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1814. aux affaires de Craone et de Laon. Le 27 février, Empire. elle gagna une bataille sanglante, dans la ville même de Bar-sur-Aube; elle ne dut sa victoire qu'à la supériorité du nombre ; car, en général, dans toute cette campagne, les François déployèrent un courage qui ne fut et ne sera jamais surpassé. Après d'autres avantages, la grande armée de l'Europe occupa de nouveau la ville de Troyes, que Buonaparte avoit reprise.

Quant à lui, pour couvrir l'échec de Laon, il alla (6 mars) surprendre Reims, tombé au pouvoir des Russes. Le général Saint-Priest, François émigré, qui commandoit un corps de l'armée d'Alexandre, rentre dans cette ville (12 mars), détruit ou prend presque toute la garnison. Buonaparte, qui étoit en arrière avec le gros de son armée, accourt. Le comte de Saint-Priest sort de la ville, et, soutenant avec fermeté un combat très-inégal, est blessé à mort. Sa petite troupe est vaincue. Une poignée d'hommes tient néanmoins dans la place, et ne l'évacue qu'après une capitulation qui lui est même offerte.

De Reims, Buonaparte marcha vers Arcissur-Aube, où étoit la grande armée. Il ne croyoit pas qu'elle l'y voulût attendre; car il avoit su que son projet étoit de se retirer

vers Troyes et Bar-sur-Aube, et avoit dit tout 1814. haut, le 19 mars : « Cette nuit j'irai prendre Empire. >> mon beau-père à Troyes. » Mais Alexandre avoit fait résoudre d'attendre l'ennemi dans Arcis même pour le combattre. Il y eut (le 20), près de cette ville, une action meurtrière qui ne fut point décisive. Le lendemain, les alliés se disposant pour une bataille générale, les François se retirent en plein jour. Leur chef venoit de former la résolution d'aller se placer en arrière des armées de la coalition,pour les séparer de leurs magasins, de leurs parcs de réserve, intercepter leurs convois, et grossir son armée des garnisons de plusieurs places frontières. Il avoit précédemment eu la pensée de cette manœuvre, que les circonstances apparemment ne lui avoient pas permis d'exécuter. Elle eût pu être fatale aux souverains coalisés, s'ils n'eussent pris à l'instant le parti courageux et décisif de se porter sur Paris, dont le chemin devenoit libre, en quelque sorte, par l'éloignement volontaire et subit de Buonaparte. Tout sembloit les y appeler : Lyon, au cœur de la France, et la seconde ville du royaume, alloit tomber au pouvoir de cinquante mille Autrichiens qui étoient à ses portes (ils y entrèrent le 21 mars). L'armée

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1814. des alliés n'avoit entre elle et Paris que les Empire, maréchaux Marmont et Mortier, dont les forces ne passoient pas douze mille hommes, et qui en perdirent la plus grande partie avant de parvenir aux environs de la capitale, où les alliés arrivèrent presque aussitôt qu'eux. Dix mille hommes de cavalerie observoient et suivoient les mouvemens de Buonaparte, qui, abusé, croyoit que toute l'armée ennemie se dirigeoit à sa poursuite vers la frontière. Il attaqua (26 mars) cette cavalerie, entre Saint-Dizier et Vitry, la battit et la dispersa. Le lendemain, dans la soirée, il est instruit que les deux armées réunies de la coalition s'avancent sur la capitale. Il en prend aussitôt le chemin. Il n'étoit plus temps. Les alliés, dès le 29 au matin, se trouvoient à deux lieues de Paris. Cambacérès, saisi de frayeur, s'enfuit avec les principaux de ceux qu'on appeloit dignitaires de l'empire, emmenant Marie-Louise, son fils, et recommandant aux Parisiens de verser tout leur sang pour la cause qu'il désertoit. Le prétendu roi d'Espagne, Joseph, prouva qu'il n'étoit qu'un méchant roi de théâtre. Ses proclamations annonçoient aux habitans de Paris qu'il ne les quitteroit pas. Le lendemain, il fut des premiers à s'enfuir. La police de Buonaparte

vouloit qu'on se défendît à Paris, comme les 1814 Espagnols à Sarragosse; elle exhortoit, par Empire. des affiches, à dépaver les rues, pour assommer l'ennemi à coups de pierres, et même à lui lancer des poutres par les fenêtres. Heureusement, on ne se battit du moins qu'aux portes de la ville. Il y coula encore beaucoup de sang, quoique la résistance fût inutile puisque le succès en étoit impossible. La garde nationale devoit, suivant son institution, se renfermer dans l'enceinte des murs. Un zèle inconsidéré en poussa une partie au-delà. Elle perdit plus de trois cents hommes, sans parler des blessés. De malheureux jeunes gens de l'école polytechnique furent transformés en canonniers, et un très-grand nombre resta sur la place, ou se retira couvert de blessures. Cent cinquante élèves de l'école vétérinaire périrent aussi misérablement pour la cause de l'usurpateur, et pour celle de quelques uns de ses plats valets qui se sauvoient, emportant les dépouilles de la France. Enfin, la ville, au moment d'être envahie, capitula. Une espèce de miracle la garantit du pillage, et la générosité des vainqueurs l'exempta de toute contribution. Le lendemain, 31, Alexandre et Frédéric entrent dans Paris. François s'étoit retiré à Dijon, laissant à ses

1814. deux illustres alliés le soin du dernier acte Empire. de la délivrance du Monde.

Restaura

you.

Les signes de l'empire disparoissant, ceux de la royauté leur succèdent. Une corde est attachée au cou de la statue de Buonaparte, sur la colonne de la place Vendôme, et le peuple crie « A bas le tyran, vivent le roi » et les Bourbons! » Le lendemain, le conseil municipal déclare, par une proclamation, abjurer toute obéissance à l'usurpateur, pour retourner au souverain légitime. Le sénat, odieux aux royalistes, se croyoit perdu. Ses: membres étoient ou en fuite, ou cachés. Il dut être fort surpris de se voir invité par les souverains alliés à désigner un gouvernement provisoire. On ne peut réunir que soixantecinq sénateurs, sur cent quarante-trois; ils nomment cinq gouvernans provisoires, et prononcent très surabondamment la déchéance de Buonaparte (2 avril ). Celui-ci, en l'apprenant, accable le sénat de ses trop justes mépris. << Il ne rougit pas, dit-il, » de me faire des reproches, oubliant que, >> comme premier corps de l'Etat, il a pris » part à tous les événemens ; il m'accuse » d'avoir changé des actes dans la publica» tion; le monde entier sait que je n'avois » pas besoin de tels artifices. Un signe de ma

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