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les députés; mais bientôt la populace est 1795. maîtresse de la salle. Elle tue Féraud, dé- Convention. puté des Hautes-Pyrénées (1), et met sa tête au bout d'une pique. Les complices, que les insurgés avoient dans l'assemblée, se hâtent de rendre les décrets les plus révolutionnaires; mais Legendre arrive à minuit avec une force armée prise dans les sections, et commandée par le général Raffet. Les insurgés s'enfuient, et ceux qui les avoient secondés sont arrêtés par un décret des vaincus, devenus vainqueurs à leur tour, et qui ont repris leur place. Les insurgés se retirent à la commune, où, élevant autel contre autel, ils prennent le titre de convention nationale du souverain; ils en sont encore chassés, et se réfugient au faubourg Saint-Antoine, qui, avec ceux de Saint-Marceau et des Gravilliers, se déclare pour eux; ils marchent ensemble sur la convention. La frayeur s'empare de l'assemblée. Elle envoie dix de ses membres pour fraterniser avec eux. L'orateur, qui est à leur tête, entre dans la salle, fait entendre leurs

(1) Qui avoit voté la mort de son roi, et en l'honneur duquel on prononça une oraison funèbre qu'il fut ordonné de faire traduire dans toute les langues de l'Europe, pour l'édification, sans doute, de ceux qui voudroient tuer le leur.

1795.

ordres, qui vont à tout bouleverser. Le Convention. président, saisi de terreur, l'embrasse; ce

pendant des députés se mêlent parmi les insurgés, les déterminent à se retirer, et, le 21 mai, à onze heures du soir, la convention est libre. Le lendemain elle fait conduire au supplice le meurtrier de Féraud, condamné par une commission militaire; le feu de l'insurrection se rallume; ce meurtrier est arraché des mains de l'exécuteur, et promené en triomphe au faubourg Saint-Antoine. La convention ordonne d'en désarmer les habitans. Une troupe de jeunes volontaires investit le lendemain (23 mai) ce foyer d'insurrection, et s'empare de son artillerie; mais bientôt ils sont cernés. On leur laisse néanmoins la vie; on se contente de leur faire abandonner ce qu'ils ont pris, et de les renvoyer accablés d'humiliations et d'outrages. La convention répare à l'instant cet échec : elle fait armer les sections de Paris. Trente mille hommes bloquent de nouveau le faubourg Saint-Antoine qui capitule, livre ses armes, et laisse enlever les chefs de l'insurrection. Trente-un subissent la mort, et un pareil nombre, des peines moins graves. On condamna en même temps à l'échafaud neuf des conventionnels qui avoient fait ou favorisé l'insurrection dans son principe.

Ils se tuèrent eux-mêmes ou se blessèrent 1795. presque tous.

A peine les troubles de prairial étoient finis, qu'on annonça la mort de Louis XVII. Il expira le 8 juin : les uns le crurent empoisonné; les autres, en plus grand nombre, attribuèrent sa mort au cordonnier Simon, qu'on lui avoit donné pour gouverneur, et qui le traita inhumainement. (Le monstre étoit mort sur l'échafaud avec Robespierre, depuis près d'un an ; mais le mal, produit par ses mauvais traitemens, étoit, dit-on, devenu incurable.) Ce jeune prince, de la figure la plus intéressante, donnoit les plus grandes espérances. On cite de lui plusieurs mots pleins d'esprit, de grâce et de sensibilité. Il n'avoit qu'un peu plus de dix ans lorsqu'il fut enlevé au monde. Il n'eut jamais que le titre de roi, qui ne lui fut même donné, de son vivant, que par quelques serviteurs fidèles, et que d'opiniâtres démagogues disputent encore aujourd'hui à sa mémoire.

Convention.

LOUIS XVIII.

Cette mort, qui rappeloit l'assassinat de l'auguste famille du jeune monarque, n'excita dans la convention aucun remords salutaire.

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1795. L'exécrable fête du 10 août fut célébrée par Convention. un discours digne de cette assemblée. Ce fut son président Daunou qui le prononça. Il qualifia la monarchie de gouvernement aussi vil qu'absurde, et dit, en parlant du palais des Tuileries, où siégeoit la convention : « Qu'il avoit vu s'écrouler le trône de soixante >> rois, et tomber depuis de la tribune, un >> monstre plus horrible qu'eux. » Il est à observer que ce président étoit un des membres les plus modérés de l'assemblée, ce qui peut faire juger des autres. Cependant cette assemblée, à qui véritablement convenoit le titre d'horrible donné par son président à tous nos rois, vouloit prolonger son règne, en paroissant se dissoudre. Elle fit une troisième constitution, et par deux décrets, des 5 et 18 fructidor (22 et 30 août) qu'elle y annexa, il fut décidé que tous ses membres seroient rééligibles, que les deux tiers au moins feroient nécessairement partie du nouveau corps législatif, et que le gouvernement, composé de cinq directeurs, seroit pris dans les deux tiers conservés. On fut généralement révolté de voir les auteurs de tant de maux et de ruines se constituer encore les arbitres des destinées de la France. Ils avoient soumis ces décrets, et la constitution séparément, aux suffrages

des assemblées primaires. La constitution 1795. fut acceptée, et les décrets de fructidor re- Convention. jetés formellement, ou non acceptés par la très-grande pluralité des François. Sur les quarante-huit sections de Paris, quarante-six les repoussèrent avec mépris et indignation; mais ceux qui les avoient proposés s'étoient réservé le recensement des suffrages; ils ne balancèrent pas à déclarer que la pluralité les acceptoit. Une immense quantité de votans n'avoient pas même daigné déliberer sur les décrets de fructidor. La convention prétendit que leur silence, que le manqué d'expression du refus équivaloit à une acceptation. Il paroissoit encore bien douteux qu'en adoptant cette extravagante manière de compter les suffrages, elle eût en sa faveur la pluralité. Les quarante-six sections de Paris, qui s'étoient déclarées contre sa tyrannie, décidèrent qu'elles n'auroient aucun égard à ses calculs mensongers; pour les réduire, la convention fit venir des troupes à Paris, et mit en liberté des voleurs, des assassins, les coopérateurs de l'oppression sous laquelle avoit gémi la France pendant deux années entières, et qu'on avoit enfermés depuis la petite révolution de thermidor. On leur donna des armes, le nom de patriotes de 1789, et, pour

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