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les humiliations; que votre visage eft caché par les opprobres & par la confufion dont on vous a couvert. [ Ifai. 53. 3.] Mais, o Seigneur ! cet état où vous vous êtes réduit, eft une fatisfaction que vous offrez à votre Pere, pour réparer les injures qu'il reçoit par le fard & par les mouches dont les femmes fe fervent, pour faire outrage au Créateur dans fon image qu'elles portent & qu'elles défigurent en elles, & pour achever de corrompre la pue reté des hommes.

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VOICI L'HOMME,

Ilate s'avife d'expofer Jefus-Chrift aux yeux du peuple, dans ce pitoyable état où les Soldats l'ont mis, en leur difant : Voici l'homme. Joan. 19. 5.] Je vous adore, ô Jefus, dans cet état, je vous reconnois pour être l'homme qui devoit & qui pouvoit feul racheter tous les hommes; l'homme de 'Dieu envers les hommes, & P'homme des hommes auprès de Dieu Phomme par excellence, l'homme-Dieu & le Dieu-homme.

Ce fpectacle eût dû toucher de compas fion le cœur des Juifs, les faire rentrer en eux-mêmes, & les obliger de demander votre délivrance, & Seigneur; mais ils s'é crierent, en parlant de vous: Crucifiez-le : crutifiez-le. tJoan. 19. 6. ] O que cette parole vous fut fenfible, ô Jefus eft-ce ainfi que vous êtes traité par un peuple que

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vous avez choifi entre toutes les Nation pour être votre peuple, à qui vous aviez donné des Patriarches & des Prophétes; que vous aviez retiré de la captivité d'Egypte, à qui vous aviez donné votre Loi fur le mont de Sina; que vous aviez nourri miraculeufement durant quarante ans dans le défert; que vous aviez rendu vi&orieux plufieurs fois de fes ennemis ; à qui vous aviez donné la terre de promif-fion, & duquel vous aviez voulu prendre naillance; parmi lequel vous aviez prêché, fait tant de miracles, dont vous aviez éclairé les aveugles, fait marcher les boiteux, guéri les paralytiques, reffufcité les - morts; & pour reconnoiffance de tant de bienfaits, il demande qu'on vous crucifie? O ingratitude des hommes ! il faut qu'il y ait dans le cœur de l'homme un terrible fonds de mifere & d'oubli de fon Dieu.

Mais, Seigneur, ce ne font pas les Juifs feuls qui vous ont traité de la forte, c'est moi-même, après avoir reçu de vous des faveurs encore plus grandes que ce peuple; car ne m'avez-vous pas tiré de l'Egypte du péché, & fait paffer au travers des eaux du Batême dans votre Eglife, où vous m'avez fait renaître en vous, & où vous avez pris naiffance en moi; ne m'y avez-vous pas donné la Loi de votre amour dans mon cœur ; ne m'y avez-vous pas nourri de la manne facrée de votre corps; ne m'y avezvous pas éclairé dans mes ténébres, fait marcher dans vos voies; n'y avez-vous pas

guéri

gueri la langueur & la paralyfie de mon ame " & ne m'y avez-vous pas donné la vie dans vos Sacremens? Et cependant après tout cela, je vous ai crucifié, je vous ai donné la mort, je vous ai fait perdre la vie que vous aviez dans mon ame, laquelle vous étoit plus précieufe que celle que vous avez perdue fur la croix, & que les Juifs vous ont ôtée : car cette vie que je vous ai fait perdre, ô Jefus, étoit votre vie reffufcitée, votre vie célefte, votre vie glorieufe; vie pour laquelle vous aviez perdu l'autre en mourant fur la croix. Je fuis donc plus coupable fans comparaison, que les Juifs; & c'eft fur mon ingratitude que je dois verfer des larmes, & que je dois travailler à la réparer par une très-grande fidélité à vous fervir déformais durant tout le sems de ma vie.

JESUS CONDAMNÉ
à la Mort.

P

Ilate abandonne enfin Jefus-Chrift aux Juifs pour le faire mourir. O efprit de victime & de facrifice, & pofture humiliante dans lesquels vous recevez, ô Jefus, votre arrêt de mort prononcé par un Juge de la terre, comme s'il eût été prononcé par votre Pere! Oui, quelque injuftice que les hommes femblent commettre contre moi, je l'accepte avec une humble foumiffion › comme étant ordonnée par le confeil de Dieu; je fléchis les genoux, & I. Partie. *E

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je me profterne par terre à l'exemple de Jefus, pour recevoir l'arrêt de ma condam

pation.

Mais, 6 foibleffe dans ce Juge, qui avoit rendu plufieurs fois témoignage à l'innocence de Jefus, qui avoit même fait quelque effort pour le renvoyer; & quand on le menace d'encourir la difgrace de Céfar, s'il ne livre Jesus-Christ à la mort, il ne balance plus, il fe laiffe aller lâchement à le condamner! Quand on a dans le cœur le defir de faire fortune, ou quelque autre paffion, on fe cache pour un tems, on pa roit même zélé pour le bien; mais quand on vient à commettre avec notre vertu · prétendue, nos intérêts; alors le masque rombe, la diffimulation n'a plus de lieu, on paroît dans fon naturel, on fe livre à fa paffion.

O vertu de la plupart des hommes, que tu es fauffe ou que tu es foible, quand tu es expofée à l'épreuve de la tentation! Ne permettez pas, Seigneur, que je fois tenté d'une maniere forte & violen-te; ou fi vous le permettez, ne fouffrez pas que je tombe fous les efforts de la tentation, mais que j'en fois victorieux; car fans votre grace, ô Jefus, je ferai encore plus lâche que Pilate, je vous livrerai à la mort, & je vous crucifierai moi-même, comme je l'ai fait tant de fois par mes crimes, fans balancer un feul moment à prendre un fi méchant parti

J. C. PORTANT SA CROIX.

Esus eft chargé de fa croix, il paffe ainfi au milieu de Jérufalem, & il en fort pour aller au Calvaire. O fpectacle digne de compaffion, & de tirer les larmes de nos yeux, comme il en tira de ceux des faintes femmes qui avoient toujours fuivi Jefus mais ô objet de rifée & de mépris pour tout le peuple Juif, qui s'empreffè avec joie de voir Jefus dans cet état ! Vous avez ainsi été donné, ô Jesus, en spectacle de moquerie à toute la ville de Jérufalem, pour expier les offenfes que l'on commet en affiftant à la Comédie & à l'Opéra, qui font des fpectacles qui infpirent une joie criminelle, & qui remuent vivement les paffions, que des Chrétiens doivent toujours mortifier. Vous marchez accablé fous le poids d'une pefante croix durant un fi long trajet, pour réparer tant d'injures faites à Dieu, par les pas que l'on fait dans les danfes & dans les bals, qui font véritablement des affemblées du démon, où les hommes & les femmes s'alfaffinent & fe font une infinité de plaies mortelles.

Pour moi, je vous confidére & je vous adore dans cet état, comme le véritable Ifaac, chargé du bois de fon facrifice, comme un Roi orné de fon fceptre, com- | me un Héros revêtu des armes dont il va zerraffer fes ennemis; je vous regarde dans

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