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penfée trifte, horrible & défefpérante, mais inutile dans un damné ! Mais, ô penfée uti le & falutaire, pour une perfonne qui a encore quelque fentiment de fon falut! Faitesnous, ô mon Dieu, descendre ainsi souvent en efprit dans les enfers, pour n'y defcendre jamais en corps & en ame; que je regarde comme des confolateurs incommodes & trompeurs, & comme de vrais ennemis, tous ceux qui s'efforcent d'éloigner de moi les pensées de l'éternité, fous prétexte d'une conduite & d'une fpiritualité plus parfaite & faites-moi prendre, ô mon Dieu, toutes les voies poffibles pour éviter d'être à jamais damné.

VIGILANCE CHRETIENNE. CRAINTE DE DIEU.

Ne craignez point ceux qui tuent le corps, & qui ne peuvent tuer l'ame; mais craignez plutôt celui qui peut perdre dans l'enfer le corps &l'ame. [Mat. 10. 28]

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Ette vérité & les fuivantes font la jufte conféquence que l'on doit tirer de toutes les vérités précédentes; & fur-tout de celles qui concernent les fins dernieres de l'homme, qui obligent à travailler à fon falút avec crainte & tremblement, à prier & à veiller beaucoup fur foi, à fe rendre digne par la pratique fidéle des bonnes œuvres, de

recevoir le don fi précieux & fi rare de la perfévérance finale.

Priez Dieu, comme le Prophéte, qu'il perce vos os de fa crainte : il n'y a que Dieu Teul qu'on doive craindre, parce que les hommes ne peuvent qu'ôter les biens & la vie préfente qu'il faut perdre tôt ou tard; & fouvent ils procurent en cela un grand avantage aux gens de bien, parce qu'ils les délivrent par ce moyen des occafions du péché, & accélerent leur bonheur éternel: mais Dieu peut priver de la vie du corps & de la vie de l'ame pour l'éternité, ou plutôt c'eft le péché qui en prive. C'eft donc l'unique chofe que l'on doive craindre, que d'of fenfer Dieu; dont la poffeffion fera le bonheur de ceux qui auront vécu dans fa crainte & dans fon amour; & dont la féparation fera le malheur éternel de ceux qui auront vécu fans fa crainte & dans fa haine.

O mon Dieu, percez ma chair & mes os 'de votre crainte, & que je regarde comme une fauffe spiritualité, celle qui éloigne de nous les motifs de crainte & de tremblement; car cette conduite eft contraire à vos commandemens, & à la pratique de vos Saints, qui ont marché dans vos voies avec une fainte frayeur; & qui, comme ils ont tcut espéré de votre grace, ont auffi tout craint & tout appréhendé de leur foiblefle & de votre juftice.

VIGILANCE CONTINUELLE.

Veillez, parce que vous ne fçavez pas à quelle heure votre Seigneur doit venir. [ Mat. 24. 42.]

Onfidérez que la vie d'un Chrétien doit Cêtre une vigilance continuelle. Dieu

a caché le dernier jour & la derniere heure, afin qu'on obferve tous les jours & toutes les heures, comme s'ils devoient être les dernieres. La plupart y font furpris, & voient arriver le dernier moment, lorfqu'ils le croient encore fort éloigné.

Confidérez que cette vigilance nécessaire pour le préparer à la mort & au jugement, doit être une vigilance de priere continuelJe, d'examen fur fes défauts, d'attention à fes devoirs, & de pratiquer de bonnes cuvres. Quand le tems de la mort viendra, il 'doit nous trouver morts felon l'esprit, au péché, aux maximes du monde, à nos dehirs déréglés & à nous-mêmes: de ces deux morts, l'une doit avoir précédé l'autre, & en avoir été comme la préparation.

Vous nous avez avertis tant de fois dans vos Ecritures, ô Jefus, de veiller & de prier, pour n'être pas furpris par la dèrniere heure. Faites que par la vigilance que nous y apporterons, toute notre vie foit une difpofition à la mort ; & que quand elle arrivera, elle nous trouve tout prêts à fortir de ce monde.

PERSEVERANCE FINALE,

Celui-là fera fauvé, qui persévérera jusqu'à la fin. Matt, 24, 13.1

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Onfidérez la néceffité du don de perfévérance: ayez toujours bien yécu, & ne perfévérez pas; tout cela vous eft inutipour le falut. Combien en a-t-on vus qui avoient commencé avec ferveur,qui avoient marché dans le chemin de la perfection durant plufieurs années ; & après cela, tomber honteufement pour ne fe relever jamais, a près avoir évité grand nombre d'écueils & de tempêtes dans la mer orageuse de ce monde, aller faire un honteux & terrible naufrage au port?

Confidérez que ce don de la perfévérançe eft un don fingulier de Dieu, qu'il ne le doit à perfonne, qu'il ne le donne pas à tous, & qu'il ne le donne qu'à un très-petit nombre de perfonnes; tout cela eft de foi. L'ECprit de Dieu étant libre, il fouffle où il veut; & il fçait bien faire voir dans fa maniere d'agir fon indépendance des régles que les hommes ofent lui prefcrire. Cependant il eft vrai de dire, qu'il eft un certain genre de vie où l'on eft très-indigne d'obtenir de Dieu ce don de la perfévérance, & où Dieu l'accorde très-rarement, tel qu'eft l'état de certaines gens qui s'expofent avec une fauffe fécurité, à toutes les tentations & à tous Les dangers qui fe trouvent dans le monde

qui vivent dans les maximes du fiécle cor rompu, & qui n'ont aucun foin de prier & de travailler à leur falut.

Au contraire, il y a un certain genre de vie, dont on peut dire avec affurance de ceux qui y font, qu'on a un très-grand fondement de croire qu'ils perfévéreront, & que Dieu achévera heureusement en eux l'ouvrage du falut qu'il y a commencé; parce que, craignant tout de leur côté, ils mettent uniquement leur confiance dans la grace de JefusChrift, ils prient fans ceffe, convaincus qu'ils font de leurs extrêmes befoins & de leur impuiffance; ils vivent dans des fentimens d'une profonde humilité, qui est une véritable difpofition pour attirer fur foi les regards favorables de Dieu; ils travaillent avec foin à leur falut; ils font dans un grand éloignement des maximes & des pratiques du monde ; ils marchent dans la voie étroite de l'Evangile; ils évitent jusqu'à l'ombre & l'apparence du mal; ils prennent en tout le parti le plus exact & le plus conforme à la vérité, qui font toutes difpofitions propres pour recevoir de Dieu le don excellent de la perfévérance finale. C'eft ainfi que vous devez vous comporter, & tâcher d'attirer fur vous les regards favorables de Dieu.

Mais c'eft à vous, ô Jefus, à mettre ces fentimens en nous, à éclairer nos efprits de vos pures lumieres, pour nous faire connoître en toutes chofes nos devoirs, à em. brafer nos cœurs du feu de votre divin amour, pour nous faire a imer & pratiquer

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