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pays, je crois, le tour du propriétaire, on ne vous montre un ou plusieurs vieux arbres qui ont leur histoire, histoire triste ou gaie, le plus souvent triste, hélas! Tous ceux qui ont beaucoup vécu ont généralement bien des douleurs dans leurs souvenirs ; et les arbres qui ont assisté aux ébats des enfants, qui les ont sentis grimpant le long de leurs tiges polies pour aller chercher un nid dans leurs cîmes, ne les ont pas tous revus vieillards venir encore s'abriter sous leur ombre.

On nous parlait dernièrement ici même d'arbres plantés à la naissance des enfants. En Limousin, cette terre promise du chêne, où il pousse presque de bouture, car c'est la seule contrée de France où j'aie rencontré des avenues plantées en chênes régulièrement réussis, en Limousin, j'ai vu planter en chênes de haute tige des parcelles incultes de 40 à 50 ares, plus ou moins, à la naissance de chaque enfant; la parcelle prenait le nom de l'enfant, et le bois poussait à merveille, tandis que bien souvent celui dont on avait fêté l'arrivée disparaissait avant l'âge. Un propriétaire aisé avait ainsi planté plusieurs hectares; 60 ou 80 ans plus tard, la terre arrivait entre les mains d'un parent éloigné qui trouvait là une ressource précieuse pour payer de gros droits de succession. Que serait-ce aujourd'hui où ces droits ont crû plus vite que les chênes ?

A bien des habitants des champs le petit livre de M. des Cars avait inculqué l'amour des bois. A tort ou à raison il est aujourd'hui démodé; en tout cas, on le trouve difficilement en librairie. J'ai même connu un très riche propriétaire qui disait devoir aux conseils de M. des Cars d'avoir conservé sa fortune. Heureusement pour lui et pour ses enfants il avait bien d'autres cordes à son arc que l'élagage de ses réserves. Je ne crois pas les prescriptions de M. des Cars applicables à nos forêts; à les suivre, on ferait plus de mal que de bien. Mais pour un parc ou un jardin, pour quelques hectares de bois, on trouve en ce petit livre des conseils très pratiques.

Si votre jardin, votre parc ou votre enclos n'est en majeure partie qu'un bois aux allées sinueuses où vous aimez à rêver à l'ombre, vous pouvez vous passer le luxe de la futaie, à tout le moins de très nombreuses réserves; rien ne flatte davantage l'oeil du promeneur ou du propriétaire. Mais vous tenez naturellement à ce que tout soit autour de vous dans l'ordre le plus parfait. Soignez donc vos réserves. Coupez, suivant les indications de M. des Cars, toutes les branches basses ou mortes et enlevez les gourmands tous les 2 ou 3 ans. Ce petit travail intéresse le propriétaire qui le surveille et il ne coûte rien; le bois paye la façon. Rien n'est affreux comme des arbres couverts de vieux chicots et de bois mort, et la plaie, faite rez-tronc, se cicatrice rapidement, si l'arbre

est encore vigoureux. Je sais que ce n'est pas l'avis de tout le monde. Mais je persiste à croire, à la suite d'une assez longue expérience, que c'est le meilleur mode de procéder. Si la plaie ne se cicatrise pas assez vite à votre gré, c'est que l'arbre tire sur ses fins et, sauf les raisons particulières qui peuvent vous faire désirer de le garder encore 5, 6,peut être 10 ans, vous n'avez rien de mieux à en faire que de le réaliser et de tâcher de trouver des jeunes qui le remplaceront avec avantage au point de vue argent.

Mais, dix ans dans la vie d'un homme, c'est beaucoup, et généralement plus qu'on ne peut espérer quand on a dépassé un certain âge. Aussi, bien souvent on soigne le vieux compagnon de sa jeunesse pour tâcher de le faire vivre aussi longtemps que soi. J'ai vu cimenter de vieux têtards pour empêcher la pluie de pénétrer à l'intérieur et d'en hâter la fin. J'ai connu toute une avenue de très vieux noyers qui étaient tous traités au ciment. Cela ne les a pas empêchés de mourir les uns et les autres, mais après celui qui les aimait. Sans chercher des exemples en province, tout le monde n'a-t-il pas pu admirer de quels soins jaloux on entoure les vieux arbres du jardin des Tuileries, même quand ils ne sont plus dans l'alignement des nouvelles plantations. Par contre, j'ai vu exploiter à blanc une magnifique allée de vieux ormes dont beaucoup étaient encore très vifs, une allée d'au moins un kilomètre conduisant, en pleine Champagne dénudée, à la maison,au château du propriétaire. Et le prétexte était que ces arbres ne gagnaient plus. Cela, c'est un meurtre. Si seulement le propriétaire avait été tangent à la misère ; mais ce n'était pas du tout, du tout le cas.

Je sais de par le monde un rural dont le grand-père avait planté une sapinière (pins, sapins et mélèzes) sur un maigre coteau calcaire, à 100 mètres de la chaumière ou du château (comme vous voudrez), où le petit-fils aime à finir tranquillement ses jours, loin des bruits du monde. La sapinière a merveilleusement poussé, elle a bien près de son siècle, les arbres ont des fûts admirables de force et d'élévation, une allée sinueuse a été tracée sous leur couvert. Et le propriétaire y vient chaque jour fumer une vieille pipe, en rêvant du temps passé ou de l'avenir de ses petits-enfants. Mais ce rideau coupe la vue, donne trop d'ombre et d'humidité à son habitation, en un climat déjà humide. On lui dit parfois : << Abattez donc ces vieux arbres qui vous étouffent; ils perdent tous les jours de leur valeur et ne seront plus bons bientôt qu'à faire de mauvais bois de feu. » Il résiste, parce qu'il les aime, ses vieux et beaux sapins. C'est son aristocratie à lui, ces arbres merveilleux, en un pays où l'on ne rencontre guère que des bois rabougris; d'autres se mettent

une particule ou achètent un titre de comte romain; lui garde sa futaie. << Mes vieux bois coupés, je n'en reverrais plus », dit-il. Et n'a-t-il pas raison? Ce que j'en pourrais citer d'arbres,de boqueteaux ou de forêts arrachés, defrichés ou dilapidés d'une façon quelconque et remplacés par une lande inculte !

Je conclus. Respectons, je ne dirai pas les vieillards, cela pourrait paraître une réclame personnelle, mais respectons nos vieux arbres, car bientôt nous n'en verrons plus.

Novembre 1901.

F. DESJOBERT.

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DU REPEUPLEMENT DES FORÊTS

EN COCHINCHINE

Les exploitations inconsidérées faites depuis la conquête de la Cochinchine, là où des voies de communication existaient (fleuves, arroyos), ont amené la disparition des essences de valeur. En ce moment, il faut pénétrer fort avant dans l'intérieur et s'éloigner parfois de 100 à 150 kilomètres des centres pour trouver des arbres d'essences classées en nombre suffisant pour une exploitation.

Malgré les difficultés actuelles: éloignement des forêts, absence parfois de chemins, augmentation considérable des frais de transport, les exploitations continuent comme par le passé; les peuplements non encore attaqués sont mis en coupes hâtives et l'on suit les mêmes errements, en attendant qu'une réglementation sage et prudente appropriée à la conservation et à l'amélioration des peuplements soit mise en vigueur. Il est certain que, si on continuait à se désintéresser de la réglementation des exploitations, dans un avenir qui n'est peutêtre pas très éloigné les forêts, une des principales richesses de la colonie, auraient disparu.

On coupe en effet sans se soucier du lendemain, comme si les forêts constituaient une mine inépuisable. Aucun soin n'est pris pour assurer la régénération des parties exploitées; des voies de transport sont ouvertes un peu partout et les jeunes sujets destinés à remplacer ceux qui disparaissent sont, ou tués par la chute des grands arbres, ou écrasés par la traite des bois; ceux qui ont échappé au massacre sont bien vite étouffés par les essences secondaires sans valeur marchande, qui existent ou qui s'introduisent dans les peuplements après chaque exploita(41 ANNÉE).

JANVIER 1902.

VI. 2

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tion. A la forêt se substitue ainsi la brousse. En présence de cet état de choses le service forestier ne pouvait rester inactif; l'oeuvre qu'il a entreprise, de ressusciter les belles futaies disparues, au moyen des repeuplements, est considérable. Des essais de repeuplements ont été commencés dès 1898, qui n'ont guère eu pour objectif que l'acclimatation du teck en Cochinchine.

Cette essence, répandue en Birmanie, au Laos et en d'autres régions, est très estimée; elle est surtout employée dans les constructions navales. Le prix de vente en est très élevé; il atteint jusqu'à 200 francs par mètre cube; son bois, relativement léger, homogène, sa résistance aux influences des milieux les plus divers, tout montre que le teck est appelé à beaucoup d'avenir. Si l'on pouvait réussir à le multiplier, ce serait une grande richesse pour le pays.

En 1898 et 1899, 14 pépinières ont été créées sur les ordres du chef du service forestier; plus de 40.000 tecks en ont été extraits et transplantés par les cantonniers forestiers, ou à l'aide des journées de prestation fournies par les usagers indigènes.

En 1900 un crédit de 2.000 piastres (5.000 francs) a été mis à notre disposition pour les travaux de repeuplement à exécuter; deux nouvelles pépinières ont été installées et 5000 jeunes tecks plantés. On a tenté des semis directs en forêt; 40.000 potets ont été ouverts et ensemencés en teck. Les résultats obtenus n'ont pas été très satisfaisants, 3.500 potets seulement ayant réussi.

En ce qui concerne les plantations de teck, 13.000 plants sont encore vivants, dont 8.600 de 1899; ceux qui ont disparu ont péri à la saison sèche, faute de l'humidité nécessaire.

Nous n'avons pu commencer nos travaux en 1900 que fin juillet et dans les premiers jours d'août, les crédits n'ayant été mis à notre disposition qu'à cette époque.

Si les essais faits en vue de l'introduction du teck en Cochinchine n'ont pas été bien brillants, en revanche, ils seront utiles, car ils ont fait connaître le tempérament, les besoins et les exigences de cette essence, les sols qui lui conviennent ou lui sont contraires. On abandonnera donc dorénavant le système de tâtonnement employé et on opérera presque à coup sûr.

En 1901, nous continuerons les plantations et semis directs de teck et nous choisirons pour la culture de cette essence les sols profonds, frais et fertiles, qu'elle affectionne particulièrement.

Parallèlement, nous ferons des repeuplements avec des essences du pays en donnant la préférence à quelques-unes des meilleures et des

plus appréciées; le choix de ces essences est tout indiqué par la nature, telle essence de valeur végéte bien dans le pays où l'on se trouve, on l'adoptera. En opérant ainsi on sera à peu près certain de réussir.

Déjà, sur nos ordres, beaucoup de pépinières sont ensemencées avec des graines des meilleures essences et renferment actuellement plus de 30.000 jeunes sujets; nous estimons que nous pourrons transplanter cette année au moins 50.000 plants.

Les crédits étant mis dès à présent à notre disposition, les travaux de reboisement pourront être exécutés en temps opportun et dès les premières pluies, c'est-à-dire un peu avant la reprise de la végétation. Lors de notre dernière tournée (décembre 1900) des instructions ont été données aux gardes forestiers sur le choix des terrains à reboiser, la manière d'opérer en ce qui concerne l'ensemencement et l'entretien des pépinières, l'extraction et la mise en place des plants, la récolte des graines, etc. Tous les gardes consacreront leurs efforts à ces travaux et ils auront à cœur de voir réussir l'œuvre utile, qui intéresse à un haut degré l'avenir compromis des forêts de la Cochinchine.

Saïgon, le 24 janvier 1901.

C.-L. ROY.

Garde général des Eaux et Forêts.

CONIFERES HYBRIDES

L'hybridation entre les diverses espèces de Conifères, malgré la profusion de pollen qui existe dans ces végétaux, doit être considérée comme très rare. Il ne faut pas trop s'en étonner si l'on observe que, dans l'ancien continent notamment, les espèces sont exceptionnellement mélangées et que les forêts ne sont habituellement formées que d'une seule essence. Ce n'est guère que dans les plantations et dans les Pineta que des produits de croisement peuvent être rencontrés.

M. P. Hariot, secrétaire adjoint de la Société nationale d'Horticulture, après avoir rappelé divers hybrides de pins, sapins, genèvriers et thuyas, signalés par M. Mawvell Masters dans le Journal of the Royal Horticultural Society, ajoute que les suivants ne peuvent laisser aucun doute.

Dans les vrais sapins (Abies), il importe de noter un croisement ob

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