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1766-68. de Corse, avec cette condition que les Géndis

pourroient la reprendre, en remboursant tout ce que Louis XV auroit dépensé pour les soutenir. Restoit à soumettre le petit royaume qu'on nous cédoit. Le marquis de Chauvelin, qui tenta cette conquête avec quinze mille hommes, n'étant pas heureux contre Paoli, fut rappelé. Le maréchal de Vaux lui succéda. Il vint débarquer avec quarante-huit bataillons, et eut bientôt réduit la Corse. Paoli, hors d'état de résister à de telles forces, s'étoit réfugié en 1769. Angleterre. Le maréchal de Vaux retourna en France, laissant le commandement de l'île à monsieur de Marbeuf, qui avoit servi sous lui, et contribué à la conquête.

Ce fut le dernier événement militaire de ce règne. La fin en fut signalée par une révolution dans le gouvernement, qui redevint absolu par le bouleversement des grandes cours de justice. Le chancelier Maupeou entreprit cet audacieux changement, et se vit favorisé par les circonstances. Quelques uns pensent qu'il les amena. Elles naquirent du réveil ou de la continuation de la querelle du duc d'Aiguillon avec les Etats et la haute magistrature de la Bretagne. Nous avons vu que les membres du parlement de cette province, sortis de la Bastille, avoient été sur-le-champ condamnés à

que

l'exil; celui de la capitale remontra qu'une 1769. telle punition compromettoit leur honneur. Le roi, pour faire tomber ce sujet de plainte, déclara leur honneur n'étoit pas compromis; mais leur mécontentement, et celui de tous leurs partisans, ne pouvoit manquer d'être très-vif, puisque cette déclaration n'étoit qu'un vain palliatif qui ne faisoit pas même cesser leur disgrâce. Le duc d'Aiguillon, odieux aux Etats de Bretagne depuis la procédure de SaintMalo, s'en fit hair encore davantage, en voulant leur imposer un réglement qui anéantissoit le droit de la province, de ne recevoir de lois et de taxes que de son libre consentement. La fermentation fut telle dans ce pays, que le roi crut devoir en rappeler le commandant vers la fin de l'année. Il lui substitua le président d'Ogier, dont la prudence et la modération pacifièrent la Bretagne très-promptement. Le réglement qui l'avoit mise en rumeur fut supprimé, et les magistrats exilés rétablis dans leurs fonctions.

Là, auroit dû se terminer cette déplorable affaire; mais le parlement aigri fit informer contre les auteurs des troubles de la province. Un grand nombre de témoins chargèrent le duc d'Aiguillon, en lui imputant divers délits. Il avoit procuré à la Bretagne des grandes

1769. routes dont elle avoit le plus grand besoin. On

1770.

prétendit que, dans cette opération utile, il avoit commis des exactions et des abus de pouvoir; mais la passion dont on étoit animé contre ce commandant, rend ces témoignages fort suspects. Un procès criminel fut instruit. Le roi, attendu qu'un pair y étoit inculpé, ordonna que l'instruction s'en fît à la cour des pairs, séante au parlement de Paris, dont les audiences se tiendroient à Versailles, parce qu'il y vouloit assister.

La première s'ouvrit le 4 avril. Dans celle du 7, le procureur-général rendit plainte contre le duc d'Aiguillon, et la procédure de Bretagne fut cassée, comme l'ouvrage d'un tribunal incompétent pour juger un pair de France. On en commença une autre. Elle prit une tournure alarmante pour le gouvernement, et tout-à-fait anti-monarchique. On se permit de discuter la légitimité des ordres du monarque, exécutés par son préposé. Louis arrêta le cours de l'instruction par la plénitude de sa puissance. Tels sont les termes dont il se servit, par l'organe du chancelier. Dans un lit de justice, tenu le 1er juillet, il abolit toute la procédure, et imposa le silence le plus absolu au duc d'Aiguillon et à ses adversaires sur leur querelle. Le lendemain, le parlement rendit un arrêt

qui déclara l'accusé prévenu de faits qui en- 1770. tachoient son honneur, et suspendu des fonctions de la pairie jusqu'à ce qu'il fût purgé par un jugement légal et définitif. Le conseil cassa cet arrêt dès le jour suivant. Le parlement n'y eut aucun égard; le roi y vint tenir, à Paris, une séance royale, et faire enlever du greffe toute la procédure; ce qui donna lieu à de vives remontrances. Plusieurs des cours souveraines de la province en présentent de semblables. Le roi tient à Versailles (7 décembre) un lit de justice, où siége le duc d'Aiguillon au rang des pairs. Il y fait enregistrer un édit qui défend aux enquêtes et aux requêtes de provoquer l'assemblée des chambres, au parlement de se servir du mot de classes pour désigner les autres cours souveraines, de cesser le service, de se démettre, et de retarder les enregistremens par ses arrêts, le tout sous peine d'être cassé. De retour à Paris, le parlement proteste contre tout ce qui s'est fait dans cette séance, et suspend ses fonctions judiciaires. Le roi ordonne qu'il les reprenne. Le parlement dresse des remontrances. Le monarque irrité veut être obéi, avant de les recevoir. Le parlement, au contraire, ne consent à obéir qu'après leur réception. On attendoit le dénoûment de cette lutte prolongée. On dut

1770.

croire qu'elle se termineroit, comme beaucoup d'autres de ce genre, par une négociation amiable. Mais le chancelier Maupeou avoit résolu la destruction de ce parlement. Ligué avec le duc d'Aiguillon et le contrôleur-général, l'abbé Terrai, il commença d'abord par faire disgracier le duc de Choiseul, que ce triumvirat regardoit comme son ennemi, et le protecteur des parlemens. On fit connoître au roi que son ministre fomentoit, en Amérique, le mécontentement des colonies angloises qui commençoit à se manifester; ce qui nous attireroit une nouvelle guerre. La dernière avoit été si malheureuse, et nos finances étoient en si mauvais état, que le roi désiroit uniquement la paix. Il fut irrité qu'on songeât à la troubler sans son ordre, et le duc de Choiseul fut exilé (24 décembre). Son cousin partagea sa disgrâce. Ce ministre, nous parlons du premier, avoit de la noblesse dans le caractère, des vues élevées, une politique courageuse. Pour être convaincu de son mérite et de ses talens, il faut voir avec quelle amertume le grand Frédéric se plaint des obstacles qu'il apportoit à l'ambition des puissances unies pour l'envahissement de la Pologne (la Russie, l'Autriche et la Prusse). D'abord, il sentit la nécessité de contenir le fanatisme de ce

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