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publics ou nuncupatifs, puisque ces testamens pouvaient n'être pas écrits; au lieu qu'en France, depuis l'ordonnance de 1735, ils ont dû être écrits; en sorte que ces mots, d'un seul contexte, auraient pu s'appliquer plus particulièrement à la forme de l'acte qu'aux opérations mêmes du testament.

Il y a donc lieu d'être étonné qu'aucun des auteurs qui ont traité cette matière, au moins de ma connaissance, n'ait fait attention à la force et à la propriété des mots employés par M. d'Aguesseau, et qu'en général, même depuis l'ordonnance de 1735, pour marquer l'unité d'action, ils se soient indistinctement servis de ces mots, uno contextu, uno tempore.

Ce fut donc en ces termes, tout ce que dessus sera fait de suite et sans divertir à d'autres actes, que le législateur prescrivit l'unité d'action ou de temps pour les testamens mystiques, dans l'article 9 de l'ordonnance de 1735. Il les employa encore dans l'article 5, pour les testamens nuncupatifs.

Mais une remarque essentielle à faire, c'est que les testamens nuncupatifs pour lesquels cette forme était exigée par cette ordonnance, étaient seulement les testamens à l'usage des pays de droit écrit; et cette même forme n'était point rappelée par l'article 25 de la même ordonnance, qui prescrivait les formalités relatives aux testamens qui se faisaient dans les pays de Coutume. De là on avait été fondé à conclure que l'unité d'action ou de temps n'était nécessaire, à peine de nullité, que dans les pays de droit écrit, et non dans ceux de Coutume. On sait que, dans une foule de circonstances, M. d'Aguesseau, dont la grande déférence pour les lois romaines était connue, et qui se croyait obligé de respecter les divers usages de la France, a laissé subsister des différences notables, quant aux formes, entre les pays de droit écrit régis par le droit romain, et ceux de Coutume.

Les notaires, il faut en convenir, n'observaíent pas, et avec raison, ainsi que je le dirai bientôt, cette différence qui résultait de la loi. Partout, même en pays de Coutume,

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ils étaient en usage de faire les testamens d'un seul trait, de suite et sans divertir à d'autres actes. Cependant, on trouve dans Denisart, au mot Révocation de testament, n° 6, l'exemple du testament de la présidente de CrèveCoeur, fait en pays de Coutume, en l'année 1756, à plusjeurs reprises, en différentes séances, et à d'assez grands intervalles. A la vérité, ce testament fut sans effet; il ne put même pas en révoquer un précédent : mais on voit que cela fut ainsi jugé, uniquement parce que le second testament n'avait pas été achevé; et l'on ne songea pas même à l'attaquer sur le fondement qu'il avait été fait par intervalles et à des époques différentes.

Si, sous l'empire de l'ordonnance de 1735, cette différence existait sur la question que je traite, on peut dire que, sous l'empire du Code, il en existe une sous un autre rapport.

En effet, dans le Code civil, article 976, en prescrivant les formes relatives au testament mystique, le législateur a dit dans les mêmes termes qu'on lit dans les articles 5 et 9 de l'ordonnance de 1735, tout ce que dessus sera fait de suite et sans divertir à d'autres actes. Mais il n'en est rien dit dans les articles qui prescrivent les formes du testament fait par acte public; en sorte qu'on peut dire que cette forme est nécessaire, à peine de nullité, pour le testament mystique, et qu'elle ne l'est pas par rapport au testament fait par acte public.

Dirait-on que la solution de cette question doit être tirée de l'art. 13 de la loi relative au notariat, qui est ainsi conçu : « Les actes de notaires seront écrits en un seul et même » contexte, lisiblement, sans abréviation, blanc, lacune, » ni intervalle. Ils contiendront les noms, prénoms, qua» lités et demeures des parties, ainsi que des témoins qui » seraient appelés dans le cas de l'article 11, etc.; le tout » à peine de cent francs d'amende contre le notaire contre

» venant. >>>

Mais serait-on fondé à croire que cet article s'applique à l'unité de temps dont il s'agit ici?

En premier lieu, ne paraît-il pas que cet article n'a pour

objet que la forme des actes en général, sous le rapport de leur rédaction, abstraction faite d'un mode relatif aux opérations dont cette rédaction est le résultat? Il n'est pas dit, dans cet article, « les actes des notaires seront faits, » il est seulement dit, seront écrits en un seul et même contexte ; ce qui peut présenter une idée bien différente. Beaucoup d'actes sont faits à diverses reprises, entremêlés d'autres opérations qui leur sont étrangères, et cependant la rédaction ou l'écriture est d'un seul et même contexte : étant revêtus des formes exigées par la loi, ce ne serait pas une raison pour les attaquer. Il en est même qui, de leur nature, ne peuvent être faits qu'à différentes reprises: tout cela paraît étranger à l'unité de temps, telle qu'on l'entend pour les testamens, à ce qui résulte enfin de ces termes employés dans l'art. 976, pour le testament mystique, tout ce que dessus sera fait de suite et sans divertir à d'autres actes. Aussi, si cette unité de temps, qui peut être indifférente pour les autres actes, était prescrite précisément par la loi pour le testament par acte public, et qu'elle n'eût pas été observée, quoique le notaire eût rédigé son acte de manière à présenter l'observation de cette unité de temps, ce serait le cas de l'inscription en faux, et la nullité ne serait que le résultat du succès de cette inscription.

En second lieu, ce qui prouve que ce que le législateur a voulu par l'article 15 de la loi sur le notariat, n'est pas la même chose que ce qu'il a entendu par ces mots, tout ce que dessus sera fait de suite et sans divertir à d'autres actes, c'est qu'il ne s'est pas servi des mêmes termes. Ce qui s'oppose encore à cette application, c'est que si le législateur eût exigé, pour le testament fait par acte public, la même unité de temps que pour le testament mystique, l'inobservation de cette forme devrait entraîner la nullité de l'un comme de l'autre. Cependant, si on ne pouvait puiser l'intention de cette unité de temps, pour le testament fait par public, que dans la règle générale énoncée dans l'article 13 de la loi sur le notariat, il n'y aurait point de nullité à opposer contre le testament, soit d'après ce même article 13, qui, comme on a vu, ne prononce, en cas de contravention, qu'une

amende de 100 fr. contre le notaire, soit en combinant ce même article 13 avec l'article 68 de la même loi, qui indique les cas de nullité pour cause de contravention aux formes, et qui ne comprend pas cet article 13.

pas été

Il serait donc difficile de soutenir la nullité du testament fait par acte public, sur le fondement qu'il n'aurait fait d'un seul trait, et avec unité d'action ou de temps, de suite et sans divertir à d'autres actes.

Mais on ne saurait trop conseiller aux notaires de pratiquer, même pour ce testament, l'unité de temps. Une forme contraire est susceptible de trop d'inconvéniens. Dans les intervalles des séances, dont la durée serait d'ailleurs arbitraire, les révélations des témoins pourraient donner l'éveil aux personnes intéressées à s'opposer aux intentions du testateur; elles provoqueraient les captations, les suggestions, et les artifices de tout genre. Des changemens dans les dispositions du testateur, qu'il faudrait constater à chaque nouvelle séance, présenteraient l'image d'une volonté chancelante et incertaine. L'unité de temps est donc préférable, non-seulement sous ses rapports essentiels, mais encore pour mettre le testament à l'abri des doutes que ferait naître l'induction qu'on pourrait tirer, soit de l'article 15 de la loi sur le notariat, soit de l'article 976 du Code, par application au testament par acte public; doutes auxquels il n'est jamais sage de s'exposer. Aussi ai-je toujours vu les notaires le pratiquer ainsi, même dans les pays de Coutume, et j'avoue que je ne connais aucun exemple contraire, depuis l'ordonnance de 1735, que celui que j'ai déjà rapporté d'après Denisart.

Lors même qu'un testament déjà commencé ne peut être mis à fin par quelque accident qui survient, comme un testament imparfait n'en est pas un, il est à propos, lorsque le testateur désire de tester dans un autre temps, d'en faire un nouveau, et de ne donner aucune suite à ce qui a déjà été commencé; ce qui revient à ce que dit Dumoulin, lorsqu'il expose les principes sur cette matière, en conséquence des lois romaines, loco citato, no 11: Debent omnia breviter repeti, quasi ex nová actione, seu novo integro testamento.

$ II.

DES SIGNATURES, DE LA QUALITÉ DES TÉMOINS, et de la PARENTÉ RESPECTIVE DE CEUX QUI CONCOURENT AU

TESTAMENT.

De la signature par le testateur. -- De sa déclaration qu'il ne sait ou ne peut signer, et de la cause qui l'empêche de signer. · Arrêts sur ce point.

242. Il est dit dans l'article 973 : « Le testament doit être » signé par le testateur. S'il déclare qu'il ne sait ou ne peut » signer, il sera fait dans l'acte mention expresse de sa dé» claration, ainsi que de la cause qui l'empêche de signer. »

L'article 165 de l'ordonnance de Blois, disait qu'en cas que les parties ou les témoins ne sussent signer, les notaires feraient mention de la réquisition par eux faite auxdites parties et témoins de signer, et de leur réponse. L'article 63 de la même ordonnance s'expliquait ainsi : A la charge de faire signer le testateur et les témoins, ou de faire mention de l'interpellation qu'ils auront faite auxdits testateur et témoins pour signer, et de la cause pour laquelle ils ne l'auront pu faire. L'article 84 de l'ordonnance d'Orléans était conforme pour les actes en général.

Du temps de Ricard, il se présenta un testament, dans lequel il était dit simplement que le testateur avait déclaré ne pouvoir, quant à présent, signer, à cause de sa maladie. On en demandait la nullité, sur le fondement que le testament ne contenait pas la mention de la réquisition faite au testateur. Mais par arrêt du 17 décembre 1654, que cet auteur rapporte, no 152, le testament fut déclaré valable. Le motif de l'arrêt fut que la réponse du testateur supposait par nécessité l'interpellation précédente du notaire. Et à ce sujet, Ricard en revient au principe qu'il avait établi précédemment, qu'il suffit que l'ordonnance soit accomplie, même par équipollence, sans qu'il y ait obligation de suivre aucunes formules.

Cette observation judicieuse de Ricard ne fut pas oubliée

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