Page images
PDF
EPUB

commerce à Fréjus. Et l'on comprend le vœu qu'exprime Ch. de Ribbe, d'obtenir enfin «< un personnel stable, initié aux mœurs et aux inté«<rêts du Midi, en rapports affectueux avec les particuliers et les com<<munes, et en droit de compter sur une rémunération en rapport avec « des services prolongés et exceptionnels ». Aussi, la nomination d'un agent toulonnais, Émile Vincent (le même qui devait arriver à la conquête forestière du Faron), comme sous-inspecteur à Toulon, en 1866, fut un tel événement, que la Société forestière des Maures, dans sa séance du 24 novembre 1866, « décide de remercier le directeur général << de cette nomination, qu'elle considère comme un premier pas fait « dans le but de préserver, de conserver et de régénérer la zone schis«teuse qui est baignée par la Méditerranée».

Le 1er mai 1869, Faré rendait compte au ministre des finances de la mission dont il l'avait chargé. Il signalait d'une manière toute spéciale au ministre la part active prise par Charles de Ribbe à ces travaux. La croix de la Légion d'honneur vint récompenser le patriotisme de Ch. de Ribbe.

La parole est maintenant aux législateurs. Le gouvernement se met au travail et le 24 mars 1870 il présente au Corps législatif un projet de loi délibéré en conseil d'État, concernant les mesures à prendre contre les incendies dans la région boisée des Maures et de l'Estérel. Faré est désigné comme l'un des deux commissaires du gouvernement chargés de soutenir la discussion de ce projet de loi devant le Corps législatif et le Sénat. Dès le 26 mars, Pons-Peyruc, député de Toulon, rapporteur de la commission, adresse ce projet de loi à Ch. de Ribbe. Enfin, le 13 avril 1870, il lui écrit:

« Je suis très heureux de vous annoncer que le Corps législatif vient, << à l'instant même, de voter le projet de loi, sans discussion et à l'una<< nimité des votants, 220 voix. Vous avez, mon cher Monsieur, la plus « grande part à revendiquer dans ce succès, et je vous remercie des der«niers renseignements que vous avez bien voulu me fournir. »

C'était le triomphe définitif. La loi contenait quatre principales sortes de mesures: 1o Des mesures de police réglementant l'emploi du feu aux diverses époques de l'année; 2° le pouvoir donné aux gardes forestiers de rechercher et de constater les délits prévus par ladite loi, dans tous les bois et forêts des particuliers; 3° le droit pour les propriétaires de bois de contraindre leurs riverains à débroussailler leurs bois sur une largeur de vingt à cinquante mètres, y compris l'enlèvement des pins ; 4° l'établissement d'un réseau de routes de protection, dans la dépense duquel l'Etat entrerait par moitié jusqu'à concurrence de 600.000 fr.

La loi devait être valable pour vingt ans, à partir de sa promulgation. Laissant à d'autres le soin de continuer son œuvre forestière, Ch. de Ribbe revint à l'étude de la vie familiale en Provence au temps du passé.

Il fut bientôt nommé secrétaire perpétuel de l'Académie d'Aix, dont il était membre depuis longtemps, et qui comptait dans son sein un autre Provençal de haute valeur comme lui, son ami le marquis de Saporta, membre correspondant de l'Institut, auteur de superbes travaux sur la géologie et la paléontologie, et un autre Provençal d'adoption, aussi membre correspondant de l'Institut, Demontzey, conservateur des eaux et forêts, le grand reboiseur de nos montagnes. Et c'était beau de voir réunis dans la même compagnie ces trois savants patriotes qui avaient tant fait pour les Alpes françaises: Gaston de Saporta, Prosper Demontzey, Charles de Ribbe!

(Extrait d'une biographie donnée par le Bulletin de la Société forestière de Franche-Comté (1).

BIBLIOGRAPHIE FORESTIÈRE DE CHARLES DE RIBBE

1. La Provence au point de vue des bois, des torrents et des inondations, avant et après 1789. I vol. in-8. Paris, 1857, Guillaumin, 14, rue Richelieu, et Librairie agricole, 26, rue Jacob.

2. Lettre à MM. les membres des conseils généraux des départements du sud-est. Aix, 16 août 1857. Brochure in-8.

3. Le déboisement et le reboisement. Paris, 1858, Douniol. Brochure in-8. Extrait du Correspondant.

4. Le reboisement des montagnes. Paris, 1860. Brochure in-8. Publié dans la Revue contemporaine.

5. Rapport fait au nom de la commission nommée par l'Académie d'Aix, pour examiner les mémoires présentés sur la question forestière. Aix, 1861. Brochure in-8.

6. Second rapport au sujet des mémoires présentés à l'Académie d'Aix sur la question forestière. Aix, 1863.

7. Les incendies de forêts dans la région des Maures et de l'Estérel (Provence). Leurs causes. Leur histoire. Moyens d'y remédier. I vol. in-8, 1866. (Publié sans doute à Aix.)

8. Même ouvrage, 2° édition, refondue par l'auteur et publiée par la Société forestière des Maures. I vol. in-8, 1869. Hyères, au siège de la Société des Maures, et Paris, 26, rue Jacob, à la Librairie agricole.

V. DE LARMINAT.

LE PIN A CROCHETS SPONTANÉ

DANS LES CÉVENNES

Les flores et catalogues n'ont signalé la présence d'aucune des formes de Pinus montana, Duroi dans le Plateau central et les Cévennes.

Cet arbre forme des forêts dans les Pyrénées (type P. uncinata, Ram.); moins souvent dans les Alpes françaises (à Seyne, Basses-Alpes, et dans le Briançonnais, Hautes-Alpes). Dans les Alpes orientales (Engadine, Tyrol, Carinthie) le type traînant en grande broussaille (P. mugho, Poir.) est commun. Assez fréquent aussi sur le 3 plateau du Jura, presque exclusivement dans les tourbières, un type très voisin de

[graphic][merged small]

P. uncinata. Plus rare dans les Vosges, au Schneeberg et dans les tourbières aussi, le P. Pumilio, Hoenke, ou uliginosa, Wim.

Il existe au moins un massif spontané de l'espèce, dans les monts du Forez, sur la commune de Chalmazel, près Boën (Loire). Isolé dans un vaste désert de bruyère, à 1350m d'altitude, dans le bassin de réception du ruisseau de Cluzel, affluent du Lignon, un petit bois communal de 12 hectares environ est peuplé, moitié de sapin et de hêtre, moitié de pin à crochets pur; ceux-là sur le versant, pente assez raide au S-E; celui

ci plus bas et au fond sur une tourbière de plusieurs dizaines d'hectares, au parcours très pénible et dangereux.

Les arbres sont bien venants, atteignent 7 ou 8 mètres de hauteur, et se régénèrent parfaitement. Ils sont du type répandu dans les tourbières du Jura (port, branches, feuilles et cônes). Ils forment un massif clair, puis des bouquets semés sur la lisière et aux bords du ruisseau.

Ce massif est désigné par les habitants sous le nom de La Pigne, dont on reconnaît aisément l'étymologie (Pinea). On ne nomme jamais. ainsi, mais simplement pineraies ou bois de pins, les peuplements de pin silvestre nombreux dans la région. L'autre pin avait donc été remarqué singulier en effet à une altitude où tous les bois sont de hêtre et de sapin, et où le pin silvestre ne vit plus.

Dans ces pâturages dont le déboisement a fait un désert, pelé ou couvert de bruyère, la permanence de ce massif, peu dégradé, est remarquable. L'éloignement de toute habitation, même des jasseries (châletsfromageries), l'a préservé du pillage des hommes; le danger de la tourbière a empêché aussi dans une certaine mesure les dégâts des trou

peaux.

Le pin à crochets, employé avec grand succès dans les reboisements de la Lozère aux plus hautes altitudes, était donc spontané aussi dans les Cévennes. Il faudra voir là une précieuse indication pour les reboisements si nécessaires dans cette région.

St-Etienne, 12 décembre 1901,

JURISPRUDENCE

D'ALVERNY.

. Cour de cassation (Ch. civile).

[blocks in formation]

-

11 Décembre 1901.

Action en bornage. Objet. Inapplicabilité aux fonds séparés par un ruisseau.

L'action en bornage prévue par l'art. 646 C. civ., ayant pour objet de fixer définitivement la ligne séparative de deux héritages contigus et d'assurer par la plantation de pierres-bornes le maintien de la limite ainsi déterminée, est, par sa nature même, inapplicable à des fonds séparés par un ruisseau formant entre eux une limite naturelle.

Et la loi du 8 avril 1898 (art. 3), en déclarant les riverains d'un

cours d'eau non navigable ni flottable propriétaires pour moitié de son lit, n'a point eu pour conséquence de créer entre les héritages riverains la contiguïté visée dans l'art. 646 et autorisant l'action en bornage.

DE JOYBERT C. LAVAL-NOIZOT

M. de Joybert s'est pourvu en cassation contre un jugement du tribunal civil de Laon du 7 juin 1898, rendu à son préjudice au profit de M. Laval-Noizot.

Il a invoqué à l'appui de son pourvoi notamment le premier moyen

suivant :

<< Violation de l'art. 646 C. civ. par fausse application de l'art. 3 de la loi du 8 avril 1898, en ce que le jugement attaqué, sur le fondement de cette loi qui a déclaré les riverains d'un cours d'eau non navigable ni flottable propriétaires du lit de ce cours d'eau par moitié « suivant <«< une ligne que l'on suppose tracée au milieu du « cours d'eau », a admis la recevabilité de l'action en bornage de deux propriétés séparées par un cours d'eau de cette nature, alors que, d'une part, ce cours d'eau forme une limite naturelle qui s'oppose au bornage et que, d'autre part, la propriété du lit même du cours d'eau n'est pas susceptible de bornage sur la ligne médiane tant que le cours d'eau existe et coule sur le lit. >>

ARRÊT

LA COUR,

Sur le premier moyen:
Vu l'art. 646 C. civ.;

Attendu que l'action en bornage prévue par ce texte a pour objet de fixer définitivement la ligne séparative de deux héritages contigus et d'assurer par la plantation de pierres-bornes le maintien de la limite ainsi déterminée; que cette action est, par sa nature même, inapplicable à des fonds séparés par un ruisseau formant entre eux une limite naturelle;

Attendu, en effet, d'une part, que si, aux termes de l'art. 3 de la loi du 8 avril 1898, les riverains d'un cours d'eau non navigable ni flottable sont propriétaires pour moitié de son lit, cette propriété revêt un caractère tout spécial, le lit ne pouvant être isolé de l'eau courante qui le recouvre et qui n'est dans

le patrimoine de personne;

Attendu, d'autre part, que la ligne idéale tracée au milieu du cours d'eau et formant, d'après l'art. 3 précité, la limite de la propriété respective des riverains sur le lit a un caractère essentiellement variable; qu'elle est susceptible de se déplacer à tout instant par la formation des alluvions, atterrissements ou relais mentionnés dans l'art. 7 de la même loi, et qu'elle ne saurait, en conséquence, être arrêtée d'une manière immuable contre le gré d'un des intéressés (41 ANNÉE).

-

JANVIER 1902.

VI.

-

- 4

« PreviousContinue »