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chent de rendre au Créateur les devoirs effentiels? Quand on ne pourroit pas montrer de beaucoup d'inftitutions humaines, dit faint Auguftin, qu'elles font contraires à la foi, ce feroit affez pour les rejetter, de voir que ce Jont autant de pratiques ferviles, qui chargent notre fainte Religion; & qui de la li berté où la miféricorde de Dieu l'a établie en ne nous prefcrivant qu'un très-petit nombre de Sacremens, dont la fin & la vertu nous font très-clairement connues, la font retomber dans une fervitude pire que celle des Juifs,

Faites-moi la grace, ô mon Dieu, de marcher toujours dans la pratique de l'Evangile, non point avec la crainte & la timidité d'un esclave; mais avec la lumiere & la liberté des enfans de Dieu, qui me donnent un jufte difcernement du bien & du mal, qui me faffent toujours prendre le bon parti, & qui m'empêchent de m'aveugler fur mes devoirs les plus effentiels par des pratiques fpécieuses, qui n'ayant que l'apparence de la piété, étouffent & détruisent fent la vraie dévotion.

SERVIR DIEU SEUL.

Nul ne peut fervir deux Maîtres; car ou il haira l'un & aimera l'autre, ou il s'attachera à l'un & méprifera l'autre. [ Matth. 5. 24.]

Confidérez que cette maxime de Jefus

Chrift découvre l'illufion où se trouvent une infinité de perfonnes, qui prétendent accorder la fauffe politique avec la Religion, Jefus-Chrift avec Bélial, la lumiere avec les ténébres, le monde avec -Dieu : elles croient pouvoir jouir à préfent de toutes les douceurs de la vie, & un jour pofféder le bonheur de l'éternité ; ce qui les trompe en cela, c'eft qu'elles ne fe livrent pas aux derniers déréglemens & à des vices groffiers; mais elles ne fe font aucun scrupule de s'abandonner à certain genre de vie, qui eft proprement celui d'un honnête Payen.

On recherche avec paffion les compagnies, les promenades, les jeux, les fpectacles, les bons repas, les habits fuperbes, la vie molle & aifée, les grandes ter

res,

les grands revenus, une grande maifon, grand nombre de domestiques, les grandes affaires, les grandes charges, les grands emplois, les grands établissemens foi & pour les enfans; on y livre fon & on couvre tout cela du manteau d'une piété extérieure: on fait des prieres

pour

cœur,

à des heures réglées, des confeffions & des communions fréquentes: on vifite le Saint Sacrement, on affifte aux prédications, on vifite les malades, on pratique des œuvres extérieures de charité. Ces perfonnes trompées par l'éclat de ces bonnes œuvres apparentes, & par les applaudiffemens qui ne manquent jamais de leur en revenir de la part des adulateurs, dont le monde & fur-tout les maifons des Grands font remplies, s'imaginent facrifier à Dieu, lorfque effectivement elles ne facrifient qu'à leur volupté, à leur intérêt & à leur ambition; car la parole de Jefus Chrift fera toujours vraie, nul ne peut fervir deux

maîtres.

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O mon Dieu, le Dieu de mon cœur! je gémis fur l'égarement & fur l'injuftice de tant de perfonnes qui prétendent allier votre amour avec celui du monde : eft-ce qu'elles ne fçavent pas que vous êtes un Dieu jaloux; & que vous dites dans l'Ecriture, que le cœur de l'homme eft trop étroit pour y admettre avec vous des amours ya étrangers? Eft-ce qu'elles ne fentent päs les reproches intérieurs que vous leur fai tes fouvent, que vous êtes un Dieu qui ne peut fouffrir qu'on faffe entrer en société avec vous aucune créature? Combien de fois, & mon Dieu, m'avez-vous dit au cœur, que vous ne vouliez point que je m'attachaffe à quoi que ce foit? Et quand je l'ai fait, vous m'en avez fait des reproches comme d'autant d'infidélités : ce qui

m'a été d'autant plus fenfible, que je regar dois ces reproches comme autant de témoi gnages de l'excès de votre amour pour moi. Eh bien, mon Dieu! je vous fervirai déformais avec une pureté entiere & un dégagement parfait vous ferez l'unique objet de mes penfées & de mes affections, & le feul maître de mon cœur.

POINT DE MILIEU

entre être à Dieu & être au Monde.

Celui qui n'eft point avec moi eft contre moi & celui qui n'amaffe point avec moi, diffipe. [Matth. 12. 301 ]

Onfidérez que Jefus Chrift décide ici

Claquéérez que Jesus-Cn milieu entre

la queftion, s'il y a un milieu entre être à Jefus Chrift & être contre JesusChrift. Si la charité & la cupidité feules par tagent entre-elles toute la vie de l'homme, comme l'ont prétendu les Saints; en forte que dès qu'on n'eft point avec Jesus-Christ on eft contre Jefus Chrift, dès l'on ne que fait point des actions qui méritent d'être portées comme un amas & un tréfor précieux dans le Ciel, comme le feront toutes les bonnes œuvres, on diffipe & l'on abuse des facultés & des biens que l'on a reçus; de forte qu'il fera toujours vrai de dire que ce que l'on n'aime pas pour Dieu, on l'ai me avec déréglement. C'eft ce qui eft encore confirmé par les paroles de Jefus-Chrift dans le verfet fuivant.

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Or je vous déclare que les hommes rendront compte au jour du jugement de toutes les paroles inutiles qu'ils auront dites. [ v. 36.]

Cofidérez la pureté & la fainteté de

notre Religion: elle ne laiffe aucun vuide dans la vie du Jufte; toute pensée toute parole, toute action qui n'est point néceffaire à celui qui la dit, ou qui n'eft point utile à ceux qui l'entendent, doit être condamnée & punie au jugement de Dieu. Comment pouvoir juftifier sur ce pied les converfations de la plupart des gens du monde, leurs jeux, leurs fpectacles, leur luxe & leur inutilité, puifque les plus gens de bien & les plus faints fur cette régle fe font fait de grands reproches, & ont cru avoir de grands comptes à rendre, quelque vigilance qu'ils euffent apportée à éviter le péché, & à ne faire que du bien ?

Que je fuis heureux, ô mon Dieu, de ce que les paroles facrées de Jefus - Chrift votre Fils, me preffent de plus en plus de m'attacher à vous! Ne permettez pas qu'il échape à mon cœur aucun mouvement qui ne foit réglé par la charité, & mettez-moi dans cette heureufe néceffité de faire toujours le bien. O que c'eft un grand honneur & une grand avantage à l'homme, de vous être lié très-étroitement en toutes chofes par les liens de l'amour! qu'il n'y ait donc aucun moment de ma vie, je ne

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