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vous a fait de lui-même en qualité de Fils par le Mystére de l'Incarnation qu'il a vou lu accomplir en vous & par vous, & en l'honneur de la fouveraineté qu'il vous a communiquée fur toutes les créatures.

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VISITATION.

A fainte Vierge pouffée par l'Esprit de Dieu, s'en va au Pays des Montagnes, en une Ville de la Tribu de Juda. [ Luc 1. v. 39.] Que de merveilles ! que de grandeurs fe préfentent d'abord! Marie eft pouffée & portée par fon Fils qui fe repofe dans fon fein, à aller trouver faint Jean pour lui donner la connoiffance de Jesus-Chrift. Ce n'eft point dans le Palais d'Augufte ni d'Hérode que fe fait cette célébre ambaffade, mais dans une Ville dont l'Ecriture ne marque pas même le nom. Que la conduite de Dieu eft différente de celle des hommes! Dieu fe communique plutôt aux petits qu'aux grands, en des lieux inconnus & cachés, plutôt que dans les grandes Villes & les lieux célébres. C'eft par Marie que fe font ces faintes communications: c'eft fon miniftére & fon canal Dieu ver

par

fe les

graces dans les ames.

que

Et étant entrée dans la maison de Zacharie elle falua Elifabeth. [v. 40. ] O humilité admirable de Marie, qui étant la Mere de Jefus, va avec empreffement vifiter fainte Elifabeth!

Auffi-tôt qu'Elifabeth eut entendu la voix

de Marie qui la faluoit, fon enfant treffaillie dans fon fein, & elle fut remplie du SaintEfprit. [ v. 41. ] Le faint Enfant Jefus opére fur faint Jean enfant, il lui avance l'ufage de la raison, & lui communique la grace & la fainteté, il en fait un Prophéte dès le ventre de fa Mere, & il lui donne la connoiffance du Myftére de l'Incarnation, lorfque faint Jofeph l'ignore encore, & ne doit l'apprendre que quelques mois après. Liez-moi, Seigneur, à votre état d'enfant, par une dévotion finguliere pour cet état, puifque vous étant fait enfant, c'eft à un enfant que vous voulez premiérement & uniquement vous com-muniquer au dehors, lorfque vous repofez encore dans le fein de votre Mere.

Et Elifabeth élevant fa voix, s'écria: Vous êtes bénie entre les femmes, & le fruit de votre ventre eft béni; & d'où me vient ce bon heur , que la Mere de mon Seigneur vienne vers moi. [v. 42. & 43.] L'Enfant Jefus agit & imprime fa connoiffance & fa vertu fur faint Jean, & faint Jean agit fur fa Mere. Elle confeffe ici les deux plus gran-des merveilles que Dieu ait opérées fur la terre; fçavoir, le myftére de l'HommeDieu, & le mystére de la Mere de Dieu. Dieu communique ainfi à un enfant & ̈à une femme les plus belles connoiffances que la terre ignore, & dont elle n'eft pas capable; pour faire voir de plus en plus, qu'il fe plaît à choifir ce qu'il y a de plus foi-ble. &. de plus infirme, & pour relever dä

vantage fa force & fa grandeur. Car votre voix n'a pas plutôt frappé mon oreille, lorfque vous m'avez faluée, que mon enfant a treffailli de joie dans mon fein. Que vous êtes heureuse d'avoir cru, parce que ce qui vous a été dit de la part du Seigneur s'accomplira. [ v. 44. & 45.] O que faint Jean eft heureux, d'avoir ainfi entendu la voix intérieure de Jefus par la voix de Marie; mais bien plus heureux d'y avoir fi bien répondu! N'avons nous pas eu cent fois ce bonheur; que n'y avons-nous répondu avec fidélité? Marie eft heureufe d'avoir cru; car fon bonheur eft plus grand d'avoir conçu Jefus par fa foi , que de l'avoir

conçu dans fa chair; elle ne l'a même conçu dans fa chair que par le mérite de fa foi.

foi de Marie, qui avez ajouté créance aux paroles de l'Ange, c'est vous qui avez donné entrée au Sauveur du monde, & qui avez attiré en voys le Rédempteur des hommes. C'est vous qui réparez la trop grande erédulité d'Eve notre premiere Mere aux paroles du Serpent.

Alors Marie dit ces paroles: Mon ame glorifie le Seigneur. [ v. 46. ] O fentiment profond d'humilité! Marie ne peut entendre fes lonanges, elle s'élève auffi tôt à Dieu : elle reconnoît que tout vient de lui, & que tout doit lui être rapporté avec fidélité. Si elle conçoit de la joie des avantages qu'elle poffède, c'eft en Dieu feul qu'elle le réjouit. Et mon efprit, dit-elle, eft ravi de joie en Dieu mon Sauveur, de ce

qu'il a regardé la basesse de sa servante. [v. 47. & 48. ] Elle ne reconnoît que baffeffe dans fon fonds, & que toute fa grandeur vient du regard de Dieu fur elle: Car voilà, ditelle, ce qui me fera déformais appeller heureufe dans la fuite de tous les fiécles, de ce que le Tout-puillant m'a fait de grandes chofes : lui dont le nom eft faint, & dont la miféricorde Je répand d'âge en âge fur ceux qui le craignent. [v. 49. & 50. ] Elle reconnoît qu'elle doit à la miféricorde de Dieu tout ce qu'elle eft, & que les grandes chofes qui font en elle, font un pur effet de fa puiffance, qui a furmonté toute la répugnance & l'impuiffance qui fe trouve dans une pure créature à devenir Vierge & Mere, & Mere de fon Dieu; & que s'il y a en elle de la fainteté, ce n'eft qu'une effufion & une participation de la fainteté de Dieu.

Marie demeura ainfi avec Elifabeth environ trois mois, & elle s'en retourna en fa maifon. [v. 5o.] O que de graces & de bénédictions ont été répandues fur la perfonne de faint Jean que Jefus - Chrift formoit pour être fon Précurfeur, & fur toute la maifon de Zacharie! tâchons d'en recueillir quelqu'une.

Nous devons remarquer ici, que cette vifite de la fainte Vierge vers fainte Elifabeth, doit être le modéle des nôtres, c'eft Jefus qui la fait entreprendre ; c'est Jefus qui y eft porté, & dont l'efprit y eft répandu & communiqué par Marie à faint Jean & à fainte Elifabeth, & chacun fort

de cette vifite plus rempli de l'efprit de Jefus-Chrift.

Gémissons fur les abus qui fe trouvent prefque dans toutes les vifites du monde, & qui fe font peut-être autrefois trouvés dans les nôtres. On ne les entreprend d'ordinaire que par un esprit d'inquiétude, qui ne permet pas de demeurer chez foi, ou de curiofité qui aime à fe répandre au dehors, ou de vanité qui aime à fe faire voir : on ne s'y communique d'ordinaire les uns aux autres que ce qu'on a de mauvais par les manieres & par les difcours.

Déteftons de femblables vifites & de femblables conversations, qui ne font formées & entretenues que par l'efprit de ténébres, & dont on ne fort que plus plein de l'efprit du monde. N'en entreprenons jamais aucune que par l'efprit & par le mouvement de Jefus - Chrift; & quand il nous y aura porté, répandons y fon efprit par des manieres pleines de modeftie, par des paroles faintes & auffi édifiantes, que la charité & les égards que l'on doit avoir les uns pour les autres le permettront. Ainfi nous remporterons avec nous de nos vifites JefusChrift même, & avec plus d'abondance & de plénitude que quand nous y étions entrés. Ce fera par les refpects & les adorations que nous rendrons au Mystére de la Vifitation, que nous mériterons cette grace.

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