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leur-général. Ce procédé du garde des sceaux 1787. fut regardé de très-mauvais ceil par le gouvernement; on donna sa place à Lamoignon. Mais Calonne n'en perdit pas moins la sienne. Dès le lendemain, 9 avril, tous ses plans furent rejetés par les notables.

Brienne recueillit le fruit de ses intrigues : il fut fait chef du conseil des finances, et ensuite principal ministre. Après s'être élevé contre le système de Calonne pour en renverser l'auteur, quand il l'eut remplacé, il voulut en faire adopter, par les notables, les parties les plus importantes; mais, comme ils ne se décidoient positivement sur rien, il mit fin à leur assemblée le 25 mai. Six semaines après, le 6 juillet, il présente au parlement un édit sur le timbre, et, le 29 du même mois, un édit de subvention territoriale. Pour se décider sur l'enregistrement, le parlement demande que l'état actuel des finances lui soit communiqué. C'étoit porter la main sur la couronne. La demande étant refusée, cette compagnie, dans des remontrances au roi, déclare qu'aux seuls Etats-Généraux appartient le droit de consentir des taxes, et qu'il n'entend plus l'exercer; faute à peine croyable, dont nous verrons ailleurs la cause. Le roi fait enregistrer dans un lit de justice les impôts qu'on refuse (6 août).

1787. Le parlement, par un arrêté du lendemain, déclare nul tout ce qui s'y est fait. Cet arrêté fut cassé par le conseil. Le comte d'Artois, ayant été chargé de faire enregistrer les deux édits à la cour des aides, fut assailli d'outrages par la populace que déjà soudoyoient des mains inconnues. On auroit peut-être eu à déplorer un plus grand malheur sans la fermeté du chevalier de Crussol, capitaine des gardes du prince. La fermentation fut extrême dans la capitale. On crut en prévenir les suites en reléguant le parlement à Troyes. On négocia presque aussitôt avec lui; il consentit à enregistrer la prolongation du second vingtième, démentant ainsi sa déclaration d'incompétence; de plus les chefs promirent, 1°. qu'il ne seroit donné aucune suite à un arrêté pris avant l'exil du parlement, et par lequel il ordonnoit des informations sur les malversations qu'il supposoit commises dans l'administration des finances; 2°. de consentir à des emprunts successifs projetés par Brienne, jusqu'à la concurrence de quatre cent vingt millions. A ces conditions, il fut rappelé par des lettres patentes du 20 septembre. Après la fin de ses vacances, le roi se rend à la grand'chambre (19 novembre), accompagné des princes du sang et des pairs, pour faire enregistrer les emprunts. Le garde

des sceaux, Lamoignon, y déclare le roi 1787.

que

assemblera les Etats-Généraux dans cinq ans. Deux conseillers, Fréteau et Sabbatier, parlent avec violence, et contre l'emprunt, et contre la forme de l'enregistrement. Le duc d'Orléans ose protester. Le roi sort après avoir fait enregistrer son édit. Le parlement, malgré les promesses de ses chefs, que ceux-ci ne furent pas les maîtres de faire ratifier, déclara nulle cette transcription. Il n'en falloit pas davantage pour rendre impossibles des emprunts que les circonstances auroient, indépendamment de ces protestations, rendus très-difficiles. Ainsi le gouvernement se voyoit tout à la fois privé du moyen d'établir des taxes nouvelles, et d'emprunter. Il étoit réduit aux anciens impôts dont l'insuffisance étoit reconnue. Les deux conseillers récalcitrans furent enfermés dans des prisons d'Etat, et le duc d'Orléans exilé à son château de Villers-Cotterets. Le parlement de Paris, et, à son exemple, toutes les cours souveraines de la province réclamèrent avec une sorte de violence contre ces actes d'autorité. Ce fut à cette époque qu'un édit, sollicité par l'opinion publique, rendit l'état civil aux protestans. D'Esprémesnil s'opposa vivement à ce qu'il fût enregistré. Ne pouvant convaincre aucun de ses confrères, il

1787. leur dit, en montrant une image du Christ: « Voulez-vous le crucifier une seconde fois? »> Le temps n'étoit plus où de tels mouvemens oratoires pouvoient réussir. Le duc d'Orléans, bien loin de montrer la constance d'un chef de parti, abattu par une disgrâce si légère qu'elle en méritoit à peine le nom, fit solliciter son retour par la duchesse, son épouse, écrivit、 lui-même à la reine une lettre pleine des assurances de son repentir. Cette princesse, d'une bonté sans limites, demanda et obtint sans peine du roi, qui ne lui refusoit rien, la révocation de l'exil. Mais le bienfait ne fit pas oublier ce que le duc d'Orléans regardoit comme une offense. Il avoit d'ailleurs d'autres motifs de ressentiment: il étoit monté sur nos vaisseaux dans l'espoir d'obtenir un jour la charge d'amiral de France, possédée par le duc de Penthièvre, son beau-père; il se vit frustré de cette attente par la résolution que laissa connoître le roi, de conférer l'amirauté au duc d'Angoulême, et s'éloigna de la cour. Une circonstance naturelle l'en avoit rapproché : le mariage de sa fille aînée avec le duc d'Angoulême fut arrêté. La cour changea d'avis à cet égard, et destina Madame Royale à ce prince. Le duc d'Orléans ne laissa paroître alors aucun ressentiment; mais, dans

son exil de Villers-Cotterets, il jura de se 1787.

venger, et ne tint que trop ce fatal serment. L'impéritie du principal ministre ne tarda 1788. pas à lui en fournir l'occasion: il entreprit, comme Maupeou, de changer la constitution de l'Etat, en modifiant un peu le plan de ce chancelier; car celui-ci n'avoit rien mis à la place des parlemens pour l'enregistrement des lois et des impôts, et Brienne y substituoit une cour plénière, composée du roi, des princes de son sang et des plus grands personnages de France. Les jugemens ne devoient pas être tous ôtés aux parlemens; mais leur juridiction étoit réduite à très-peu de chose par la création de grands bailliages, qui devoient décider, par appel et en dernier ressort, presque toutes les affaires. Le principal ministre prépara en secret plusieurs lois qui devoient établir et appuyer son système; une entre autres mettoit en vacances toutes les cours souveraines. du royaume, afin d'empêcher leurs remontrances et leurs protestations. Pour que son projet ne fût pas divulgué, Brienne fit imprimer ses lois à Versailles dans une espèce de prison d'où les ouvriers ne pouvoient sortir. A force d'argent, dit-on, d'Eprémesnil se procure un exemplaire des édits qu'on imprime; fàcheux moyen que ne justifie pas

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