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attaqua, le 9 avril, une division françoise 1782. commandée par le vice-amiral comte de Vaudreuil. Le 11, nous étions dans une position à ne pouvoir être forcés de combattre, et à ne rien craindre pour la jonction projetée. Un de nos vaisseaux, le Zélé, se trouvant désemparé par un accident, arrivé dans la nuit, ne put suivre la flotte, et seroit probablement tombé au pouvoir des Anglois; c'eût été un bien petit malheur en comparaison de l'avantage d'une jonction désormais assurée. L'amiral de Grasse ne crut pas ce sacrifice nécessaire; au lieu de poursuivre sa route, il s'approche de l'ennemi, et dégage le Zélé. Mais il se voit forcé à une bataille où il a peu à gagner, et tout à perdre. Elle commence le 12 avril, vers sept ou huit heures du matin. Le vent nous étoit favorable; il change bientôt; l'ennemi, profitant avec adresse de cette circonstance, rompt notre ligne, et remporte la victoire. Un vaisseau françois est coulé bas, cinq tombent au pouvoir des Anglois, entre autres la Ville de Paris, de cent dix canons, que montoit l'amiral, et l'un des plus formidables navires qu'ait vus l'Océan : c'étoit le premier de cette force qui amenoit son pavillon; il est vrai qu'il l'avoit défendu jusqu'à la dernière extrémité. Bien des gens prétendirent

1782. que l'honneur exigeoit davantage. Le lende

main, Rodney rencontra, et prit encore deux
frégates et deux vaisseaux qui ne s'étoient point
trouvés à la bataille. Le marquis de Vaudreuil
et Bougainville, connu par son Voyage autour
du Monde, commandoient chacun une
trois divisions de la flotte. Il firent pendant et
après la bataille ce qu'on devoit attendre de
deux marins braves et expérimentés.

des

Les Anglois triomphèrent également en Europe des efforts réunis de la France et de l'Espagne contre le rocher de Gibraltar. Le marquis d'Arçon, colonel du génie, au service de France, avoit imaginé un nouveau moyen d'attaque c'étoit dix batteries flottantes, qui portoient cent cinquante pièces de canon, et qu'il fit approcher de la place, assez près pour espérer d'y faire brèche. Il croyoit, par un procédé habile, les avoir mises à l'abri des boulets rouges; il se trompoit ce fut par là que son opération échoua. Le duc de Crillon qui commandoit le siége, et les officiers espagnols qui s'y trouvoient, n'en avoient jamais bien auguré, et ne s'y étoient prêtés qu'à regret. Trois de ces batteries furent brûlées par le feu ennemi, et les Espagnols désespérés incendièrent les autres, à l'exception d'une seule qui tomba entre les mains des

Anglois. Plus de quinze cents hommes, espa- 1782. gnols et françois, périrent dans cette malheureuse tentative, Un brave capitaine anglois, nommé Curtis, courut de très-grands dangers pour en arracher beaucoup d'autres à la mort. Il eut le bonheur et la gloire d'en sauver quatre cents. L'amiral Howe en acquit une d'un autre genre, en forçant le détroit pour ravitailler Gibraltar, quoiqu'il n'eût que trente-trois vaisseaux, et fût attendu et surveillé par quarantesix espagnols et françois. Les flottes réunies ne purent l'attaquer qu'au retour. Un de ses vaisseaux tomba sous le vent; il se garda de commettre la même faute que le comte de Grasse : il l'abandonna, soutint vigoureusement l'attaque, eut l'art de se dégager, et rentra dans son île après avoir consommé une mission qu'il sembloit impossible de remplir. Le comte d'Artois et le duc de Bourbon firent leurs premières armes à ce malheureux siége de Gibraltar.

Dans l'Inde, un habile marin, sans remporter de victoires éclatantes, soutint avec honneur notre pavillon. Nous avions perdu, comme on l'a dit précédemment, à peu près tout ce que nous y possédions. Hyder-Ali, usurpateur du royaume de Mysore, dans la presqu'île de l'Inde, et notre allié, n'avoit pu arriver à

1782. temps pour nous conserver Pondichéri. Ikfit aux Anglois une guerre de dévastation, avec des succès différens, et finit par être battu. En 1781, nous envoyâmes dans les mers de l'Inde pour le secourir, lui, et les Hollandois écrasés par l'Angleterre dans cette contrée, une escadre de onze vaisseaux de ligne sous les ordres du bailli de Suffren, et trois mille hommes de troupes. Cet amiral ayant rencontré les Anglois sur les côtes de l'Afrique, leur livra une bataille, dans laquelle ils furent fort maltraités; il les combattit encore plusieurs fois dans l'Inde, sans avantages marqués, mais jamais sans gloire. Nos affaires, celles des Hollandois et d'Hyder, y prenoient une meilleure tournure, lorsque ce dernier mourut inopinément, et que la paix fut faite entre Loutes les parties belligérantes.

1733.

Le 20 janvier furent arrêtés les préliminaires entre la France, l'Angleterre, la Hollande et l'Espagne; le traité définitif ne fut signé que le 3 septembre suivant. L'Angleterre rendit à la Hollande ce qu'elle lui avoit pris; elle fit à l'Espagne la cession de Minorque et de la Floride occidentale: les François et les Anglois se restituèrent leurs conquêtes mutuelles, à l'exception de Tabago qui nous resta, et du Sénégal recouvré par nous. Les humiliantes.

conditions relatives à l'asservissement de Dun- 1783. kerque furent abrogées. Il fut fait, en 1786, entre les deux nations, un traité de commerce, en conformité d'un article de celui de 1783; les conditions nous en étoient désavantageuses. Par un accord particulier entre la GrandeBretagne et les Etats-Unis, fut reconnue l'indépendance des anciennes colonies angloises de l'Amérique septentrionale: elles consistent en treize provinces, ou cantons, en comptant pour deux la Caroline.

La guerre qu'on venoit de terminer n'avoit 1784-86. pu manquer d'ajouter au désordre de nos finances. A Necker, avoient succédé Joly de Fleury et d'Ormesson, tous deux trop foibles pour soutenir le poids de ce ministère dans un temps si difficile. Ce dernier, à la fin du mois d'octobre 1783, avoit été remplacé par Calonne, en beaucoup de points trop semblable à Fouquet. Charles Gravier, comte de Vergennes, ministre des affaires étrangères depuis l'avènement de Louis XVI à la couronne, fut nommé chef du conseil des finances après la mort de Maurepas, qui avoit cessé de vivre en 1781 (21 novembre). Cette fonction, sans caractériser positivement un premier ministre, donnoit une grande prépondérance sur tous les autres ministères. De tous ceux qui en rem

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