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eût eu, comme légataire universel, droit à toute la succession, sans exception.

La qualification de légataire à titre universel n'eût pas été exacte: cette qualification suppose en soi le concours de plusieurs légataires à titre universel, à chacun desquels le testateur lèguerait une quotité, telle qu'un quart, un huitième, etc. Or, cet ordre de choses n'existe pas dans le cas en question; et ce qui achève de prouver la vérité de ce que j'avance, c'est que s'il y avait en concours un héritier avec droit de réserve, et plusieurs légataires de quote ou à titre universel, à la place d'un seul légataire universel, ce qui sans contredit serait possible, alors on n'aurait pas pu charger chacun de ces légataires à titre universel de l'acquittement des legs particuliers; ils n'auraient pu l'être que chacun pour leur portion. La charge de l'acquittement en entier de ces legs ne pouvait convenir qu'au seul légataire de tous les biens disponibles, en concours avec les héritiers avec réserve; et de cela même il résulte que ce légataire pouvait et ne devait même recevoir que la qualification de légataire universel.

J'ai cru cette explication utile, parce qu'il m'a paru que quelques-uns des jurisconsultes qui ont écrit sur cette matière, après avoir senti la difficulté, l'ont présentée sans la résoudre; ce qui devenait une espèce de critique contre la loi.

La seconde difficulté qui a été remarquée sur le même sujet, consiste en ce que l'article 1011 du Code suppose, même quoiqu'il n'y ait point d'héritiers auxquels une quotité des biens est réservée par la loi, le concours d'un légataire universel avec des légataires à titre universel. Or, peut-on dire, ce concours devait paraître impossible; il ne peut y avoir un légataire universel et des légataires à titre universel en même temps. On pourrait ajouter qu'il y a une espèce d'antinomie entre cet article 1011 et les articles 1003 et 1010.

En effet, il est dit dans l'article 1003 : « Le legs universel » est la disposition testamentaire par laquelle le testateur >> donne à une ou à plusieurs personnes l'universalité des >> biens qu'il laissera à son décès. »

L'article 1010 est ainsi conçu : « Le legs à titre universel » est celui par lequel le testateur lègue une quote-part des » biens dont la loi lui permet de disposer, telle qu'une >> moitié, un tiers, ou tous ses immeubles, ou tout son mo»bilier, ou une quotité fixe de tous ses immeubles ou de » tout son mobilier. »

Quelle que soit l'une des formes énoncées dans cet article, peut-on dire, en continuant l'objection, c'est toujours un legs à titre universel? Ainsi, en supposant que le testateur eût légué à un particulier la moitié de son mobilier, et à un autre le restant de tous ses biens, l'un comme l'autre devrait être considéré comme légataire à titre universel. La qualité et le titre ne peuvent varier, quelque énorme que puisse être la différence de valeur de ce que chacun aura à percevoir en vertu de sa disposition.

Mais toute contrariété entre ces articles disparaît, en ap— portant quelque attention à leur examen. On en est convaincu, si on remarque que le législateur a été obligé de déterminer la qualité de légataire universel sous deux aspects. Il a fallu classer ce légataire sous le rapport du paiement des dettes, et de plus sous le rapport de la saisine et de la nécessité de la demande en délivrance de legs.

En suivant l'exemple que je viens de proposer, s'agirait-il de classer, uniquement sous le rapport du paiement des dettes, celui auquel le testateur aurait légué la moitié de son mobilier, et celui auquel il aurait légué le restant de tous ses biens? On pourrait dire qu'ils auraient pu être considérés tous deux comme légataires à titre universel. Le légataire de la moitié du mobilier devant être considéré comme légataire à titre universel, d'après l'article 1010, et devant en cette qualité, comme le légataire universel, supporter les dettes et charges de la succession du testateur, personnellement pour sa part et portion, en conséquence de l'article 1012, il serait difficile de ne pas considérer jusque là ces deux légataires comme légataires à titre universel; il n'y aurait entre eux d'autre différence, si ce n'est que l'émolument de l'un pourrait infiniment excéder l'émolument de l'autre.

Mais quand on en vient au principe adopté par la loi, relativement à la saisine et à la nécessité de la demande en délivrance, la position de ces deux légataires doit être considérée d'une autre manière. Comme il n'y a point d'héritiers auxquels la loi réserve une quotité des biens, et auxquels elle accorde la saisine, cette même saisine devait alors être accordée à l'un ou à l'autre de ces légataires. Or, dans ce combat, n'était-il pas indispensable de se décider pour celui à qui tous les biens étaient légués, moins la moitié ou toute autre partie, par forme de quote, du mobilier?

Aussi faut-il faire attention aux termes de l'art. 1005. Il n'y est pas dit que le legs universel est la disposition testamentaire par laquelle le testateur donne à une ou à plusieurs personnes la totalité des biens qu'il laissera à son décès; il y est dit l'universalité.

Or, en droit, ce mot universalité a toujours été entendu dans le sens d'une prépondérance évidente attachée au titre d'un légataire par rapport à celui des autres.

Ainsi l'on peut donner la qualité de légataire ou héritier universel, 1o à celui qui est appelé à recueillir seul la totalité de la succession; 2° à celui qui ne recueillerait que les biens de cette succession, moins les réserves affectées à certains héritiers; 3° à celui qui se trouve seulement en concours avec un légataire, non de portions ou de quotités de toute la succession prise en masse, mais seulement d'objets qui doivent bien entrer en contribution pour le paiement des dettes et des charges de la succession, selon leur valeur, comparativement à celle du surplus de la succession, tels que les immeubles, le mobilier, ou une quotité fixe des immeubles ou du mobilier, mais auxquels le législateur n'a pas attaché le titre d'universalité d'une manière aussi éminente qu'au legs de celui qui est appelé à recueillir en masse le restant des biens.

Dira-t-on que pour éviter la difficulté, il eût fallu placer au rang des légataires à titre particulier, les légataires des immeubles ou du mobilier, ou d'une quotité des immeubles

ou du mobilier? Mais ce parti présentait de plus graves inconvéniens. Ils se seraient fait sentir surtout lorsqu'on aurait voulu déterminer la proportion dans laquelle ces espèces de légataires devaient contribuer au paiement des dettes et des legs particuliers. On comprend d'avance que l'application qu'on leur aurait faite du principe, que le légataire particulier doit être dispensé du paiement des dettes, aurait blessé la justice dans plusieurs circonstances.

L'explication dans laquelle je viens d'entrer sera sans doute utile pour se mieux pénétrer de l'esprit de la loi, en même temps qu'elle répandra quelques lumières sur ce que je dirai bientôt relativement à la saisine et à la demande en délivrance des legs, et au paiement des dettes et charges de la succession.

SECTION II.

DES MOYENS DE FAIRE CONNAITRE LE TESTAMENT, ET DES VOIES LÉGALES QU'ON DOIT PRENDRE POUR PARVENIR A SON EXÉCUTION.

Comment le légataire se fait connaître.-De l'ouverture des testamens olographe et mystique. Les formalités prescrites ne sont point indispensables.

290. La raison seule indique que le légataire doit se faire connaître par le rapport du testament.

S'il y a un testament fait par acte public, il ne s'agit que d'en produire une expédition en règle.

Si le testament est olographe, il sera, avant d'être mis à exécution, présenté au tribunal de première instance de l'arrondissement dans lequel la succession est ouverte. Ce testament sera ouvert, s'il est cacheté; le président dressera procès-verbal de la présentation, de l'ouverture et de l'état du testament, dont il ordonnera le dépôt entre les mains du notaire par lui commis. Art. 1007.

Si le testament est dans la forme mystique, il en sera de même, d'après cet article; mais il y est ajouté que l'ouver

ture ne pourra se faire qu'en présence de ceux des notaires et des temoins signataires de l'acte de suscription, qui se trouveront sur les lieux, ou eux appelés.

Cet art. 1007, donne lieu à une question. Les formalités qu'il prescrit sont-elles rigoureusement exigées, en ce sens que faute de les avoir observées, l'héritier ou le légataire ne puisse point réclamer l'exécution du testament ologra– phe ou mystique? Je ne le pense pas. La présentation du testament au président du tribunal, l'ouverture du testament par ce magistrat, et le procès-verbal qu'il doit en dresser, ainsi ainsi que de l'état du testament, sont sans contredit des précautions que la loi a crues nécessaires, pour qu'on pût être assuré de plus en plus de la volonté des testateurs; mais la loi n'a point attaché à l'inobservation de ces formalités la peine de nullité; et on ne saurait la prononcer, surtout lorsque rien n'indique la fraude de la part de l'héritier institué ou du légataire. Deux arrêts rendus par les Cours royales de Riom et de Rouen, confirment ce que je viens de dire, quant au testament olographe.

Dans l'espèce de l'arrêt de la Cour royale de Riom, le sieur Delort avait fait un testament olographe, par lequel il avait disposé de tous ses biens en faveur de la dame Ruplit, sa nièce, épouse du sieur Boutarel. Après la mort du sieur Delort, le sieur Boutarel ayant cherché dans le secrétaire du défunt, trouva un paquet cacheté, sur l'enveloppe duquel, suivant le sieur Boutarel, étaient écrits ces mots : Pour remettre à Mad. Boutarel. Le sieur Boutarel brisa le cachet, ouvrit l'enveloppe, et ce fut sans enveloppe que le testament fut présenté au président du tribunal civil d'Aurillac, qui en ordonna le dépôt chez un notaire. Le frère du sieur Delort demanda le rejet et la nullité du testament, en soutenant que les dispositions faites par le sieur Delort étaient cachetées, que sur l'enveloppe étaient des caractères écrits et signés par le testateur; que le testament n'avait pas été présenté dans cet état au président du tribunal; qu'il lui avait été offert sans enveloppe et sans cachet; qu'ainsi il n'y avait eu, de la part de l'autorité légale, ni ouverture du testament, ni description de son véritable état; que sans ces

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