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Il veut que cet homme incorrigible, foit. féparé des autres par l'excommunication: c'eft le dernier moyen dont on doit ufer, & envers peu, & feulement pour des fautes

mortelles; & entre ces fautes
, pour celles-
là feulement dont on ne veut point se cor-
riger.

Seigneur, qui avez chargé chaque perfonne du falut de fon frere, & qui obligez chacun de veiller fur les autres en fa mante re, rempliffez nos cœurs de charité envers les pécheurs, & nous rendez fenfibles aux injures qu'ils font à votre divine Majefté, & au tort qu'ils fe font à eux mêmes. Apprenez-nous les manieres douces & prudentes qu'il faut employer pour réussir dans la correction fraternelle, & donnez-nous la fermeté néceffaire pour nous opposer au mal dans l'occafion.

MATIERE DE L'AUMÔNE.

Donnez l'aumône de ce que vous avez de fuper flu, & toutes chofes vous feront pures. [Luc.

II. 41.]

Onfidérez que l'on eft obligé de donner

Cfon fuperflu aux pauvres. Ce fuperflu

ne doit pas le régler fur le pied de la cupidité; mais fur le pied d'une vraie néceffité, qui ne s'étend pas fi loin, quand ce n'eft pas l'amour propre, mais la charité qui eft dans le cœur, qui la régle. Les Jues ne croient jamais en faire affez; c'est

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que la charité les porte toujours à fe retran cher pour foulager leur prochain; mais les pécheurs croient toujours en faire trop; c'eft que la cupidité leur préfente une infinité de befoins imaginaires par de vaines folicitudes de l'avenir, & par des vues de grandeurs & d'établiffemens pour eux & pour leurs enfans, qui font au-deffus de leur mérite & de leur condition.

Confidérez combien l'exécution de ce précepte eft avantageufe; puifque non-feulement c'est une bonne œuvre en foi; mais elle a cela de particulier, que Jefus-Chrift y a attaché d'une maniere spéciale l'expiation des péchés paffés. Combien de perfónnes, à caufe de la foibleffe de leur complexion & de leurs infirmités continuelles, ne peuvent faire de grandes mortifications! combien s'en trouve-t-il dans le monde, dans une fituation à ne pouvoir garder une grande retraite, ni pouvoir quitter abfolument l'affujétiffement aux modes & aux pa rures du fiécle elles ne peuvent, difent ces perfonnes, expier leurs fautes paffées en fe retranchant par ces endroits. Eh bien, elles ont l'aumône, qui eft un admirable moyen pour fuppléer à ces défauts; elles n'ont qu'à la faire plus forte & avec joie, elles auront part aux pénitences des pauvres & à leurs prieres, qui leur attireront la grace d'une véritable converfion, & celle de fe conferver enfuite dans l'efprit & l'amour de Jefus-Chrift.

Donnez moi, ô mon Dieu, un grand

amour pour les pauvres qui font vos membres; & fi je n'ai pas encore affez de cou◄ rage pour entreprendre des pénitences & des mortifications comme je le devrois, par rapport à mes péchés, du moins que je m'efforce de les racheter par mes aumônes, & d'attirer par-là la grace d'une fincére converfion, & de pratiquer tou tes les vertus,

MANIERE DE FAIRE L'AUMÔNE.

Quiconque donnera feulement à boire un verre d'eau froide à l'un de ces petits, comme étant de mes Difciples, je vous dis en vérité qu'il ne fera point privé de fa récompenfe. [ Matt. 10.42.]

ESUS CHRIST recommande l'aumône;

J mais pour la rendre facile à tous, s

que perfonne ne s'en exemte, il en met le mérite même dans les plus petites chofes, & qui peuvent être données par les plus indigens. Quelle excufe peut-on donc avoir de ne pas faire l'aumône? La dureté des hommes envers leurs freres paroît en ce qu'ils ne les fecourent pas felon leur pouvoir; & au contraire, la bonté & la fageffe de Jefus-Chrift fe découvre, en ce qu'il a bien voulu en étendre le mérite jufqu'aux plus petites chofes, & marquer jufqu'aux moindres moyens de la pratiquer, & qui peuvent convenir même aux plus pauvres,

me,

Confidérez que Jefus Chrift marque; qu'afin que l'aumône foit méritoire devant Dieu, il faut qu'elle fe faffe dans la vue de Jefus-Chrift, & qu'on le confidére luimême dans la perfonne de ceux que l'on affifte. C'eft un grand honneur à un homme de pouvoir, en affiftant un autre homdonner quelque chofe à fon Dieu. Quand vous faites l'aumône, vous devriez donc vous trouver honoré de ce que les pauvres la reçoivent de vous; puifque c'eft Jefus-Chrift lui-même qui la reçoit en la perfonne du pauvre: ayez cette penfée bien gravée dans le cœur; car JesusChrift l'a dit; Je vous dis, en vérité, qu'au tant de fois que vous aurez rendu ces devoirs de charité aux moindres de mes freres ; c'est à moi-même à qui vous les avez rendus. [c. 25. v. 40.]

Confidérez un autre motif que JesusChrift vous met encore devant les yeux pour vous porter à faire l'aumône'; c'est la récompenfe qu'il vous promet, & cette récompenfe eft Dieu même. Quel échange! vous donnez un peu d'argent que vous aviez reçu de Dieu, & Dieu le donne à vous, & cela éternellement dans fa gloire ! Si l'on étoit perfuadé de cette vérité on feroit plus libéral envers les pauvres: il faut donc que la plupart manquent de foi aux paroles de Jefus-Chrift, puifqu'ils font fi refferrés & fi durs envers les pauvres.

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Confidérez que ce qui eft ici marqué par Jefus-Chrift, touchant ce qu'on appelle

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ordinairement aumône & ceux que l'on nomme pauvres, doit être entendu de tous les fervices que l'on rend au prochain, de quelque qualité qu'il foit, foit dans ce qui regarde fon falut, foit dans ce qui regarde la vie civile: car il doit être regardé comme pauvre, en ce qu'il a befoin; & JesusChrift à qui il a l'honneur d'appartenir, eft en lui ou y peut être par fa grace, pour y recevoir & s'attribuer les fervices qu'on lui rend, fi on le fait pour l'amour de lui. C'eft ainfi que vous vous fouviendrez de vous comporter à l'égard de tout le monde dans les fervices que vous rendrez.

Je vous dis en vérité, que cette pauvre veuve a plus donné que tous ceux qui ont mis dans le tronc. [ Marc. 12. 43.]

Car tous les autres ont donné de leur abondance; mais celle-ci a donné de fon indigence tout ce qu'elle avoit tout ce qui lui reftoit pour vivre. v. 44. ]

JESUS-CHRIST nous apprend ici dans l'aumône d'une pauvre veuve, que l'au mône des pauvres qui eft peu de chofe en elle-même, donnée de bon cœur & fans aucune réserve, eft plus précieuse devant Dieu, que les aumônes abondantes des ri ches, qui fe réfervent encore beaucoup. Les hommes jugent du cœur par la main, & fouvent ils fe trompent, & qu'ils eftiment ce qui devant Dieu n'eft d'aucun mérite, parce que le cœur leur eft caché: au

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