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formalités tiennent à la solennité du testament, et ont été requises pour s'assurer davantage de la volonté du testateur. Des preuves extrinsèques de leur observation ne seraient donc pas admissibles. Aussi voit-on que le Code civil, en réglant les formes des testamens, exige la mention expresse de celles qu'il établit, art. 972 et suiv.

Si l'on avait besoin d'autorités à l'appui de ce principe, on pourrait citer un arrêt de la Cour d'appel de Gênes, du 18 juillet 1809, qui a annulé un testament fait à Gênes, le 1er novembre 1804, parce que la testatrice n'avait pas fait précéder sa signature de la formule Quod ille dictavit et recognovit, exigée expressément par les lois au Dig. de lege Cornelia de falsis et de senatusconsulto Liboniano, pour les legs faits à celui qui avait écrit le testament, et qui n'aurait été ni le fils, ni l'esclave du testateur. Le prêtre Buedo, légataire, qui avait écrit le testament, offrait la preuve de faits desquels il prétendait faire résulter que la testatrice avait réellement dicté, lu et approuvé les dispositions par elle faites. La Cour d'appel de Gênes ne s'est pas arrêtée à cette offre, sur le motif que la formule, Quod ille dictavit et recognovit, était une des formalités requises pour la solennité du testament, et que cette formalité ne pouvait être établie par des preuves extérieures et extrinsèques. On trouve l'arrêt de la Cour d'appel de Gênes dans le recueil de Denevers, vol. de 1810, page 10 du Supplément, et dans le Recueil de jurisprudence du Code, page 187 du 13° volume.

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3o. Deux ou plusieurs personnes ne peuvent tester par le même acte, soit pour disposer au profit d'autres personnes, soit pour se faire des dispositions réciproques : le testament serait nul pour toutes sortes de dispositions. Art. 968. C'est aussi ce qu'avait voulu l'article 77 de l'ordonnance de 1735, en disant : « Les testamens ou codiciles mutuels ou >> faits conjointement, etc., » ce qui comprenait clairement les deux cas énoncés dans cet article 968.

Le motif de la loi a été de faire cesser les difficultés qui s'élevaient avant l'ordonnance de 1735, sur l'exécution des dispositions, qui consistaient à savoir si, lorsque l'un des

testateurs révoquait ses dispositions, celles de l'autre étaient, ou non, révoquées de plein droit, ou si l'un venant à décéder sans avoir changé ses dipositions, l'autre était, ou non, autorisé à changer les siennes.

[Observations nouvelles et arrêts sur les termes qui peuvent ou non constituer un testament.]

[224. bis. La jurisprudence relative aux cas où l'on peut douter si les termes dont on s'est servi dans un acte, suffisent, ou non, pour constituer un testament, objet dont nous nous sommes occupés dans la première partie du no precédent, vient de recevoir une extension qu'il est indispensable de connaître.

Les principes posés par l'arrêt de la Cour de cassation, du 6 thermidor an 13, cité dans le no précédent, se retrouvent dans un autre arrêt de la même Cour, du 5 février 1823, qui est rapporté par Sirey, vol. 23, 15° partie, page 227.

Dans l'espèce de cet arrêt, le sieur Hébert avait fait un acte écrit en entier, daté et signé de sa main, et conçu en ces termes : « Je donne à Marie-Catherine le François tout » ce que je possède au Faulq. Ce 31 août 1818. » Cet acte fut considéré par le juge de paix comme un testament olographe; il fut présenté au président du tribunal de première instance, qui, reconnaissant aussi dans cet acte lous les caractères d'un testament, en ordonna le dépôt chez un notaire. Les héritiers du sang en demandèrent la nullité, soit comme donation entre vifs, en ce qu'il n'était pas revêtu des formes requises, soit comme testament olographe, en ce qu'il ne contenait aucune expression qui manifestât de la part du sieur Hébert, l'intention de disposer pour le temps où il n'existerait plus, d'après l'idée donnée du testament, par l'article 895 du Code civil.

Un jugement du tribunal de Pont-l'Évêque déclara ce testament nul. Ce jugement fut confirmé par un arrêt de la Cour royale de Caen, qui doit être connu, parce qu'il renferme les vrais principes qui doivent diriger pour la décision de la question.

<< Considérant que le Code civil ne reconnaît que deux moyens de disposer de ses biens à titre gratuit, savoir, la donation entre vifs et le testament; que la donation entre vifs est définie par l'art. 894, un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l'accepte; que l'article 895 définit le testament, un acte par lequel le testateur dispose pour le temps où il n'existera plus, de tout ou partie de ses biens, et qu'il peut révoquer; que de là il suit que, pour qu'un acte de libéralité puisse être considéré comme testament, il est indispensable que l'auteur de cette libéralité dispose pour le temps où il ne sera plus; que l'acte de libéralité dont Marie-Catherine le François réclame le bénéfice, comme acte testamentaire, est conçu en termes qui sont tous au présent; que l'auteur de l'acte ne donne pas ce qu'il laissera ou ce qu'il possèdera lors de son décès; qu'il donne ce qu'il possède actuellement ; qu'il ne dispose donc pas pour le temps où il n'existera plus; qu'ainsi cet acte n'est pas un testament..... »

Il y eut pourvoi contre cet arrêt. Nous croyons inutile de rapporter les moyens qu'on fit valoir à la Cour de cassation; il suffit de faire connaître l'arrêt de cette Cour..

«La Cour, attendu que la Cour royale de Caen n'a vu, dans l'acte du 31 août 1818, dont il s'agit, rien qui caractérise un testament olographe, et qu'en jugeant que cet acte n'est pas valable comme testament, quoiqu'il ait été écrit, daté et signé de la main de son auteur, cette Cour n'a violé ni l'art. 970 du Code civil, ni la disposition d'aucune loi; REJETTE, » etc.

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Il résulte de cet arrêt deux conséquences très-remarquables; la première, que pour qu'une disposition puisse être admise comme disposition testamentaire, il faut que, sous quelque rapport qu'on la considère, on ne puisse y reconnaître autre chose qu'un testament, id quod est, et non aliud, ainsi que le disent les docteurs; la seconde, que la question de savoir si l'on doit voir, ou non, dans l'acte une disposition testamentaire, étant nécessairement subordonnée à une interprétation, il est difficile que la déci

sion, quelle qu'elle soit, puisse donner prise à la cassation, pourvu toutefois que les formalités extrinsèques prescrites par la loi concourent avec le contenu en l'acte pour constituer un testament.]

Le testament produit au décès du testateur, doit être exécuté, quelque ancien qu'il soit. Sept espèces de

testament.

225. Enfin, le testament, quelque ancien qu'il soit, doit toujours être exécuté, lorsqu'il est produit au décès du testateur. Un pareil acte n'est, sous aucun rapport, susceptible de prescription: il tient sa force de la présomption de persévérance de volonté de la part du testateur, qui fait considérer le testament comme fait immédiatement avant le décès. Il n'y a d'exception, à ce sujet, que pour certains testamens privilégiés, dont la durée, relativement à leurs formes, est limitée par la loi, tels que les testamens militaires et ceux qui sont faits en temps de peste.

Dans le droit romain, suivant la loi 6, au Code Théodosien, de testamentis, un testament était censé révoqué après dix ans de sa date. Mais cela fut changé par Justinien, dans la loi 27, au même titre du Code. Justinien. en donne cette raison: Quod enim non mutatur, quare stare prohibetur? La loi 1°, ff. de poss. sec. tab., était déjà conçue dans ce sens, et cette règle a toujours été suivie en France.

Après ces observations générales, je passe aux diverses espèces de testamens; elles sont au nombre de sept, savoir: Le testament olographe;

Le testament par acte public;

Le testament mystique ou secret;

Le testament militaire;

Le testament fait en temps de peste;

Le testament fait sur mer;

Le testament fait en pays étranger.

SECTION PREMIÈRE.

DU TESTAMENT OLOGRAPHE.

Forme de ce testament.

Motifs de l'écriture, de la signature, de la date. - Des dispositions additionnelles.

226. CE testament est celui qui mérite la plus grande confiance. C'est le testateur qui lui-même y consigne ses volontés. Son étymologie grecque le désigne comme un testament écrit entièrement par le testateur. Il suffit qu'il soit écrit, en entier, daté et signé de la main du testateur. Il n'est assujéti à aucune autre forme. Art. 970. L'article 20 de l'ordonnance de 1755 était conforme.

Voici les motifs des formalités que je viens d'indiquer.

1o. L'écriture de la main du testateur est nécessaire, parce qu'une disposition écrite d'une main étrangère, quoique signée par le testateur pourrait n'être pas écrite avec fidélité et être susceptible de changement.

2o. Une disposition écrite par le testateur, et non signée par lui, ne peut être regardée que comme un projet. Le seing manuel seul met le sceau à l'acte.

5o. Sans la précaution de la date, on ne saurait, dans le concours de plusieurs testamens olographes, quel est celui qui a été fait le dernier, et qui par cette raison doit prévaloir. Il est bien entendu qu'il n'y a de vraie date que par l'énonciation du jour, du mois et de l'année, et cette date peut être énoncée en chiffres, ainsi que l'a jugé la Cour royale de Nismes, par arrêt du 20 janvier 1810, rapporté dans le Journal de Denevers, vol. de 1810, page 75 du Supplément. Cependant il est prudent de ne pas mettre la date en chiffres, pour prévenir les altérations.

Si un particulier, après avoir fait un testament olographe, qu'il aurait daté et signé, faisait de nouvelles dispositions au bas de cet acte, sans les dater, ces dispositions seraient nulles.

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