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SECONDE PARTIE.

221.

DU TESTAMENT.

Division de cette partie.

J'EXPLIQUERAI, dans cette partie, en autant de cha

pitres particuliers, les principes qui sont relatifs,

1o. Aux différentes espèces de testament, et à leurs formes;

2o. Aux différentes espèces de legs, aux obligations et aux droit des légataires;

3°. Aux exécuteurs testamentaires;

4o. A la révocation des testamens et à leur caducité.

CHAPITRE PREMIER.

DES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE TESTAMENT, ET DE

LEURS FORMES.

Définition du testament. — Acception des mots voluntatis justa sententia, dans la définition donnée par le droit

romain.

222. La loi donne une définition commune à toute espèce

de testament.

<«< Le testament, est-il dit dans l'art. 895 du Code civil, » est un acte par lequel le testateur dispose, pour le temps » où il n'existera plus, de tout ou partie de ses biens, et » qu'il peut révoquer. »

Ainsi, le caractère propre du testament est de ne porter que sur les biens que le testateur laisse en mourant, et de pouvoir être révoqué jusqu'à la mort; ce qui est bien différent de la donation entre vifs, qui saisit le donataire à l'instant, et qui est irrévocable.

Les Romains avaient ainsi défini le testament: Testamentum est voluntatis nostræ justa sententia de eo quod quis post mortem suam fieri velit. Loi 1oo, ff. qui testam. fuc. poss.

Quelques auteurs, du nombre desquels est Ricard, ont pris ce mot justa, dans le sens que les dispositions du testament devaient avoir un caractère de justice, sans lequel elles pouvaient être réformées; c'est ce qu'il a dit surtout en parlant de l'action ab irato, qu'il admettait contre le testament, et sur laquelle je me suis expliqué dans la première partie, chap. III, sect. VI, § II.

Mais en se guidant par les plus anciens et les plus savans interprètes du droit romain, par ce mot justa, on a voulu exprimer l'observation des formes nécessaires pour que la disposition eût la vigueur du testament. C'est ce qu'on voit surtout dans Denis Godefroi, sur la loi ci-dessus rapportée, et dans Pérésius, sur le livre 6 du Code de Justinien, tit. 23, n° 1er. Id est, solemniter facta secundùm regulas juris in suo genere, puta ut testamentum, non ut alius actus absolutè.

On peut qualifier ses dispositions d'institution d'héritier, de legs, ou de toute autre dénomination.

223. On doit encore faire une remarque essentielle, qui s'applique à toutes sortes de testamens; c'est qu'il est indifférent qu'on qualifie ses dispositions d'institution d'héritier ou de legs. Il y avait autrefois des différences notables entre ces deux qualifications. Ainsi, en droit écrit, d'après la disposition des lois romaines, un testament devait nécessairement contenir l'institution ou la nomination d'un héritier; c'est ce qui en faisait le fondement. L'héritier institué seulement en partie devait néanmoins avoir la totalité. L'enfant légitimaire devait être institué héritier pour l'objet particulier qui lui était délaissé. C'est ce que j'ai expliqué dans le Discours historique, où j'ai rappelé l'ancienne législation sur les testamens, sect. II, § Ier, et sect. VIII.

Toutes ces dispositions, qui tenaient à d'anciens usages des Romains, qui depuis bien long-temps devaient nous être

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étrangers, ont enfin disparu de notre législation. On a cru devoir toujours permettre la disposition sous le nom d'institution d'héritier, par égard pour les anciennes habitudes, contre lesquelles on ne se serait pas élevé sans inconvéniens. Mais il est indifférent que l'on qualifie celui à qui on fait des dispositions, d'héritier ou de légataire. En matière de testament, les mots donner, instituer héritier, léguer, deviennent par eux-mêmes sans conséquence; l'objet essentiel est que la disposition soit claire et précise. Tel est le résultat de l'article 967, où il est dit : « Toute personne pourra » disposer par testament, soit sous le titre d'institution » d'héritier, soit sous le titre de legs, soit sous toute autre » dénomination propre à manifester sa volonté. » Disposition que l'on retrouve dans la seconde partie de l'art. 1002.

Ce qui détermine la différence des droits et des obligations des institués héritiers ou légataires, c'est, d'un côté, la modification que reçoit la disposition, selon qu'elle est faite par forme de quote, ou à titre singulier, et d'un autre côté, le concours de celui qui est l'objet de la disposition, avec les héritiers du sang, auxquels la loi affecte une réserve, ainsi que cela sera expliqué dans la suite.

Autres observations préliminaires: 1o le mot testament n'est pas nécessaire dans une disposition à cause de mort. 2o. Les formes du testament ne peuvent être établies par des preuves extrinsèques. -5°. Plusieurs personnes ne peuvent tester par le même acte.

224. Il y a quelques autres observations préliminaires à faire.

1o. Pour la validité d'une disposition à cause de mort, il n'est pas nécessaire que l'acte qui la contient, porte la mention que le disposant a entendu faire un testament. Ce mot peut ne pas se trouver dans la disposition, sans qu'elle soit viciée, pourvu toutefois que les formes voulues pour le testament aient été observées. En effet, il faut juger les actes · par leur substance; et si le disposant a fait un acte qui, par son intention et par la nature de cet acte, ne puisse être qu'un testament, on est forcé d'y voir un testament, et il

suffit qu'il soit revêtu de toutes les formes exigées par la loi pour un pareil acte.

C'est d'après ce principe que, par arrêt de la Cour royale de Riom, en date du 6 mai 1809, rapporté dans le Recueil de jurisprudence du Code, page 99 du 14° volume, il a été jugé qu'une disposition testamentaire olographe était valable, en quelques termes qu'elle fût conçue.

Il s'agissait d'une disposition olographe faite le 12 mai 1782, par Marie-Anne Nozerine, en ces termes : « Je tiens >> quittes les enfans mineurs de défunt mon frère Julien >> Nozerine de tous mes droits, tant en revenus qu'autres » droits, à la charge par eux de donner 1,000 liv. à mon >> droit frère Jean Nozerine, et celle de 400 liv. aux reli>> gieuses de la Visitation de Brioude, laquelle somme ne >> sera payée que dans trois années à compter du jour de » mon décès, et 300 liv. à Félix Nozerine, chanoine de » Billom, et 300 livr. à chacun de mes frères du second » lit, laquelle somme leur sera payée, sans retenue, trois >> années après mon décès: telle est ma volonté. - Fait à » Brioude, le 12 mai 1782, dans la cuisine de la maison » que nous occupons ensemble. Signé Marie-Anne No»zerine la tante. »>

Plus de trois ans après le décès de Marie-Anne Nozerine, un de ses frères du second lit a formé contre Pierre Nozerine, fils et héritier de Julien, une demande en paiement de 300 liv.

Pierre Nozerine a soutenu que l'acte sur lequel la demande était fondée, n'avait point le caractère d'une disposition testamentaire, et ne pouvait point être exécuté comme tel.

Le tribunal civil de Brioude, par un jugement que la Cour royale de Riom a confirmé, a condamné Pierre Nozerine au paiement réclamé, «< attendu que le codicille du 12 » mai 1782, et enregistré à Brioude le 1er nivôse an 13, est >> revêtu de toutes les formes voulues par la loi pour la va>>lidité des dispositions à cause de mort; qu'il énonce l'épo» que du paiement des libéralités qui y sont contenues, » après le décès de la donatrice, et que dès lors ladite dispo»sition doit être maintenue. >>

Il est cependant bon de remarquer à ce sujet un arrêt de la Cour de cassation, du 6 thermidor an 13, qu'on trouve dans le Recueil de Denevers, volume de l'an 15, page 73 du Supplément.

Dans l'espèce de cet arrêt, Marie Prévôt, veuve Lions, avait écrit de sa main un acte ainsi conçu :

<< Le 2 mai 1801, 12 floréal an 9 de la République fran» çaise.

» Le petit Jean Renou, je lui donne la maison qu'occupe » madame Gerry sur la Place; pendant quatre ans le revenu » est donné aux pauvres; je lui donne en outre la maison » des Saitres, perpétuellement, sans rien démarrer ; le jar» din, le passage des Ragels, sera remis à la maison; deux >> arpens de terre aux Tertres rouges; douze doucelées de >> terre contre chez Durand; un arpent trente chaînées de » terre aux Lous; vingt chaînées de pré aux Cintrées.

» Signé M. Prévót, veuve Lions. »

Ce testament fut vivement attaqué. Le tribunal civil de St. Calais en ordonna l'exécution, en le considérant comme un testament olographe; mais la Cour royale d'Angers jugea la négative, et le pourvoi en cassation contre l'arrêt de cette Cour fut rejeté.

Mais cet arrêt ne paraît rien préjuger sur la question que je viens de présenter. Ce qui détermina les arrêts de la Cour royale d'Angers et de celle de cassation, c'est que l'acte fait par la veuve Lions était conçu de manière qu'on ne pouvait distinguer si elle avait voulu faire une donation entre vifs ou un testament. La Cour royale d'Angers avait dit en effet dans ses motifs, « que cet écrit ne renfermait » dans son contexte aucune expression qui caractérisât une >> donation testamentaire, et le distinguât d'une donation » entre vifs, et que par conséquent il ne pouvait produire >> aucun effet. » Or, c'est ce qu'on ne peut dire dans les cas où l'on voit l'intention manifeste de faire une disposition à cause de mort.

2o. Le testament doit porter avec lui la preuve que les formalités exigées pour sa validité, ont été remplies. Ces

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