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Les biens rentrent dans le patrimoine du donateur, libres de toutes charges et hypothèques.

201. Par une suite de la nature de cette condition comme résolutoire, les biens compris dans la donation rentrent dans le patrimoine du donateur, libres de toutes charges et hypothèques du chef du donataire, sans qu'ils puissent demeurer affectés, même subsidiairement, à la restitution de la dot de la femme de ce donataire, de ses reprises, ou autres conventions matrimoniales.

L'article 963 ajoute que cela aura lieu quand même la donation aurait été faite en faveur du mariage du donataire et insérée dans le contrat, et que le donateur se serait obligé comme caution, par la donation, à l'exécution du contrat de mariage. On vient de voir que toute renonciation à la révocation de la donation, par survenance d'enfans, est nulle, et il doit en être de même de cette clause prévue par la loi, parce qu'elle renfermerait indirectement

cette renonciation.

Pour opérer la révocation l'enfant doit naître viable.

202. Il ne suffit pas, pour donner lieu à la révocation de la donation, que la femme du donateur soit devenue enceinte ; il n'y a de révocation que par la naissance de l'enfant. Le législateur l'a entendu ainsi, en disant, art. 962, que la restitution des fruits aura lieu du jour de la notification de la naissance de l'enfant. Et de là même il se tire une conséquence importante; c'est que pour qu'il y ait lieu à la révocation, il est nécessaire que l'enfant naisse viable. La condition qui révoque est attachée à la naissance d'un enfant. Or, un enfant qui ne naît point viable, ne prend point de place dans la société. Il n'acquiert ni ne transmet aucun des droits qui émanent des lois civiles. La remarque en a été faite par tous ceux qui ont traité cette matière, et tout ce qu'ils ont dit est fondé sur la loi Qui mortui, 129, ff. de verb. signif.: Nam qui mortui nascuntur, neque nati, neque procreati videntur; quia nunquàm liberi appellari potuerunt. Je me suis expliqué sur ce qui con

stitue la viabilité, dans cette première partie, chap. III, sect. Ire, n° 100, tom. Ier page 342.

-

La révocation a lieu principalement dans l'intérêt du donateur. Le même donataire ne pourrait être gratifié que par une nouvelle disposition.

203. Il faut encore ne pas perdre de vue un autre principe important sur cette matière, et sur lequel on s'abuse aisément, qui est que ce n'est pas précisément dans l'intérêt de l'enfant que la révocation a lieu. Elle se fait principalement dans l'intérêt du donateur. Ce principe est trèsbien établi par Furgole, Question 16, sur l'ordonnance de 1731. Il est bien vrai que la naissance des enfans après la donation, est comme l'événement de la condition qui fait résoudre la donation. Mais, dit l'auteur, quoique avec un peu trop de généralité, mais cependant avec vérité, pour la solution de la question qu'il traite, leur intérêt et leur faveur particulière n'y entrent pour rien. Ce qui prouve que la révocation se fait en vue du donateur, ce sont les termes de la loi Si unquam (qui est le type de notre législation), qui fait revenir les biens, non aux enfans, mais bien au donateur, pour en jouir et disposer à son gré: Totum quidquid largitus fuerat revertatur, in ejusdem donatoris arbitrio ac ditione mansurum.

Ce principe une fois bien conçu, on ne sera pas étonné que l'effet de la donation ne doive pas dépendre de la survie des enfans du donateur à leur père; que la donation ne puisse revivre, ni par la mort de l'enfant du donateur, ni par aucun acte confirmatif, et que si le donateur veut donner les mêmes biens au même donataire, soit avant, soit après la mort de l'enfant par la naissance duquel la donation aurait été révoquée, il ne puisse le faire que par une nouvelle disposition, ainsi que le porte l'article 964.

Un simple acte de renonciation au droit que la révocation de la donation donnerait au donateur, serait sans effet, comme le simple acte confirmatif serait impuissant. On ne peut se dépouiller de ses biens à titre gratuit, que par une donation ou un testament. On ne peut confirmer une donation qui n'existe plus, qui confirmat nihil dal.

Conséquence des principes sur la révocation, à l'égard des tiers détenteurs et de l'enfant dont la naissance a révoqué la donation.

204. Il résulte évidemment de là, qu'après la révocation de la donation par survenance de l'enfant, le donateur ou ses héritiers peuvent revendiquer, contre les tiers détenteurs, les biens donnés, si le donataire les avait vendus; que le donateur peut donner les mêmes biens à un étranger, même du vivant de l'enfant dont la naissance a révoqué la donation, sauf son droit de réserve, et que si, lors de la mort du donateur, cet enfant se trouvait incapable de succéder, les biens donnés ne retourneraient pas au donataire, mais qu'ils passeraient aux héritiers du donateur.

Autre conséquence à l'égard des cessionnaires de créances comprises dans la donation.

205. Il se tire encore du même principe la conséquence que si la donation comprenait des créances qui eussent été cédées à des tiers par le donataire, elles pourraient être revendiquées par le donateur contre ces tiers, si elles existaient encore, quand même ces tiers seraient saisis. par la notification qu'ils auraient fait faire de leurs cessions aux débiteurs.

Le cessionnaire n'a pas plus de droit que son cédant; et quoique, d'après l'article 1690 du Code, le cessionnaire soit saisi, à l'égard des tiers, par la signification du transport, néanmoins il est présumé avoir connu la donation qui faisait le titre de son cédant, et dès lors il a su que celte donation pouvait être révoquée par survenance d'enfans.

Mais si le débiteur s'était libéré envers le donataire ou son cessionnaire, avant la notification de la naissance de l'enfant, faite à ces derniers ainsi qu'au débiteur, la libération serait valable, sauf seulement le recours du donateur contre le donataire.

Telle est l'opinion de Lacombe, dans son commentaire

sur l'art. 42 de l'ordonnance de 1731, et je l'ai vu suivre en jurisprudence, comme étant fondée en raison.

C'est aussi justement que cet auteur ajoute qu'à l'égard des meubles corporels qui seraient compris dans la donation, s'ils n'étaient plus en la possession du donataire, lors de la révocation de la donation, le donateur n'aurait point action pour les revendiquer des mains d'un tiers possesseur.

De la prescription des droits du donateur ou des enfans héritiers, résultant de la révocation. Quand commence-t-elle à courir?

206. Il devait cependant y avoir un terme aux recherches de la part du donateur ou des enfans héritiers. La prescription, à ce sujet, est établie par l'article 966 du Code, qui est copié sur l'article 45 de l'ordonnance de 1731.

Cette prescription s'opère par une possession de trente années, qui ne commenceront à courir que du jour de la naissance du dernier enfant du donateur, même posthume; et ce, sans préjudice des interruptions, telles que de droit.

Avant l'ordonnance de 1751, on pensait que la prescription devait courir à compter du jour de la naissance du premier enfant. Furgole, Observ. sur l'art. 45 de l'ordonnance, et Pothier, Introd. au tit. 15 de la Coutume d'Orléans, expliquent très bien le motif de la disposition contraire. Quoique la naissance du premier enfant, dit ce dernier auteur, ait donné ouverture au droit de révoquer la chose donnée, la naissance de chacun des enfans qui naît depuis, ajoute un nouveau droit de la révoquer, à celui que le donateur avait déjà acquis par la naissance du premier; nam idem ex pluribus causis deberi potest, suivant la loi 59, ff. de reg. jur. Ainsi, quoique le droit acquis par la naissance du premier enfant soit prescrit par le laps de trente ans, celui qui est acquis par la naissance du dernier ne laisse pas de subsister jusqu'à ce qu'il se soit écoulé un pareil temps depuis sa naissance.

Suite.

207. D'après ces termes de l'article 966 du Code, sans préjudice des interruptions, telles que de droit, on doit se décider d'après les principes relatifs à la prescription, lorsque le donateur ou ses héritiers pourraient, par leur âge, ou par quelques priviléges particuliers, empêcher le cours de la prescription.

- Différence

De la restitution des fruits des biens donnés. — entre le donataire ou ses héritiers et le tiers détenteur.

208. Je remarquerai une différence qu'on doit faire, par rapport à la restitution des fruits, entre le donataire ou ses héritiers, et le tiers détenteur des objets donnés.

En ce qui concerne le donalaire ou ses héritiers, ils doivent restituer les fruits, du jour de la notification qui leur aura été faite de l'acte de naissance de l'enfant, et non pas seulement du jour de la demande afin de rentrer dans les biens. Cela résulte de la disposition même de l'article 962. Le motif de la loi est que le donataire a su que les biens ne lui étaient transmis que sous la condition qu'il ne surviendrait pas d'enfans au donateur. Ainsi, la connaissance seule de l'événement le constitue en mauvaise foi. Il faut encore remarquer que la preuve testimoniale que le donataire ou ses héritiers auraient eu connaissance de l'événement, ne suppléerait pas au défaut de notification légale, parce que le donateur ayant eu une voie de droit pour assurer cette connaissance du donataire ou de ses héritiers, il aurait à s'imputer de ne s'en être pas servi.

Mais par rapport au tiers détenteur, il ne devrait rendre les fruits que du jour de la demande formée contre lui, en lui donnant copie, tant de l'acte de naissance de l'enfant, que de l'acte de donation. Je puise encore ces observations, qui me paraissent fondées sur les règles de droit, dans ce qu'a dit Pothier, Introd. au tit. 15 de la Coutume d'Orléans, no 108.

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