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Brass se relic au Niger par Akassa Creek. Cette crique n'est franchissable qu'à marée haute et exige environ trois heures de marche; souvent il arrive qu'ayant mal calculé l'heure des marées, le reflux met plus vite à sec cette crique qu'on ne le pensait, alors le bateau s'assoit tranquillement dans la vase et il faut attendre le nouveau flux pour reprendre route, soit 6 ou 8 heures d'immobilité.

En débouchant de la crique on entre dans une immense nappe d'eau d'où partent et où aboutissent une foule d'autres criques, c'est le delta; au loin, sur l'autre rive, des maisons blanches aux toits de zinc s'aperçoivent; ce sont les établissements d'Akassa de la Cie anglaise, puis se dirigeant vers le nord-ouest on pénétre dans le Niger.

On peut atteindre également le Niger par le haut de la rivière de Brass. Ce chemin est plus court en ce sens que l'on débouche assez haut dans ce fleuve, aux environs d'Abbo, mais aussi il est moins sûr, car il faut passer devant des peuplades qui essaient de vous rançonner et qui

quelquefois vous attaquent si vous résistez à leurs prétentions.

Par les criques on peut aller de Brass à Bonny, le trajet est d'environ 8 heures.

La passe de Brass, en venant de l'océan est très difficile: les capitaines anglais qui font le service de la côte la connaissent tous, mais un capitaine qui n'aurait pas l'habitude de ces parages ferait mieux d'envoyer un canot chercher le pilote noir de Brass, que de s'aventurer seul dans la passe où plusieurs navires se sont déjà perdus.

La résidence du roi de la rivière est à Obouloma, à six heures de distance des factoreries.

La population d'Obouloma est de 6,000 habitants environ. Le roi s'appelle Biffa âgé de 35 à 40 ans. Son autorité s'étend sur toute la rivière de Brass et va jusqu'au milieu de celle du Nouveau-Calabar. Chaque factorerie établie à Brass lui paie une redevance annuelle d'un millier de francs.

Je ne conseille pas aux blancs de s'amuser à jouer au médecin au Niger; sile

malade meurt, ils sont certainement accusés de l'avoir tué et ils n'ont plus qu'une chose à faire: quitter le pays s'ils ne veulent pas y rester tout à fait.

Je me rappelle une aventure qui eût pour le docteur O'Relly des conséquences des moins agréables.

Un chef de Brass, appelé Speef, mourût. Pendant le cours de sa maladie cet homme avait été soigné par les médecins noirs. du pays et par le docteur O'Relly. Quand Speef mourût, grand émoi : de quoi étaitil mort? les noirs ne veulent jamais croire à une mort naturelle quand il s'agit d'un chef, ils attribuent toujours cette mort à un maléfice quelconque. Si Speef n'avait été soigné que par les rebouteux de l'endroit, l'affaire de ceux-ci était claire; aussi sachant ce qui les attendait, s'empressérent-ils de dire que si le chef était mort c'était la faute du médecin blanc : ils firent tant et si bien qu'ils finirent par en persuader les autres noirs. A partir de ce moment ils n'eurent plus qu'une idée, se venger du docteur.

Un jour ils s'emparèrent de lui et l'as

sommèrent aux trois quarts. Le docteur se plaignit au consul anglais de Lagos et un beau matin on vit entrer dans la rivière de Brass un navire de guerre de S. M. Britannique.

Le commodore convoqua immédiatement les chefs de la rivière, imposa le pays d'une indemnité de 75 puncheons d'huile de palme en faveur du docteur et leur donna un délai très court pour s'acquitter de cette taxe, les menaçant, en cas de non paiement, de revenir à Brass et de brûler les villages. Les noirs payèrent, mais ils gardent une dent contre le docteur.

CHAPITRE II.

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Localités du Bas-Niger qui ne commercent qu'avec les chefs de Brass.- Les flottilles des traitants noirs. Articles d'échange. Considérations sur ces peuplades. Leur état social, religieux et politique. Leur avenir. Pourquoi elles n'attaquent pas les blancs. Populations au-dessus de leur territoire.

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J'ai dit plus haut que les peuplades peu éloignées du Delta ne commerçaient qu'avec les chefs indigènes de Brass; voici les noms de ces localités, présentées dans l'ordre où on les trouve, quand en partant de l'embouchure on remonte le fleuve :

Liambré, Akedo, Opopuroma, Andjama, Otouha, Assassi, Akebri, Ekolé, BrassMarket, Kpotema, Baramberi, Gamatou, Kayama, Ofitula, Imblama.

Aucun Européen ne s'est encore établi dans ces villages, il est vrai que les indigènes n'encouragent pas du tout les tentatives à faire dans ce sens : j'ai rarement rencontré des noirs aussi hostiles aux Européens que ceux-là. Je soupçonne

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