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Les gouvernements qui ont succédé à l'établissement de 1804 ne nous ont pas habitués, dans ces trente dernières années, à une politique extérieure assez digne, assez ferme, assez nationale, pour que nous ayons le courage de condamner cette politique si différente des derniers jours de l'empire, alors que Napoléon, menacé par toute l'Europe, se montrait si jaloux de l'honneur de la France: préférant, à la déchéance de notre gloire militaire, un appel suprême à la force des armes. Mais nous ne saurions nous empêcher de présenter ici quelques réflexions qui pourront être appliquées également aux événements qui vont suivre.

A force de grandir la France, d'étendre son territoire, de développer sa puissance, d'élever son nom et d'exagérer ses forces, Napoléon s'était trouvé conduit peu à peu à perdre le sentiment de notre véritable caractère, à lui substituer celui d'un caractère tout factice et sans profondeur. A son tour, la France de Napoléon, avec ses quarante-deux millions de citoyens, nous allions dire de sujets, s'était façonnée à l'image de ce vaste esprit, incomplet cependant, puisque l'idée sociale et démocratique n'y trouvait pas sa place. Et dans cette France nouvelle, la France ancienne, son individualité, sa vieille nationalité, avaient fini par disparaître. Le peuple qui régnait autrefois sur le monde par la pensée philosophique, par l'initiative de l'intelligence, avait été remplacé par le peuple qui domine le monde avec les armes. Or, Napoléon avait un beau rôle à remplir au milieu des adversités de sa défaite et devant l'éclipse soudaine de son étoile. Sa France à lui, la grande nation qui datait de 1804, était battue en brèche par les coalisés. Comme elle manifestait exclusivement sa force par la conquête, la haine des rois voulait l'affaiblir par des réductions de territoire; et ils croyaient rester les maîtres du monde, en nous arrachant quelques provinces annexées, en brisant le faisceau de notre protectorat du Rhin, en replaçant un Bourbon sur le trône d'Es

pagne. Retrouver la lettre perdue de notre véritable caractère national; comprendre que la France, derrière le Rhin, dépouillée en partie de ses conquêtes, serait encore l'effroi des trônes, à la condition de redevenir le flambeau des peuples; sacrifier alors à la nécessité, accepter l'affaiblissement matériel dont nos ennemis se faisaient un triomphe, pour reprendre l'empire de cette puissance morale dont ils avaient perdu le souvenir; donner un autre terrain à la lutte et la transporter dans le domaine de l'idée; se prociamer l'empereur de la révolution et susciter contre la coalition des aristocraties liguées pour l'asservissement des nations, la coalition des démocraties unies pour la perte des rois: tel était ce rôle. Ce changement de front déjouait et tournait tous les calculs de nos ennemis. Et l'Europe que Napoléon leur eût ainsi abandonnée, c'était pour eux la chemise de Nessus: le feu des principes révolutionnaires, caché dans ses plis, les eût tous dévorés avant dix années.

CHAPITRE XVI.

Reprise des hostilités.

çais.

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La ligne de l'Elbe.

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Catas

Moreau au camp des alliés. — Bataille de Dresde. Mort de Moreau. Échecs subis par les généraux franDéfection de la Bavière. Les trois journées de Leipsick. trophe du pont de Leipsick; mort de Poniatowski. Retraite de l'armée française. — Bataille de Hanau. La ligne du Rhin. Désastres au-delà des

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AOUT NOVEMBRE 1813.

« L'Autriche médiatrice rendait toute conciliation impossible; mais l'Autriche en se déclarant en état de guerre, nous met tous dans une position plus vraie et plus simple. L'Europe est ainsi plus près de la paix, car il y a une complication de moins. Eh bien! puisque les alliés fondent tant d'espérances sur les chances des combats, rien n'empêche de négocier en sc battant. Écrivez à M. de Metternich que je propose dès aujourd'hui d'ouvrir un congrès dans une ville frontière qu'on neutralisera. >>

Telles sont les paroles que Napoléon a adressées à M. de Bassano, en recevant la déclaration de guerre de l'Autriche.

Le ministre français écrit donc à M. de Metternich, pour lui communiquer les intentions de Napoléon. Mais la note de

M. de Bassano est empreinte de tant d'amertume, ses récriminations contre la politique de Vienne sont si vives, ses reproches si violents, que personne ne peut se méprendre sur le caractère de cette pièce. C'est moins une nouvelle tentative de pacification, qu'une dénonciation solennelle au monde et à l'histoire, de la perfidie autrichienne.

Depuis le mois de février, les dispositions hostiles du cabinet de Vienne contre la France sont flagrantes. Le Danemark, la Saxe, la Bavière, le Wurtemberg, la Westphalie et Naples ont leurs archives pleines de pièces qui prouvent la duplicité de l'Autriche. Metternich, par un système de protestations prodiguées d'un côté, d'insinuations répandues de l'autre, a compromis la dignité de son souverain et prostitué ce qu'il y a de plus sacré parmi les hommes, un congrès, un médiateur, le nom de la paix! Si l'Autriche voulait la guerre, pourquoi se parer d'un faux langage et entourer la France d'un tissu de piéges? Si l'Autriche voulait la paix, pouvait-elle prétendre que des négociations aussi compliquées dussent s'accomplir en vingt jours? Était-ce une volonté pacifique que celle qui consiste à dicter la paix à la France, en moins de temps qu'il n'en faut pour conclure la capitulation d'une place assiégée? La négociation de la paix de Vienne, en 1809, lorsque la plus grande partie de la monarchie autrichienne était entre les mains des Français, a duré deux mois. L'Autriche ennemie, couvrait son ambition du masque de médiatrice!

A cette appréciation si vraie, si juste, mais imprudente dans un pareil moment si l'on songeait réellement à la paix, de la duplicité du cabinet de Vienne, succède la proposition d'un congrès où toutes les puissances, grandes et petites, seront appelées; où toutes les questions seront posées; où l'on n'exigera point que cette œuvre aussi difficile que salutaire soit terminée ni dans une semaine, ni dans un mois; cù l'on procédera avec la lenteur inséparable de toute opération de cette nature.

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