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malités, on doit remarquer une différence essentielle à faire entre la mention de la déclaration de ne savoir ou pouvoir signer de la part du testateur, et cette même mention concernant les témoins. L'article 998 du Code porte que, si le testateur déclare qu'il ne sait ou ne peut signer, il sera fait mention de sa déclaration, ainsi que de la cause qui l'empêche de signer. Et, à l'égard des témoins, il est dit dans le même article, que dans le cas où la présence de deux témoins est requise, le testament sera signé au moins par l'un d'eux, et qu'il sera fait mention de la cause pour laquelle l'autre n'aura pas signé. Mais il n'est ajouté, ni qu'il sera également fait mention de la déclaration faite par ce témoin de son ignorance ou impossibilité de signer, ni qu'il sera nécessaire d'exprimer que ce témoin a déclaré lui-même la cause qui l'a empêché de signer, forme rigoureusement exigée à l'é-, gard du testateur, par cet article 998, comme pour les testamens ordinaires, d'après l'article 973. Or, on sent qu'on ne doit exiger en ce qui concerne les témoins que ce qui est prescrit par rapport à eux. On ne peut ajouter aux formes établies, et créer une nullité que la loi ne prononce

pas.

On peut faire le même raisonnement sur la différence qui existe, pour les testamens ordinaires, entre la mention exigée par l'article 973, lorsqu'il s'agit du testateur, et celle qui est prescrite par l'article 974, lorsqu'il est question des témoins. Telle est aussi l'opinion de M. Merlin, 17o vol. du Répertoire, au mot Signature, § 3, art. 2, pag. 559.]

J'ai vu élever une difficulté assez embarrassante, relativement à l'exécution de l'art. 981 du Code civil, touchant le testament militaire.

Le testament d'un militaire avait été reçu par un commissaire des guerres, avec les formalités établies par cet article 981. Celui qui avait reçu le testament en avait donné une copie en forme, et il s'était retenu la minute. La personne qui était nommée légataire universelle par le testament, demandait la délivrance du legs à la mère du testateur. Celle-ci opposait que, d'après l'art. 1534 du Code civil, la minute doit être rapportée. On lui répondait que l'officier qui avait

reçu le testament avait eu caractère pour délivrer une expédition, et que, d'après l'article 1335, cette expédition faisait foi comme l'original.

Non-seulement l'application de ces deux articles 1334 et 1535, aurait pu prolonger les contestations, mais encore il en aurait été de même des articles 221 et 222 du Code de procédure civile, si on eût voulu les appliquer à la ques

tion.

On sent que la circonstance, qu'un commissaire des guerres, ou un officier militaire, qui aurait reçu un testament, peut demeurer saisi de la minute de ce testament, présente des inconvéniens graves.

Il semble qu'il serait à propos qu'un règlement les fit cesser. On y parviendrait en prenant pour le testament militaire la même précaution que le législateur a prise pour le testament fait sur mer.

Il est dit dans l'article 990 du Code civil, en ce qui concerne ce testament, que, dans tous les cas, il en sera fait un double original.

Il est ajouté dans l'article 991, que si le bâtiment aborde dans un port étranger dans lequel se trouve un consul de France, ceux qui auront reçu le testament seront tenus de déposer l'un des originaux, clos ou cacheté, entre les mains de ce consul, qui le fera parvenir au ministre de la marine, et celui-ci en fera faire le dépôt au greffe de la justice de paix du lieu du domicile du testateur.

Les articles 992 et 993 prescrivent encore de nouveaux moyens pour assurer le dépôt de ce testament.

La difficulté que nous venons d'indiquer, relativement au testament militaire, s'aplanirait si les mêmes précautions étaient établies, en substituant le ministre de la guerre à celui de la marine. On pourrait enfin prendre d'autres moyens qui pourraient être également convenables.

J'ignore qu'il ait été fait un règlement à ce sujet ; et, dans l'incertitude, j'ai cru pouvoir présenter la difficulté, et appeler des mesures pour y remédier.

Comment peut disposer le Français en pays étranger. — La loi étrangère régit la forme du testament par acte authentique. De l'enregistrement des testamens faits

en pays étranger.

280. A l'égard du Français qui se trouvera en pays étranger, il pourra faire ses dispositions testamentaires sous la forme olographe. Art. 999. La certitude de cette forme est toujours la même, quelque part que soit le testateur. La loi accordant à tout Français la faculté d'être lui-même ministre de ses dispositions, lorsqu'il peut les écrire, les dater et les signer, la circonstance d'un voyage du testateur en pays étranger ne saurait être une raison de le priver de cet avantage; il peut toujours réclamer les lois de son pays.

Mais s'il ne peut faire un testament olographe, il peut en faire un par acte authentique, avec les formes usitées dans le lieu où il sera passé. Même article 999. Le Français absent doit toujours jouir des droits civils que lui accorde la loi de sa patrie. Mais ne pouvant être question dans le pays étranger où il se trouve, des formes qui sont observées d'après la loi française, qui y seraient d'ailleurs inconnues, il devient alors indispensable de recourir aux formes reçues et usitées dans le pays étranger. Ce sont même les seules qui doivent être employées.

Ainsi, lorsqu'autrefois la France était divisée en tant de législations diverses, le Français qui était hors de son domicile, et qui voulait tester par acte authentique, ne pouvait le faire que sous les formes qui étaient admises par la loi du lieu où il se trouvait. L'acte, quant à sa forme, était soumis à la loi du lieu où il était passé. C'est ce qui avait donné lieu à cette maxime de droit, locus regit actum.

Mais il est bien entendu que c'est à la forme du testament que se borne l'empire de la loi étrangère. L'effet du testament et l'ordre des successions sont toujours sous la dépendance de la loi française, et pour les immeubles qui sont dans le territoire du royaume de France, et pour les meubles, quelque part qu'ils soient.

Cependant l'exécution des testamens faits en pays étranger, est soumise à la formalité d'un enregistrement, qui est clairement expliquée dans l'article 1000. On sent qu'il est indispensable que les héritiers appelés par la loi, connaissent les dispositions contenues dans ces testamens et soient mis en état d'en examiner la validité.

SECTION V.

DES INCAPACITÉS PHYSIQUES QUI EMPÊCHENt de tester, OU QUI NE PERMETTENT DE TESTER QUE SOUS CERTAINES FORMES.

De l'aveugle.

Quelles sont ces incapacités. Peut-il faire un testament olographe? - Du testament olographe fait avant la cécité.

281. Il y a des incapacités civiles de tester. Comme, pour la plupart, elles sont communes à la faculté de donner entre vifs, je me suis expliqué à cet égard, dans la première partie, tant pour le testament que pour la donation entre vifs, afin d'éviter des répétitions. J'y ai aussi parlé, par la même raison, des cas de démence et d'aliénation d'esprit.

Il ne me reste donc qu'à m'occuper des incapacités tenant à l'état physique sans aliénation d'esprit, desquels il résulterait ou l'impossibilité absolue de tester, ou la faculté de le faire seulement avec de certaines formes, et non avec d'autres.

J'ai eu occasion de dire, dans cette seconde partie, au commencement de la section III, que l'aveugle ne peut point tester sous la forme mystique; il ne le peut donc que par acte public.

L'article 7 de l'ordonnance de 1755., voulait qu'il fût appelé un témoin de plus au testament de l'aveugle, au moins pour le pays de droit écrit, ce qui dérivait de la loi Hác consultissima. Mais cette forme, dont on sent aisément la superfluité, a disparu du Code civil.

Cependant le testament olographe que l'aveugle aurait fait avant son état de cécité, devrait avoir son effet. Il prendrait sa force, comme un pareil testament fait par toute autre personne, de la persévérance de volonté du testateur, qui ne se présume pas moins quoiqu'il soit devenu aveugle.

M. Bergier, dans une note sur Ricard, des Donations, pages 32 et 33, a pensé que rien n'empêchait qu'on ne déclarât valable le testament olographe qu'un aveugle aurait pu faire, même dans son état de cécité. Il invoque un arrêt du 29 mai 1770, rapporté par Denisart, au mot Testament, no 160, qui a ordonné l'exécution du testament olographe de la dame Ménage de Pressigny, qui était aveugle au moment qu'elle l'avait écrit, daté et signé.

Cette opinion n'est pas sans difficulté. Le caractère du testament olographe est d'être fait par le testateur seul : or, un aveugle, quelqu'habitude qu'il ait pu conserver de l'écriture, pourrait-il bien se flatter d'écrire son testament, de le dater et signer, de manière à ce qu'il n'y eût aucun des inconvéniens que cet état fait naturellement craindre, qu'on prévoit assez sans les détailler, et qui pourraient rendre le testament illisible et nul. Si on suppose qu'il se fasse aider et guider par un tiers, alors la possibilité des insinuations et des surprises ne se présente-t-elle pas à l'esprit? et ne s'élève-t-il pas un doute légitime sur la validité d'un testament fait dans une semblable circonstance? Où est cette garantie, si fortement exigée par la loi, de la certitude des volontés du testateur?

Aussi Denisart avait-il d'abord posé en principe qu'un aveugle ne pouvait tester que par testament public fait devant notaire. Il paraît que c'est un annotateur qui a ajouté de suite la citation de l'arrêt de 1770. Les héritiers soutenaient avec force qu'une personne en état de cécité n'avait pu faire un testament olographe; et un arrêt isolé qui semble avoir jugé le contraire, peut-être par des circonstances inconnues (la cécité pouvait n'être pas complète), peut-il fixer les opinions sur un fait sur lequel le sentiment et la raison instruisent suffisamment? La prudence exige donc qu'une

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