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présomption est que telle a été l'intention du testaleur, à moins qu'il n'ait manifesté une intention contraire.

Mais les droits d'enregistrement sont dus par le légataire, excepté le cas où le testateur aurait voulu qu'ils fussent supportés par sa succession.

Cependant les frais de la demande en délivrance du legs, et les frais d'enregistrement, seraient à la charge du légataire, quelle qu'eût été l'intention du testateur à ce sujet, si, en les prenant sur la succession, il devait en résulter une réduction de la réserve que la loi attribue à certains héritiers. Cette réserve devant être intacte, on ne peut pas plus l'entamer indirectement qu'on ne pourrait le faire directement.

Chaque legs peut être enregistré séparément.

308. Mais ce qu'il est important de remarquer, c'est que, d'après le même article 1016, chaque legs pourra être enregistré séparément, sans que cet enregistrement puisse profiter à aucun autre qu'au légataire ou à ses ayant

cause.

On tenait anciennement que l'enregistrement d'un testament était indivisible. L'homme pauvre, celui qui souvent avait reçu un legs par les motifs les plus favorables, un domestique, par exemple, auquel le legs aurait été fait pour tenir lieu de la plus juste récompense, ne pouvait en poursuivre l'acquittement contre un héritier cupide ou ingrat, parce qu'il ne pouvait faire valoir le testament en justice sans qu'il fût enregistré, et qu'il était hors d'état d'avancer les frais de l'enregistrement. On sent donc le prix de l'innovation faite par cet article, dont l'objet a été de mettre un terme à un abus qui était remarqué depuis long-temps.

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SECTION III.

DE QUELLE MANIÈRE LES LEGS DOIVENT ÊTRE ACQUITtés, ET DANS QUELS CAS ILS SONT GREVÉS DES DETTES.

De quelle manière les dettes et les legs doivent être acquittés. 1° Ce que c'est que dettes et charges d'une succession. -- 2o Différences entre l'acquittement des dettes et l'acquittement des legs. -3° Les legs d'objets particu liers ne sont point sujets au paiement des dettes, ni d'autres legs.

309. Il s'agit actuellement d'examiner de quelle manière les dettes et les legs doivent être acquittés.

Avant de descendre dans les détails à ce sujet, il est à propos de poser d'abord quelques points fondamentaux : il sera ensuite aisé de tirer les conséquences.

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1o. Il est nécessaire de savoir positivement ce que c'est que detles et charges d'une succession, et d'en bien fixer le caractère.

Ferrières, sur les articles 332, 333, 354 et 342 de la Coutume de Paris, et Furgole, des Testamens, chap. 10, sect. 3, se sont expliqués à ce sujet avec étendue. Cela pouvait être nécessaire sous l'ancienne législation, attendu la division qu'il fallait faire des biens relativement au mode de succéder dans les pays coutumiers, et qu'on devait y remonter à leur origine.

Mais ces distinctions étant abolies dans notre législation actuelle, et comme il n'y a qu'un seul patrimoine ainsi que dans le droit romain, sauf sa division entre les lignes paternelle et maternelle, on peut se borner sur cette matière à une explication très-simple.

Les dettes proprement dites d'une succession sont celles qui ont été constituées par le défunt ou par ses auteurs, et au paiement desquelles il aurait pu être contraint lui-même.

Les legs faits par le défunt ne peuvent être considérés sous ce point de vue. Le défunt ne les a jamais dus person

nellement; il impose à ses héritiers appelés par la loi, ou aux autres successeurs à titre universel qu'il se crée, l'obligation de les acquitter. On ne peut recueillir la succession que sous la condition de payer les legs; mais ils ne sont pas pour cela des dettes proprement dites de la succession, ils sont des charges du droit de succéder, ou, ce qui est de même, des charges de la succession; et c'est pourquoi on voit dans une foule d'articles du Code civil, les dettes et charges de la succession.

On peut encore mettre au rang des charges de la succession les frais des funérailles du défunt. Quant à ceux d'apposition des scellés, d'inventaire, partage, et généralement tous ceux qui ont pour objet lá conservation ou la détermination du droit des héritiers ou autres successeurs, ce serait improprement qu'on les appellerait charges de la succession: ce sont des charges des héritiers ou autres successeurs.

Enfin, il y a une autre espèce de dettes qui, quoique dues par le défunt, ont toujours été désignées, non sous le titre de dettes de la succession, mais sous celui de charges particulières des biens...

C'est ainsi qu'on entend les rentes foncières qui ont eu pour principe la tradition du fonds, ou les autres droits fonciers dont certains biens de la succession sont grevés. Lorsqu'il s'agit du partage de la succession entre les héritiers ou autres successeurs, ces charges doivent être reportées sur la masse de la succession, et l'immeuble qui en est grevé ne doit être estimé que déduction faite de leur valeur, afin d'observer l'égalité. Mais lorsqu'il s'agit de la donation ou du legs de cet immeuble, et qu'il n'y a point de stipulation contraire, la charge ou le droit foncier suit naturellement l'immeuble (1)izi

[Nous devons revenir sur ce qui vient d'être dit, que

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(1) Si on désire les connaissances les plus étendues sur ce qui concerne les dettes et charges de la succession ou de l'hérédité, on pourra consulter Domat, Lois civiles, 2e partie, liv. 1er, tit. 1er. Ce qu'il dit se rapporte aux successions testamentaires comme aux successions ab intestat, et se rapproche plus de notre législation actuelle que ce qui a été écrit par d'autres auteurs.

lorsqu'il s'agit de la donation ou du legs d'un immeuble, et qu'il n'y a point de stipulation contraire, la charge ou le droit foncier suit naturellement l'immeuble.

Cela était vrai dans l'ancienne législation dont nous étions alors trop préoccupés, mais ne l'est pas dans la nouvelle. La mobilisation des rentes, même foncières, opérée par les lois nouvelles, produit cet effet, que ces rentes deviennent des charges générales de la succession, et que les immeubles sur lesquels elles portaient, n'en sont pas chargés spécialement, sans une déclaration contraire du disposant. M. Toullier, Droit civil, tom 5, no 559, relève cette inadvertance, et son observation est juste. Aussi, dans notre Traité des hypothèques, nous sommes partis de cette idée que toutes les rentes et droits fonciers rachetables, étaient soumis aux mêmes règles que les créances ordinaires, et devaient être conservés par les mêmes voies légales.]

2o. Lorsqu'il a été question de déterminer la manière d'acquitter les dettes proprement dites de la succession, les héritiers appelés par la loi, même ceux auxquels elle affecte spécialement une réserve, ont dû être chargés de cet acquittement, soit qu'ils fussent seuls, soit qu'ils fussent en concours avec un légataire universel, ou avec des légataires à titre universel, chacun à proportion de ce qui devait lui revenir dans la succession.

La raison en est que la constitution des dettes de la part de tout individu est l'exercice du droit de propriété; de même qu'il aurait pu vendre tous ses biens, et ne point laisser de succession, de manière qu'il ne fût resté à ses représentans que le droit et le nom d'héritiers, jus et nomen hæredis, de même il aurait pu épuiser la totalité de ses biens en créant des dettes. De là vient qu'on ne répute comme biens, et dès lors comme succession, que ce qui reste, distraction faite des dettes: Non dicuntur bona nisi deducto ære alieno.

Mais à l'égard de l'acquittement des legs, il n'en a pas été de même, et il a fallu recourir à d'autres règles. La raison s'en tire de la distinction que le législateur a crudevoir faire entre les héritiers. Il y en a que le testateur peut entièrement pri

ver de sa succession par des libéralités; mais il y en a aussi envers lesquels le législateur a cru ne pas devoir permettre une exclusion absolue, tels que les enfans et les ascendans : il leur a affecté une quotité des biens, qu'ils doivent avoir, contre la volonté même du testateur. Or, si ces héritiers privilégiés étaient obligés de contribuer indirectement à tous les legs qu'il plairait au testateur de faire, il est sensible que leur réserve pourrait être épuisée par ces libéralités, et quece que la loi aurait voulu leur donner, la volonté de l'homme aurait pu le leur enlever.

C'est pour éviter cette contradiction, et pour assurer le vœu de la loi, qu'il a fallu affranchir les héritiers réduits à leurs réserves, de l'acquittement des legs, et en charger les autres successeurs à titre universel.

Ainsi, non-seulement le testateur ne peut, par des legs, épuiser ce qui se trouve dans sa succession, au préjudice de la réserve, mais encore la loi a accordé aux héritiers auxquels elle affecte cette réserve le droit de la demander par forme de retranchement sur les donations entre vifs déjà faites par le testateur, ainsi qu'on le verra dans la 4o partie de ce Traité. En sorte que le législateur, soit quand il faut régler le mode de paiement des legs, soit quand il s'agit de comparer ce qui reste dans la succession, distraction faite des donations entre vifs, avec le montant de la réserve, se trouve toujours en accord avec le principe de la stabilité de cette réserve.

Il résulte de là que les legs peuvent souvent être réduits, ou que même ils ne peuvent être acquittés en aucune partie; ce qui arriverait, si le testateur avait déjà fait des donations qui ne laissassent dans la succession que le montant des réserves, d'après l'art. 925 du Code; tandis que les dettes doivent toujours être payées intégralement, ou au moins jusqu'à concurrence de la valeur de tous les biens.

Mais c'est en cela même que se manifeste la justice du législateur. La constitution des dettes tient au droit naturel. Les créanciers sont fondés sur des contrats ou des conventions appelés en droit bonæ fidei: tant qu'il y a des biens pour les payer, ils doivent l'être.

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