Page images
PDF
EPUB

1802. arrêtèrent que la nation seroit consultée, sur la Consulat question de savoir si Buonaparte seroit consul

à vie. Des registres sont ouverts; le plus grand nombre de ceux qui vont donner des voix est, comme on peut croire, pour l'affirmative. Un sénatus-consulte proclame ce résultat. Lorsqu'on le présente à Buonaparte, il répond: «La vie d'un citoyen est à sa patrie. Le

>>

peuple françois veut que la mienne lui soit » tout entière consacrée.... J'obéis à sa vo>> lonté. » C'est presque littéralement la réponse de Tartufe à l'imbécille qui lui demande s'il veut avoir la bonté d'accepter la donation de tous ses biens: La volonté du ciel soit faite en toute chose. Quelque temps avant de jouer cette misérable farce, concertée, sans doute, entre lui, les tribuns, le sénat et les deux consuls, ou, pour mieux dire, les deux consultans, il avoit créé une institution propre à lui faire des partisans à l'armée, même hors de l'armée : il fit rendre, le 19 mai, une loi qui établissoit une légion d'honneur, dont les membres étoient pris dans le militaire et le civil. A la décoration qu'on leur donna fut ajoutée une pension de deux cent cinquante francs pour les derniers grades, et qui pour le premier s'élevoit à cinq mille francs. Cette décoration fut conférée dans l'ordre civil avec une profusion ridicule,

et, ce qui étoit bien plus fàcheux, très-onéreuse 1802* à l'Etat, et dans la scule vue de multiplier les Consulat, partisans de l'usurpation.

Buonaparte employa le loisir de la courte paix d'Amiens, à s'asservir différens pays, sans prendre les armes. L'Helvétie, depuis son existence, comme Etat indépendant, vivoit heureuse sous des lois qui, sans être uniformes pour tous les cantons, étoient appropriées au génie et aux mœurs de chacun d'eux, lorsqu'il plut à la république françoise de lui imposer une constitution sur le modèle de la sienne. Depuis ce temps, la discorde agitoit ce malheureux pays. Buonaparte l'inonda de troupes ; et, sous prétexte d'apaiser les querelles de ses habitans, se déclara leur médiateur, se rendit leur maître, et lui donna encore une constitution; ce qui n'empêchoit jamais ce prétendu législateur d'exercer partout le despotisme le plus absolu. En France, il le poussa, l'année suivante (30 avril 1803), jusqu'à oser vendre aux Etats-Unis la Louisiane, une de nos colonies les plus précieuses, que nous lui avions cédée en 1763, mais qu'elle nous avoit rendue en 1800. Dès le commencement de 1802 (9 janvier), conséquemment avant la paix d'Amiens, il s'étoit emparé de la Cisalpine, à laquelle il avoit fait prendre le nom de république ita

1803. lienne, et dont il s'étoit fait nommer président. Consulat. Enfin, il réunit à la France le Piémont, qu'il

divisa en six départemens.

1803. Se voyant assuré, pour sa vie, de la toutepuissance, sous le titre de consul, et méditant de s'en faire attribuer un plus éminent, qui passeroit à ce qu'il avoit l'andace de nommer sa dynastie, il porta l'impudence jusqu'à faire proposer au roi, résidant alors à Varsovie, de renoncer et de faire renoncer tous les princes de son sang au trône, en lui proposant la Pologne pour indemnité. La réponse fut noble et modérée. La voici: (28 février) « Je ne con>> fonds pas M. Buonaparte avec ceux qui l'ont précédé ; j'estime sa valeur, ses talens mili» taires; je lui sais gré de plusieurs actes d'ad>> ministration: car le bien qu'on fera à mon

[ocr errors]
[ocr errors]

peuple me sera toujours cher. Mais il se » trompe, s'il croit m'engager à transiger sur » mes droits; loin de là, il les établiroit lui» même, s'ils pouvoient être litigieux, par la » démarche qu'il fait en ce moment.

[ocr errors]

J'ignore quels sont les desseins de Dieu » sur ma race et sur moi; mais je connois les obligations qu'il m'a imposées, par

[ocr errors]

le

rang

» où il lui a plu de me faire naître. Chrétien, » je remplirai ces obligations, jusques à mon >> dernier soupir; fils de saint Louis, je sau

» rai, à son exemple, me respecter jusque 1804. » dans les fers; successeur de François Ier, je Consulat >> veux, du moins, pouvoir dire comme lui: » Nous avons tout perdu, hors l'honneur.» Tous les princes adhérèrent à cette déclaration. Il ne resta donc à l'usurpateur d'autre moyen que la violence pour se maintenir. Ayant eu la folle espérance de voir accepter sa proposition, il conçut tant de dépit, quand il apprit qu'elle étoit refusée, qu'il donna l'ordre d'enlever le roi, et de le tuer s'il faisoit la moindre résistance. L'attentat ne put être exécuté; mais si la famille royale n'eût promptement quitté Varsovie, il est très-probable qu'elle eût subi le sort du duc d'Enghien.

Le gouvernement anglois n'avoit traité avec Buonaparte que pour apaiser les murmures du peuple, las d'une guerre si longue; mais, voyant le consul s'agrandir chaque jour en pleine paix, et sachant qu'il prenoit des mesures pour attaquer ses possessions dans l'Inde, il lui fait notifier un ultimatum, dont une des conditions est que l'Angleterre gardera Malte dix ans, et que la république, car son nom subsistoit encore, évacuera la Hollande. Les hostilités recommencent, et Buonaparte envahit le Hanovre. C'étoit le droit de la guerre ; mais il viola celuì des gens à l'égard de plus de sept mille Anglois,

1804 qui, sur la foi des traités, visitoient la France, Consulat et qu'il fit arrêter.

Un plus grand crime signala cette époque: des espions, envoyés depuis quelque temps à Londres, avoient trouvé le moyen de s'insinuer dans la confiance de quelques royalistes, réfugiés dans cette ville, et de leur persuader que Paris fourmilloit de sujets fidèles, qui n'attendoient qu'une occasion, et les moyens de se déclarer. Pichegru, et Georges Cadoudal célèbre chef des chouans, donnent dans ce piége, et se rendent à Paris; une foule d'émigrés les accompagnent ou les suivent. La police les y laisse tranquilles assez long-temps, pour avoir un prétexte d'immoler plus de victimes. Moreau, Pichegru, Cadoudal, sont arrêtés successivement, ainsi qu'un grand nombre d'autres. Les royalistes avoient formé un projet, qui se ressentoit de la noblesse de leur cause; aucun sang ne devoit être versé, s'il étoit possible, pas même celui de l'usurpateur; on devoit se borner à l'enlever, et à le déposer en Angleterre. Buonaparte conçoit aussitôt le dessein de venger dans le sang de la race royale, ce qu'il regarde comme un attentat. Supposant que le duc d'Enghien est un des auteurs du projet, il le fait arrêter à Ettenheim, dans le grand-duché

« PreviousContinue »