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veaux députés, dont on voyoit encore, observe M. de Bertrand, une foule couverts des haillons qu'ils apportoient de leurs provinces, rendirent contre les frères du roi et la noblesse françoise, sortis du royaume, un décret qui les condamnoît à mort, s'ils n'y rentroient avant le janvier. Un grand nombre d'émigrés (1) n'avoient eu d'autre moyen que la fuite en pays étranger pour se dérober aux terribles effets des fureurs populaires. Plusieurs s'entendant menacer par ceux qui vouloient s'emparer de' leurs biens dont la confiscation s'annonçoit d'avance dans les clubs, les abandonnoient à ces brigands pour sauver leur vic. Ce décret étoit une contravention formelle à la constitution, qui assuroit à chacun la liberté de quitter le royaume sans pouvoir être inquiété. Ainsi la constitution fut violée à l'instant de sa naissance. Le roi refusa de sanctionner un arrêté si atrocée. Il en fut de même d'un autre, rendu (29 novembre) contre les prêtres qui réfusoient le serment à la constitution civile du clergé, ét, pour ce seul refus, étoient privés des modiques pensions qu'on leur avoit accordées en compensation de leurs Liens confisqués, et de plus réputés suspects de ré

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(1) C'est encore un mot révolutionnaire.

1791. I

1792.

volte contre la loi (1). Une assemblée, qui rendoit de tels décrets contre des hommes paisibles, dont tout le crime étoit d'obéir à. leur conscience, devoit protéger les crimes véritables. Aussi ne fut-on pas surpris de la. voir terminer l'année par l'absolution de quarante-un Suisses du régiment de Châteauvieux, condamnés aux galères, non par la France, mais par leur propre nation, qui avoit transmis aux officiers des coupables les droits qu'elle conservoit sur les soldats tirés de son sein. Ces galériens, enfermés dans le bagne de Brest, ayant été mis en liberté, obtinrent, quelque temps après, les honneurs. de la séance au corps législatif. Il n'en faut pas davantage pour caractériser une telle

assemblée.

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Elle ouvrit, l'année 1792 (1er janvier), par un décret d'accusation contre les frères du roi et M. le prince de Condé, comme prévenus de conspiration contre l'Etat. Le 9 février, elle décréta le séquestre des biens des émigrés. Dans la suite on les confisqua. On. alla plus loin la convention dépouilla les

(1) Dans la discussion, un membre, affichant l'athéisme, déclara qu'il ne reconnoissoit d'autre Dieu que la loi. Quelques évêques constitutionnels se récrièrent; on y fit peu d'attention..

pères et mères des enfans mineurs qui avoient 1792 fui le sol françois; et alors la minorité ne se terminoit qu'à l'âge de vingt cinq ans. On poussa même la rapine et l'atrocité jusqu'à contraindre les pères, mères, aïeux et aïeules d'abandonner au fisc les biens que leurs enfans et petitsenfans pouvoient espérer dans leurs successions, et on ne laissa au propriétaire qu'une part d'enfant, en sorte qu'il perdoit, quoique régnicole, les cinq sixièmes de son bien, s'il avoit cinq enfans émigrés, et une plus grande portion si un plus grand nombre avoient fui le sol dévorateur qui les avoit vus naître.

Le désordre continuoit dans les provinces. Il étoit même, en quelques endroits, excité où protégé par la garde nationale. Les troupes en étoient quelquefois les témoins immobiles. Le maire d'Etampes, Simoneau, en essayant de dissiper un attroupement séditieux, fut massacré à la vue d'un piquet de cavalerie qui n'y mit aucun obstacle. Dans la séance du 10 mars, sur le rapport d'un député, nommé Brissot, le ministre des affaires étrangères, Modé Lessart, fut décrété d'accusation, sans avoir été même entendu (1), et envoyé à

(1) Il étoit bien évident que le ról, réduit à souffrir de telles horreurs, ne tarderoit pas d'avoir son tour.

1792. journaux furent supprimés, et leurs auteurs décrétés d'accusation ( 3 mai). Ce même jour, l'infortuné Louis XVI fut forcé de sanctionner le décret qui proscrivoit les défenseurs de ses droits; événement qui confirma l'intention manifestée par l'accusation précédente portée contre M. de Lessart. Pour renverser le trône il étoit naturel d'écarter préalablement ceux qui s'efforçoient de repousser les attaques continuelles que dirigeoit contre lui la révolution; et, pour assassiner le roi sans obstacle, il falloit écarter la foible garde (de dix-huit cents hommes) à laquelle l'assemblée constituante avoit eu l'insolente audace de le réduire. On dit sans obstacle, car il est bien évident qu'une troupe aussi peu nombreuse n'étoit pas suffisanté pour garantir la vie du roi contre des nuées de brigands enfantés ou déchaînés par la révolution. Quoi qu'il en soit, cette garde fut dissoute par un décret rendu à trois heures du matin (30 mai). Le duc de Brissac, qui la commandoit, fut décrété d'accusation. Le roi voulut refuser la sanction à ce décret atroce fondé sur les motifs les plus frivoles; les ministres lui annoncèrent qu'ils n'apposeroient ubin 2 lub antall

auteur de cette Histoire, et par Geoffroi, dans un sens tout-à-fait monarchique, colds', qua

point leur signature à ce refus. Il manifesta l'intention d'aller lui-même le prononcer à l'assemblée. Ils répondirent qu'ils ne l'y suivroient pas, lui persuadèrent que la garde et le château couroient le plus grand danger s'il persistoit à ne pas sanctionner l'accusation, et il céda. Le duc de Brissac, qui eût pu fair, se laissa mener à la haute-cour, dans la crainte sans doute de compromettre le roi. La sûreté du monarque alors fut uniquement confiée à la garde nationale parisienne, en attendant une nouvelle composition de celle qu'on venoit de dissoudre, et il s'en falloit beaucoup que tous ces gardes nationaux fussent bien disposés pour le roi.

Sa perte étoit comme arrêtée entre les deux partis principaux qui partageoient le corps lé→ gislatif, et qui tous deux vouloient une république. L'un avoit à sa tête Condorcet, savant de quelque réputation, et que Voltaire appeloit un mouton enragé, avec un nommé Brissot, homme obscur. Les députés de la Gironde, dont le plus connu étoit un avocat appelé Vergniaux, se joignirent à eux. Ils prétendoient chasser le roi sans l'égorger, en décrétant sa déchéance. L'autre faction, qui avoit pour chefs deux hommes étrangers au corps législatif, un avocat d'Arras,

1792.

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