qu'il assiste. Suivant MM. Pigeau, Comm., t. 1, p. 665; Bourbeau, t. 5, p. 472; et Chauveau sur Carré, quest. 1376 bis, le juge pourrait aussi être récusé à raison de sa qualité de conseil judiciaire de l'une des parties. Mais le silence de la loi, qui ne parle que du tuteur et du curateur, rend cette solution douteuse, malgré l'analogie incontestable que présentent les fonctions du conseil judiciaire avec celles du tuteur ou du curateur. On sait, en effet, que la récusation ne peut être exercée que dans les cas expressément prévus par la loi. V. suprà, nos 27 et suiv.

62. Le juge administrateur d'un établissement, d'une société ou d'une direction qui plaident est soumis à la récusation, parce

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Considérant que le § 9 de l'art. 378 c. pr. civ., admet la récusation pour cause d'inimitié capitale; - Que, d'après les circonstances apprises, ce motif de récusation pourrait exister contre les juges qui ont déclaré se déporter; Vu la requête présentée par les demandeurs, ensemble les procès-verbaux de déport, etc., permet aux demandeurs d'assigner devant la cour en indication de juges, etc. Du 19 fév. 1831.-C. de Rennes, 1re ch.

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En exécution de cet arrêt, les parties furent assignées devant la cour en indication de juges; mais alors intervint l'arrêt suivant: LA COUR; Considerant que le déport des magistrats du tribunal de P... ne pourrait être fondé qu'autant qu'il serait résulté des faits qui y ont donné lieu une inimitié entre eux et l'une des parties; que cette inimitié, qui pouvait se présumer lors de l'arrêt qui a permis d'assigner en Considérant que règlement de juges, n'a cependant pas été justifiée;

si la provocation en duel, adressée au fils de l'un de ces magistrats, peut être considérée comme une injure ou une menace dirigée contre le magistrat lui-même, la loi n'établissant, comme fait de récusation, que les injures ou les menaces proférées par le juge contre l'une des parties, repousse par cela même comme moyen de déport ou de récusation les menaces dirigées par la partie contre l'un des juges; que la raison de différence est sensible, puisque, s'il en était autrement, il dépendrait des parties d'écarter, par de semblables moyens, les juges qui ne leur Conviendraient pas; Considérant que l'honneur et la délicatesse des magistrats ne sauraient être compromis lorsque, méprisant les injures ou les menaces qui leur sont adressées, dans le but de les forcer à s'abstenir, ils remplissent avec fermeté la mission qui leur est déférée par la loi, et qu'ils ne peuvent abandonner que dans les cas qu'elle prévoit, ou au moins dans des circonstances où l'administration de la justice et l'intérêt de l'une des parties pourraient en recevoir atteinte; que ces principes doivent surtout être appliqués avec rigueur dans une cause qui a été instruite et plaidée, et dont la decision ne pouvait plus être retardée qu'en raison du temps nécessaire pour la délibérer;-Rejette. Du 19 mars 1834.-C. de Rennes, 1re ch.-MM. de Kermarec, pr.Foucher, av. gen., c. conf.

(1) 1re Espece: (Foucaut et autres C. la ville de Riom.) — La loi du 10 fév. 1793, ayant ordonné le partage des biens communaux par tête d'habitant, ceux d'Ennezat se partagerent entre eux la totalité d'un terrain considérable situé sur les limites de la ville d'Ennezat et de celle de Riom. Bientôt après celle-ci revendiqua la copropriété du terrain dont il s'agit, et dirigea son action, non pas individuellement contre

actions dans la compagnie. Cette observation nous paralt fondée et nous estimons, avec M. Bourbeau, qu'on ne pourrait accueillir une récusation motivée sur l'intérêt qu'aurait le juge comme actionnaire de la banque de France ou d'une administration publique partie au procès, ou sur la qualité d'intéressé dans une compagnie d'assurances mutuelles contre l'incendie, dont les statuts admettent la répartition entre tous les assurés des pertes causées par les sinistres. On comprend, toutefois, qu'il n'y a là rien d'absolu.

63. Il a été décidé avec raison: 1° que la disposition de l'art. 378, suivant laquelle on peut récuser le juge administrateur de quelque établissement, société ou direction partie dans la cause, ne s'applique pas au président d'un bureau de bienfaisance, alors surtout qu'il n'est récusé par aucune partie (Cass. 21 avr. 1812, 2o Qu'elle ne aff. bur. de bienf. de la Hulpe, infrà, no 89); s'applique pas, à plus forte raison, dans un procès intéressant une commune, à des juges habitants de cette commune, s'ils ne figurent pas d'ailleurs dans l'affaire comme administrateurs ou en leur nom personnel (Req. 4 juill. 1816 et 17 déc. 1828)(1).— V. dans le sens de ces deux dernières décisions, Chauveau sur

--

chacun des habitants d'Ennezat, détenteurs, mais contre la commune.—
Les habitants se défendirent d'abord par l'organe de leur maire.-Le 27
Le rapport
juill. 1807, le tribunal de Riom ordonna une expertise.
La commune d'Ennezat prétendit
fut favorable à la ville de Riom.
alors qu'elle n'avait pas qualité pour défendre à la demande, puisque le
terrain litigieux appartenait, par suite du partage de l'an 4, à chacun
des habitants, qui, par cette raison, auraient dû être assignés individuel-
lement.-28 déc. 1809, jugement qui rejette cette exception comme tar-
dive.-7 février suivant, autre jugement qui, statuant au fond, déclare la
ville de Riom copropriétaire du terrain communal.-Sur l'appel, le 13 fév.
1810, arrêt confirmatif de la cour de Riom.-Pourvoi. — Rejet.-Dans
cet état de choses, les habitants d'Ennezat se proposant de former, cha-
cun en particulier, comme tiers détenteur, aux termes du partage du 4
niv. an 4, tierce opposition contre les jugements et arrêts, se sont préa-
lablement adressés à la cour de cassation pour obtenir d'autres juges
que ceux composant la cour de Riom (appelée à connaître la tierce oppo-
sition), sur le motif que cette cour était susceptible de récusation. Ils
prirent individuellement des qualités sur la demande en renvoi. Ils ont
dit: La tierce opposition qu'on se propose de former devrait être portée,
d'après la règle générale, devant la cour de Riom; mais cette cour ne
peut pas en connaître. Tous ses membres sont susceptibles d'être récu-
sés pour intérêt personnel et pour manifestation d'opinion. Pour in-
térêt personnel: tous les juges de la cour de Riom ne doivent-ils pas,
en effet, en leur qualité d'habitants, prendre, si cette ville gagne son
procès, leur part dans le terrain litigieux? N'ont-ils pas un intérêt d'au-
tant plus grand aux succès de la ville de Riom, qu'ils ont des propriétés
plus considérables contigues à ce terrain, et que, par ce léger accrois-
sement, ils en augmenteraient de beaucoup la valeur?-La conséquence
de l'éviction des détenteurs serait encore la restitution des fruits depuis
la jouissance. Chacun des membres de la cour aurait droit pareillement
à cette somme; et de là nouveau motif d'intérêt personnel. La cour
de Riom a déjà manifesté son opinion sur la tierce opposition projetée.
La demande qui doit être formée est, en effet, la même que celle pré-
sentée comme exception par la commune d'Ennezat dans le cours du pro-
cès jugé. Cette commune disait que le procès ne la regardait pas; qu'il
n'y avait plus de marais communal, plus de possession indivise depuis
le partage, et que c'était contre les differe ts détenteurs personnellement
La cour de Riom ayant rejeté ce moyen,
qu'il fallait se pourvoir.
pourrait-elle l'adopter alors qu'il est proposé par les tiers opposants?
Arrêt.
Non, sans doute. Elle est liée définitivement par son arrêt.
LA COUR;
Attendu que, dans les procès qui intéressent les com-
munes, la loi n'admet pas comme cause de récusation la circonstance
que des juges appeles à statuer sur le procès seraient habitants de la
commune, à moins qu'ils ne fussent en quali dans l'affaire en leurs
Atendu que, dans l'es-
noms personnels ou comme administrateurs ;

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