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mour du Pere & du Fils: dans le tems auteur de tout amour dans la production & dans la confervation des créatures, dans F'incarnation du Verbe, dans la rédemption des hommes, dans leur fan&tification par l'effufion que vous faites en eux de votre Efprit faint, & dans leur glorification, où vous vous communiquez à eux dans la plénitude de votre charité. O amour! vers lequel fe doit rapporter tout autre amour; mettez-le dans mon cœur, qu'il me donne du dégoût & de l'éloignement pour les chofes de la terre, qu'il foit comme un poids, qui par fa douceur victorieuse, me porte toujours doucement & fortement vers vous ; & qui me faffe icibas foupirer jufqu'à ce que les ombres de la nuit fe foient retirées & que le jour de l'éternité paroiffe.

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PURETE D'INTENTION.

Lorfque vous donnerez l'aumône, que votre main gauche ne fcache point ce que fait votre main droite. [ Matth. 6. 2.

A

Pprenez à fuir la vue des hommes dans le bien que vous faites; & fi vous ne pouvez vous cacher, ou qu'il foit expédient qu'ils vous voient, il faut que ¡vos actions fe faffent aux yeux des hommes, de façon que dans votre intention vous ne cherchiez qu'à plaire aux yeux de Dieu.

En vérité, le monde ne vaut pas la peine

qu'on y penfe. On fe fatigue beaucoup pour lui plaire, & fouvent c'est alors que l'on y réuffit moins, ce qui eft un vrai bonheur: & au contraire, ce feroit un véritable malheur que d'y réuffir. Mais pour plaire à Dieu, il n'y a qu'à le vouloir fincérement, & on eft sûr de lui plaire. De plus, nos actions pouvant & devant être faites par un principe de grace, elles font alors dignes de la gloire éternelle, fi elles y font fidélement rapportées par l'intention de notre cœur au lieu qu'en les rapportant aux créatures, on ne fait que les dégrader, les avilir & les anéantir. Pourquoi donc fe propofer une autre fin que Dieu dans fes actions?

Evitez non-feulement les yeux des autres, mais évitez même les vôtres : la vue de vos bonnes œuvres eft capable de vous en donner de la complaifance, & de vous en faire perdre le mérite. Ne voyez que Dieu dans tout ce que vous faites de bien: defirez de n'être vu que de Dieu; & fouhaitez que l'on ne voie & que l'on ne loue que Dieu en vous. Ainfi que votre lumiere, dit Jeus Chrift, luife devant les hommes, afin que voyant vos bonnes œuvres, ils en glorifient votre Pere qui eft dans le Ciel. [ Mat. 5. 16.]

O mon Dieu, je vous offre je vous confacre & vous facrifie fur l'autel de mon cœur, avec le feu d'une charité fervente, tout mon être dans l'ordre de la nature & de la grace, toutes mes fonctions, toutes

mes

mes penfées, mes paroles, mes actions & mes fouffrances, toute ma vie, & ma mort qui eft le moment décifif de mon éternité. Je veux que toutes ces chofes foient uniquement rapportées à votre gloire ; que je fois comme un holocaufte tout confumé pour vous en odeur de fuavité, que les créatures n'y aient point de part; & que comme vous êtes le principe de tout le bien qui est en moi, vous en foyez auffi l'unique fin vers laquelle je les rapporte avec une fidéLité fi exacte, qu'aucune vue & aucune complaifance pour les créatures n'en puifle détourner la moindre partie.

LA VRAIE PIETE'.

J'aime mieux la miféricorde que le facrifice. [Matth. 9. 13.]

A

Pprenez de Jefus-Chrift en quoi confifte la véritable piété. Les faux dévots la mettent toute dans une multitude de certaines pratiques purement extérieures, & ils en font le capital & l'effentiel de la Religion; & par un zéle mal entendu, ils fe fcandalifent quand les autres ne fuivent pas les mêmes pratiques qu'eux, s'imaginant qu'ils font les feuls qui aient trouvé le chemin du Ciel; & quand la charité oblige d'ufer de condefcendance envers les foibles & de converfer avec les pécheurs pour les ramener à Jesus Christ, ils damnent impitoyablement cette conduite II. Partie.

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*K

con

dans les autres, ou du moins elle leur paroît fufpecte.

Mais confidérez que les perfonnes vraîment dévotes fe comportent d'une maniere bien différente; car quoiqu'elles ne négligent rien, elles ne s'attachent point fervilement à aucunes pratiques extérieures; elles ne les regardent que comme des moyens qui peuvent fervir à acquérir ou à entretenir en elles la piété, ou comme en étant les effets dans ceux qui l'ont déja acquife; & quand Dieu leur fait naître des empêchemens à ces fortes de pratiques, elles font par la foumiffion de leur cœur aux ordres de Dieu, de ces empêchemens mêmes des voies qui conduifent au falut; elles font bien éloignées de contraindre perfonne à marcher dans les pratiques qu'elles croient bonnes, parce qu'elles fçavent que ce font des chofes où chacun peut abonder dans fon fens, & fe conduire felon les différens mouvemens de l'Efprit de Dieu, & que, felon l'avis de faint Paul: Celui qui ne mange point ne doit point méprifer celui qui mange, comme celui qui mange ne doit point mépri Jer celui qui ne mange point. [ Rom. 14. 13.3 Ils interprétent toujours favorablement la conduite du prochain, à moins que leur ju gement ne foit comme emporté par l'évidence du contraire.

Mais fçavez-vous d'où vient cette grande différence de la conduite de ces perfonnes vraiment pieufes, de celle des autres qui n'ont que l'apparence de la piété ?

c'eft qu'elles fçavent que l'ame & la fubftance de la Religion eft la charité; & que le refte, quoiqu'on doive l'obferver, car autrement on tomberoit dans une autre illufion, n'eft que l'écorce & la lettre, & que ce ne font que des moyens ou des effets

de la vraie dévotion.

Laifant-là le commandement de Dieu, vous obfervez avec foin la tradition des hommes. [ Marc. 7. 8.]

Onfidérez le grand abus que JefusChrift reprend ici, de préférer les traditions & les ufages établis par les hommes, à la Loi de Dieu. Quand ces traditions & ces ufages des hommes ne feroient pas mauvais en eux-mêmes, ne feroit - ce pas un grand abus, pour ne rien dire de plus, que d'en faire le capital de la Religion, & d'entretenir les peuples dans cette malheureufe créance, qu'en ne négligeant rien des pratiques, & les obfervant jufqu'au fcrupule, c'eft une marque de prédeftination, quand même on négligeroit de s'établir dans l'amour de Dieu & du prochain, qui font l'effentiel de la piété, & que l'on méneroit une vie très-corrompue ?

Mais n'eft-ce pas un autre abus de charger les fidéles de quantité de pratiques humaines non néceffaires, & qui font quelquefois incompatibles avec les commandemens de Dieu & de l'Eglife; qui amusent & qui détournent la créature, & l'empê

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