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courir la chance qu'il avoit voulu éviter. Paris 1814. subit la loi commune, et tout citoyen y fut Empire. réputé soldat. Cette dernière et tardive ressource ne pouvoit changer son sort. Déjà des flots d'étrangers inondoient la France. A leur approche, la Hollande avoit elle-même fait sa contre-révolution. Quelque temps après, les François se virent contraints d'évacuer la Belgique.

Les empereurs de Russie et d'Autriche, et le roi de Prusse, présidoient à l'expédition. Réunis à Francfort, ils avoient arrêté que, laissant derrière eux toutes les places fortes de la France, ils marcheroient droit à Paris. Ce fut Alexandre qui fit prévaloir cet avis pour le bonheur de l'Europe; car l'Autriche, dont la vue principale étoit la conquête de l'Italie, avoit proposé un autre plan. Ces trois monarques se réunirent encore à Bâle. La grande armée impériale austro-russe, dans laquelle se trouvoient aussi des Bavarois et des Wurtembergeois, composée de deux cent mille hommes, sous les ordres du général autrichien, prince de Schwartzenberg, avoit traversé la Suisse, sans éprouver d'opposition, les alliés y étant regardés comme des libérateurs. Le 1er janvier, ils passèrent le Rhin en trois endroits. Buonaparte veut négocier, et des conférences sont

1814. assignées du 15 au 20 janvier à Châtillon-surEmpire. Seine, sans interruption, toutefois, des hos

tilités; ce qui n'indique pas des dispositions très-pacifiques. Buonaparte, par lui-même, et par les journalistes, qui tous lui sont ou dévoués ou asservis, s'efforce d'intéresser la nation en sa faveur; car les alliés avoient déclaré n'en vouloir qu'à l'énormité de sa puissance; mais, sans parler des indifférens, il y avoit en France plus de vœux pour sa perte que pour son salut. Tout devoit donc être décidé par les seules troupes réglées. Celles des alliés étoient déjà au cœur de l'Etat, lorsque Buonaparte quitta Paris (25 janvier) pour les combattre. Ses premières opérations furent aussi heureuses que rapides. A la tête de soixante mille hommes, réunis à Châlons-sur-Marne, il vole vers Şaint-Dizier, occupé par un corps russe; et, après deux combats, dont l'un est donné dans le faubourg de la ville, il en chasse l'ennemi, puis marche sur Brienne, où il attaque l'armée, dite de Silésie, composée de Prussiens et de Russes, commandée par le général prussien Blucher, et l'en déloge; mais, secondés par les Autrichiens, bientôt, à leur tour, les Prussiens attaquent les François près du village de la Rothière, et les forcent à rétrograder. Presque aussitôt, la fortune

change encore une fois : Buonaparte bat l'armée 1814. de Silésie, à Champ-Aubert et une portion de Empire. la grande armée à Montereau; enfin, en cinq actions consécutives contre l'unè ou l'autre, il remporte toujours des avantages. Ces événemens, joints aux dispositions hostiles des habitans de la campagne, causent de l'hésitation, et même de l'inquiétude aux alliés. Ils se confessent, en quelque sorte, vaincus, en sollicitant un armistice, et en proposant des préliminaires de paix (19 février). Au nombre des articles, pour sauver la gloire de leurs armes, autant que pour leur sûreté, ils demandent qu'on leur laisse occuper la capitale jusqu'à la conclusion du traité définitif. Buonaparte, enflé de ses succès, déchire le projet, en s'écriant: « Je suis plus près de Vienne qu'eux de Paris. » Ce fut alors que la Russie, l'Autriche, la Prusse et l'Angleterre, conclurent à Chaumont ce traité si fameux, qui stipule entre elles une alliance de vingt ans, et l'obligation ́réciproque de ne faire ni paix ni trève avec l'ennemi commun, que d'un mutuel accord. Cet ennemi du genre humain marche sur Troyes, qu'occupent les alliés, et qu'ils évacuent à son approche. Lå, deux gentilshommes, MM. de Widranges et de Gouault, avoient eu le courage de reprendre la croix de Saint

1814. Louis lorsque la coalition s'étoit emparée de la Empire. place le premier n'y attendit pas l'arrivée de Buonaparte; l'autre eut l'imprudence de croire qu'il seroit occupé par des soins plus impor tans que celui d'une inutile vengeance. Mais la première pensée dú Corse impitoyable, en rentrant dans cette ville, est de faire fusiller l'infortuné de Gouault.

Il réussit encore (7 mars) à débusquer des hauteurs de Craone Blucher, qui se retire sur celle où est située la ville de Laon. Le vainqueur l'y attaque de nouveau (le 9). Il est repoussé, avec une perte considérable. Le 15, le congrès de Châtillon est dissous.

Cependant, Buonaparte, aux prises en Champagne avec les trois grandes puissances continentales de la coalition et plusieurs de leurs alliés, étoit attaqué dans les provinces méridionales par le général Wellington, qui, à la tête d'une armée angloise, espagnole et portugaise, étoit, depuis plus de quatre mois, entré en France, et avoit pris Saint-Jean-de-Luz. L'usurpateur tenta de se débarrasser de cette dernière guerre, qu'il ne pouvoit plus soutenir, et d'en rejeter le fardeau sur le roi d'Espagne, son prisonnier. Il lui fit signer (11 décembre 1813) un traité par lequel ce monarque, pour prix de la liberté qu'il lui rendit,

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et du trône qu'il feignoit de lui rendre, s'en- 1814. gageoit à combattre les Anglois; mais la junte Empire. suprême d'Espagne avoit d'avance annulé cette convention forcée, en déclarant qu'elle ne reconnoîtroit aucun acte signé par le roi, tant qu'il ne seroit pas libre. La levée en masse, ordonnée par l'usurpat eur dans les départemens du Midi, ne lui réussit pas davantage. L'arrivée du duc d'Angoulême, à Saint-Jeande-Luz, où il adresse une proclamation aux François, fait enfin renaître l'espérance dans les cœurs demeurés fidèles au souverain légitime, et présage la fin de la tyrannie. Une députation de Bordeaux se présente au neveu de Louis XVIII. Wellington qui, après des combats renouvelés durant quatre jours consécutifs (décembre 1813), s'étoit emparé de tout le pays entre la Mire et l'Adour, et s'étoit borné à s'y maintenir jusqu'à ce que les alliés eussent pénétré en France du côté de l'est et du nord, poussa ensuite le maréchal Soult jusqu'à Orthès, et le battit sous les murs de cette ville. Un détachement de l'armée victorieuse marcha sur Bordeaux, et le duc d'An-goulême y entra le 12 mars, aux acclamations de toute la ville.

Dans la Champagne, la grande armée austrorusse avoit repris l'offensive, antérieurement

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