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Mais quel fujet caufe à Jefus cette extrès me trifteffe? eft-ce autre chofe que les péchés de tous les hommes, qui étoient préfens alors à fon efprit avec toute leur difformité & leur oppofition aux perfections divines, & en particulier la fuite honteufe de fes Difciples, la trahifon de Judas, l'aveuglement des Juifs, & en particulier mes propres péchés qui font innombrables, & qu'il a vu dans toutes leurs circonftances? O quelle pefante charge! je ne fuis pas furpris fi Jefus, pour en marquer le poids, permet que fon ame femble y fuccomber, & paroiffe comme accablée fous ce poids. O que le péché me doit sembler quelque chofe d'horrible; & par rapport aux perfections de Dieu qu'il offenfe, & par rapport à la douleur extrême qu'il caufe au cœur de Jefus! Ce fera fous ces vûes que je le confidérerai tous les jours, & fur-tout toutes les fois que je devrai m'approcher du Sacrement de Pénitence ; & afin d'obtenir une contrition véritable j'aurai une dévotion finguliere à ce Myftére de l'agonie de Jefus.

ORAISON DE JESUS
au Jardin.

V

Otre Evangile nous apprend, ô Jefus, que vous vous profternâtes dans ce Jardin, le vifage contre terre, priant & difant: Mon Pere, s'il eft poffible, faites que ce calice paffe & s'éloigne de moi; mais néan

moins que ce que vous voulez foit fait, & non pas ce que je veux. [Mat. 26. 39.1] O état humiliant de Jefus ! ô profternement adorable! que je vous honore en m'anéantiffant & en m'abaissant jufqu'au centre de la terre. Eh quoi! l'homme qui n'est que cendre & que pouffiere, n'apprendra-t-il pas de cet exemple, à traiter avec Dieu avec un profond refpe&.

Vous demandez, ô Jefus, à votre Pere qu'il éloigne de vous ce calice, &c. O priere humble! puifque vous vous réduifez à l'état des foibles, à qui Dieu permet de demander la délivrance de leurs maux : mais ô plus admirable humilité! vous vous foumettez entiérement aux ordres de votre Pere, en lui difant; mais néanmoins que ce que vous voulez foit fait, & non pas ce que je

veux.

O priere fervente! vous la faites jufqu'à trois fois les yeux baignés de larmes, les fanglots dans la bouche. Eh quoi ! nos prieres feront-elles toujours tiédes & languissantes? La vôtre, ô Jefus, ne deviendra-t-elle point le modéle des nôtres ? ne nous imprimera-t-elle point un nouveau zéle, une ferveur vive & animée dans nos oraifons?

Mais o priere perfévérante! vous la faites, ô Jefus, durant trois heures fans vous rebuter: vous fçaviez bien dès le commencement , que vous ne feriez pas exaucé dans votre priere quant à la lettre, quoique vous le duffiez être, & que vous le foyez toujours quant à l'efprit, dans vos

demandes; car vous n'avez point d'autre volonté que celle de votre Pere, & cependant vous n'avez point laiffé de perfifter dans votre priere pour notre instruction: & nous qui ne fçavons pas quelle eft la volonté de Dieu, ni s'il ne nous accordera point ce que nous lui demandons, nous nous lassons auffi-tôt de prier. O divin Jefus, faites-nous perfévérer dans la priere, & que nous ne demandions rien que fous le bon plaifir de votre Pere.

LA SUEUR DE SANG.

E

Til lui vint une fueur comme des gouttes de fang qui découloient jufqu'à terre. [Luc. 22. 44.] Voilà l'état où la vue de mes péchés dans le Jardin des oliviers, a réduit Jefus. Le premier homme avoit été condamné en punition de fon péché, à une fueur d'eau ; & le fecond Adam qui étoit venu pour réparer nos péchés, a été condamné à une fueur de fang. O quel état où eft ainfi réduit le Fils de Dieu à la vue des cruels tourmens & de la mort terrible qu'il doit endurer, & des péchés des hommes dont fon Pere l'a rendu refponfable! qui ne feroit fenfiblement touché de voir ainfi Jefus baigné dans fon fang?

Ŏ précieux fang qui avez coulé des veines de Jefus, qui avez été répandu sur la terre maudite autrefois, & qui ne devoit porter que des ronces & des épines, & qui avoit été fouillée tant de fois par les crimes

des

des hommes; mais qui a été purifiée & fanAifiée par cette effufion comme par un ba tême, & qui a été rendue fertile & abondante par ce fang comme par une douce rofée, foyez répandu fur mon ame, & la purifiez de fes taches & de fes fouillures, & faites-lui porter des fruits de la vie éternelle. O excès de l'amour de Jefus d'avoir bien voulu vous réduire à cet état! & fi je ne puis verfer du fang fur mes péchés, du moins que j'y verfe des larmes en abondance.

JESUS-CHRIST
confolé par un Ange.

Alors il lui apparut un Ange du Ciel qui

d'humiliation & d'indigence, où s'eft bien voulu réduire Jefus le Roi & la force des Anges! ç'a été alors que vous avez été abaiffé au-deffous des Anges, comme le dit votre Prophéte, ô Jefus : vous avez voulu fan&tifier tous les états, & prendre fur vous celui des perfonnes foibles, qui ont besoin d'être foutenues & confolées dans leurs défolations & leurs découragemens. Eh! Seigneur, que je tire ma force de votre foibleffe, ma confolation de votre langueur, ma lumiere & mon fecours dans toutes mes tentations, de votre abattement.

Faites, ô divin Jesus, qu'en l'honneur de cet état où vous avez bien voulu vous réduire, mon coeur devienne compatillant I. Partie

* D

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pour les perfonnes qui font par la grandeûr de leurs maux ou par la foibleffe de leur efprit, accablés de trifteffe ; & que je me faffe un plaifir & un honneur de les confoJer, & de les foutenir felon la lumiere & la force que vous me donnerez.

JESUS ALLANT
au-devant de fes ennemis

"I Evez-vous allons; celui qui me doit li

vrer eft bien près d'ici. [ Matt. 26. 461] Eh quoi! Seigneur, il n'y a qu'un moment que vous demandiez à votre Pere d'être délivré de la mort, & que la vue de votre fupplice vous avoit fait tomber en foibleffe, & vous allez préfentement à la mort avec un courage & une intrépidité qui va étonner & renverfer vos ennemis, qui vien, nent à vous en troupe, & armés d'épées & de bâtons Vous leur demandez avec une fainte hardieffe: Qui cherchez-vous ? als vous répondent, Jefus de Nazareth. [Joan, 18. 4. J Vous leur dites; C'est moi. Cette feule parole, comme un coup de foudre, les renverfe & les fait tomber par terre. -D'où vient cette grande différence ? ce n'eft parce que votre bonté vous avoir porté à vous charger de nos foibleffes ; & qu'i -ci vous faites paroître un échantillon de votre force divine, par laquelle vous renwerfez les deffeins & la force des impies, quand il vous plaît vous tracez ici un léger crayon de la maniere étonnante dont vous

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