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uns, témoins des convulsions de ceux de leurs 1799camarades qui, les premiers, ont pris le fatal Directoire. breuvage, courent vers la mer, et implorent la pitié de l'Anglois qui les reçoit et les envoie au commandant françois de Damiette. Un historien a observé que, malgré l'empoisonnement de ces malades, et le massacre des prisonniers dont on a parlé, Buonaparte n'étoit pas né sanguinaire; mais il ne regardoit les hommes que comme des instrumens de conquêtes, dont il croyoit permis de se débarrasser dès qu'ils devenoient incommodes. L'attouchement, fait par lui de quelques pestiférés dans l'hôpital, durant cette campagne de Syrie, est une fable imaginée par l'adulation, et dont ne parle aucun ouvrage digne de foi, quoiqu'on en fasse le sujet

d'un tableau.

L'armée, diminuée d'un quart, étoit ren-trée le 12 juin au Grand-Caire. Le 11 juillet, une flotte turque, ayant à bord des troupes de terre, parut devant Alexandrie, et alĺa mouiller près d'Aboukir, le 13. Buonaparte marche à l'ennemi, le bat (25 juillet), reprend le fort d'Aboukir, dont les Turcs s'étoient emparés; enfin, en très-peu de jours, détruit ou fait prisonnière une armée de dix-huit mille hommes.

Après cette victoire, le 23 août, le gé

1799.

néral

part d'Alexandrie pour retourner en Directoire. France. Il y est déterminé par l'impossibilité de se maintenir en Egypte, privé de toute communication avec la république qu'il servoit, et par la situation des affaires que lui apprirent des gazettes tombées entre ses mains. Les autres motifs de ce retour, publiés à cette époque, ne paroissent mériter aucune croyance; et l'on estime que Buonaparte fut sincère, lorsque, dans un ordre du jour, qui ne fut connu de l'armée qu'après son départ, il annonça que « les nouvelles d'Europe l'avoient décidé à

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partir pour la France. » Cependant, un mot d'une lettre qu'il laissa au général Kléber, feroit présumer qu'il étoit d'accord avec le directoire. « L'intention du gouvernement, dit-il, est » que le général Desaix parte pour l'Europe » dans le courant de novembre, à moins d'é» vénemens extraordinaires. » L'armée d'Egypte éclata en murmures, en apprenant la fuite de son général. Elle lui reprochoit de l'abandonner dans le péril où il l'avoit précipitée. Il laissoit les finances et l'armée dans l'état le plus déplorable. Dès les premiers mois de son arrivée, il avoit ruiné le pays en contributions, et déjà il avoit anticipé de plus d'une année sur le revenu qu'on pouvoit tirer de l'Egypte. Il étoit dû quatre millions à l'ar

mée, qui, réduite à un tiers environ, se voyoit 1799dénuée de vêtemens, d'armes et de munitions. Directoire. Kléber rétablit les finances, obtint des avantages sur les Turcs, et néanmoins ne vit d'autre moyen de salut, que de capituler avec eux et avec les Anglois pour l'évacuation de l'Egypte; mais le cabinet de Saint-James, trouvant la capitulation trop avantageuse pour la république, refusa de la ratifier. Kléber, forcé de continuer la guerre, défait à Héliopolis quatrevingt mille Turcs, avec dix mille hommes. Mais le 14 juin il est assassiné par un jeune musulman fanatique, auquel on fait subir un horrible supplice, qu'il endure sans proférer une plainte. On l'empale, et il n'expire qu'après quatre heures de tourmens. Le général Menou, qui s'étoit fait musulman, et qui avoit adopté le nom d'Abdallah, prit le commandement après la mort de Kléber. Les Anglois envoyèrent en Egypte le général Abercrombie, avec quelques troupes. Le 21 mars 1800, il fut attaqué par les François, à Canope, les battit, et fut tué. Hutchinson qui lui succéda, mit, après divers succès, le siége devant Alexandrie; Menou, sentant qu'il n'y pouvoit tenir, et n'ayant que huit mille hommes de troupes et treize cents marins, capitula le 2 septembre 1801. Le général Béliard, hors d'état égale

$799. ment de se défendre au Caire, avoit pris le Directoire, même parti un peu auparavant, et ramené en

France six mille hommes. Ainsi, se termina une expédition insensée, qui coûta aux François une belle armée, leur marine, et des sommes immenses.

Durant cette romanesque entreprise, la guerre se renouvela en Europe. Cette partie du monde essaya de briser sa chaîne. La circonstance lui parut favorable pour abaisser une république dont l'énorme puissance et les procédés révolutionnaires menaçoient d'achever de l'envahir, ou de la bouleverser. La cour de Naples, l'une des plus foibles, se déclara la première. Le général Mack, Autrichien, qui dirigeoit les forces napolitaines, marcha (novembre 1798) sur Rome, dont l'occupation, par les François, et la révolution, favorisée par eux, étoient, dit-il, une infraction au traité de Campo-Formio. Le directoire saisit cette occasion pour achever de dépouiller le roi de Sardaigne, qu'il tenoit déjà dans une sorte de servitude, et qu'il supposa être d'intelligence avec la cour de Naples. Il fit inopinément envahir ses Etats (5 décembre), et le contraignit de les céder à la république françoise. Le 9 du même mois, Victor-Emmanuel signa son abdication, et partit, dans la nuit, pour se

réfugier en Sardaigne. Il étoit accompagné du 1799. grand duc de Toscane, également chassé de ses Directoire. possessions par les armes françoises, sans avoir ni voulu ni pu opposer de résistance. Le roi de Naples, Ferdinand IV, ne fut pas plus heureux : il s'étoit trop hâté. Il se vit accablé, avant que l'Autriche et la Russie eussent eu le temps de le seconder. Mack étoit entré à Rome le 25 novembre 1798. Ce fut le terme de ses succès. Il fut battu en plusieurs rencontres, et abandonné par une grande partie de ses troupes. Le général françois Championnet, à son tour, envahit le royaume de Naples. Les grands, en général, veulent livrer la capitale. Les pauvres, les lazzaroni, la défendent durant trois jours. Enfin ils sont forcés de céder, et les François créent une république de plus, qu'ils appellent Parthénopéenne. Le roi avoit eu le temps de s'embarquer avec sa cour, et de se retirer à Palerme, en Sicile.

Le pape ne pouvoit causer à la république aucun ombrage; mais il en donnoit probablement au directeur la Réveillère, patriarche des théophilanthropes. Quel qu'en fût le motif, des soldats se saisirent du souverain pontife, vieillard de quatre-vingt-deux ans, que les François avoient confiné dans une chartreuse, près de Florence, après l'émeute dans laquelle

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