Page images
PDF
EPUB

1795. effrayer et braver les Parisiens, on en fit une Convention. revue aux Tuileries. Les sections, menacées de voir renaître l'épouvantable régime de 1793, s'armèrent à leur tour, et s'approchèrent de la convention. Buonaparte, alors jeune officier, dont presque aucun habitant de Paris ne connoissoit le nom, commanda, sous le député Barras, l'armée des conventionnels. On dit que ce fut lui qui fit toutes les dispositions (1). Les sections, désirant la paix, envoyèrent des députés pour traiter avec l'assemblée. On étoit en conférence, le 13 vendémiaire (5 octobre), jour deux fois funeste, dans le cours de la révolution. Déjà les Parisiens, qui, dès le matin, étoient sous les armes, commençoient à se retirer, lorsque', vers cinq heures du soir, un coup de fusil partit de la maison d'un restaurateur des Tuileoù dînoient plusieurs députés. On assure que le signal en fut donné par d'autres conventionnels, d'un pavillon du château. Le combat s'engage en trois endroits assez voisins l'un de l'autre, en face de l'église de Saint-Roch, dans la rue Sainte-Nicaise, et dans la rue de l'Echelle. Les Parisiens, postés dans l'église,

ries,

(1) Nous parlerons bientôt des commencemens de cet homme trop fameux.

et

abattirent trois fois sur leurs pièces les ca- 1795. nonniers de la convention, ou les forcèrent Convention. à se retirer; mais les vainqueurs n'essayèrent pas même de prendre les canons abandonnés, qui peu après les foudroyèrent. Les honnêtes gens ne furent pas plus heureux dans les deux autres actions, ni dans une quatrième, et une cinquième, qui s'engagèrent près du Louvre, sur le bord opposé de la Seine. Ils perdirent environ deux mille hommes. Le crime triompha encore une fois. On ne sait pas trop ce qui eût résulté de sa défaite : il y avoit des sectionnaires qui, à la vérité, n'aspiroient à chasser la convention, que pour rétablir le trône (1); mais, ce sentiment n'étoit pas unanime. Il n'y avoit d'unanimité que dans l'horreur qu'inspiroit la convention. Cette horreur redoubla par les massacres de vendémiaire, et les procédures faites contre les opprimés. Trois commissions furent créées, pour juger à mort, sur-le-champ, et sans appel, les présidens, les secrétaires des quarante-six sections insurgées, et les journalistes,

(1) Un d'eux en manifesta clairement l'intention dans la section de l'Unité un membre de l'assemblée lui dit : « Je vous accuse de royalisme. » Il répondit : « Et moi, je m'en yante. »

1795. qui avoient osé proclamer la justice de leur Convention. cause. Le premier jugement envoyoit à l'é

chafaud Lebois, président, et Letrône, scerétaire de la section du Théâtre-François. Lebois se poignarda; mais il lui restoit un souffle de vie il fut traîné au supplice. Letrône. se cacha; cinq autres accusés furent condamnés par le même jugement; un plus grand nombre ensuite, qui ne subirent leur sentence qu'en effigie. On ne put saisir qu'un jeune homme, nommé Lafond, qui avoitcommandé une colonne insurgée. Il se glorifia du dessein qu'il avoit eu de renvoyer tous les constitutionnels, et porta courageusement sa tête sur l'échafaud. On fit aussi tomber celle d'un ancien secrétaire-général des finances, Lemaître, accusé d'avoir correspondu avec un comité d'émigrés, établi à Bâle, qui, dit-on, se proposoit de tirer parti des troubles de vendémiaire, pour relever le trône. Il fut condamné sur des indices fort légers, et même fort équivoques. Là, ne s'arrêtèrent pas les fureurs de la convention, fureurs, que ses partisans osèrent traiter de clémence. Une foule de prévenus ne craignirent pas de se montrer, et de provoquer un jugement. Les jurés les acquittèrent à l'unanimité, en déclarant qu'il n'y avoit pas eu

de révolte ils n'allèrent pas jusqu'à dire 1795. que du moins, s'il y en avoit eu, les con- Convention. ventionnels en étoient seuls coupables. Ceux-ci taxèrent les juges de foiblesse. Alors, malgré les déclarations des jurés, les tribunaux refusèrent de poser la question de la révolte. Ils la supposèrent hors de doute; mais ils ne purent empêcher qu'on ne déclarât les accusés non coupables, et qu'on ne les proclamât, sinon juridiquement, du moins très-hautement dignes d'éloges. La convention se vengca des sentimens qu'elle inspiroit, par un décret révolutionnaire, tel, qu'elle en rendoit avant l'époque du 9 thermidor. Cette loi, du 3 brumaire (25 octobre), répandit de nouveau la désolation et l'infortune sur la France entière. Tous ceux qui avoient provoqué ou signé des arrêtés contraires à la prolongation du pouvoir dans les mains des conventionnels, arrêtés appelés liberticides, tous les parens sou alliés des émigrés, jusqu'au degré d'oncles et de neveux inclusivement, furent sur-le-champ privés de toute fonction publique, et déclarés incapables d'en remplir jusqu'à la paix générale. Il en résulta d'abord la ruine totale d'une foule innombrable de particuliers, car il n'y avoit guère de famille, soit noble, soit bour

1795. geoise, où il n'y eût un émigré, ensuite une Convention. quantité prodigieuse d'emplois vacans, au profit des plus ardens révolutionnaires. Le même décret ordonna l'exécution dans les vingt-quatre heures, des atroces lois rendues en 1792 et 1793, contre les prêtres, sujets à la déportation, ou à la réclusion; et c'est ainsi qu'on observoit l'espèce de tolérance promise à tous les cultes, par le décret du 21 février! Les parentes d'émigrés furent parquées en surveillance dans les communes du domicile qu'elles avoient eu jusqu'à 1792. C'étoit un moyen sûr, et déjà pratiqué, pour savoir où les prendre, quand on voudroit ordonner des mesures plus acerbes. Enfin la convention poussa l'hypocrisie jusqu'à recommander paternellement (quels pères!) la surveillance de l'exécution d'un aussi abominable décret, à tous les amis des lois et de la liberté. La session de cette assemblée de désastreuse mémoire finit (le 26 octobre), par une amnistie pour tous les délits révolutionnaires, excepté le vol et l'assassinat. Quand on punissoit comme un crime, la fuite, qu'on appeloit émigration, et à laquelle les révolutionnaires avoient souvent contraint les fugitifs; quand on punissoit même les parens des fugitifs, il étoit con

« PreviousContinue »