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les coutumes, être considéré comme faisant l'objet d'une donation, qui consiste dans une libéralité dépendante de la volonté seule de celui qui l'exerce, nullo jure cogente.. En conséquence, l'art. 922 du Code civil, en tant qu'il requiert la réunion fictive des donations pour déterminer la partie disponible, ou la réserve, n'est pas applicable. (Arrêt de la Cour de cassation de Bruxelles, du 24 juin 1816.) Nous parlerons avec plus d'étendue de cet arrêt, lorsque nous rapporterons, au chapitre des avantages entre époux, dcs arrêts célèbres qui ont été rendus dans la même affaire, les 4 messidor an 12, 15 juin 1814, et 16 février 1819.

XXXI. Un acte notarié portant donation entre vifs, qui ne contient pas la mention que les parties ont signé, est nul. Si, dans la crainte sur la validité de cet acte, les parties déclarent par un second, passé dans les formes légales, qu'elles renouvellent et approuvent la donation, qui est textuellement insérée dans cet acte postérieur, ce dernier acte n'est point simplement confirmatif, mais il vaudra comme donation refaite. (Arrêt de la Cour de Bruxelles, du 11 janvier 1822.) Cet arrêt n'est fondé que sur les art. 14 et 68 de la loi du 25 ventose an 11, et sur la dernière partie de l'art. 1339 du Code civil dont il a fait une juste application; mais il est conforme à la doctrine de Dumoulin, qui a été développée avec tant de talent par d'Aguesseau dans son 26e plaidoyer, doctrine d'après laquelle tout acte confirmatif est un nouveau titre, lorsqu'il a pour but de faire disparaître les vices d'un premier acte, quand même on emploierait dans le dernier le mot confirmation.

XXXII et XXXIII. La reconnaissance d'un enfant adultérin ou incestueux peut-elle être opposée pour recevoir les donations que lui a faites l'auteur de la reconnaissance? Jugé affirmativement par la Cour de Liége et négativement par celle de France.

Par son arrêt du 31 décembre 1823, la Cour de Liége a considéré que la disposition par laquelle l'auteur de la reconnaissance a institué ses enfans pour ses légataires, contient aussi la déclaration qu'il les a reconnus pour ses enfans naturels; d'où l'on doit inférer que ce n'est qu'en cette qualité qu'il les a appelés à sa succession; que, d'après les actes de l'état civil produits, il est constant et reconnu que le testateur ne pouvait être le père desdits enfans, sans qu'il en résultât en même temps la preuve qu'ils seraient nés d'un commerce adultérin; qu'il en résulte qu'ils ne peuvent recueillir le bénéfice de l'institution faite à leur profit, soit à défaut de volonté du testateur, soit à défaut de capacité comme ses enfans adultérins.

La Cour de cassation de France, par son arrêt du 9 mars 1824, qui casse celui rendu par la Cour royale de Nancy, a considéré que l'art. 762 s'applique aux espèces où, par la force des choses et des jugemens, la preuve de la filiation adultérine ou incestueuse est 'acquise en justice; que cet article est évidemment sans application dans le cas d'une simple reconnaissance que la loi proscrit d'une manière absolue; que, dans l'espèce qui lui était soumise, nonobstant la reconnaissance de Bataille, l'état de Gengout était demeuré incertain; que dès lors Gengout était, d'après la loi, étranger audit Bataille, et avait, sous ce rapport, dû être considéré comme ayant capacité pour recevoir les dons et avantages indirects qui lui ont été faits.

On observe sur cette diversité de jurisprudence, que les auteurs ne sont

pas plus d'accord sur ce point que les Cours de justice. Les partisans de l'opposition négative ont à leur tête Chabot, et ceux de l'opinion contraire, Mr Merlin. Il eut été à désirer, pour l'honneur de la législation et le repos des familles, que le nouveau Code eût fait cesser cette lutte judiciaire par une disposition expresse; mais il ne s'est expliqué à cet égard que pour les dispositions testamentaires ; de manière que la question peut rester encore long-temps soumise à la controverse.

XXXIV. La disposition de la loi si unquam, 8e, au Code, de revocandis donationibus, n'est pas applicable à une donation faite par une personne engagée dans les liens monastiques. En considérant même cet acte comme un contrat do ut des, la loi romaine ne peut lui être appliquée, parce qu'elle est absolument étrangère à un contrat de cette nature. D'après la jurisprudence généralement admise, la succession d'un profès s'ouvrait au profit de ses héritiers, au moment de sa profession religieuse; ainsi, il était, dès cet instant, censé mort civilement, quant à la transmission de tous ses biens, d'où il résulte, que toute aliénation ou transmission de biens quelconques, faite antérieurement à la profession religieuse, en faveur d'un tiers, devenait irrévocable par l'émission des vœux monastiques, tout comme elle le serait devenue, si le cédant fût mort effectivement. (Arrêt de la Cour de Liége.)

XXXV. Une donation entre vifs est nulle, pour défaut de mention de la signature du donateur et des témoins.-Elle ne peut pas même valoir comme acte sous seing-privé. L'exécution volontaire d'une pareille donation ne peut pas en couvrir la nullité. (Arrêt de la Cour de cassation de France.) Cet arrêt rendu avant celui que nous avons rapporté sous le no 31, est fondé sur les mêmes principes, c'est-à-dire, sur les art. 14 et 68 de la loi du 25 ventose an 11 qui n'ont fait que renouveler les dispositions de l'art. 34 de l'ordonnance d'Orléans, et de l'art. 165 de celle de Blois ; et ces principes, que nous avons dit être d'accord avec ceux de Dumoulin et de d'Aguesseau, n'ont pas été altérés par l'avis du conseil d'état du 16 juin 1810, qui, en déclarant que la nullité ne s'étend pas au défaut de la mention de la signature du notaire à la fin de l'acte, la laisse nécessairement subsister pour défaut de la mention de la signature, soit des parties, soit des témoins. Les dispositions des art. 931 et 1081 du Code civil étaient un obstacle à ce que cet acte pût être regardé comme acte sous signature privée, puisqu'ils exigent que tous actes portant donations entre vifs soient passés devant notaires, et qu'il en reste minute, sous peine de nullité. Comme l'arrêt précité, celui-ci fait aussi une juste application des art. 1338 et 1339, dont le premier, concernant la confirmation ou ratification volontaire des obligations, lesquelles, aux termes dudit article, emportent la renonciation aux moyens et exceptions que l'on pouvait opposer contre ces actes, est inapplicable aux donations entre vifs, dont l'art. 1339 ne permet au donateur de réparer les vices par aucun acte confirmatif, et exige absolument qu'elles soient refaites en la forme légale. La confirmation ou ratification dont est question en cet article 1339 s'entend ainsi, et à bien plus forte raison, de l'exécution qui n'est qu'une confirmation tacite bien moins formelle, par conséquent, que l'acte même de confirmation ou ratification avec les énonciations prescrites par la loi : ce qui est expliqué clairement

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par l'art. 1340 qui admet la confirmation, ratification ou exécution volontaire de la part des héritiers ou ayant cause du donateur, après son décès lorsqu'elle provient de leur fait, après avoir exigé par l'article précédent, à l'égard du donateur, que la donation soit refaite en la forme légale. Nous voyons avec plaisir que la doctrine des anciennes ordonnances et des plus célèbres jurisconsultes, adoptée par le Code civil, est consacrée par deux Cours qui honorent les deux royaumes, par leur esprit d'équité et par leurs lumières.

XXXVI. L'acte par lequel un individu constitue une pension viagère au profit de ses domestiques, en récompense de leurs bons et loyaux services, doit être assimilé à une donation proprement dite, en ce sens, qu'il est nul à défaut d'acceptation de la part des gratifiés. On peut opposer à celui qui revendique les effets d'une donation faite à son profit qu'elle est nulle, pour défaut d'acceptation de sa part, d'après le principe qu'on ne peut être forcé d'accepter une libéralité malgré soi. Si la pension est reversible entre les gratifiés jusqu'au dernier vivant, l'acceptation expresse de l'un d'eux ne peut profiter aux autres, qu'autant qu'il aurait un mandat exprès de leur part, ou qu'ils auraient ratifié son acceptation. La réalisation de l'acte constitutif de la pension viagère, ne peut emporter soit la ratification de l'acceptation expresse, soit une acceptation tacite, qu'autant qu'elle serait opérée à la requête de chacun de ceux qui réclament les arrérages de cette pension. En d'autres termes pour la validité d'un acte de réalisation, il est indispensable que ceux au profit de qui le dévestissement a lieu y interviennent pour le requérir et l'accepter; et il en est de même d'une condamnation volontaire, requise par le porteur de l'acte, en vertu du mandat spécial et irrévocable inséré dans l'acte. - Des inscriptions hypothécaires, requises en vertu de l'acte de constitution, pour sûreté des arrérages de la pension, et au nom de tous les pensionnaires, n'emportent acceptation tacite, qu'autant qu'il est prouvé, autrement que par les bordereaux, qu'elles ont été requises par les créanciers y désignés. En d'autres termes : la loi ne prescrivant pas la signature des bordereaux, et permettant, sans exiger de procuration, que ce soit un tiers qui se présente pour faire opérer l'inscription, on peut considérer l'inscription comme non requise par le créancier, si la preuve n'en est pas autrement rapportée; même alors que ce créancier ou ses ayant-cause, subrogés dans cette inscription, en réclament l'effet. ( Arrêt de la Cour de Bruxelles, du 26 novembre 1823.) Cet arrêt est fondé sur ce que l'ancienne législation exigeait, comme la législation actuelle, le concours des deux volontés, celle du donateur et celle du donataire, pour constituer un acte de donation obligatoire, soit que cet acte imposât des obligations mutuelles, et que sous ce rapport il ne pût, ainsi que tous les autres contrats, exister sans le consentement des deux parties, soit qu'il ne contînt qu'une disposition purement rémunératoire, parce qu'étant de principe qu'on ne peut être forcé d'accepter une libéralité malgré soi, la volonté du donataire de vouloir en profiter, n'en est pas moins requise pour la perfection de l'acte ; d'où il suivait que, l'acceptation étant de l'essence de la donation, aussi long-temps que le donataire n'avait pas manifesté la volonté d'accepter, le donateur n'était encore tenu envers lui par aucun lien de droit, et pouvait, à son gré, chan

ger de volonté ; que, partant, l'acte de donation était jusque là imparfait, puisqu'il manquait du caractère principal qui lui est propre, celui de l'irrévocabilité, sans laquelle la donation n'a pas d'existence réelle. Ces principes établis par la législation romaine, ont été développés dans ce sens par les meilleurs commentateurs, nommément par Stockmans, Voët, et par notre auteur M. Grenier,qui, en traitant de cette matière, sous la législation actuelle, a rappelé les lois anciennes sur lesquelles elle est fondée.

XXXVII. De ce que les créances sont des effets mobiliers, il ne s'ensuit pas que la propriété en puisse être transmise par simple don manuel. ( Arrêt de la Cour de cassation de France. ) La Cour a confirmé l'arrêt, sans le fonder sur les motifs de droit, mais uniquement sur le refus fait de communiquer les objets qui composaient le don, pour savoir s'ils étaient de nature à pouvoir être transmis par don manuel.

XXXVIII. Le Conseil-d'état, dans les ci-devant Pays-Bas autrichiens, n'avait pas le pouvoir d'accorder des lettres de légitimation. De secondes lettres de légitimation, valablement accordées, peuvent être considérées comme ayant un effet rétroactif, en telle sorte que des donations faites antérieurement par un père à son enfant naturel, ainsi que les coutumes de Flandre le permettaient, ne soient censées faites que per anticipationem successionis, et par suite se trouvent soumises à la clause fidéi-commissaire des lettres de légitimation qui, pour le cas où le légitimé n'aurait pas de descendance légitime, lui interdisait de disposer par acte entre vifs ou de dernière volonté, des biens par lui recueillis dans la succession de son père. - L'action revendicatoire de la part des parens qui auraient été appelés à recueillir ces biens a pu être dirigée contre les syndics des créanciers du légitimé, quoique ces derniers les eussent déjà vendus, d'autorité de justice, long-temps avant l'action. La prescription trentenaire contre les vices des donations susmentionnées, résultant du défaut de déshéritance ou adhéritance, ou du serment de non amortisation, n'a cours que du jour du décès du donataire. (Arrêt de la Cour de Bruxelles, du 27 novembre 1823.)

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XXXIX. La donation des fonds que le donateur a dans une maison de banque ou de commerce, opérée par le simple transfert sur les biens de cette maison, de l'ordre du donateur et au profit du donataire, est valable. · - La perception, par le donataire, des intérêts de ces sommes, est une acceptation suffisante. - ( Arrêt de la Cour de La Haye, du 9 janvier 1824.) Sous le no 37 nous avons rapporté un arrêt qui juge le contraire à l'égard d'un portefeuille donné manuellement. Les deux Cours se trouvaient à la vérité placées dans des positions différentes. On avait refusé de mettre celle de France dans le cas de juger si les effets contenus dans le portefeuille étaient de nature à constituer un don manuel, au lieu que, dans l'espèce jugée par la Cour de La Haye, le disposant, associé d'une maison de commerce à Rotterdam, avait, à sa sortie de cette maison, laissé sur le livre de compte une somme considérable, s'en réservant la libre disposition, et qu'ensuite il avait donné l'ordre à cette maison de transporter sous le nom des donataires, trois fois 66,000 florins, qui figuraient sous son propre nom sur le livre de compte, et que ce transport avait eu lieu conformément à son intention formelle. La Cour a pensé 1o, en fait, que par là il s'était opéré

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une transmission de propriété d'objets mobiliers, et que la maison de commerce avait été, à concurrence de la somme transportée, libérée vis-à-vis du grand-père des donataires, tandis qu'elle était devenue au même instant débitrice de ceux-ci; 2o en droit, que la législation actuellement en vigueur n'exige pas, pour la validité de toute donation indistinctement, que la preuve tant de la donation que de son acceptation résulte d'un acte notarié ; qu'il suffit à cet effet, pour les donations d'objets mobiliers, que la tradition réelle en ait eu lieu ; que le transport et l'acceptation de la somme ci-dessus, dans une maison de commerce, équivalaient à la tradition réelle et devaient être tenus pour telle, et qu'ainsi les donations en question étaient valables indépendamment d'actes notariés.

XL. La donation d'un immeuble grevé d'une rente foncière, faite postérieurement à cette mobilisation, a transmis l'immeuble au donataire, affranchi du service de la rente foncière, et celle-ci demeure la dette mobilière et personnelle du donateur ou de ses héritiers, contre lesquels le donataire aurait son recours en garantie, s'il était obligé de payer la rente par suite de l'action hypothécaire. (Arrêt de la Cour de cassation de France, du 8 novembre 1824.)

XLI. Une pension alimentaire constituée par acte entre vifs, en faveur d'une servante presque septuagénaire, et qui a servi successivement les parens et leur fiile, est révocable pour survenance d'enfans, quand même la fille déclarerait vouloir en cela remplir la volonté de ses père et mère. (Arrêt de la Cour de cassation de Bruxelles.) Cet arrêt qui a été rendu après une discussion très-savante de part et d'autre, n'est fondé que sur l'art. 960 du Code civil, qui comprend toutes donations, à quelque titre qu'elles aient été faites, quand même elles seraient rémunératoires. Il est conforme à la doctrine de Ricard et de Pothier, qui ont pensé que ces sortes de donations étaient, comme le don mutuel, soumises à la révocabilité. Il est conforme à la jurisprudence française, et aussi à celle de la Cour de Bruxelles qui déjà avait suivi les mêmes principes dans un arrêt du 11 juillet 1810. Du reste, on a puisé de forts argumens dans la loi romaine si unquam, Cod. de revocandis donat., et on l'a opposée avec succès à d'autres lois dont on n'avait pas bien saisi l'esprit, et dont on faisait par conséquent une fausse application, notamment celle 27 ff. de donationibus.

XLII. La donation, à titre particulier et onéreux, que le locataire d'un bien de béguinage célé au domaine a faite à ses successibles, peut servir de fondement à la prescription en faveur de ceux-ci. (Arrêt de la même Cour, du 10 novembre 1824.)

XLIII. Le légataire de la quotité disponible, qui est en même temps héritier, n'est pas fondé à demander que, pour déterminer cette quotité, ses co-hériters rapportent fictivement ce qui leur a été donné en avancement d'hoirie. Ce rapport ne doit pas même avoir lieu, si le testateur avait ordonné que la quotité disponible serait réglée, comme si ce qu'il avait déjà donné par avancement d'hoirie se trouvait encore dans sa succession. (Arrét de la Cour de cassation de France, du 8 décembre 1824.) Cet arrêt est fondé sur ce qu'aux termes de l'art. 896 la donation entre vifs régulièrement acceptée, dépouille irrévocablement celui qui l'a faite; qu'ainsi, en principe général et sauf les exceptions expressément établies par la loi,

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