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aisément que cette jurisprudence est la base des principes adoptés sur la même matière par le Code civil.

Je me bornerai donc à des observations relatives aux dispositions du Code.

$ Ier.

DE LA RÉVOCATION DE LA DONATION DANS LE CAS DE SURVENANCE D'ENFANS AU DONATEUR.

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Comparaison des art. 960 du Code et 59 de l'ordonnance de 1751. La révocation n'a lieu que dans le cas où le donateur n'a ni enfans ni petits-enfans lors de la donation.

182. Le principe de cette révocation se puise dans l'article 960 du Code civil. Auparavant, le même principe était consigné dans l'article 39 de l'ordonnance de 1731.

Le meilleur moyen de se bien pénétrer de toute l'étendue des dispositions de l'art. 960 du Code, est de le comparer avec l'art. 39 de l'ordonnance, d'examiner les points de conformité et ceux de différence; on y verra un changement de rédaction, qui paraît léger au premier abord, mais qui cependant a des conséquences importantes, et dont la connaissance fait entrer dans l'esprit de certaines autres dispositions du Code civil. Cet examen devient d'autant plus intéressant, que ni la discussion du Conseil d'état, ni les observations du Tribunat, n'apprennent point le motif de ce changement de rédaction.

Article 39 de l'ordonnance de 1731.

«Toutes donations entre vifs faites par personnes qui n'avaient point d'enfans ou de descendans actuelle ment vivans dans le temps de la donation, de quelque valeur que lesdites donations puissent être, et à quelque titre qu'elles aient été faites, et encore qu'elles fussent mutuelles ou rémunératoires, même

Article 960 du Code civil.

« Toutes donations entre vifs faites

par personnes qui n'avaient point d'enfans ou de descendans actuellement vivans dans le temps de la donation, de quelque valeur que ces donations puissent être, et à quelque titre qu'elles aient été faites, et encore qu'elles fussent mutuelles ou rémunératoires, même celles qui

celles qui auraient été faites en faveur de mariage, par autres que par les conjoints ou les ascendans, demeureront révoquées de plein droit par la survenance d'un enfant légitime du donateur, même d'un posthume, ou par la légitimation d'un enfant naturel par mariage subséquent, et non par aucune autre sorte de légitimation.

auraient été faites en faveur de mariage, par autres que par les ascendans Aux conjoints, ou par les conjoints l'un à l'autre, demeureront révoquées de plein droit par la survenance d'un enfant légitime du donateur, même d'un posthume, ou par la légitimation d'un enfant naturel par mariage subséquent, s'il est né depuis la donation.

Pour que la révocation ait lieu, il faut que lors de la donation le donateur n'ait ni enfans ni petits-enfans. Il serait indifférent qu'il en eût eu, s'ils ne vivaient pas lors de la donation. La présomption que le donateur n'aurait point donné s'il eût prévu qu'il aurait des enfans, est le fondement de la révocation, et cette présomption cesse dans le cas où, lors de la donation, le donateur a des enfans ou descendans. Filios non habens, disait la fameuse loi Si unquam, au Code, de revoc. donat., qui est le type de la législation sur cette matière. Cependant la naissance des filles a toujours produit, dans la jurisprudence, le même effet que celle des enfans mâles. Le motif de la révocation est toujours le même.

Du retour d'un enfant absent, cru mort lors de la

donation.

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185. Mais si le donateur avait un enfant absent, qu'il crût mort, et s'il était établi que ce fût par la fausse opinion qu'il avait de sa mort qu'il eût fait la donation, le retour de cet enfant, après la donation, ne devrait-il pas en opérer la révocation, de la même manière que s'il était né après cette donation?

On peut dire, pour l'affirmative, que sur cette matière, dans laquelle la loi, en prononçant la révocation de la donation, se fonde uniquement sur cette présomption, puisée dans le coeur humain, que le donateur n'entend pas préférer le donataire à ses propres enfans, et sur la dureté qu'il y aurait à priver ceux-ci des biens des auteurs de leurs jours, contre leur intention, il ne faut pas se tenir à la lettre de la loi, et en abandonner

l'esprit. Il y a, dans ce cas, la même raison que dans celui où le donateur n'a réellement point d'enfant à l'époque de la donation, et où il lui en survient posté

rieurement.

Tiraqueau, sur la loi Si unquam, verb. Filios non habens, nos 15, 16, 17 et 18, cite plusieurs auteurs qui se sont décidés pour la révocation de la donation dans le cas dont il s'agit, et lui-même embrasse cette opinion sans difficulté. Papon, sur la même loi, Fernand, dans le commentaire qu'il en a donné, no 8, Ricard, des Donations, partie 3o, no 595, Furgole, Question 19, sur l'ordonnance de 1731, et Pothier, Introd. au titre 15 de la Coutume d'Orléans, no 100, sont du même avis. Cette opinion est conforme au véritable esprit de la loi et à l'équité.

Le donateur dont l'enfant aurait perdu l'état civil, serait réputé sans enfans..

184. Un donateur serait encore réputé être sans enfans, et par conséquent la donation serait révoquée par la survenance postérieure d'un enfant, si, lors de la donation, il avait un enfant même légitime, mais qui aurait perdu l'état civil. Pothier, ibid.

[Observations sur une réfutation faite par un auteur, des nos 183 et 184.]

[184 bis. M. Toullier, tom. 5, pag. 291, nos 299 et 300, ne peut adopter cette opinion ni celle que nous avons émise dans le numéro précédent; il se fonde sur ce que l'art. 960 exige impérieusement que le donateur n'ait pas d'enfans actuellement vivans, et que cette condition ne se trouve pas accomplie dans les deux cas sur lesquels nous venons de nous expliquer. Cette interprétation, si elle prévalait, serait excessivement rigoureuse et contraire aux principes. Il nous paraît qu'ici la lettre de la loi doit être interprétée par son esprit; et, en conséquence, nous persistons dans l'une et l'autre opinion que nous avons émise.

Nous ne saurions adopter les idées de défaveur insinuées par ce savant professeur contre la révocation des donations par survenance d'enfans, et nous ne saurions admettre que cette révocation s'écarte du droit commun. Nous pensons, au contraire, qu'en se pénétrant de notre législation, tant ancienne que moderne, sur cette matière, quelle que soit l'origine de la faculté de donner; que, soit qu'elle se puise dans le droit naturel, soit qu'on doive la rapporter au droit des gens, cette révocation, qui est fondée sur un vou de la nature, est de droit

commun.

Elle a été jugée tellement favorable, qu'elle était reçue généralement tant en droit écrit que dans les pays de Coutume, même quoique la donation eût été faite par contrat de mariage en faveur d'étrangers qui se mariaient. On peut voir, pour les pays de droit écrit, ce que disait Maynard, liv. 4, chap. 12, no 4. On sait aussi que cette restriction apportée à la révocation de la donation par survenance d'enfans, fut rejetée par l'article 39 de l'ordonnance de 1751. Aussi Prohet, sur l'article 33 du titre 14 de la Coutume d'Auvergne, qui était une de celles qui avaient affranchi de la révocation, pour cause de survenance d'enfans, la donation faite en contrat de mariage, disait que, suivant le droit commun et ordinaire, la survenance d'enfans révoque ou donne lieu à la révocation de la donation. L'opinion de ce commentateur n'est que l'expression de celle d'un grand nombre d'auteurs qui ont traité la matière ex professo. Aussi M. Toullier, no 322, dit très-judicieusement: « La loi présume que toutes les donations contiennent la condition tacite de révocation, s'il survient des enfans au donateur. Cette présomption est fondée sur les plus doux sentimens de la nature et sur les devoirs du donateur. »

De tout cela il résulte que la révocation de la donation, pour le cas de survenance d'enfans, est de droit commun; que tout ce qui pourrait y déroger ne serait qu'une exception à ce droit; et l'on sait que, dans le doute, toute exception doit être rappelée à la règle générale. Ici, la loi

a voulu prémunir un donateur contre toute inattention sur le sort de ses enfans à naître; et il est difficile de ne pas s'arrêter à l'opinion que devait avoir un donateur, lors de la donation, qu'il était sans enfans, ou que ceux qu'il avait pu avoir, étant frappés de mort civile, devaient être considérés à ses yeux comme n'existant pas.

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Au surplus, la clause conditionnelle indiquée par M. Toullier, dans les deux cas dont il s'agit ici, est un acte de prudence qu'on ne peut qu'admettre; mais abstraction faite de cette clause, et en considérant la question en ellemême, nous croyons que notre opinion est fondée en principes.]

La donation est révoquée par survenance d'enfans, quel que soit son objet. Limitation à l'égard des petits présens de choses mobilières.

185. C'était une question, avant l'ordonnance de 1731, de savoir si la donation était révoquée quel que fût son objet, quoiqu'au lieu de porter sur une quotité, elle fût seulement d'une somme ou d'un objet particulier, soit en propriété, soit en usufruit.

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Il faut convenir qu'il y avait matière à difficulté. La législation en cette partie est fondée principalement sur des conjectures. D'un côté on a pensé que le donateur n'eût point fait la donation s'il eût cru avoir des enfans dans la suite, et la législation s'est formée sur ce principe, que la donation contenait une condition au moins tacite, que la donation serait révoquée en cas de survenance d'enfans; mais, d'un autre côté, on pouvait douter de la légitimité de cette condition, lorsque les circonstances, soit à raison de la modicité de l'objet donné, soit par rapport à sa destination, pouvaient faire présumer que quand le donateur aurait prévu le cas où il aurait des enfans, il n'aurait pas moins fait la donation.

Quelques Coutumes, au moins celle de Bourbonnais, art. 223, ne prononçaient la révocation de la donation, que lorsqu'elle était ou universelle, ou per modum quotœ; et M. le premier président de Lamoignon, dans son ar

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