1795. » Voulez-vous détruire le fanatisme et la reliConvention. »gion, offrez aux hommes des lumières. » Le projet fut conforme à cette doctrine:

Qu'il n'y ait, dit le rapporteur, aucun » prêtre avoué parmi vous, aucun édifice » destiné au culte, aucun temple, aucune >> dotation, aucun revenu public; en un mot, >> en respectant toutes les opinions, ne laissez » renaître aucune secte. » Il obtint ce qu'il demandoit tout signe extérieur de culte fut proscrit, et, pour en rendre la pratique dans l'intérieur plus difficile, l'article huit établit << que les communes ou sections de com>>munes, en nom collectif, ne peuvent acquérir ni louer de local pour l'exercice des » cultes. » C'étoit plus que proscrire le culte, c'étoit le flétrir.

Si la convention se portoit à quelque acte de justice de loin à loin, elle y étoit comme forcée par le cri public. Ce fut par cette impulsion qu'enfin elle put se déterminer, au grand regret d'un nombre considérable de ses membres, à mettre en jugement des assassins qui, avec un simulacre de formes légales,

ment, la proposition du psalmiste paroît plus vraisem→ blable: Cali enarrant gloriam Dei.

Les cieux instruisent la terre

A révérer leur auteur.

avoient si long-temps massacré l'innocence et 1795. la vertu, à sa porte, sous ses yeux, et par les Convention. ordres de ses chefs. Fouquier-Tainville et quinze de ses principaux complices expièrent foiblement par leur mort (7 mai) des crimes dont l'énormité eût mérité mille morts. Il fut prouvé au procès qu'ils avoient envoyé à l'échafaud, comme conspirateurs, des sourds, des mucts, des infirmes; qu'en deux heures ils condamnoient jusqu'à soixante accusés sans pièces probantes, sans témoins, et avec tant de confusion, que l'un périssoit quelque- fois pour l'autre. Ce ne fut que plus de neuf mois après Robespierre que ces misérables subirent son sort. Ils embarrassèrent les juges par la nature de leur défense. Ils n'avoient été, disoient-ils, et avec trop de vérité, que les instrumens des volontés impérieuses du comité de salut public, volontés dont ils ne pouvoient s'écarter qu'aux dépens de leur vie, et devant lesquelles la convention elle-même s'étoit courbée servilement. Outre qu'il étoit impossible de représenter des ordres pour tant d'atrocités, on décida justement que des crimes ne peuvent être ni autorisés ni justifiés par des ordres criminels. L'instruction du procès fit connoître que ces barbares se livroient à des plaisanteries en ordonnant des

>>

1795. meurtres. Ils disoient à un maître d'armes, en Convention prononçant sa sentence mortelle : « Pare cette botte-là.» Une femme de 75 ans, paralytique et sourde, accusée de conspiration, ne répondoit point aux interrogatoires. On avertit les assassins de l'infirmité qui l'en empêchoit. « Elle aura, dit l'un d'eux, conspiré

sourdement. » D'autres appeloient le fatal tombereau qui menoit au supplice, la bière des vivans (1). La punition de ces agens du crime commandoit celle des moteurs qui les avoient employés. Deux fois les comités de salut public et de sûreté générale furent dénoncés, et deux fois ils triomphèrent des plus justes dénonciations. Mais les soixante-treize conventionnels, qui avoient protesté contre la défaite des girondins, ayant été rappelés, le parti des anciens amis de Robespierre se trouva le plus foible; on revint à la charge. Il fut ordonné d'arrêter provisoirement Barrère, Billaud, Collot et Vadier. Ce dernier (membre du comité de sûre é générale ) s'enfuit. Les autres plaidèrent leur cause à la tribune, et il y eut un chef d'accusation qui

(1) Barrère, surnommé l'Anacréon de la guillotine, parlant de l'échafaud, dit : « C'est un lit un peu plus mal » fait qu'un autre. »

fournit à Barrère l'occasion de couvrir d'op- 1795. probre l'assemblée qui l'inculpoit : il s'agissoit Covention. de la loi des suspects, qu'on faisoit un crime aux comités d'avoir présentée à la convention. Barrère, le projet dans une main et la loi dans l'autre, prouva que l'assemblée, trouvant le projet trop doux, en avoit aggravé plusieurs articles. La confusion des accusateurs ne peut se peindre. L'instruction étoit fort longue; les accusés en craignoient l'issue; ils crurent une insurrection nécessaire pour assurer leur salut. Des femmes, des ouvriers forcèrent les portes de la convention ( 1er avril ), et demandèrent, avec menaces, du pain (1) et la constitution de 1793. Le général Pichegru (que nous aurons tant d'occasions de faire connoître) dissipa ce rassemblement, et désarma la section des Gravilliers, où il s'étoit formé. La convention, au lieu d'envoyer les quatre prévenus en jugement, prononça elle-même sur leur sort, et ordonna leur déportation. Collot et Billaud la subirent seuls. Vadier ne fut pas découvert, et Barrère fut sauvé, à Saintes, par des religieuses auxquelles il se donna, dit-on, pour un pieux personnage. Dix - sept conventionnels, qui

(1) Il y avoit disette, occasionnée par le maximum,

1795. avoient favorisé l'entreprise, furent conConvention. damnés à l'emprisonnement. Après ce petit avantage, remporté par la faction qu'on appela thermidorienne, l'assemblée flotta dans une espèce d'incertitude entre le bien et le mal. Elle ordonna de désarmer les agens les plus farouches de la tyrannie révolutionnaire. Quelques uns eurent la velléité de faire adoncir la rigueur des lois contre l'émigration. Un rapport de Chenier la fit maintenir, et l'on trouva équitable de laisser sans pain la femme et les enfans de celui que l'incendie de son château, la perspective d'une mort violente et inévitable dans sa patrie avoient contraint d'en sortir. Cette vacillation dans les principes et la conduite indiquant de la foiblesse, les hommes qui regrettoient le règne de Robespierre, l'âge d'or pour eux, se flattèrent de renverser aisément un pouvoir divisé, qui n'avoit point de marche fixe, et ne savoit trop ce qu'il vouloit. En conséquence, une autre insurrection, plus formidable que la dernière, fut arrangée presque aussitôt. Elle éclata le 20 mai. C'est sous la date révolutionnaire du 1 prairial qu'elle est plus connue. Un peu avant quatre heures du soir, la porte de la convention est enfoncée. La gendarmeric des tribunaux garantit quelque temps

er