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JESUS DEVANT CAIPHE

V

Ous paroiffez, ô Jefus, devant Carphe le Grand-Prêtre des Juifs, vous qui êtes Prêtre felon l'ordre de Melchifedech, & dont le Sacerdoce ne doit jamais finir. Il vous interroge fur votre doctrine & fur vos Difciples, comme fi vous étiez fon jufticiable. Vous lui répondez que vous avez toujours enfeigné en public; que tout le monde en peut rendre témoignage; & que vous n'avez point cherché d'endroits cachés pour débiter une méchante doarie ne. Cette réponse qui étoit faite avec une fainte liberté vous attire un fouflet de la part d'un des Officiers du Grand-Prêtre, qui ofe bien vous reprendre, & vous dire : Eft-ce ainfi que vous répondez au Grand-Prétre? [ Joan. 18. 22. ] Vous vous contentez de lui remettre fa faute devant les yeux, de lui demander pourquoi il vous frappe; & de lui dire que fi vous avez mal parlé, qu'il le faffe voir.

O Jefus, que d'inftructions admirables vous nous donnez ! Vous nous apprenez à ne pas rougir de la bonne doctrine & à la défendre, quoique l'on doive s'attirer de mauvais traitemens de la part des hommes. Vous nous apprenez à fouffrir ces mauvais traitemens avec patience, quand ils nous arrivent, fans jamais abandonner la défense de la vérité. Mais en même-tems yous nous apprenez qu'il y a des tems où la

prudence ne permet point d'observer à la lettre ce que vous avez confeillé dans votre Evangile, quand on a reçu un fouflet fur une joue de tendre l'autre, lorsque cette conduite ne ferviroit qu'à aigrir davantage les perfonnes, & qu'elles n'en feroient pas plus édifiées.

On fufcite deux faux témoins qui dépofent que vous avez blafphémé contre le Temple. O vérité calomniée & humiliée par le menfonge! vous ne répondez rien à ces dépofitions qui fe détruifent affez d'elles-mêmes. Les hommes qui ont toujours quelque fujet de s'humilier & de fe reconnoître coupables, ont toujours des apologies & des juftifications toutes prêtes à faire de leur innocence prétendue ; & vous, la juftice & la fainteté même, vous n'op pofez aux calomnies que le filence & la patience.

Le Grand-Prêtre vous conjure par le Dieu vivant de lui dire fi vous êtes le Chrift Fils de Dieu : quoique vous fcuffiez que la confeffion de cette vérité yous dût coûter la vie, vous avouez que vous l'êtes & vous le faites en mettant même devant les yeux du Grand-Prêtre l'état de fouverain Juge, où vous paroîtrez à la fin du monde: ce qui irrite fi fort le Grand, Prè tre, qu'il déchire les vêtemens en vous traitant de blaphémateur, & portant le peuple à déclarer que vous méritez la mort.

Ce Grand - Prêtre en déchirant les ha bits, fait une chofe qui lui étoit défendue

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par la Loi; mais c'étoit une action prophétique qu'il n'entendoit point, non plus que cette prophétie où il eft dit, qu'il fal foit vous condamner à la mort, parce qu'il étoit expédient qu'un homme mourât pour tout le peuple ce qui dans l'Efprit de Dieu marqueroit que par votre mort, vous deviez délivrer les hommes de la mort éterhelle: & par cette action qu'il fait ici, it marque fans le fçavoir, que fon Sacerdoce & les facrifices felon l'ordre d'Aaron, vont être détruits & confommés par lé vôtre,

Mais ô traitement indigne que vous re➡ cevez, ô Jefus, dans la maifon de ce Grand Prêtre il vous traite de blafphémateur & vous apprenez à vos Difciples à fouffrir de pareils traitemens, lorfqu'ils font accafés de blafphémer la vérité qu'ils défendent eux-mêmes, & qu'ils font calomniés même par des Prêtres & par vos propres Miniftres. Ce peuple qui eft ici préfent vous traite comme un homme qui mérite la mort, vous qui êtes l'auteur de la vie, & de la vie éternelle: on vous crache au vilage; on vous frappe à coups de poing; on vous donne des fouflets, après vous avoir voilé le vifage, & en difant par dé rifion de votre qualité de Prophéte, devine eelui qui t'a frappés [ Lue. 22.. 64% ] Voilà les indignités & les infultes de la part des foldats, aufquels vous avez été abandonné durant cette nuit ; & tout cela, Seigneur, pour expier la fenfibilité & la fauffe déli

Cateffe que l'on a dans les moindres injures que l'on reçoit ; & pour expier la vaine complaifance qu'une infinité de perfonnes ont pour leur vifage dont ils font idolâtres, & le foin criminel qu'elles prennent pour plaire par-là aux créatures.

→ Jefus, que j'apprenne de votre exem ple, à fouffrir avec patience toutes les car fomnies qu'on pourra inventer contre moi, à n'avoir aucune fenfibilité pour tous les affronts, & que je n'aie jamais pour mon Corps aucune complaifance qui me rende défagréable à vos yeux; qu'au contraire, jeie toujours ce fentiment de moi-même, que je mérite toute forte d'humiliations & d'abaiffemens; & que je travaille avec rant de foin à l'acquifition des vertus qui doivent embellir mon ame, que je néglige les trop grands empreffemens pour

mon corps.

RENONCEMENT
& Pénitence de S. Pierre.

Saint Pierre ayant fuivi fon Maître, fut chez le Grand-Brêtre par un

des Difciples qui étoit connu du GrandPrêtre. O qu'il eft fouvent dangereux d'avoir des amis qui nous donnent entrée dans le monde, & fur-tout dans la maifon des Grands & dans la Cour des Rois! que fouwent on n'y entre que pour y perdre l'innocence, & pour y renier Jefus-Chrift à l'esemple de faint Pierre, qui étant interrogé

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pár de fimples valets, s'il étoit des Difciples de Jefus-Chrift, dit en jurant, qu'il ne le connoiffoit pas.

O vanité des promeffes humaines ! qu'il 'faut peu compter fur toutes nos paroles & fur tous nos vains efforts! La voix d'une fervante & un rien, eft capable de nous renverser, & de nous faire connoître par une malheureuse expérience, que nous fommes bien éloignés de faire & de pouvoir véritablement le bien que nous fentons. quelquefois que nous voulons : toute notre confiance doit être dans la grace du Seigneur, fans laquelle on eft néceffairement vaincu, & l'on tombe dans le dernier aveuglement & la derniere infidélité, quelque fainteté qu'on ait eue auparavant, & quelque confeffion avantageuse qu'on ait faite en d'autres occafions du nom & de la divinité de Jefus-Chrift.

Vous permettez, Seigneur, cette chûte honteufe dans la perfonne de votre premier Vicaire , pour apprendre à tous les autres à devenir compatiffans envers les pécheurs en se remettant devant les yeux leur propre foibleffe & les chûtes dont ils feroient capables, fi vous les abandonniez à eux-mêmes, comme vous fîtes alors le premier de vos Apôtres.

Mais, Seigneur, vous jettez. feulement un regard fur faint Pierre; & faint Pierre étant forti dehors, pleure amérement. O regard puiffant & efficace de Jefus, feu capable de convertir nos cœurs! toutes les

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